Tribunal correctionnel d'Alès, 10 mars 2017, n° 16133000006

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Sur la décision

Référence :
T. corr. Alès, 10 mars 2017, n° 16133000006
Numéro(s) : 16133000006

Texte intégral

10/03/17

P REZLAN. époux X copres

- n° GRISET.

- ASS Epile pare. Cour d’Appel de Nîmes W

-no BOURGEON. Tribunal de Grande Instance d’Alès

.n. RATTER.

- плесоруй Jugement du : 10/03/2017

- OR J. Chambre Correctionnelle no SANCHER. N° minute 105/2017

- archives No parquet 16133000006 :

Plaidé le 20/01/2017 APPEL DESEROUX X le 16/03/17 Délibéré le 10/03/2017

APPEL ASS EPILEPSIE-FRANCE le 2010 Bilt

JUGEMENT CORRECTIONNEL

A l’audience publique du Tribunal Correctionnel d’Alès le DIX MARS DEUX MILLE DIX-SEPT,

Composé de :

Président : Mademoiselle ABEGG Amandine, Vice-Présidente

Assesseurs :

Madame L M, juge,
Madame N O, juge,

Assistées de Madame GROSIER Dominique, greffière,

en présence de Monsieur P Q, Procureur de la République ;

le tribunal vidant son délibéré dont les débats ont eu lieu le VINGT JANVIER DEUX

MILLE DIX SEPT

alors qu’il était composé de : O président Madame ABEGG Amandine, Vice-Présidente

Assesseurs :

Madame L M, Juge,
Madame R S, juge de proximité,

assistées de Madame GROSIER Dominique, greffière

en présence de Madame WELTE Nathalie, substitut du Procureur de la République partie jointe aux parties civiles poursuivantes

a été appelée l’affaire

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(V

MA ENTRE:

Monsieur Y et Madame X née K X AD AE, agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de Mademoiselle D X demeurant: Les

[…], comparantes et assistées de Maître Juliette GRISET du barreau de PARIS […]

APREL Pe 16/03/17. L’association Epilepsie-France agissant par son représentant légal dont le siège social est […] partie civile non comparante représentée par Maître REZLAN Orly du barreau de

[…] ; APPEL le 20/03/17
Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal, partie jointe

ET

personne morale prévenue : Raison sociale de la société : l’ASSOCIATION FEDERATION PRESENCE 30

AFPAM (association d’aide ménagère et d’aide à domicile des personnes âgées et des familles) N° SIREN/SIRET : 512 063 694

N° RCS :

[…]: prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège non comparante représentée avec mandat par Maître BOURGEON Laurence avocat au barreau de NIMES – […]

Prévenue du chef de :

DISCRIMINATION A RAISON DE L’ETAT DE SANTE OFFRE OU

FOURNITURE D’UN BIEN OU D’UN SERVICE

Prévenu

Nom: I W AG AH né le […] à […]

Nationalité : française Situation professionnelle : Directeur Général Demeurant : […]

Situation pénale : libre comparant assisté de Maître BOURGEON Laurence avocat au barreau de NIMES – […]

Prévenu du chef de : DISCRIMINATION A RAISON DE L’ETAT DE SANTE OFFRE OU

FOURNITURE D’UN BIEN OU D’UN SERVICE

Prévenue

Nom H V AI AJ née le […] à LENS (Pas-De-Calais)

Nationalité : française Situation professionnelle : Directrice d’établissement

Demeurant : […]

Situation pénale : libre non comparante représentée avec mandat par Maître BOURGEON Laurence avocat

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R non comparante représentée avec mandat par Maître BOURGEON Laurence avocat au barreau de NIMES – […]

Prévenue du chef de : DISCRIMINATION A RAISON DE L’ETAT DE SANTE OFFRE OU

FOURNITURE D’UN BIEN OU D’UN SERVICE

Prévenu

Nom J AA AF né le […] à […]

Nationalité : française Situation professionnelle Président de la communauté de commune de Cèzes

Cévennes

Demeurant: […]

Situation pénale : libre comparant assisté de Maître SANCHEZ Céline avocat au barreau de ALES,

Prévenu du chef de : DISCRIMINATION A RAISON DE L’ETAT DE SANTE OFFRE OU

FOURNITURE D’UN BIEN OU D’UN SERVICE

EN PRESENCE DE :

Madame T U épouse Z née le […] demeurant: SAINT-PRIVAT DES VIEUX

TEMOIN CITEE PAR LES PARTIES CIVILES

DEBATS

A l’appel de la cause, la présidente, a constaté l’absence de H épouse C V, la présence et l’identité de I W et J AA et a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.

La présidente a informé les prévenus de leur droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui leur sont posées ou de se taire.

Avant tout débat, Madame T U, témoin, a été accompagnée hors des débats par l’huissier ;

La présidente a instruit l’affaire, interrogé les prévenus présents sur les faits et reçu leurs déclarations.

Le témoin a été entendu en ses observations après avoir prêté serment en vertu des dispositions de l’article 446 du code de procédure pénale ;

Les parties civiles présentes ont été entendues ;

Les conseils des parties civiles ont été entendues en leurs demandes ;

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Les conseils des prévenus ont été entendus en leur plaidoirie ;

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Les prévenus ont eu la parole en dernier.

Le greffier a tenu note du déroulement des débats.

Puis à l’issue des débats, la présidente a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé le 10 mars 2017 à 09:00.

A cette date, vidant son délibéré conformément à la loi, le Président a donné lecture de la décision, en vertu de l’article 485 du code de procédure pénale,

Le tribunal a délibéré et statué conformément à la loi en ces termes :

Madame AE K AD épouse X, Monsieur Y

X, parties civiles poursuivantes, agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de Mademoiselle D X ont cité à comparaître à l’audience du 3 juin 2016 par acte d’huissier de maître A

B, Huissier de Justice à SAINT AMBROIX :

L’association FEDERATION PRESENCE 30-AFPAM agissant par son directeur général, Monsieur AA J, en qualité de président de la Communauté de Communes de CEZE Cévènnes, Monsieur W I en qualité de directeur général de l’Association FEDERATION PRESENCE 30, Madame V H épouse C;

ont procédé à la citation directe suivante :

Vu les articles 225-1, 432-7 et 121-7 du Code pénale ; Il est demandé au Tribunal correctionnel d’Alès de :

- Faire application de la Loi Pénale ;

Déclarer l’association Présence 30 – AMPAF, son Directeur Général, Monsieur

W I, ainsi que Madame V C, coupables du délit de discrimination; Déclarer Monsieur AA J, Président de la Communauté de commune de

Cèze Cévennes, coupable du délit de complicité de discrimination;

- Comdamner solidairement les prévenus à verser à Monsieur et Madame X la somme de 5.000 euros, en réparation de leur préjudice matériel, somme à parfaire au jour du jugement à intervenir;

- Condamner solidairement les prévenus à verser à Monsieur et Madame X la somme de 5.000 euros, en réparation de son préjudice moral; Condamner solidairement les prévenus à verser à l’enfant D X la somme de 10.000 euros, en réparation de préjudice moral;

-Condamner solidairement les prévenus à verser à Monsieur et Madame X la somme de 10.000 euros au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale;

- Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir :

- Condamner les prévenus aux entiers dépens.

Le 3 juin 2016, s’agissant d’une action par partie civile, par application de l’article 392

1 du code de procédure pénale, le tribunal a fixé le montant de la consignation à verser près la régie de ce tribunal à 3000 euros et renvoyé contradictoirement les débats à

l’audience sur le fond du 14 octobre 2016.

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Le 13 juin 2016, les parties civiles ont consigné la somme fixée par le tribunal près
Madame le régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal.

Le 14 octobre 2016 l’affaire a été renvoyée contradictoirement à l’audience du 20 janvier 2017.

I W a comparu à l’audience assisté de son conseil; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

H épouse C V n’a pas comparu mais est régulièrement représentée par son conseil muni d’un mandat ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

J AA a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

L’ASSOCIATION FEDERATION PRESENCE 30 -AFPAM est régulièrement représentée, il y a lieu de statuer par jugement contradictoire à son encontre.

****

EXPOSE DES FAITS

D, née le […], est atteinte d’une maladie génétique orpheline lui causant un syndrome épileptique généralisé en contexte fébrile, se traduisant par des crises convulsives.

À compter du mois de septembre 2014, la fillette a été prise en charge 3 jours/ semaine à la micro crèche à gestion associative « Les Drollets » à Meyrannes.

La micro crèche est gérée par l’association présence 30-AMPAF en délégation de service public de la communauté de communes de Cèze Cévennes. Sa prise en charge a donné lieu à trois Projet d’Accueil Individualisés signés les 18 septembre 2014, 28 mai 2015 et 18 janvier 2016.

En janvier 2016, les parents ont souhaité l’inscrire à temps plein afin que le père puisse reprendre une activité professionnelle. À cette période également, la micro crèche a changé de « référent technique » V H épouse C, éducatrice jeune enfant, a été embauchée à compter du 4 janvier 2016 en remplacement de Mme E

Z, infirmière diplômée d’État, les deux référentes étant présentes lors du mois de janvier 2016.

Le 29 février 2016, W I, directeur général de Présence 30, adressait une lettre de résiliation du contrat d’accueil à l’initiative du gestionnaire aux motifs que « aujourd’hui nous ne pouvons plus garantir un accueil sécurisé de votre enfant. Au regard des modalités qui étaient en place lors de la mise en œuvre du PAI et du changement actuel des personnels encadrant, l’application de ce dernier n’est plus possible. La micro crèche ne possède plus de personnel ayant une compétence médicale, ce qui n’est pas obligatoire au sein d’une micro crèche. Ainsi, pour la sécurité et la santé de D, nous ne pouvons plus à ce jour l’accueillir et respecter nos engagements de départ. Après validation auprès du médecin référent de la structure, nous vous informons mettre un terme au contrat d’accueil de votre enfant D

X en date du 29 février 2016 sans préavis. »

Par courrier en date du 4 mars 2016, le Dr F exerçant à l’hôpital

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AB AC- centre hospitalier spécialisé pour l’épilepsie à Marseille- précise que « l’utilisation du Buccolam se fait en intra buccal et peut être fait par toute personne sans formation médicale ni paramédicale préalable. (…) Je suis donc très étonnée de l’attitude de refus de garder en crèche cet enfant. En effet, la socialisation est un élément indispensable pour le bon développement social chez les enfants à risque de trouble du développement. L’épilepsie ne peut pas être un obstacle majeur à son intégration en crèche »>.

Par mail du 8 mars 2016, le Dr G, exerçant au centre hospitalier d’Alès, précisait également que « (..) Il m’apparaît évident que le lieu d’accueil de

D n’est pas un institut spécialisé compte tenu du développement normal de cette enfant. Depuis l’introduction du Buccolam dans les crises convulsives de l’enfant, il apparaît que ce traitement peut être administré par toute personne formée son administration et ne possédant pas de diplôme paramédical puisqu’il est déjà dosé et s’administrant par la bouche. Il ne peut y avoir de fausse route du fait de la petite quantité de produit qui n’est pas mis dans la bouche mais dans la joue. »

Les parents de D ont fait le choix procédural de citer directement les prévenus devant le tribunal correctionnel sans avoir auparavant déposé plainte, ni qu’aucune enquête pénale n’ait été menée.

Ils demandent la condamnation des prévenus pour discrimination s’agissant de Mme C née H, l’association ADPMF Présence 30 et M. I son directeur général ainsi que pour complicité de discrimination s’agissant de M. J président de la communauté de communes de Cèze Cévennes.

Ils sollicitent la condamnation solidaire des prévenus, au bénéfice de l’exécution provisoire, à verser :

5000€ à M. et Mme X au titre du préjudice matériel

5000€ à M. et Mme X au titre du préjudice moral

10000€ à D au titre du préjudice moral

10000€ au titre de l’article 475-1 du cpp.

L’association Epilepsie France se constitue partie civile et sollicite la condamnation solidaire des prévenus à lui verser 1€ à titre de dommages et intérêts et 3000€ sur le fondement de l’article 475-1 du CPP.

Le Procureur a sollicité la relaxe des prévenus au motif qu’aucune disposition légale ne permet à un personnel non médical d’administrer un médicament et que dès lors, l’exclusion de la crèche ne peut s’analyser en une discrimination.

Les prévenus ont sollicité la relaxe. L’AMPAF, Présence 30, Mme H épouse C et M. I sollicitent chacun 1€ à titre de dommages et intérêts et 3000€ au titre de l’article 475-1

du cpp.

M. J sollicite 2000€ au titre de l’article 475-1 du cpp.

MOTIVATION

L’article 225-1 du code pénal dispose que « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de (…) leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques,

(…). »>

L’article 225-2 du code pénal dispose que « la discrimination définie aux articles 225-1 et 225-1-1, commise à l’égard d’une personne physique ou morale, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste : Page 6/10


1° A refuser la fourniture d’un bien ou d’un service; (..)».

L’article 437-2 du code pénal dispose enfin que « La discrimination définie aux articles 225-1 et 225-1-1, commise à l’égard d’une personne physique ou morale par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste :

1° A refuser le bénéfice d’un droit accordé par la loi ;

2° A entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque »>.

En l’espèce, l’acte susceptible d’être qualifié de discrimination, sanctionné par le code pénal, consiste dans « le refus de la fourniture du service » d’accueil dans la micro crèche et serait survenu le 29 février 2016, date de la lettre signifiant l’arrêt immédiat de la prise en charge de D au sein de la structure.

Eu égard au contenu très explicite du compte rendu de réunion du 18 février 2016 et de la lettre de résiliation du contrat datée du 29 février 2016, il est constant et non contesté que l’arrêt de la prise en charge de D au sein de la micro crèche des

Drollets est bien lié à son état de santé, plus précisément le risque de crise d’épilepsie.

Les propos imputés par les parties civiles à Mme H épouse C lors de l’entretien du 22 janvier 2016, dont le contenu exact n’est pas démontré même s’il est établi par les pièces produites que cette dernière a souhaité s’excuser, ne peuvent constituer le délit de discrimination à eux seuls puisqu’ils n’ont pas fondé la décision du 29 février 2016.

De même, en vertu des dispositions des articles R2324-38, R 2324-39, R2324

53 du code de la santé publique, la micro crèche, qui, accueille dix enfants au maximum, n’avait ainsi pas d’obligation d’avoir un médecin de l’établissement, ni

d’embaucher comme directeur ou référent technique un personnel médical. Suite à la démission du référent technique, Mme Z, infirmière diplômée d’État, l’association n’avait ainsi pas l’obligation de recruter une infirmière. Le fait de recruter une éducatrice jeune enfant, alors même que le principe pour les structures accueillant 20 enfants au maximum est de recruter une éducatrice ou une puéricultrice ayant trois ans d’expérience, ne peut être ainsi considéré un élément constitutif du délit de discrimination qui suppose un élément intentionnel.

Les prévenus ne contestent pas que l’arrêt de la prise en charge de D est lié à son état de santé, mais évoquent un fait justificatif à cette distinction tenant à la législation qui ne permettrait pas à un personnel qui n’est ni médecin, ni infirmier, ni puéricultrice d’administrer le Buccolam à l’enfant en cas de crise, même dans le cadre

d’un PAI signé par les parents, le médecin traitant et le médecin référent de la crèche.

Les prévenus évoquent dès lors l’absence d’intention de se montrer discriminant.

Si les parties civiles arguent du fait que cette argumentation juridique serait intervenue a postériori pour justifier une position discriminante dès le départ, les pièces versées au dossier, notamment le compte rendu de réunion du 18 février 2016 et les échanges de mails antérieurs au 29 février 2016, permettent d’établir que la décision d’arrêt de la prise en charge a bien fait l’objet de débats préalables portant sur la possibilité ou non de mettre en œuvre un projet d’accueil individualisé dans une micro crèche ne disposant plus de personnel médical habilité à administrer un

médicament.

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L’article L. 4161-1 du code de la santé publique réserve aux seuls médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes (art L4111-61 CSP) et infirmiers (art L 4311

1CSP) le droit d’administrer des médicaments. L’administration se distingue évidemment de la prescription, laquelle consiste à prendre la décision d’administrer ou de faire administrer un traitement à un patient. L’article R. 4311-5 précise qu’il appartient en propre à l’infirmier d’assurer l’aide à la prise des médicaments présentés sous forme non injectable et la vérification de leur prise.

L’article R. 4311-7 du CSP prévoit que l’infirmier ou l’infirmière est habilité

à administrer des médicaments soit en application d’une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d’un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin.

L’avis rendu par le Conseil d’État, Section sociale – Avis n° 363 221 9 mars 1999, avis consultatif en vertu des dispositions de l’article L. 112-2 du code de justice administrative, distingue l’administration de médicament de l’aide à la prise de médicament. L’ « aide à la prise» de médicaments correspond au fait de « faire parvenir les médicaments » ou encore d’ «aider à prendre des médicaments qui ont été prescrits» à un malade qui serait empêché temporairement ou durablement

d’accomplir les gestes requis à cet effet.

La circulaire du 4 juin 1999 et celle du 8 septembre 2003 disposent que l’aide

à la prise d’un médicament est un acte de la vie courante « lorsque la prise d’un médicament a été laissée par le médecin prescripteur à l’initiative du malade ou de sa famille et lorsque le mode de prise, compte tenu de la nature du médicament, ne présente pas de difficulté particulière ni ne nécessite un apprentissage »>.

Le principe de hiérarchie des normes impose qu’une dérogation aux principes visés aux articles du Code de la Santé Publique, prévus par une loi, ne peut émaner que d’une source juridique ayant au moins une valeur législative. Les circulaires n’ont aucune valeur dans la hiérarchie des normes et ne peuvent dès lors ajouter des règles nouvelles ou prévoir des dérogations au cadre légal. Les circulaires visées par les parties ne peuvent dès lors avoir pour conséquence d’autoriser la délivrance d’un traitement par un personnel non médical en dehors du cadre posé par le code de la santé publique.

En l’espèce, un enfant âgé de moins de trois ans, non doté de la parole, ni du discernement, ne peut être considéré comme un malade qui serait < empêché temporairement ou durablement d’accomplir les gestes » requis à cet effet. Dès lors, le fait de suivre la prescription médicale ne peut être considérée comme une aide à la prise d’un médicament, mais entre dans le champ de l’administration d’un médicament quelle que soit sa facilité de prise.

Par ailleurs, à titre surabondant, par rapport à la circulaire du 8 septembre 2003 évoquant un mode de prise ne nécessitant pas un apprentissage, s’agissant du Buccolam, même si son administration ne nécessite pas d’injection, les parties civiles ont pu rappeler qu’une formation était délivrée par le père de famille aux différents personnels.

L’article L313-26 du code de l’action sociale et des familles a permis un assouplissement de ces dispositions en élargissant le domaine de l’aide à la prise d’un médicament en prévoyant que « Au sein des établissements et services mentionnés à

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l’article L. 312-1, lorsque les personnes ne disposent pas d’une autonomie suffisante pour prendre seules le traitement prescrit par un médecin à l’exclusion de tout autre,

l’aide à la prise de ce traitement constitue une modalité d’accompagnement de la personne dans les actes de sa vie courante. L’aide à la prise des médicaments peut, à ce titre, être assurée par toute personne chargée de l’aide aux actes de la vie courante dès lors que, compte tenu de la nature du médicament, le mode de prise ne présente ni difficulté d’administration, ni d’apprentissage particulier. Le libellé de la prescription médicale permet, selon qu’il est fait ou non référence à la nécessité de l’intervention d’auxiliaires médicaux, de distinguer s’il

s’agit ou non d’un acte de la vie courante. Des protocoles de soins sont élaborés avec l’équipe soignante afin que les personnes chargées de l’aide à la prise des médicaments soient informées des doses prescrites et du moment de la prise ». Cependant, ce texte ne peut s’appliquer en micro crèche, cet établissement ne faisant pas partie de la liste limitative de l’article L 312-1 du CASF. Le législateur a pris soin de préciser que dans certains établissements, précisément listés, « lorsque les personnes ne disposent pas d’une autonomie suffisante pour prendre seules le traitement prescrit par un médecin à l’exclusion de tout autre, l’aide à la prise de ce traitement constitue une modalité d’accompagnement de la personne dans les actes de sa vie courante. » A contrario, pour les établissements non visés à l’article L313-26 du CASF, le législateur n’a pas pas prévu de dérogation pour les personnes ne disposant pas d’une autonomie suffisante. Seul un personnel médical peut ainsi administrer un médicament.

A ce jour, au vu de la législation actuelle, aucune disposition légale, ni aucune autorisation émanant des parents ou du médecin, éventuellement dans le cadre

d’un PAI, ne peut permettre l’administration de médicament sur prescription médicale par un personnel non médical pour les enfants ne disposant pas d’une autonomie suffisante et n’étant pas accueillis dans un établissement visé par l’article L312-1 du

CASF.

Dès lors, compte tenu de la composition de la micro crèche des Drollets à compter du 4 février 2016, le fait de mettre un terme à l’accueil de D X ne constitue pas l’infraction de discrimination, le motif de cet exclusion étant lié à

l’état actuel de la législation.

Les prévenus seront ainsi renvoyés des fins de la poursuite.

Les constitutions de partie civile seront déclarées recevables, mais les parties civiles seront déboutées de leur demande du fait de la relaxe.

S’agissant de la demande en dommages et intérêts formulée par certains prévenus, l’article 472 du cpp dispose qu’en cas de relaxe, « lorsque la partie civile a elle-même mis en mouvement l’action publique, le tribunal statue par le même jugement sur la demande en dommages-intérêts formée par la personne relaxée contre la partie civile pour abus de constitution de partie civile »

En l’espèce, l’enfant avait déjà été accueillie pendant 18 mois sur la structure alors même que l’infirmière n’était pas systématiquement présente sur les lieux et le contexte relationnel difficile avec Mme H épouse C est établi et reconnu. L’arrêt de la prise en charge, alors même qu’un PAI avait été signé quelques semaines auparavant, a été brutal, . Dans ces circonstances, les époux X avaient des raisons de penser que leur fille était victime de discrimination et dès lors, leur citation

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N

17 directe ne peut être considérée comme abusive. Dès lors, il n’y a pas lieu à faire droit à la demande de dommages et intérêts.

L’article 475-1 du cpp dispose que « Le tribunal condamne l’auteur de

l’infraction à payer à la partie civile somme qu’il détermine, au titre des frais non payés par l’Etat et exposés par celle-ci. » Dès lors, la partie civile ne peut être tenue du paiement des frais non recouvrables prévu par l’article 475-1 du cpp, aucune infraction ne pouvant lui être reprochée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et contradictoirement à l’égard de l’ASSOCIATION FEDERATION PRESENCE 30-AFPAM, I W,

H V, J AA, X Y et
Monsieur X Y et Madame X née K

AD AE, agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de Mademoiselle D X, L’association Epilepsie-France agissant par son représentant légal, parties civiles ;

SUR L’ACTION PUBLIQUE :

Relaxe l’ASSOCIATION FEDERATION PRESENCE 30-AFPAM, I W

H V, J AA des fins de la poursuite sans frais ni dépens;

SUR L’ACTION CIVILE :

Déclare les constitutions de partie civile de Monsieur X Y et Madame X née K AD AE et L’association

Epilepsie-France recevables,

Déboute Monsieur X Y et Madame X née K

AD AE, L’association Epilepsie-France parties civiles de leurs demandes du fait de la relaxe des prévenus,

REJETTE les demandes de dommages et intérets et de sommes sur le fondement de

l’article 475-1 du code de procédure pénale formulées par les prévenus,

et le présent jugement ayant été signé par la présidente et la greffière.

LA PRESIDENTE LA GREFFIERE

3.

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