Tribunal correctionnel de Lille, 12 janvier 2023, n° 2023-219

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Sur la décision

Référence :
T. corr. Lille, 12 janv. 2023, n° 2023-219
Numéro(s) : 2023-219

Texte intégral

The Lud

Mentions des actes d’appel à la fin du jugement;

Cour d’Appel de Douai

Tribunal judiciaire de Lille

8ème Chambre Correctionnelle EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE DU TRIBUNAL

Jugement prononcé le : 12/01/2023 JUDICIAIRE DE LILLE

:No minute 2023-219

N° parquet 21270000146

Plaidé le 17/11/2022/Délibéré le 12/01/2023

JUGEMENT CORRECTIONNEL

A l’audience publique du Tribunal Correctionnel de Lille le DOUZE JANVIER

DEUX MILLE VINGT-TROIS

Composé de :
Monsieur VANDERMAESEN AJ, premier vice-président, Président :
Madame GUIEU Catherine, vice présidente Assesseurs :
Madame Edwige SOILEUX, magistrat honoraire

Assistés de Madame Audrey PETROCZI, greffière,

En présence de Madame AA AB, substitute,

Le Tribunal vidant son délibéré après débats sur le fond ayant eu lieu le 17 Novembre

2022 alors qu’il était composé de : PERBAD
Monsieur VANDERMAESEN AJ, premier vice-président, Président :
Monsieur FAURE Jean-Michel, vice-président, Assesseurs :
Madame AC AD, juge,

Assistés de Madame FLACHET Isabelle, greffière,

en présence de Monsieur PAPPO Florian, substitut,

a été appelée l’affaire

ENTRE:
Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE près ce tribunal, demandeur et poursuivant

PARTIES CIVILES:

L’Association Pour La SUPPRESSION Des AL AM, dont le siège social est sis […], partie civile, pris Bril en la personne de son représentant légal, non comparant représenté avec mandat par Maître A AE avocat au barreau de LILLE

L’association France Nature Environnement, dont le siège social est sis […], pris en la personne de son représentant légal, non comparant représenté avec mandat par Maître A AE avocat au barreau de

LILLE

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L’association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT Hauts de France Picardie

Nature, dont le siège social est […], […]

[…]

Barbier 7200000 LE MANS, partie civile, pris en la personne de son représentant légal,non comparant représenté avec mandat par Maître A AE avocat au 0 de LILLE. 3 0 G U 3 T SIA La FEDERATION NORD NATURE ENVIRONNEMENT, dont le siège social est sis. U M JA FEDERATION REGIONALE […], partie civile, prise en la personne de son représentant légal, non comparant représenté avec mandat par Maître A AE avocat au barreau de LILLE

Le GROUPE ORNITHOLOGIQUE ET NATURALISTE DU NORD PAS DE

CALAIS, dont le siège social est sis […], partie civile, pris en la personne de son représentant légal, non comparant représenté avec mandat par Maître A AE avocat au barreau de LILLE 01.021 L’association W dont le siège social se situe […]

[…], pris en la personne de son représentant légal,non comparant représenté avec mandat par Maître A AE avocat au barreau de LILLE

L’association NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIÈRES,

TRUITE-OMBRE-SAUMON dont le siège sociale est […], […] pris en la personne de son représentant légal,non comparant représenté avec mandat par Maître A AE avocat au barreau de LILLE

L’ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES, dont le siège social est sis […], partie civile, pris en la personne de son représentant légal,non comparant représenté avec mandat par Maître B Nina avocat au barreau de LILLE

la LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, dont le siège social est sis

[…], partie civile, pris en la personne de son représentant légal,non comparant représenté avec mandat par Maître B NINA avocat au barreau de lille.

Le SYNDICAT MIXTE DE GESTION DU PARC NATUREL REGIONAL

SCARPE-ESCAUT, dont le siège social est sis 357 Rue Notre-Dame d’Amoor PARC NATUREL REGIONAL 59230 ST AMAND LES EAUX FRANCE, partie civile, pris en la personne de son représentant légal,non comparant représenté avec mandat par Maître CHABERT Alexis avocat au barreau de LYON

L’association Parc Naturel des Plaines de l’Escaut non comparant représenté avec mandat par Maître CHABERT Alexis avocat au barreau de LYON

La FEDERATION DU NORD POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU

[…], dont le siège social est sis […], partie civile, prise en la personne de son représentant légal,non comparant représenté avec mandat par Maître DELMOTTE Theo avocat au barreau de

Lyon et Maître DELDIQUE

L’Agence pour l’environnement et le forêt AGENTSCHAP VOOR NATUUR EN

BOS, dont le siège social est sis […], partie civile, pris en la personne de son représentant légal, non comparant représenté avec mandat par Maître Y

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L’Agence Flamande pour l’environnement VLAAMSE MILIEUMAATSCHAPPIJ, dont le siège social est […] partie civile, pris en la personne de son représentant légal, non comparant représenté avec mandat par Maître Y

[…], dont le siège social est sis […], partie civile, prise en la personne de son représentant légal, non comparant représenté avec mandat par Maître JOUBIER

KELIM DA Le SYNDICAT MIXTE ESCAUT ET AFFLUENTS, dont le siège social est sis […], partie civile, pris en la personne de son représentant légal,non comparant représenté avec mandat par Maître CATTOIR Didier avocat au barreau de DUNKERQUE

[…] de la Police et des Contrôles, dont le siège social est sis […]

BELGIQUE, partie civile, prise en la personne de son représentant légal, non comparant représenté avec mandat par Maitres LEPAGE, DENIS et SAINT AMAN

La REGION WALLONNE Département de la Nature et des Forêts, dont le siège social est sis Service de la […]

Jambes NAMUR BELGIQUE, partie civile, prise en la personne de son représentant légal, non comparant représenté avec mandat par Maître LEPAGE, DENIS et SAINT AMAN

La VILLE DE TOURNAI, dont le siège social est sis 52 rue Saint V TOURNAI

7500 BELGIQUE, partie civile, prise en la personne de son représentant légal,non comparant représenté avec mandat par Maître RIVIERE

La VILLE D’ANTOING, dont le siège social est […]

7640 BELGIQUE partie civile, prise en la personne de son représentant légal,non comparant représenté avec mandat par Maître RIVIERE

[…], dont le siège social est sis […], prise en la personne de son représentant légal,non comparant représenté avec mandat Maître TAMALET Jean avocat au barreau de PARIS substitué parpar Este Maître A AE

ET

Prévenu

Raison sociale de la société : T FRANCE

N° SIREN/SIRET : 533247979

[…]

comparante en la personne de son représentant légal Monsieur X, assisté par Maîtres MOUSTARDIER Alexandre et GAZZARIN avocat au barreau de

PARIS,

Prévenu des chefs de :

DEVERSEMENT PAR PERSONNE MORALE DE SUBSTANCE NUISIBLE

[…], SUPERFICIELLES OU DE LA MER faits commis du 9 avril 2020 au 30 avril 2020

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REJET EN EAU DOUCE OU PISCICULTURE LA NUIT, PAR PERSONNE MORALE, DE SUBSTANCE NUISIBLE AU POISSON OU A SA VALEUR

ALIMENTAIRE – POLLUTION faits commis du 9 avril 2020 au 30 avril 2020

MISE EN PLACE SANS AUTORISATION PAR PERSONNE MORALE D’UNE

INSTALLATION OU D’UN OUVRAGE NUISIBLE A L’EAU OU AU MILIEU

AQUATIQUE faits commis du 1er janvier 2017 au 30 avril 2020 O

EXPLOITATION SANS AUTORISATION PAR PERSONNE. MORALE D’UNE

INSTALLATION OU D’UN OUVRAGE NUISIBLE A L’EAU OU AU MILIEU

AQUATIQUE faits commis du 1er janvier 2017 au 30 avril 2020

EXPLOITATION SANS AUTORISATION PAR PERSONNE MORALE D’UNE

INSTALLATION AYANT PORTE UNE ATTEINTE GRAVE A LA SANTE OU A

LA SECURITE DES PERSONNES OU DEGRADE SUBSTANTIELLEMENT

L’ENVIRONNEMENT faits commis du 1er janvier 2017 au 30 avril 2020

DEBATS

A l’appel de la cause, le président a constaté l’absence de son représentant légal de le T FRANCE, et a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.

Le président informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

Maitre Riviere, conseil de la ville de TOURNAI E et ANTOING a été entendu en sa plaidoirie.

Maitre Y, conseil de l’agence pour l’environnement et la forêt agentschap voor natuur en bos et l’agence flamande pour l’environnement Vlaamse milieumaatschappij

a été entendu en sa plaidoirie.

Maitre JOUBIER conseil des voies navigables de France a été entendu en sa plaidoirie.

Maitre CATTOIR conseil du syndicat mixte Escaut et affluents a été entendu en sa plaidoirie.

Maitre Z conseil du syndicat mixte de gestion du parc naturel régional Scarpe Escaut et l’association sans but lucratif parc naturel des plaines de l’Escaut a été entendu en sa plaidoirie.

Maitres DELMOTTE et DELDIQUE conseils de la fédération de la pêche et la protection du milieu aquatique ont été entendus en leur plaidoirie.

Maitre A conseil de l’ANPER-TOS, W, ASPI, l’association < picardie nature », Nord Nature Environnement, du groupe ornithologique et naturaliste ainsi que France Nature Environnement a été entendu en sa plaidoirie.

Maitre B conseil de l’association pour la protection des animaux sauvages et de la ligue pour la protection des oiseaux a été entendu en sa plaidoirie.

Maitres LEPAGE, DENIS et SAINT AMAN, conseils de la région WALLONNE ont été entendus en leur plaidoirie.

Maitre ROBIQUET conseil de VLAAMSE WATERWEG a été entendu en sa plaidoirie.

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Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.

Maîtres MOUSTARDIER Alexandre et conseils de T FRANCE ont été 3 entendus en leur plaidoirie.

La greffière a tenu note du déroulement des débats.

Puis à l’issue des débats, le tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé le 12 janvier 2023 à 9 H.

A cette date, vidant son délibéré conformément à la loi, le Président a donné lecture de la décision, en vertu de l’article 485 du code de procédure pénale,

Le tribunal a délibéré et statué conformément à la loi en ces termes :

T FRANCE a comparu, représentée légalement; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Elle est prévenue :

d’avoir à THUN SAINT V, IWUY, C, dans la région HAUTS DE FRANCE, et de manière indivisible avec des faits commis sur le territoire du royaume de BELGIQUE, entre le 9 avril 2020 et le 30 avril 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvertpar la prescription de l’action publique, par la décision prise pour son compte, par l’un de ses organes ou représentants, en l’espèce M. AF G, directeur d’établissement, jeté, déversé ou laissé s’écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, en l’espèce notamment l’Escaut, l’Erclin, La Râperie, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques, en l’espèce des eaux de lavage de betteraves fortement chargées en matière organique, dont l’action ou les réactions ont, même provisoirement, entraîné des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la faune et la flore, faits prévus par AN AO C.ENVİR., AG AH et réprimés par D, AN AO, […]

20,30,40,50,60,80,9° AH.

d’avoir à THUN SAINT V, IWUY, C, dans la région HAUTS DE FRANCE, et de manière indivisible avec des faits commis sur le territoire du royaume de BELGIQUE, entre le 9 avril 2020 et le 30 avril

2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps. non couvert par la prescription de l’action publique, par la décision prise pour son compte, par l’un de ses organes ou représentants, en l’espèce M. AF G, directeur d’établissement, déversé ou laisser s’écouler dans un cours d’eau, un canal, un ruisseau ou un plan d’eau, en l’espèce notamment l’Escaut, l’Erclin, et La Râperie, une ou des substances quelconques, en l’espèce des eaux de lavage de betteraves fortement chargées en matière organique, dont l’action ou les réactions ont détruit le poisson ou nuit à sa nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur alimentaire, avec cette circonstance que les faits ont été commis la nuit, faits prévus par ART.L.432-2 AO, ART.L.431-3, E, F, […]. 121-2 AH et réprimés par D, ART.L.432-2 AO, ART.L.437-19, […]

C.ENVIR., ART.131-38, […], […], […], […], […], […], 9° AH.

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.

d’avoir à THUN SAINT V, IWUY, C, dans la région HAUTS DE FRANCE, et de manière indivisible avec des faits commis sur le territoire du royaume de BELGIQUE, entre le 1er janvier 2017 et le 30 avril 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription de l’action publique, par la décision prise pour son compte, par l’un de ses organes ou représentants, en l’espèce M. AI I et M. AF G, directeurs d’établissement, sans autorisation environnementale délivrée par l’autorité administrative, mis en place une installation, ou un ouvrage, en l’espèce un barrage de retenue réhabilité suite à la fusion de 3 bassins pour former un bassin unique de décantation, susceptible de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment au peuplement piscicoles, faits prévus par Art.L.173-1 §I […], Art.L.214-1, Art.L.214-3 §I, Art.L.181-14 AO, […], Art.R. 181-46§I, […],

Art. 121-2 AH et réprimés par D, Art.L.173-1§I AO, Art.L.173-5 C.ENVIR. Art. 131-38, Art. 131-39 20,30,40,50,60,80,9° AH

d’avoir à THUN SAINT V, IWUY, C, dans la région HAUTS DE FRANCE, et de manière indivisible avec des faits commis sur le territoire du royaume de BELGIQUE, entre le 1er janvier 2017 et le 30 avril 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription de l’action publique, par la décision prise pour son compte, par l’un de ses organes ou représentants, en l’espèce Mr AI I et AF G, directeurs d’établissement, sans autorisation environnementale délivrée par l’autorité administrative, exploité une installation ou un ouvrage, en l’espèce un barrage de retenue réhabilité suite à la fusion de trois bassins pour former un bassin unique de décantation, susceptible de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment au peuplement piscicoles, faits prévus par Art.L.173-1 §I […], Art.L.214-1, Art.L.214-3 §I, Art.L.181-14 AO, […], […]

Art. 121-2 AH et réprimés par D, Art.L.173-1§I AO, Art.L.173-5 C.ENVIR. Art. 131-38, Art. 131-39 20,30,40,50,60,80,9° AH

d’avoir à Thun Saint V, Iwuy, C, dans la région HAUTS DE FRANCE, et de manière indivisible avec des faits commis sur le territoire du royaume de BELGIQUE, entre le 1er janvier 2017 et le 30 avril 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription de

l’action publique, par la décision prise pour son compte, par l’un de ses organes ou représentants, en l’espèce M. AI I et AF G, directeurs d’établissement, sans autorisation environnementale délivrée par l’autorité administrative, exploité une installation ou un ouvrage, en l’espèce un barrage de retenue réhabilité suite à la fusion de trois bassins pour former un bassin unique de décantation, ayant entraîné une atteinte grave à la santé et ou à la sécurité des personnes ou une dégradation substantielle de la faune, la flore, la qualité de l’air, du sol ou de l’eau, faits prévus par les Art.L.173-3 2°, Art.L.173-1, Art.L.173-1 §I […], Art.L.214-3,

[…]. 121-2

AH et réprimés par les D, […], […], Art. 131-39 10,20,30,40,50,60,80,90,12° AH

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SUR L’ACTION PUBLIQUE :

Dans la nuit du 9 au 10 avril 2020, un accident se produisait sur la commune de THUN SAINT V. L’alerte était donnée par un agriculteur signalant une fuite d’environ 80 m3 par heure le 9 avril vers 14H. L’Union de Coopératives

Agricoles T France (ci-après T) indiquait avoir été alerté à 14H22, avoir fait appel à son prestataire habituel, la société HYDRAM, vers 17H et avoir informé la Direction Régionale de l’Environnement de

l’Aménagement et du Logement (DREAL) à 17H20. HYDRAM installait grues, bennes et groupe électrogène vers 20H pour débuter ses opérations vers 22H et mettre la pompe en action vers 23H. Néanmoins, cette chronologie communément admise en procédure, n’était pas confirmée par le directeur d’HYDRAM qui déclarait avoir été appelé vers 15H30, avoir dépêché un de ses ouvriers et lorsqu’il était arrivé à 17H30, avoir constaté que le flux était déjà trop puissant pour intervenir.

Une brèche se produisait dans la nuit sur une digue du bassin de lagunage

< IWUY canal » libérant environ 100.000 m3 d’eaux lagunées, noires et nauséabondes qui se déversaient dans les pâtures et rivières avoisinantes, inondant habitations et jardins, remontant en amont le ruisseau des flaques, la Râperie, la rue des Cutiviers puis J. Bart avant de se déverser en aval dans l’Eclin, affluent du canal de l’Escaut, les écluses d’Iwuy, de Pont Malin à

Bouchain jusqu’à Goezlin, le réseau fluvial, la Sensée puis le canal du Nord, passant par le «.bassin rond »>, zone naturelle classée ZNIEFF.

L’enquête était confiée à la BTA d’IWUY sous le contrôle du parquet de

Cambrai, territorialement compétent, avant que le dossier ne soit transmis au pôle régional de l’environnement de Lille le 13 septembre 2021. Les faits ont eu lieu durant la période de confinement strict lié au covid, ce qui a nui aux premières constatations, les responsables de la DREAL et de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) se voyant d’abord refuser par leur hiérarchie les autorisations de déconfinement nécessaires (PV n° 354/1 BTA IWUY). La crise sanitaire a sans doute également entravé l’information des autorités belges puisque, malgré l’existence d’une « convention internationale de l’Escaut », aucune alerte ne leur a été transmise, la Wallonie ne pouvant que constater la mortalité piscicole lors du passage de la pollution dans le fleuve. Cela est d’autant plus regrettable que les Wallons ont pu alerter leurs homologues Flamands qui, mobilisant d’importants moyens et notamment des oxygénérateurs, réussiront à sauver près de 90% des poissons.

Les eaux étaient fortement chargées en matière organique présentant une Demande Chimique en Oxygène (DCO) au taux de 8000 ppm (mg/litre) modifiant le taux d’oxygène dissous des cours d’eau dans lesquels elle était déversée. Le directeur de T, M. G, admettait la possibilité

d’asphyxie de la faune aquatique par manque d’oxygène. En effet, la pulpe de betterave en décomposition contient des bactéries consommant une grande quantité d’oxygène. Cette pollution par asphyxie du milieu aquatique est générée par des bactéries créant une réaction chimique qui se développe en consommant l’oxygène de l’eau. La pollution s’est déplacée en fonction du courant, faible sur l’Escaut, à la vitesse approximative de 5 km par jour, créant une forme de bouchon flottant mortel pour la population piscicole.

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A ces eaux, T ajoute un produit antimousse type EROL AMC 972 (20 gr/m3) composé de Polyether polyol estérifié sur acides gras naturels, acides gras naturels et hydrocarbures oxygénés (20%), dont la notice indique qu’il faut éviter la pénétration dans les égouts, les eaux potables et le rejet dans l’environnement en cas d’épandage accidentel. Néanmoins, compte tenu de la très faible quantité ajoutée, la pollution doit être considérée comme biologique et non chimique, ce point n’étant pas contesté.

Les premières alertes de mortalité piscicole étaient données le 13 avril 2020, mortalité progressant au rythme du courant traversant les 49 km (certaines sources mesurent néanmoins 59 km), de l’Escaut côté français puis les 72 km de l’Escaut côté belge, d’abord en Wallonie sur 39 km (dont 10 km séparant les

2 régions belges) puis en Flandres jusqu’à l’embouchure à Anvers. La pollution a été constatée en Belgique le 18 avril à 23H à Bléharies, ce qui correspond à la vitesse de déplacement de la pollution.

Selon M. H, responsable des Voies Navigables de France (VNF), 13,25 tonnes de poissons morts ont été ramassés du 17 au 27 avril entre

Paillencourt et Fresnes-sur-Escaut, chiffre minoré car seuls les poissons flottants en surface ont pu être ramassés. Selon la presse, une mortalité de 50 à 70 tonnes de poissons a été constatée, les autorités wallonnes estimant la perte initiale de biomasse piscicole entre 45 et 70 tonnes. Néanmoins, comme le relève T, le tonnage n’a pas fait l’objet de bons de pesée réguliers, la période de confinement rendant difficile cette pesée. T mandatera HYDRAM pour procéder au ramassage des poissons morts et fera constater par huissier des pesées sur Paillencourt et Bouchain pour 8,4 tonnes. L’OFB effectuera en mai, juin et octobre 2020 des pêches électriques, technique préconisée et utilisée pour réaliser les inventaires piscicoles.

L’usine sucrière T d’C produit du sucre à partir de betterave lors de campagnes annuelles d’environ 4 mois, de septembre à janvier. Il s’agit de l’ancienne « sucrerie centrale de Cambrai » exploitée depuis 1872. Les eaux de lavage des betteraves sont acheminées d’abord vers des bassins de décantation puis des bassins de lagunage tel le bassin < IWUY Canal » dont la digue s’est rompue, avant la station de traitement. L’usine utilise 16 bassins représentant 15 km de digue. T est une union de coopératives agricoles regroupant 12.000 coopérateurs, dont 1700 pour l’établissement d’C. C’est aussi un groupe mondial agro industriel dont le chiffre d’affaires s’établit à 5 milliards, dont 809 millions en

France en 2021. La production annuelle de l’usine d’C est de

200.000 tonnes de sucre AC et 100.000 tonnes de sirop servant notamment à la production de bioéthanol.

La gouvernance de l’établissement apparaît peu stable et l’organigramme manque de lisibilité. M. I a présidé de 2015 à février 2020, puis M. G a été nommé en mars 2020, 1 mois avant l’accident, jusqu’en novembre 2020 lorsqu’il a démissionné, avant que M. J soit nommé en décembre 2020 et, selon le rapport de la DREAL du 27 janvier 2022, remercié en juillet 2021. M. K a assuré l’intérim en août et septembre

2021 avant que ne soit nommé M. X en octobre 2021, représentant la société à l’audience.

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Le directeur au moment des faits, M. G, a déclaré ne pas avoir eu connaissance du rapport du bureau d’études S d’octobre 2016 et que c’était M. J, alors directeur technique, qui avait en charge avec ses équipes le contrôle des bassins une fois par semaine, avec l’aide de M. L, responsable de production, qui organisait le contrôle des niveaux et de l’état des bassins. M. I, qui présidait l’établissement juste avant les faits, avait donné son accord pour réunir 3 bassins en 1 en supprimant les digues internes. Il précisait que M. M, responsable du service entretien général, gérait l’entretien courant des digues. Enfin, M. N, responsable sécurité hygiène environnement, interlocuteur de la DREAL et référent environnement, déclarait ne pas pouvoir répondre au sujet du manque

d’entretien, n’étant pas spécialiste en la matière.

L’usine d’C est soumise àu régime de l’autorisation au titre de la réglementation ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement), les bassins ne relevant pas directement de la classification mais étant considérés comme connexes, essentiels au fonctionnement de

l’usine. L’usine n’est pas classée SEVESO mais un débat concerne l’application du régime IOTA (Installations, Ouvrages, Travaux et Activités) auquel elle aurait dû être rattachée depuis la loi sur l’eau du 30 décembre 2006.

L’exploitant estime n’être soumis qu’à la procédure du porté à connaissance (PAC) et n’informera le Préfet de la fusion des 3 bassins, réalisée en 2017, que le 17 septembre 2020, soit après l’accident, qui selon lui ne le rendrait coupable que de la contravention de 5ème classe de l’article R 514-4 du code de

l’environnement. Entre-temps, par arrêté du 29 avril 2020, le préfet avait enjoint T de prendre en sa qualité d’exploitant de la sucrerie des mesures d’urgence visant à garantir la stabilité des bassins.

L’exploitation des bassins de décantation est autorisée par un arrêté préfectoral du 26 octobre 1987 complété par un arrêté du 22 octobre 1996 fixant les conditions d’exploitation, d’entretien, de suivi et de contrôles des bassins.

Toute modification des bassins doit être signalée à la Préfecture. L’arrêté préfectoral du 26 octobre 1987 prévoit en son article 2 qu’une étude géotechnique de tenue des digues extérieures des bassins en exploitation sera réalisée par un expert indépendant et communiqué à l’inspection des installations classées (IIC). L’article 3 précise qu’à l’occasion de la réalisation de travaux d’aménagement ou d’extension des bassins, l’étude géotechnique précitée devra être actualisée. L’article 4 indique que la stabilité des digues sera vérifiée périodiquement par inclinométrie, mise en place de jalons, contrôles et par des visites systématiques sur le terrain. Enfin, l’article 5 prévoit des tournées d’inspection quotidiennes, par un agent nommément désigné, pour s’assurer du bon état des digues, du respect du niveau maximal d’eau ou des boues admissible à l’intérieur des bassins, reporté sur une échelle limnigraphique et regroupé dans un registre ouvert et conservé à la disposition de l’inspecteur des installations classées.

Un rapport de visite de la DREAL au titre de l’inspection des installations classées du 7 avril 2015 constatait des lacunes dans l’entretien et alertait

T en mentionnant que « certaines parties, les bassins d’Iwuy notamment, étaient difficilement voir non accessibles du fait de la végétation abondante et en conséquence certains secteurs n’ont pu être inspectés ».

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Un projet d’arrêté prescrivant un délai de 6 mois pour réaliser une étude géotechnique était alors rédigé, avant d’être abandonné à la suite de

l’intervention du directeur de T, M. I, qui répondait le 9 juillet 2015 au préfet être « assez étonné de ne pas avoir échangé sur ce sujet avec les inspecteurs de l’environnement » alors que « cette végétation participe fortement au maintien et à la stabilité des digues ». Il concluait < vous comprendrez donc notre étonnement quant à cette imposition sur une étude géotechnique sans qu’aucune concertation entre les services de la DREAL et notre société n’ait pu être faite. Par rapport aux différents points évoqués précédemment, il nous semble très prématuré de décider la mise en place d’une telle étude géotechnique ». A l’issue, cet arrêté ne sera pas pris.

Le bureau d’études S Group (ci-après S) établissait en octobre 2016 un diagnostic géotechnique des digues de bassins de la sucrerie reposant sur une expertise visuelle des lieux mentionnant que « tous les bassins d’Iwuy

(A, BD, DC, F et G) sont partiellement ou complètement inaccessibles arbres et arbustes trop nombreux, terriers trop nombreux ». Il établissait une liste d’actions à prévoir en relevant que le site d’IWUY n’avait globalement pas été entretenu depuis que sa configuration était figée (plus de 20 ans) et que des travaux de déboisage et de reprise des parements externes étaient nécessaires à terme pour garantir l’efficacité du rôle d’étanchéité des digues.

En conclusion de son rapport, S indiquait que « les sondages réalisés dans le cadre de cette étude ont mis en évidence des matériaux constitutifs des digues fins voire tourbeux et mécaniquement faibles. Ces résultats, couplés aux observations visuelles montrent que ces digues sont sensibles au vieillissement : tassements par fluage d’alluvions ou de matériaux évolutifs, infiltrations, érosion, terriers, croissance d’arbres… ce qui n’est pas sans conséquence sur les forces créées par l’eau dans l’ouvrage. Celles-ci peuvent changer d’intensité et d’orientation, précisément sous l’influence des déformations du massif ou de ses fondations, d’événements particuliers, de l’exploitation de la retenue voire des bouleversements, accidentels ou non (exemple lors du réaménagement final du bassin) et devenir, de ce fait, des forces nocives. C’est ainsi que dans le cadre du présent diagnostic, un certain nombre de points ont attiré notre attention et méritent d’être traités pour maintenir l’état de stabilité de ces digues ». Néanmoins, S ne tirait que partiellement les conséquences de ses propres constatations puisqu’elle se limitait à prescrire un entretien à long terme, et ce, alors même que T n’avait pas respecté son engagement préalable, parmi d’autres, de procéder à « l’élagage et débroussaillage complet des digues sur les bassins en activité » (mail TEROS du 19 novembre 2015).

Le 19 février 2020, une fuite d’eau lagunée était constatée au pied d’une digue d’un autre bassin « Lebrun 2 » (d’une contenance de 200.000 m3) résolue par la mise en place d’une pompe délestant 40.000 m3 d’eau vers le bassin «< IWUY canal ». Le lendemain, l’IIC préconisait divers interventions, notamment l’expertise par T des digues afin de définir un plan d’action pour avril

2020. Non seulement ce bassin a continué d’être exploité avec une tuyauterie temporaire, mais la DREAL relevait le 7 mai 2020 que la fuite n’était pas colmatée, trouvant «absolument incompréhensible que l’exploitant remplisse le bassin dans ces conditions».

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Le 22 avril 2020, S publiait un rapport d’examen visuel des digues. établissant un diagnostic de l’effondrement du 9 avril 2020 par l’ouverture de la digue dans une zone densément boisée, non accessible à pied. Le bassin s’était vidé de son eau à l’exception de quelques flaques. Les causes avancées étaient la rupture liée à une déstabilisation du sous-sol, de type poinçonnement ou lié à une cavité souterraine. Deux modes de déstabilisation apparaissaient plausibles, soit une rupture par glissement rotationnel, soit un renard hydraulique (phénomène d’érosion interne), cause la plus probable. Mais il était relevé que les causes de l’effondrement étaient parties avec

l’effondrement lui-même. Le rapport précisait que « dans ce contexte

d’effondrement, la conception du bässin est remise en cause par l’administration ».

Le rapport de la DREAL du 7 mai 2020 faisait état de non-conformités réglementaires. Il précisait que le bassin < IWUY canal» était le résultat de la fusion de 3 bassins anciennement dénommés A2A, A1B et A3E. Le rapport

d’examen visuel réalisé par S en 2020 indiquait que les digues intermédiaires avaient été retirées en avril 2017. Selon M. M, en charge de l’entretien des digues, ces travaux avaient été exécutés par HYDRAM à la demande de T. Ces modifications n’avaient pas été portées à la connaissance du Préfet avant leur réalisation, et les éléments d’appréciation non communiqués. Au moment des faits, le bassin contenait de 100.000 à

110.000 m3 d’après les documents transmis par l’exploitant et était donc proche du niveau de remplissage maximal théorique. Au-delà de la non information préalable du Préfet, il était constaté que T n’avait pas évalué et formalisé les conséquences de la modification, ni évalué les conséquences en cas de ruine de l’ouvrage, ni encore envisagé de mesures spécifiques de surveillance de l’ouvrage modifié. La principale conséquence de la modification était qu’en cas de rupture de digue, c’est le contenu des 3 anciens bassins qui se vidait et non d’un seul, augmentant ainsi considérablement l’impact.

Entendu les 6 novembre 2020 et 3 avril 2021, AQ-AR AS, directeur de la Société HYDRAM, déclarait ne pas avoir passé de contrat

d’entretien avec T mais intervenir ponctuellement depuis 25 ans dans le cadre des bons de commandes passés. Son interlocuteur habituel était M. M. Sa dernière intervention au bassin IWUY datait de 2017 lorsqu’il lui avait été demandé de supprimer les digues internes des 3 bassins afin de ne former qu’un seul grand bassin. Il précisait être « formel, je n’ai jamais été

missionné par T pour entretenir (élagage ou abattage d’arbres) du côté de la digue sud qui a cédé (…) il était convenu par la suite que le reste de la digue d’un des bassins qui a été supprimé devait être retiré également et les terres devaient venir continuer de renforcer la digue du côté de la brèche ». Interrogé sur le fait de savoir pourquoi T n’avait pas effectué ce renfort coté digue qui a cédé, il invoquait des raisons financières, le budget annuel d’entretien des digues étant atteint estimait-il.

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Il ajoutait que pour lui « la partie où la digue a cédé n’était pas entretenue comme il se devait. La végétation était très dense et haute, on ne pouvait pas y accéder à pied ou très difficilement, pour l’entretenir. C’est pour cette raison que je vous ai dit lors de ma première déposition que mes machines ne pouvaient circuler sur cette digue. A cela, s’ajoutent de nombreux terriers réalisés par des lapins ou encore des renards ». Le jour de l’accident, à son arrivée vers 17H30, il avait estimé « dangereux d’engager la pelleteuse au niveau de la brèche qui allait céder », constat alors partagé selon lui par M. M.

Parmi les 17 habitants impactés, 3 portaient plainte. Les plantes des jardins et potagers touchés avaient grillé. Tous expliquaient la grande réactivité de T pour prendre en charge et indemniser les dégâts.

De nombreuses associations environnementales déposaient plainte au cours de l’enquête. Le Syndicat Mixte de l’Escaut et affluents, la Fédération nationale

France Nature Environnement, la Fédération régionale France Nature Environnement Hauts de France, l’Association Picardie Nature, l’Association

l’Iris Sauvage, l’Association Nord Nature Environnement, l’Association pour la suppression des AL AM, le Groupe ornithologique et naturaliste du Nord-Pas de Calais, la Fédération du Nord pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique, la Ligue pour la protection des oiseaux, l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel, SEA SHEPHERD France, l’Association Parc naturel des plaines de l’Escaut, le Syndicat mixte de gestion du Parc naturel régional Scarpe-Escaut, ainsi que les Voies Navigables de France et Valenciennes Métropole au titre de sa compétence GEMAPI

(Gestion des milieux Aquatiques et Prévention des inondations). D’autres se constitueront partie civile à l’audience.

La Fédération du Nord pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique joignait à sa plainte des photos, un rapport de constat de pollution et les constatations relevées par ses usagers quant à la mortalité piscicole. Elle précisait que plusieurs espèces de poissons vivant au sein du milieu aquatique de l’Escaut étaient identifiées comme des espèces protégées, comme la loche des rivières (cobitis taenia), le brochet, l’alose feinte ou la grande alose et, surtout, les anguilles, espèce classée en danger critique d’extinction au niveau national, européen et mondial, faisant l’objet d’un règlement européen (Règlement CE n°1100/2007 du conseil du 18/09/2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d’anguilles européennes). La présence de ces espèces était attestée par les inventaires que la Fédération réalisait sur les lagunes le long de l’Escaut et sur le canal. Selon les retours et constats de la

Fédération, la mortalité piscicole était constatée entre le 14 et le 26 avril 2020 sur un secteur géographique allant de Neuville sur Escaut à Espierre en.

Belgique. 8 espèces de poissons morts étaient identifiées: anguille, gardon, sandre, brème, perche, silure, tanche et carpe commune.

Les pompiers dépêchés sur les lieux la nuit des faits contactaient l’astreinte

VNF qui procédait aux premiers constats. VNF était sollicité par T à la recherche d’entreprises pouvant ramasser les poissons morts, oxygéner la faune et de la flore et mettre en place un protocole de dépollution.

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T minimisera les dégâts liés à la rupture de sa digue en indiquant avoir procédé à des relevés d’oxygène montrant une situation saine et normale des eaux de l’Escaut, mais les riverains constataient rapidement la présence de centaines de poissons morts de toutes tailles. T remettra en cause les rapports de la DREAL sur la non accessibilité des digues des bassins, minimisant leur mauvais entretien et contestant que la fuite soit à l’origine de la mortalité piscicole en reprenant les arguments du cadre de permanence de VNF qui s’était déplacé sur les lieux le soir des faits et avait estimé qu’il

s’agissait d’une pollution organique passagère sans conséquence.

Les moyens à moyen et long terme de cette pollution sur le domaine public fluvial géré, entretenu et exploité par VNF demeurent à évaluer. Les spécialistes de la faune et de la flore s’accordent à dire que des années seront nécessaires pour reconstituer le milieu aquatique suite à cette pollution, sans compter les effets indirects de mortalité attendus sur les oiseaux piscivores et les invertébrés aquatiques. La durée de reconstitution du milieu aquatique est estimé, par les autorités françaises comme belges à 7 ans, les autorités wallonnes y ajoutant 3 années correspondant à la durée des travaux nécessaires.

Selon l’OFB, les modifications apportées au bassin de rétention en 2017 le transformaient en barrage de classe C. En effet, selon l’article R 214-112 du code de l’environnement, il cumulait alors les 3 critères nécessaires à un tel classement, une hauteur de digue supérieure à 2 m, une retenue supérieure à

50.000 m3 et la présence d’habitation à moins de 400 m en aval. Dès lors, la fusion et les travaux sur les digues constituent une modification substantielle nécessitant une nouvelle autorisation, au sens de l’article R 181-48 et L 181-14 du même code renvoyant à l’étude de l’incidence environnementale.

A l’audience, le représentant de l’OFB, M. O, confirmait s’être rendu sur les lieux le 12 avril, accédant difficilement à la digue en raison d’une végétation abondante. Il avait constaté de nombreux terriers et arbres morts favorisant l’infiltration de l’eau. Il confirmait la classification en barrage, estimant « qu’en supprimant les digues intérieures, le volume d’eau est d’un seul tenant et en cas de rupture, le volume d’eau se déverse très rapidement et la vague et beaucoup plus importante que s’il y avait plusieurs digues (…) en cas de rupture, les digues intérieures auraient permis un écoulement d’eau moins rapide et une vague beaucoup moins importante. C’est une modification substantielle, il y a des forces créées par l’eau dans la digue et le fait de supprimer les digues intérieures modifie ces forces. »

Afin de quantifier l’impact de la pollution sur les populations piscicoles, l’OFB a réalisé un inventaire piscicole le 14 mai 2020, 5 semaines après la pollution, sur sa station historique de suivi de l’Escaut canalisé à Bruay sur Escaut. Dans le cadre du suivi annuel de l’OFB, ce site a été inventorié en octobre 2020, puis complété avec 3 inventaires piscicoles supplémentaires sur les communes d’Estrun et de Mortagne du Nord et sur la Sensée canalisée à Paillencourt, site de référence non touché par la pollution. La note de l’OFB a permis de quantifier l’impact de la pollution organique survenue en mai 2020 sur les peuplements piscicoles.

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Les résultats ont démontré une diminution des espèces de 48 % et des effectifs de 91 % (13 au lieu de 138) par rapport aux données historiques sur le site de l’Escaut canalisé à Fresnes-sur-Escaut, confirmant la forte mortalité en 2020. II

a également été constaté que le tronçon du cours d’eau le plus proche du bassin dont la digue a cédé a été le plus fortement touché, une diminution de 70 % de la richesse spécifique et de 98 % de l’abondance étant observée. Cette mortalité piscicole est visible tout le long de l’aval de l’Escaut, depuis le bassin dont la digue a cédé jusqu’à la frontière belge, les résultats étant similaires sur l’ensemble des sites prospectés, démontrant ainsi l’impact très important de la pollution sur l’Escaut.

Ainsi, selon la classification européenne de l’état écologique des cours d’eau, l’Escaut était passé de l’état « mauvais » en 2018 à « très mauvais » après avril 2020 et de nouveau « mauvais » en 2022, mais dans la fourchette haute contrairement à 2018 où les résultats étaient proches du « médiocre » et dépassaient de peu le seuil du mauvais état. Plusieurs espèces ont disparu, certaines n’étant toujours pas réapparues plus de 2 ans après, à l’instar du goujon. Par contre, le gobie à tâches noires, espèce exotique envahissante présentant une dynamique de colonisation forte, déjà présent avant la pollution mais ayant disparu avec celle-ci, a colonisé l’Escaut depuis à 40 %.
M. O expliquait que les quelques jours s’étant écoulés entre l’accident et la constatation de la mortalité piscicole correspondaient au temps nécessaire

à la dégradation.. Certes, le taux d’oxygène était vite remonté mais les conséquences de la pollution allaient perdurer longtemps car la population était déstabilisée et certaines espèces allaient disparaître. Il estimait l’autopsie des poissons inutile, s’agissant d’une mort par asphyxie. Il insistait sur la fiabilité du comptage par pêche électrique car les poissons trouvés en surface ne représentaient « qu’une petite partie des poissons morts ». Enfin, il expliquait les variations sur les mesures relevées par les ouvertures d’écluses ou le passage de bateaux, remuant l’eau.
M. P, chef-adjoint de l’OFB en charge de la procédure de réparation environnementale prescrite par le préfet par arrêté du 31 août 2021, précisait qu’à ce jour, aucune mesure n’était allée jusqu’à son terme. L’étude présentée par la DREAL au groupe d’expert estimait le retour à la normale sans action de restauration à 50 ans, contre 6 à 7 ans avec la création de 10 hectares de frayères. Cette mesure administrative, distincte de la remise en état des lieux prévue au plan pénal, est limitée au territoire français. Dans ce cadre, T doit aménager 10 hectares favorables à la reproduction. 2 sites avaient été retenus mais actuellement seul le site de Flines les Mortagne d'1 hectare de frayères fait l’objet de mesures autour d’un comité de pilotage regroupant plusieurs associations environnementales, qui devait se réunir la semaine suivant la tenue du procès, sans qu’aucun élément précis ne soit communiqué à l’audience, ni par l’autorité préfectorale, ni par T qui semble vouloir réserver ses explications au préfet. Pour l’OFB, les études menées en sont au stade préliminaire pour 90 % de la réparation, la réussite de la mesure de réparation reposant essentiellement sur les sites des Marais de Bouchain et de

l’Epaix à fort potentiel.

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Le bureau d’études GINGER Burgeap établissait le 1er mars 2021 une étude d’impact environnemental et sanitaire. Il estimait que l’intégralité du volume soit 108.000 m3 d’eau n’était pas allée à l’Escaut, environ 20 % étant retenue dans la zone inondée. Avec ce débit considéré en moyenne, les 88.000 m3 déversées à l’Escaut l’ont été en 1 jour, 4 H et 25 minutes, temps minimal de vidange de l’eau déversée. L’Escaut été également impactée comme récepteur des eaux superficielles du secteur avant que l’impact sur la qualité de

l’eau se traduise par une mortalité piscicole significative, donc visible, conduisant T à organiser, du 17 avril au 27 avril 2020, sous constat d’huissier, des collectes de poissons morts sur la totalité du linéaire français de to revio l’Escaut. Les autorités belges wallonnes ont annoncé le 20 avril 2020 avoir constaté également une mortalité piscicole et procédé à la collecte de poissons. morts. Selon l’étude, le dommage est triple en portant atteinte aux personnes et aux biens par inondation (3 maisons inondées et des biens endommagés mais pas d’atteinte aux personnes), à la qualité de l’eau dans l’environnement proche du site et de l’Escaut, le déversement engendrant un pic de DCO très important de courte durée conduisant à une baisse de l’oxygène dissous et enfin, à la faune piscicole compte tenu du manque d’oxygène conduisant aux mortalités piscicoles constatées en France et en Wallonie, notamment documentées par les pêches électriques organisées par l’OFB..

Dans son rapport d’inspection des installations classées, la DREAL relevait le

27 novembre 2020 les insuffisances liées à la fois à la conception et aux travaux réalisés, à l’entretien courant, à la surveillance et à la gestion de

l’ouvrage. La responsabilité de T était ainsi engagée dans l’accident survenu dans la nuit du 9 au 10 avril 2020 suite à la rupture d’une digue du bassin IWUY Canal, que l’exploitant avait fusionné à partir de 3 bassins (A2A, A1B et A3E) sans actualiser l’étude géotechnique du site et sans informer le préfet alors que les transformations étaient notables. En outre, les bassins étaient dépourvus de jalons permettant de contrôler l’alignement et le niveau des bassins. Enfin, pour l’ensemble des bassins, l’exploitant n’effectue pas de passage quotidien sur la totalité du périmètre des bassins, ni de véritable contrôle de l’état des digués. Les digues ne sont pas entretenues, la végétation présente sur les digues et les abords est si dense et si haute dans certaine zones qu’elle empêche l’accès physique de nombreux linéaires de digue, en particulier sur le groupe d’IWUY qui, au moment de la visite d’inspection du 7 mai 2020 avait fait l’objet d’une coupe récente. La DREAL admettait néanmoins que l’IIC ne disposait pas de compétences particulières en matière d’ouvrage hydraulique.

La DREAL estimait que la pollution engendrée et la forte mortalité piscicole en résultant constituaient un délit et proposait différentes sanctions, avant de relever de nouvelles infractions suite à plusieurs contrôles. Le 31 août 2021, la Préfecture du Nord prenait ainsi le premier arrêté appliquant le principe de responsabilité environnemental (PRE) issu de la loi du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale à l’encontre de T en médiatisant sa décision. Ainsi, en application des articles L. 160-1 et R. 161-1 et suivants du

Code de l’environnement, « un exploitant responsable d’un dommage à l’environnement doit réparer les dégâts occasionnés en nature, en menant sur le terrain les opérations et travaux de réparation écologiques adéquats ».

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Mais, le retour à l’état initial par une remise en état n’étant pas possible et la réparation primaire du dommage n’étant pas pertinente, le préfet a recherché une combinaison de réparations secondaire et compensatoire du dommage.
M. Q, représentant la DREAL à l’audience, confirmait l’analyse. Il précisait que les traces constatées sur le bassin montraient que la hauteur maximum d'1,94 mètre, limite de la revanche, avait été dépassée. İnterrogé sur le caractère substantiel de la fusion des 3 bassins, il estimait qu’avec « la réglementation de 2017, il est probable que la modification n’aurait pas été considéré comme substantielle »>.

Une expertise était confiée à Mme. R, ingénieur géotechnicien et environnement, expert judiciaire près la Cour d’appel de Grenoble, qui rendait son rapport le 19 avril 2022. Elle analysait les causes de la rupture de la digue en illustrant son propos par le swiss cheese model, modélisation des risques accidentels en empilant différents manquements comme autant de trous dans un gruyère conduisant à sa survenance dès lors qu’ils se superposent strictement.

L’expert relevait ainsi des manquements, imprudences et négligences au niveau de l’entretien des digues, au plan organisationnel compte tenu de l’absence d’organigramme précis au sein de la société et opérationnel en l’absence de moyens de pompage adaptés et de prise en compte des scénarios d’accident.

Elle relevait également le manque général de formation et l’imprudence résultant du transfert de 40.000 m3 depuis le bassin Lebrun 2, tous imputables

à T, auxquels elle ajoutait un manquement partagé entre T et la DREAL dans le suivi et les contrôles, auquel s’était invité le confinement. En conclusion, elle retenait que T avait une obligation d’entretien et de maintenance d’ouvrages relevant de la réglementation applicable aux ICPE, par le biais d’arrêtés préfectoraux, dont elle relevait que T n’avait pas respecté les prescriptions des articles 2, 3, 4 et 5 de l’arrêté du 26 octobre 1987.

L’expert regrettait qu’S n’ait pas insisté auprès de son client T sur la nécessité d’éliminer à court terme la végétation surabondante, qui rendait difficile l’accès, masquait les désordres et aggravait le risque encouru, empêchant l’inspection visuelle des lieux alors qu’aurait dû être prescrit une mission de niveau G2 AVP avec prescriptions de travaux sur les digues suspectes. Ainsi, la présence d’une végétation arbustive et ligneuse, et de nombreux terriers de fouisseurs avaient pu participer par érosion interne à la rupture de la digue.

.

S’appuyant sur l’incohérence de certaines données relevées par la DREAL, l’expert émettait l’hypothèse que le niveau de remplissage du bassin ait dépassé la côte de sûreté en contribuant à la rupture par surverse de la digue. Enfin, l’absence de vérifications et prescriptions géotechniques et hydrauliques lors de la fusion des 3 bassins, respectivement 32.000 m3, 17.500 m3 et 16.700 m3, soit 66.200 m3, en un seul de plus de 100.000 m3, a constitué un facteur de risque supplémentaire, notamment sur les conséquences en cas de rupture.

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Concernant le versant Belge, la Direction des voies hydrauliques et contrat de rivière Escaut-Lys (DNF) intervenait le 20 avril 2020 en effectuant constats, mesures d’oxygène dissous et ramassage de poissons morts ainsi que le sauvetage de poissons encore vivants. Un procès-verbal était établi par le département de la Police et des contrôles de MONS. Les enquêteurs

s’appuyaient sur l’étude d’une pollution accidentelle dans l’Escaut grâce à la modélisation < Pégase » dont le résultat des simulations non-stationnaires et la comparaison avec les valeurs mesurées démontraient que ce modèle était adéquat pour simuler ce type d’accident industriel. Les mesures réalisées par T juste après l’accident, ainsi que les mesures réalisées par différents acteurs (SPW, VMM) étaient cohérentes et représentaient la réalité, la rupture de la digue du bassin de T étant, au-delà du doute raisonnable, la cause des désoxygénations importantes remarquées dans l’Escaut belge entre le 20 et le 28 avril 2020 et donc la cause de la mortalité piscicole.

*

T est renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de 5 délits, 2 afférents à la pollution de l’eau et 3 relatifs à l’exploitation d’un ouvrage sans autorisation.

Les délits de pollution de l’eau concernent l’Escaut, tout au long de son cours, depuis Thun St V, Iwuy, C, la région HAUTS DE FRANCE et en BELGIQUE, entre le 9 et le 30 avril 2020, durée non discutée de passage de la pollution. L’infraction résulte du fait d’avoir déversé ou laissé s’écouler dans les eaux de l’Escaut, de l’Erclin et la Râperie, des substances quelconques, en l’espèce des eaux de lavage de betteraves fortement chargées en matière organique, dont l’action a, même provisoirement, entraîné des dommages à la faune et la flore, pour le premier délit, et détruit le poisson ou nui à sa nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur alimentaire, de nuit, pour le second délit.

Les délits relatifs à l’absence d’autorisation environnementale délivrée par

l’autorité administrative visent les mêmes lieux, sur une période courant du 1er janvier 2017 au 30 avril 2020. Ils concernent la mise en place puis

l’exploitation d’une installation ou d’un ouvrage, en l’espèce un barrage de retenue réhabilité suite à la fusion de 3 bassins pour former un bassin unique de décantation, susceptible de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment au peuplement piscicole, pour les 2 premiers, et l’exploitation dudit bassin ayant entraîné une atteinte grave à la santé ou à la sécurité des personnes ou une dégradation substantielle de la faune, la flore, la qualité de l’air, du sol ou de l’eau, pour le troisième.

T plaide la relaxe en estimant que la rupture de la digue a des causes incertaines et revêt un caractère exceptionnel, soutenant en assurer un entretien régulier et quotidien, directement ou par l’intermédiaire de prestataires qui n’ont jamais attiré son attention sur l’urgence à effectuer certains travaux, situation aggravée par les défaillances des services de l’Etat.

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Sans contester le principe de la mortalité piscicole, T en discute

l’ampleur, relevant l’absence de données chiffrées sur la quantité de poissons morts et le lien de causalité, non établi en l’absence d’autopsie, rappelant que l’Escaut est un fleuve historiquement pollué, d’abord par l’industrie puis par les friches, alors que sa faible pente ne favorise pas l’écoulement des eaux.

T estime ne pas être soumis à la réglementation IOTA, le bassin IWUY Canal ne constituant pas un barrage soumis à cette réglementation, mais 1 simplement une installation connexe à l’exploitation de l’usine soumise à la réglementation des ICPE.

A titre subsidiaire, T sollicite une dispense de peine en indiquant être engagé avec les services de l’Etat dans une procédure de réparation environnementale (PRE). Néanmoins, il faut relever que l’absence de réparation intégrale du préjudice n’autorise pas la dispense de peine. Par ailleurs, la Cour de Cassation (22 mars 2016) a précisé que la procédure administrative de réparation environnementale n’excluait pas l’indemnisation de droit commun, notamment du préjudice écologique. A titre infiniment subsidiaire, T sollicite un ajournement de la peine.

La responsabilité pénale d’une personne morale, à l’exclusion de l’Etat, est engagée des infractions commises, pour son compte, par ses organes ou représentants, qui doivent être identifié à l’instar de M. X, directeur actuel de l’établissement T d’C, cité et comparant à l’audience et de M. AF G, directeur de l’établissement à

l’époque des faits ou encore de M. AI I, directeur à l’époque de la fusion des 3 bassins.

Les délits de pollution, de la faune et de la flore d’une part, de la population piscicole d’autre part, sont des délits non intentionnels supposant la caractérisation d’une simple imprudence ou négligence. Ils résultent de l’action, même indirecte, de jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux (…) des substances quelconques entraînant des dommages à la faune et la flore, d’une part, et détruit le poisson, nuit à sa nutrition, sa reproduction ou sa valeur alimentaire, d’autre part, cette infraction étant aggravée par sa commission nocturne. Il est constant que les eaux de lavage de betteraves constituées de pulpes fortement chargées en matière organique constituent des « substances quelconques (…) dont l’action a entraîné des dommages à la faune et à la flore (…) et détruit le poisson » en se déversant dans l’Escaut à la suite de la rupture d’une digne d’un bassin de lagunage de l’usine sucrière T d’C. Le taux de Demande Chimique en Oxygène (DCO) des eaux de lavage a modifié le taux d’oxygène dissous dans l’eau, asphyxiant les espèces. En effet, le taux relevé de 8000 ppm (mg/litre) doit être comparé au taux de 30 mg/l qui est la norme en milieu aquatique et encore à celui de 700 mg correspondant aux eaux d’un égout.

Si, effectivement, les causes de la rupture de la digue ayant entraîné l’écoulement des eaux polluées dans l’Escaut demeurent des hypothèses compte tenu des constatations rendues difficiles par l’effondrement de la digue, pour autant, il n’est pas nécessaire d’en connaître le scénario exact dès lors que le défaut d’entretien à charge de T est établi et caractérise l’élément moral de l’infraction d’imprudence ou de négligence.

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Ensuite, le lien de causalité est nécessairement établi par la mortalité piscicole rapidement constatée, qui ne peut être discuté que dans son ampleur. A minima, elle a été constatée par huissier à la requête du prévenu sur les seules communes de Paillencourt et Bouchain à 8,4 tonnes, relevé partiel s’agissant des poissons morts flottants en surface, à l’exclusion des espèces ne pouvant remonter à la surface en l’absence de vessie natatoire, des poissons ayant coulé, de ceux retrouvés en d’autres lieux et de la période de nettoyage plus brève que celle de mortalité. Sans pouvoir être quantifié précisément, ces constats valent aussi pour la flore aquatique et les invertébrés.

Comme l’a relevé l’expert R, les fautes d’imprudence et de négligence commises par T dans l’entretien du bassin IWUY Canal sont suffisamment établies pour que leur responsabilité ne soit pas sérieusement discutable. En effet, il ne suffit pas à T d’affirmer avoir effectué pour 2.354.134 € d’investissements d’entretien entre 2016 et 2020 pour établir avoir satisfait à son obligation d’entretien, puisque justement, celui-ci a été défaillant.

Au contraire, prétendre que cet entretien était effectué quotidiennement par 2 saisonniers sous contrat pour la surveillance des bassins, dont la nature de la formation n’est pas précisée, outre que la fréquence journalière n’est pas justifiée en l’absence de registre, ne peut que laisser perplexe lorsque S, spécialiste, indique n’avoir pu effectuer qu’un contrôle visuel en l’absence d’accessibilité aux digues. De même, la mission d’HYDRAM consistant < à réparer la tuyauterie, réaliser le fauchage au niveau des digues ou encore effectuer des terrassements » ne peut satisfaire à l’obligation d’entretien, d’autant que son directeur a déclaré que le défaut d’entretien des digues ne permettait « pas (d’y) accéder à pied ou très difficilement (…) mes machines ne pouvaient circuler sur cette digue »>. ph L’affirmation par T d’inspections régulières des bassins par S ne répond pas à l’obligation d’entretien puisque, là encore, le bureau d’études signalait à chaque contrôle les difficultés d’accès et le mauvais entretien des digues.

Il convient d’ailleurs de relever que T n’a pas su prendre la mesure de son obligation puisqu’il est soutenu que la végétation participe de la stabilité naturelle des digues, ce qui procède d’une méconnaissance du type de végétation concernée.

Il faut également constater la faiblesse des campagnes de chasse pour lutter contre les terriers, puisque 6 salariés de l’entreprise réunis dans l’association de chasse des bassins d’C étaient autorisé à chasser sur le site 2 fois par mois durant la campagne, ce qui apparaît insuffisant au regard des constatations effectuées régulièrement, et aurait dû conduire l’entreprise à envisager d’autres mesures, à l’instar des grillages anti fouisseurs installés depuis l’accident.

On peut encore s’étonner de l’aveuglement ayant conduit à ne pas effectuer « l’élagage et débroussaillage complet des digues » pourtant réclamé par son prestataire et accepté, qui interdisait de fait tout constat sérieux de l’état des digues, sans s’inquiéter des conséquences de telles carences.

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Ainsi, T n’a pas respecté les prescriptions de l’arrêté préfectoral du 26 octobre 1987 qui prévoyait la réalisation d’une étude géotechnique de tenue des digues extérieures des bassins par un expert indépendant et communiqué à l’IIC

(article 2), son actualisation en cas de travaux d’aménagement ou d’extension des bassins (article 3), la vérification périodique de la stabilité des digues par des visites systématiques sur le terrain (article 4) et des tournées d’inspection quotidiennes, par un agent nommément désigné, pour s’assurer du bon état des digues, du niveau d’eau ou des boues dans les bassins, regroupés dans un registre conservé à la disposition de l’inspecteur des IIC (article 5).

Cet arrêté, décrit en procédure comme lacunaire, apparaît au contraire suffisamment précis dans ses prescriptions pour que l’exploitant connaisse précisément ses obligations, au demeurant claires et dépourvues de toute ambiguïté. T, qui objecte ne pas avoir été suffisamment alerté par S sur la nécessité de procéder à un entretien régulier des digues, ne peut sérieusement justifier avoir respecté les prescriptions préfectorales, ni l’étude géotechnique, ni son actualisation lors de la fusion des 3 bassins, ni sa communication à l’IIC, ni la désignation d’agents, ni les inspections quotidiennes, ni la création d’un registre, ni sa mise à disposition n’ayant été respectés, caractérisant ainsi l’élément moral de l’infraction.

Concernant les délits de mise en service et d’exploitation d’un ouvrage sans autorisation, la question du classement en barrage de classe C de l’ouvrage né de la réunion des 3 bassins, et partant du respect de la réglementation IOTA,

n’apparaît pas pertinente. En effet, si la citation vise « en l’espèce un barrage de retenue réhabilité suite à la fusion de 3 bassins pour former un bassin unique de décantation », elle ne fait que référence à un ouvrage hydraulique, réglementé par l’ordonnance sur l’autorisation environnementale en date du 26 janvier 2017 dont le champ d’application défini à l’article L 181-1 du code de

l’environnement vise tant les IOTA (1°) que les ICPE (2°)…

Ainsi, les dispositions de l’article L181-14 du code de l’environnement, visées à la prévention, concernant les modifications substantielles de l’ouvrage « relèvent de l’autorisation environnementale soumise à la délivrance d’une nouvelle autorisation, qu’elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation », au contraire d’une simple modification notable qui relève du porté à connaissance.

La fusion des 3 bassins A2A, A1B et A3E en 1 bassin unique appelé IWUY Canal a nécessairement modifié la situation, la capacité cumulée de 66.200 m3 étant portée dans le nouveau bassin à 108.000 m3. Si la suppression des digues intérieures ne modifie pas la pression sur les parois, l’augmentation de la capacité et les conséquences en cas de rupture de digue doivent s’analyser en une modification substantielle compte tenu des conséquences en cas de ruine de l’ouvrage. Certes, la DREAL estime qu’il ne s’agit pas d’une modification substantielle mais simplement notable, en tentant l’exercice difficile de l’uchronie, mais le tribunal reste souverain dans l’appréciation de l’importance de la modification. Or, les conséquences en cas de ruine de l’ouvrage, relevées par tous, sont directement à l’origine de l’ampleur de la pollution, dont il est possible d’imaginer que la DCO, avec une quantité d’eaux polluées beaucoup. plus faible, n’aurait pas entraîné une telle mortalité piscicole avec les conséquences induites sur la faune et la flore.

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L’infraction est ainsi constituée dès lors que la mise en place puis l’exploitation de l’ouvrage s’est effectué sans l’autorisation administrative nécessaire. Il s’agit de délits intentionnels, que T reconnaît implicitement en admettant n’avoir pas respecté la procédure du porté à connaissance.

La peine maximale encourue par le prévenu est de 750.000 €. L’Union de

Coopératives Agricoles T France sera ainsi déclarée coupable des 5 délits reprochés et condamnée à une amende de 500.000 € qui tient compte de

l’atteinte exceptionnelle au patrimoine écologique et du chiffre d’affaires de l’entreprise, soit 5 milliards dont 809 millions en France en 2021.

La diffusion de la décision au Journal Officiel, dans « Le Monde » et « La

Voix du Nord » sera ordonnée, ainsi que la confiscation des scellés. Par contre, le tribunal estime ne pas devoir prononcer la peine complémentaire de réparation du dommage causé à l’environnement, prévue à l’article L173-5 du code de l’environnement et sollicitée par le ministère public sous-astreinte de

2000 € par jour.

En effet, le tribunal estime que cette peine complémentaire est rendue délicate, notamment dans la définition de son périmètre, par l’existence de la procédure de réparation environnementale en cours, certes au fondement différent, mais à

l’objectif similaire. Si le tribunal ne peut que regretter la dilution de la réparation du préjudice écologique entre différents acteurs, il estime que la procédure particulière de réparation environnementale, semble-t-il mise en œuvre pour la première fois, sous l’égide du Préfet avec les avantages mais aussi les inconvénients inhérents, peut apporter une réponse pragmatique aux conséquences engendrées par la pollution, d’autant que T qui plaide pourtant la relaxe au plan pénal, semble vouloir y participer pleinement, même si le tribunal ne dispose d’aucune information concrète sur ce point, l’audience

n’ayant pas été considérée comme le lieu utile pour que T y réponde.

SUR L’ACTION CIVILE:

Le droit de l’environnement a récemment pris une dimension particulière, tant en droit privé qu’en droit public, que « l’affaire du siècle » initiée par des ONG a illustré à travers le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 octobre

2021 enjoignant l’Etat français à réparer les conséquences de sa carence en matière de lutte contre le changement climatique. L’ordonnance du 11 janvier

2012 a accru la répression des atteintes à faune et à la flore, notamment en créant des inspecteurs de l’environnement spécialisés, une circulaire de politique pénale du 21 avril 2015 incitant les parquets à engager des poursuites en cas d’atteinte au cadre de vie causant un dommage grave ou irréversible à l’environnement, en privilégiant la réponse pénale. L’Office Français de la Biodiversité (OFB) a été mise en place le 1er janvier 2020, ses inspecteurs devenant OPJ avec la loi du 24 décembre 2020.

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Après la création de 2 pôles de santé publique et environnement (PSPE) à Paris et Marseille, des pôles régionaux de l’environnement (PRE) ont été créés par la loi du 24 décembre 2020 dans le ressort de chaque Cour d’appel, sans malheureusement que ni moyen humain supplémentaire, ni formation spécifique ne leur soit alloué, comme ce tribunal a malheureusement pu le constater en se voyant refuser l’aide sollicitée. (voir au sujet des mesures proposées pour remédier à la situation, l’excellent rapport publié fin 2022 par le groupe de travail présidé par M. U sur le traitement pénal du contentieux de l’environnement)

Comme l’écrit le professeur V, l’adoption en 1993 par le Conseil de l’Europe de la convention de Lugano sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement, même si elle ne fut jamais ratifiée, marque une étape essentielle de la reconnaissance du préjudice écologique et conduira à la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 qui, malgré ses insuffisances, en consacre le concept, transposé en droit interne par la loi du 1er août 2008, en faisant prévaloir le régime de police administrative sur le droit de la responsabilité.

Le positionnement de T illustre cette approche, à la fois avant l’accident lorsque sa direction a suffisamment négocié avec les autorités pour obtenir que ne soit pas pris en 2015 l’arrêté prescrivant une étude géotechnique dans les 6 mois, et postérieurement en stigmatisant les carences de l’Etat dans sa survenance.

La Cour de Cassation, dans l’arrêt Erika du 25 septembre 2012, qualifia le préjudice écologique de < préjudice objectif » distinct des préjudices traditionnellement retenus en droit de la responsabilité. La loi sur la biodiversité du 8 août 2016 a ensuite consacré, aux articles 1246 à 1252 du code civil, le préjudice écologique et ses modalités de réparation en le définissant comme « atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de

l’environnement » et en privilégiant la réparation en nature plutôt que des dommages et intérêts « en cas d’impossibilité de droit ou de fait ou d’insuffisance des mesures de réparation (en tenant) compte le cas échéant des mesures de réparation déjà intervenues ».

Un groupe de travail dirigé par les professeurs NEYRET et V avait déjà créé une nomenclature des préjudices environnementaux, distinguant les éléments constitutifs des écosystèmes dés fonctions remplies par ces éléments et des services rendus à l’homme par ces écosystèmes. Mais la démarche demeure empirique, l’appréciation du préjudice relevant des juges du fond comme l’a rappelé la Cour de Cassation dans l’affaire des calanques (Crim.

4/10/2022). La nomenclature prévoit notamment au titre des préjudices causés

à l’environnement «les atteintes aux eaux, aux milieux aquatiques et à leurs fonctions (…) notamment les perturbations hydrologiques, biologiques, thermiques, physiques ou chimiques ». 5 méthodes, qui peuvent se combiner, permettent d’évaluer le préjudice écologique, l’évaluation forfaitaire, le coût de la remise en état, la référence aux budgets dépensés à perte, la valeur des services écosystémiques perdus et les investissements nécessaires pour accompagner la restauration naturelle. (Pr V – Revue des Juristes de Sc. Po

- n°18 janv. 2020) Page 22/33


Ce préjudice, comme le préjudice de droit commun avec lequel il se cumule,

n’est pas exclu par la mise en oeuvre de la procédure administrative de réparation environnementale. En matière de réparation du préjudice écologique, l’article 10 de la convention de Lugano autorise une approche probabiliste du lien de causalité en admettant une < vraisemblance prépondérante ».

A l’exception des demandes formulées en flamand, qui seront déclarées irrecevables, la recevabilité des parties civiles n’est ni discutée, ni contestée. Au titre de la réparation du préjudice écologique, l’action est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir, ainsi de la Wallonie, et aux associations agréés ou créés depuis 5 ans minimum, ainsi de la Fédération du Nord pour la pêche et la protection du milieu aquatique, de l’Association pour la protection des animaux sauvages et de la Ligue de protection des oiseaux. Les autres parties civiles se sont limités à l’indemnisation d’un préjudice moral, qui sera alloué forfaitairement pour la somme de 5.000 € en tenant compte de l’atteinte portée aux missions relevant de l’objet desdites associations, sauf les cas d’une demande d’un préjudice symbolique à 1 €, et parfois d’un préjudice matériel non discuté, outre les frais irrépétibles.

Les conséquences de la pollution sur l’Escaut constitue sans conteste une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions de l’écosystème justifiant un droit à réparation. Pour apprécier l’étendue du préjudice écologique, qui, selon la Cour de cassation, consiste en l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction, le tribunal s’est interrogé sur la nécessité d’ordonner au préalable une expertise afin de la quantifier au plus juste.

Néanmoins, la difficulté à trouver les experts à même d’apprécier ce préjudice conjugué à la qualité des rapports produits par les parties civiles, qui se réfèrent aux coûts engendrés par la reconstitution naturelle d’un milieu pollué, méthode communément admise en jurisprudence, en combinant les 5 méthodes proposées par le professeur V, a conduit le tribunal à se limiter à discuter le chiffrage de certains postes, d’autant que le prévenu n’a pas proposé de méthode d’évaluation alternative.

Le rapport technique présenté par la Fédération du Nord pour la pêche et la protection du milieu aquatique (ci après Fédération de pêche) est suffisamment documenté pour servir de base de calcul de l’indemnisation sollicitée par la Fédération de pêche qui a chiffré son préjudice à 233.157 € correspondant à 115.650 € au titre du préjudice écologique, 60.000 € de préjudice moral ou plus précisément d’image, et 57.507 € de préjudice matériel.

T conteste le préjudice moral en rappelant que l’Escaut est une voie de navigation avant d’être un lieu de pêche et qu’il n’est pas justifié des réactions portant atteinte à l’image de la Fédération sur les réseaux sociaux. Concernant le préjudice matériel, il est reproché des justifications lacunaires. Enfin, le préjudice écologique est contesté en ce qu’il s’appuie sur la note de l’OFB estimant insuffisante la procédure de réparation environnementale mise en œuvre par le préfet.

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Il faut néanmoins rappeler que les fondements sont différents et que l’existence d’une procédure de réparation environnementale n’entraîne pas, comme le soutien T, la privation du droit des parties civiles à réclamer réparation

d’un préjudice écologique..

Le préjudice moral sera justement indemnisé à hauteur de 5000 € et le préjudice matériel à 31.899,50 € correspondant pour 6.292 € au préjudice sur le droit de pêche et pour 25.607,50 € à 50 % des 51.215 € réclamées au titre des dépenses consacrées par la Fédération de pêche, par calcul de la masse salariale et des charges de structure, qui ne peuvent néanmoins intégralement être liées à la pollution.

Pour chiffrer le préjudice écologique, la Fédération de pêche a fait application de la formule de Léger-Huet & Arrigon (LHA) pour déterminer la productivité piscicole d’un cours d’eau, méthodologie visant à « booster » la capacité de résilience naturelle d’un milieu et la production de poissons en trouvant le meilleur compromis entre surface de frayères naturelles et temps nécessaire pour atteindre une production optimale. Elle chiffre ainsi à 570.510 € correspondant à un stock piscicole de 47,1 tonnes équivalant au double de la productivité de 23,55 tonnes pour 60 km linéaire, considéré comme le seuil bas de la valeur du préjudice écologique.

La Fédération de pêche, qui entend tenir compte des mesures de restauration dans le cadre de la procédure administrative, limite sa demande à la perte du stock durant les 2 années ayant suivies la pollution. L’estimation des pertes à 90% conduit à 42,39 tonnes, soit un niveau de ressources après dommage de

4,71 tonnes et une perte de productivité pour 2 ans de 17,65 tonnes. Le préjudice est ainsi, en fonction du prix au kilo suivant les espèces (5 €/kg pour les poissons blancs, 12,5 €/kg pour les brochets, 22 €/kg pour les sandres et 11,15 €/kg pour les perches) de 115.650 €, somme réclamée qui sera accordée comme constituant une juste indemnisation du préjudice subi sauf à la rapporter à 50 km linéaire, distance parcourue par l’Escaut en France, soit 96.375 €. Ainsi, le préjudice de la Fédération de pêche sera indemnisé pour 133.274,50 €, outre 5000 € au titre des frais irrépétibles.

L’APAS et la LPO sollicitent un préjudice écologique de 20.000 € fondé notamment sur l’atteinte à la chaîne trophique et les atteintes aux ZNIEFF traversées, dont une zone de protection spéciale ZPS Natura 2000. Il sera accordé à chacune des associations somme de 10.000 € à ce titre.

La région Wallonne (SPW-ARNE Service Public de Wallonie – Agriculture Ressources Naturelles et Environnement) sollicite l’indemnisation de différents préjudices. Contrairement à ce que soutient T, le lien de causalité entre

l’accident lié à la rupture de la digue et la mortalité piscicole constatée en Belgique est parfaitement établi par la chronologie de l’arrivée de la pollution à la frontière environ 10 jours après l’accident, à la vitesse d’écoulement des eaux. Ce constat est confirmé par l’étude « Pégase », modélisation qui permet, certes avec des adaptations de données comme le relève T, de retenir le principe du lien de causalité au delà du doute raisonnable, dans l’esprit de la convention de Lugano.

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Le préjudice matériel a été chiffré à 285.948,42 €. Comme le relève justement

T, cette somme n’est justifiée que partiellement, précisément à hauteur de 129.688,27 € somme qui lui sera allouée. Concernant le préjudice moral sollicité pour 100.000 €, il lui sera alloué la somme de 50.000 €, le tribunal estimant que ce préjudice est notamment lié au manque d’alerte de l’arrivée de la pollution sur son territoire.

La demande au titre du préjudice écologique, pour 16.810.998 €, s’appuie sur l’étude réalisée par Stream and River Consult dans un rapport de 74 pages qui, n’étant pas un rapport d’expertise judiciaire, est recevable même en l’absence de date et de signature.

Ce rapport retient 3 types de mesures de réparation, des mesures primaires visant au retour à l’état initial, des mesures complémentaires si le retour à l’état initial n’est pas possible et des mesures compensatoires des pertes intermédiaires, chiffrées à 365 tonnes cumulées sur 10 ans à partir d’un niveau initial de ressources estimé à 53,82 tonnes, les autorités wallonnes ajoutant 3 années correspondant à la durée des travaux de restauration aux 7 ans fixées par la France pour la durée de reconstitution.

L’étude indique «rester en cohérence avec la procédure française» telle qu’elle ressort de la procédure administrative en responsabilité environnementale en privilégiant la méthode d’équivalence dite « ressources-ressources '> REA (Resource Equivalence Analysis) visant à compenser les ressources initiales perdues par des ressources de même qualité et de même type. A partir d’un inventaire réalisé en 2019, il a été calculé une perte de biomasse initiale de 68,62 % des 53,82 tonnes, soit 36,93 tonnes, soit encore 365,1 tonnes de pertes intermédiaires en 2032 (annexe 4). 5 types de mesures de réparation sont recensées, 4 correspondant à des frayères (création de zones enherbées et lagunées inondées / frayères dans d’anciens bras de l’Escaut / refuges aux confluences / environnement favorable le long des berges), la 5ème consistant dans le développement de ressources alimentaires dans le fleuve.

T critique ce rapport en l’estimant insuffisamment documenté, parfois contradictoire, oubliant que l’Escaut est devenu un canal destiné d’abord à la navigation, ne prenant pas en compte la procédure de réparation environnementale et la régénération progressive du milieu aquatique et enfin, retenant une superficie de frayères à restaurer beaucoup plus importante qu’en France et sur une période plus longue.

Les frayères sont les lieux aquatiques où les poissons et les amphibiens se reproduisent. Elles constituent le moyen privilégié de restauration d’un milieu aquatique. L’étude montre qu’en 7 ans, 1 hectare de frayère restaurée apporte une productivité cumulée à l’Escaut de 1,98 tonnes de poissons. Comme pour la Fédération de pêche, la méthode LHA est utilisée pour calculer les gains de productivité des sites retenus. La surface nécessaire est estimé à 79,80 hectares en Wallonie, soit 8 fois plus qu’en France où 10 hectares ont été retenus, alors que la longueur de l’Escaut est moindre en Wallonie.

Néanmoins, en France, une grande partie est canalisée depuis le canal de la Sensée et les berges naturelles sont quasiment inexistantes, au contraire de la partie belge ce qui peut expliquer en partie cette différence.

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En outre, d’amont en aval, la quantité de poisson et le nombre des espèces présentes augmente, phénomène que la littérature scientifique relève « à mesure que l’on descend vers la mer, l’hétérogénéité des habitats augmente favorisant l’installation d’espèces plus nombreuses et, par conséquent, un peuplement plus complexe" (Keith P & Allardi J).

Enfin, dans le cadre de la procédure de réparation environnementale, l’étude présentée par la DREAL au groupe d’experts a estimé le délai de retour à la normale à 6 à 7 ans avec la création de 10 ha de frayères, sans prendre en compte le temps des travaux. Elle s’appuie sur le tonnage de poissons morts, la répartition des espèces et la méthode LHA. Le choix de retenir 10 ha de frayères résulte d’un compromis. En Wallonie, faute de foncier, le choix a conduit à utiliser des frayères artificielles dont le taux de réussite est probablement moindre qu’en zone naturelle.

Sur les 5 mesures de réparation retenues par l’étude, mis à part la dernière (chiffrée à 918.032 €) consistant à développer les ressources alimentaires tout au long du cours d’eau par la plantation de ripisylve, les 4 premières consistent en la création de frayères sur 23 sites pour une superficie totale de 81,9 hectares. En l’absence d’éléments précis permettant de justifier une telle disparité de superficie entre la France et la Wallonie, tout en tenant compte des particularités déjà relevées, le tribunal estime devoir réduire de 50 % la surface de frayères retenue.

Ainsi, l’analyse documentée de l’étude Stream and River Consult peut utilement servir de support à l’appréciation du préjudice écologique subit par la région wallonne, sous la réserve de la surface de frayères retenue, réduisant le montant du préjudice écologique à 8.864.515 € correspondant à 50 % du chiffrage des 4 premières mesures [(16.810.998-918.032) / 2] soit 7.946.483 € + 918.032 € pour la cinquième mesure.

Soit un préjudice global de 9.044.203,27 € tenant compte du préjudice moral pour 50.000 € et du préjudice matériel pour 129.688,27 €, outre 10.000 € au titre des frais irrépétibles.

**

*

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PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et contradictoirement à l’égard T FRANCE

L’association pour la SUPPRESSION des AL AM

.

L’association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT

L’association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT HAUTS DE

FRANCE PICARDIE NATURE

FEDERATION NORD NATURE ENVIRONNEMENT

GROUPE ORNITHOLOGIQUE & NATURALISTE du Nord Pas de Calais

L’association W L’association NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET

RIVIÈRES, TRUITE-OMBRE-SAUMON

L’ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES,

L’ASSOCIATION LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX

SYND SYNDICAT MIXTE DE GESTION DU PARC NATUREL

REGIONAL SCARPE-ESCAUT

L’association sans but lucratif parc naturel des plaines de l’Escaut FEDERATION DU NORD POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU

[…]

AGENCE POUR L’ENVIRONNEMENT ET LA FORET AGENTSCHAP

[…]

AGENCE FLAMANDE POUR L’ENVIRONNEMENT VLAAMSE

MILIEUMAATSCHAPPIJ

VOIES NAVIGABLES DE FRANCE

SYNDICAT MIXTE ESCAUT ET AFFLUENTS

REGION WALLONNE DEPARTEMENT DE LA POLICE ET DES

CONTROLES

REGION WALLONNE DEPARTEMENT DE LA NATURE ET DES

FORETS

VILLE DE TOURNAI

. VILLE D ANTOING

[…]

SUR L’ACTION PUBLIQUE :

Déclare le T FRANCE coupable des faits qui lui sont reprochés ;

Pour les faits de DEVERSEMENT PAR PERSONNE MORALE DE

[…],

SUPERFICIELLES OU DE LA MER commis du 9 avril 2020 au 30 avril 2020

Pour les faits de REJET EN EAU DOUCE OU PISCICULTURE LA NUIT,

PAR PERSONNE MORALE, DE SUBSTANCE NUISIBLE AU POISSON

OU A SA VALEUR ALIMENTAIRE POLLUTION commis du 9 avril 2020 au 30 avril 2020

Pour les faits de MISE EN PLACE SANS AUTORISATION PAR

PERSONNE MORALE D’UNE INSTALLATION OU D’UN OUVRAGE

NUISIBLE A L’EAU OU AU […] commis du 1er janvier

2017 au 30 avril 2020

Pour les faits d’EXPLOITATION SANS AUTORISATION PAR PERSONNE

MORALE d’une INSTALLATION ou d’un OUVRAGE NUISIBLE à L’EAU ou au […] commis du 1er janvier 2017 au 30 avril 2020

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Pour les faits de EXPLOITATION SANS AUTORISATION PAR PERSONNE

MORALE D’UNE INSTALLATION AYANT PORTE UNE ATTEINTE

GRAVE A LA SANTE OU A LA SECURITE DES PERSONNES OU

DEGRADE SUBSTANȚIELLEMENT L’ENVIRONNEMENT commis du 1er janvier 2017 au 30 avril 2020

Ordonne à l’égard de T FRANCE la diffusion de la décision au Journal

Officiel, à la Voix du Nord, toutes éditions, et le Monde de l’extrait suivant :

« Le pôle régional de l’environnement du tribunal correctionnel de Lille a par jugement du 12 janvier 2023 reconnu l’Union de Coopératives Agricoles T

France coupable des délits de pollution de la faune, de la flore et de la population piscicole et d’exploitation d’un ouvrage sans autorisation et l’a condamné à une amende de 500.000 € compte tenu de l’atteinte exceptionnelle au patrimoine écologique.

La diffusion de la décision au Journal Officiel, dans « Le Monde » et « La Voix du

Nord » a été ordonnée. Le tribunal n’a pas prononcé la peine complémentaire de réparation du dommage causé à l’environnement sous astreinte compte tenu de la procédure administrative de réparation environnementale en cours.

Le tribunal a retenu les fautes d’imprudence et de négligence commises par T dans l’entretien du bassin « IWUY Canal », établies tant par les constats, que les expertises et les auditions. Il a estimé que la réglementation sur l’autorisation environnementale s’appliquait et que la fusion des 3 bassins réalisée par T constituait une modification substantielle de l’ouvrage soumise à autorisation administrative préalable.

Le tribunal a reçu la constitution de partie civile des nombreuses associations environnementales et a admis les préjudice matériel et moral invoqués. Il a également reconnu le préjudice écologique invoqué par la ligue de protection des animaux (10.000 €), l’association pour la protection des animaux sauvages (10.000 €), la Fédération du Nord pour la pêche et la protection du milieu aquatique (96.375 €) et la région Wallonne SPW ARNE (8.864.515 €). »

Condamne T FRANCE au paiement d’une amende de cinq cents mille euros (500 000 euros);

Ordonne à l’encontre de T FRANCE la confiscation de l’ensemble des scellés saisis au cours de la procédure;

A l’issue de l’audience, le président avise le T FRANCE que s’il s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20% sans que cette diminution puisse excéder 1500 euros.

Le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.

Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressé de demander la restitution des sommes versées.

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SUR L’ACTION CIVILE,

Reçoit la constitution de partie civile du SYNDICAT MIXTE ESCAUT ET AFFLUENTS; Déclare T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer au SYNDICAT MIXTE ESCAUT ET AFFLUENTS la somme de cinq mille euros (5000 €) en réparation du préjudice moral

En outre, condamne T FRANCE à payer à le SYNDICAT MIXTE ESCAUT ET AFFLUENTS, partie civile, la somme de 1500 € au titre de l’article 475-1 du CPP;

Déclare recevable la constitution de partie civile du GROUPE ORNITHOLOGIQUE

ET NATURALISTE DU NORD PAS DE CALAIS; Déclare T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer au GROUPE ORNITHOLOGIQUE ET NATURALISTE du NORD PAS DE CALAIS la somme de cinq mille euros (5000 €) en réparation du préjudice moral;

En outre, condamne T FRANCE à payer au GROUPE ORNITHOLOGIQUE ET NATURALISTE DU NORD PAS DE CALAIS, partie civile, la somme de 250 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;

Déclare recevable la constitution de partie civile de la FEDERATION DU NORD POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU […]; Déclare

T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer à la FEDERATION DU NORD POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU […], les sommes de :

- cinq mille euros (5000 €) en réparation du préjudice moral ; trente et un mille huit cent quatre vingt dix neuf euros et cinquante centimes

-

(31.899,50 €) en réparation du préjudice matériel ; quatre vingt seize mille trois cent soixante quinze (96.375 €) en réparation du préjudice écologique;

- cinq mille (5000 €) au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;

Déclare recevable la constitution de partie civile de l’association LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX; Déclare T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer à l’association LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX la somme de dix mille euros (10.000 €) en réparation du préjudice moral;

En outre, condamne T FRANCE à payer à l’association LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, la somme de 750 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Déclare recevable la constitution de partie civile de l’association POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES; Déclare T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer à l’association POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES :

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la somme de dix mille euros (10000 €) en réparation du préjudice écologique ; la somme de cinq mille euros (5000 €) en réparation du préjudice moral; la somme de 750 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale

Reçoit la constitution de partie civile de […]; Déclare T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer à la […], la somme de cinq mille euros (5000 €) en réparation du préjudice moral;

En outre, condamne T FRANCE à payer à la […], la somme de 1000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Déclare recevable la constitution de partie civile du SYNDICAT MIXTE DE GESTION DU PARC NATUREL REGIONAL SCARPE-ESCAUT; Déclare

T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer au SYNDICAT MIXTE DE GESTION DU PARC NATUREL REGIONAL SCARPE-ESCAUT la somme de un euro (1 €) en réparation du préjudice moral;

En outre, condamne T FRANCE à payer au SYNDICAT MIXTE DE GESTION DU PARC NATUREL REGIONAL SCARPE-ESCAUT, la somme de

750€ au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;

Déclare recevable la constitution de partie civile de l’association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT HAUTS DE FRANCE PICARDIE NATURE; Déclare

T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer à l’association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT HAUTS DE FRANCE PICARDIE NATURE, la somme de cinq mille euros (5000 €) en réparation du préjudice moral;

En outre, condamne T FRANCE à payer à l’association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT HAUTS DE FRANCE PICARDIE NATURE la somme de 250

€ au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Déclare recevable la constitution de partie civile de la FEDERATION NORD

NATURE ENVIRONNEMENT; Déclare T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer à la FEDERATION NORD NATURE ENVIRONNEMENT, la somme de cinq mille euros (5000 €) en réparation du préjudice moral;

En outre, condamne T FRANCE à payer à la FEDERATION NORD

NATURE ENVIRONNEMENT, partie civile, la somme de 250 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;

Déclare recevable la constitution de partie civile de l’association POUR LA

SUPPRESSION DES AL AM; Déclare T

FRANCE responsable de son préjudice;

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Condamne T FRANCE à payer à l’ASSOCIATION POUR LA SUPPRESSION DES AL AM la somme de cinq mille euros (5000 €) en réparation du préjudice moral; En outre, condamne T FRANCE à payer à l’ASSOCIATION POUR LA

SUPPRESSION DES AL AM, la somme de 250 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;

*

Reçoit la constitution de partie civile des VOIES NAVIGABLES DE FRANCE;

Déclare T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer aux VOIES NAVIGABLES DE FRANCE la somme de mille sept cent trente-trois euros et quatre vingt trois centimes

(1733,83€) en réparation du préjudice matériel;

- la somme de un euro (1 €) en réparation du préjudice moral;

En outre, condamne T FRANCE à payer aux VOIES NAVIGABLES DE FRANCE la somme de 1500 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;

*

Reçoit la constitution de partie civile de la REGION WALLONNE DEPARTEMENT DE LA NATURE ET DES FORETS DEPARTEMENT DE LA POLICE ET DES

-

CONTROLES; Déclare T FRANCE responsable de leurs préjudices;

Condamne T FRANCE à payer à la REGION WALLONNE

DEPARTEMENT DE LA NATURE ET DES FORETS & DE LA POLICE ET DES

CONTROLES, les sommes de :

- cinquante mille euros (50.000 €) en réparation du préjudice moral;

- cent vingt neuf mille six cent quatre vingt huit euros et vingt sept centimes (129.688,27 €) en réparation du préjudice matériel;

- huit millions huit cent soixante quatre mille cinq cent quinze euros (8.864.515 €) en réparation du préjudice écologique ;

- 10.000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Reçoit la constitution de partie civile de l’AGENCE FLAMANDE POUR L’ENVIRONNEMENT VLAAMSE MILIEUMAATSCHAPPIJ; Déclare T responsable de son préjudice;

Déboute l’AGENCE FLAMANDE POUR L’ENVIRONNEMENT VLAAMSE

MILIEUMAATSCHAPPIJ, partie civile, de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral en l’absence de traduction française de la demande;

Reçoit la constitution de partie civile de l’AGENCE POUR L’ENVIRONNEMENT ET LA FORET AGENTSCHAP […]; Déclare T responsable de son préjudice;

Déboute l’AGENCE POUR L’ENVIRONNEMENT ET LA FORET AGENTSCHAP

[…], partie civile, de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral en l’absence de traduction française de la demande;

*

Reçoit la constitution de partie civile de la VILLE DE TOURNAI; Déclare T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer à la VILLE DE TOURNAI, la somme de mille

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cinq cents euros (1500 €) en réparation du préjudice moral; En outre, condamne T FRANCE à payer à la VILLE DE TOURNAI, partie civile, la somme de 500 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;

Reçoit la constitution de partie civile de la VILLE DE D’ANTOING; Déclare T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer à la VILLE D ANTOING, les sommes de : quatre mille trois cent quarante-cinq euros (4345 €) en réparation du préjudice matériel ;

- cinq cents euros (500 euros) en réparation du préjudice moral; En outre, condamne T FRANCE à payer à la VILLE D ANTOING, partie civile, la somme de 500 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;

Déclare recevable la constitution de partie civile de l’ASSOCIATION FRANCE

NATURE ENVIRONNEMENT; Déclare T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer à l’ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT la somme de cinq mille euros (5000 €) en réparation du préjudice moral;

En outre, condamne T FRANCE à payer à l’ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, partie civile, la somme de 250 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale;

Déclare recevable la constitution de partie civile D’W; Déclare T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer à W la somme de cinq mille euros (5000 €) en réparation du préjudice moral;

En outre, condamne T FRANCE à payer à W, partie civile, la somme de 250 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Déclare recevable la constitution de partie civile de l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET DES RIVIERES; Déclare T

FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer à l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET DES RIVIERES la somme de cinq mille euros

(5000€) en réparation du préjudice moral;

En outre, condamne T FRANCE à payer à l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET DES RIVIERES, partie civile, la somme de 250 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Déclare recevable la constitution de partie civile de l’ASSOCIATION SANS BUT LUCRATIF PARC NATUREL DES PLAINES DE L’ESCAUT; Déclare T FRANCE responsable de son préjudice;

Condamne T FRANCE à payer à l’ASSOCIATION SANS BUT LUCRATIF PARC NATURELDESPLAINES DE L’ESCAUT la somme de un euro (1 €) en réparation du préjudice moral;

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En outre, condamne T FRANCE à payer à l’ASSOCIATION SANS BUT LUCRATIF PARC NATURELDESPLAINES DE L’ESCAUT, partie civile, la somme de 750 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

***

Les victimes sont informées de la possibilité de saisir le Service d’Aide au Recouvrement pour les Victimes d’infractions pénales (S.A.R.V.I) ou la Commission

d’Indemnisation des Victimes d’infractions pénales (C.I.V.I) à charge pour elle d’entrer en contact avec le Bureau des victimes d’infractions pénales dont la permanence se. tient au rez-de-chaussée du Palais de Justice de LILLE du Lundi au Vendredi de 9H à

12H et à l’Hôtel de Police de LILLE, […], Les lundis et jeudis matin de 9H à 12 H;

Le condamné est informé de la possibilité pour la partie civile non éligible à la. CIVI de saisir le SARVI s’il ne procède pas au paiement des dommages et intérêts auxquels il a été condamné dans le délai de deux mois courant à compter du jour où la condamnation est devenue définitive;

et le présent jugement ayant été signé par le président et la greffière

AESEN LA GREFFIERE LE PRESIDENT

8 ier vice-président AJ AK

Prem

jelly

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Acte d’appel principal de la […] en date du 19 janvier 2023 sur le dispositif civil :

Acte d’appel principal de la FEDERATION NORD NATURE ENVIRONNEMENT en date du 19 janvier 2023 sur le dispositif civil;

Acte d’appel principal GROUPE ORNITHOLOGIQUE ET NATUALISTE en date du 19 janvier 2023 sur le dispositif civil;

Acte d’appel principal de l’association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT 19 janvier 2023 sur le dispositif civil;

Acte d’appel principal PICARDIE NATURE en date du 19 janvier 2023 sur le dispositif civil;.

Acte d’appel principal Association nationale pour la protection des eaux et des rivières, truites ombre saumon (dit ANPERTOS) en date du 19 janvier 2023 sur le dispositif civil;

Acte d’appel principal T sur le dispo pénal et civil limité à :

● La région WALLONE sur tous les chefs de préjudice;

Pour l’association pour la protection des animaux sauvages sur le préjudice écologique ; 0

Pour la ligue de la protection des oiseaux sur le préjudice écologique ; 0

Pour la fédération du nord pour la pêche et la protection du milieu aquatique sur les préjudices

écologique et matériel

en date du 20 janvier 2023;

Acte d’appel incident T du 20 janvier 2023 sur le dispositif civil limité à l’Association nationale pour la protection des eaux et des rivières, truites ombre saumon (dit ANPERTOS);

Acte d’appel incident T du 20 janvier 2023 sur le dispositif civil limité à la […];

Acte d’appel principal T du 20 janvier 2023 sur le dispositif civil limité à France nature environnement;

Acte d’appel incident T du 20 janvier 2023 sur le dispositif civil limité à la fédération nord nature environnement ;

Acte d’appel incident T du 20 janvier 2023 sur le dispositif civil limité à PICARDIE Nature ;

Acte d’appel incident du 20 janvier 2023 de T sur le dispositif civil limité à GROUPE

ORNITHOLOGIQUE ET NATUALISTE;

Acte d’appel incident en date du 20 janvier 2023 du parquet sur le dispositif pénal ;

Acte d’appel principal ENTERLIANE en date du 20 Janvier 2023 sur le dispositif civil;

Acte d’appel principal en date du 20 janvier 2023 FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT HAUT DE FRANCE PICARDIE NATURE sur le dispositif civil;

Acte d’appel principal en date du 20 janvier de L’ASSOCIATION POUR LA SUPPRESSION DES

AL AM sur le dispositif civil ;

Acte d’appel incident en date du 23 janvier 2023 de l’association ligue pour la protection des oiseaux sur le dispositif civil;


Acte d’appel incident en date du 23 janvier 2023 de l’association protection des animaux sauvages sur le dispositif civil;

Acte d’appel incident en date du 23 janvier 2023 SOCIETE ANONYME DE VLAAMSE WATERWEG VOIES NAVIGABLES FLAMMANDES sur le dispositif civil;

Acte d’appel incident en date du 23 janvier 2023 de la SOCIETE ANONYME DE VLAAMSE WATERWEG VOIES NAVIGABLES FLAMANDES sur dispositif civil;

Acte d’appel principal en date du 23 janvier 2023 de l’agence POUR L’ENVIRONNEMENT ET LA FORET AGENTSHAP […] sur le dispositif civil;

Acte d’appel principal en date du23 janvier 2023 DE L’AGENCE FLAMANDE POUR L’ENVIRONNEMENT VLAAMSE MILIEUMAATSHCHAPPIJ sur le dispositif civil;

Acte d’appel incident en date du 24 janvier 2023 de T sur le dispositif civil limité à

L’ASSOCIATION POUR LA SUPPRESSION DES AL AM ;

Acte d’appel incident en date du 24 janvier 2023 T sur le dispositif civil limité à FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT HAUT DE FRANCE PICARDIE NATURE;

Acte d’appel incident en date du 24 janvier 2023 de T sur le dispositif civil limité à

W ;

Acte d’appel incident du 24 janvier 2023 de T sur le dispositif civil limité à la SOCIETE ANONYME DE VLAAMSE WATERWEG VOIES NAVIGABLES FLAMANDES (GAND);

Acte d’appel incident du 24 janvier 2023 de T sur le dispositif civil limité à SOCIETE ANONYME DE VLAAMSE WATERWEG VOIES NAVIGABLES FLAMANDES (HASSELT) ;

Acte d’appel incident du 24 janvier 2023 de T sur le dispositif civil limité à l’association pour la protection des animaux sauvages ;

Acte d’appel incident du 24 janvier 2023 T sur le dispositif civil limité à LA LIGUE DE LA PROTECTION DES OISEAUX;

Acte d’appel incident du 24 janvier 2023 de T sur le dispositif civil limité 2023 DE L’AGENCE FLAMANDE POUR L’ENVIRONNEMENT VLAAMSE MILIEUMAATSHCHAPPIJ;

Acte d’appel incident du 24 janvier 2023 de T sur le dispositif civil limité à L’AGENCE POUR L’ENVIRONNEMENT ET LA FORET AGENTSHAP […];

Acte d’appel incident du 26 janvier2023 du syndicat MIXTE ESCAUT ET AFFLUENTS;

Acte d’appel incident du 26 janvier 2023 de LA FEDERATION DU NORD POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU […];

Acte d’appel incident du 26 janvier 2023 de la REGION WALLONE;

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Tribunal correctionnel de Lille, 12 janvier 2023, n° 2023-219