Tribunal de grande instance de Bobigny, 7e chambre, 2e section, 22 février 2013, n° 10/08435

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Bobigny, 7e ch., 2e sect., 22 févr. 2013, n° 10/08435
Juridiction : Tribunal de grande instance de Bobigny
Numéro(s) : 10/08435

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

DE GRANDE INSTANCE

de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 22 FEVRIER 2013

Chambre 7/ section 2

AFFAIRE N° RG : 10/08435

N° de MINUTE :

DEMANDEUR

Monsieur P C

demeurant 32, rue de Belfort à 59200 F

représenté par la SELARL Rémy LE BONNOIS, agissant par Me Rémy LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0299

C/

DEFENDEURS

Monsieur AE AF X

[…]

[…] à 59200 F

représenté par la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL, avocats au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 173

[…]

dont le […] à […]

(ref. : 0997 04 5405 […]

représentée par la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL, avocats au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 173

L’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM)

dont le siège social est […]

[…] à 93175 BAGNOLET CEDEX ( réf. 04-059-C0017)

représentée par la SCP UGGC AVOCATS, agissant par Me Sylvie WELSCH, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0261

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCES MALADIE DE F

dont le […] à 59200 F

représentée par la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R295

O MUTUELLE

siège : […] à […]

défaillant

R S

[…]

59200 F

représentée par Me Sylvie SEMIATICKI, avocat postulant au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 53,; Me Stéphane MONS, avocat plaidant au barreau de LILLE

S.A. L ASSURANCES

dont le […]

représentée par Me Marianne VANDERSTUKKEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0197

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :

Présidente : AM AN, Vice-Présidente, ayant fait rapport à l’audience

Assesseur : Sophie PARMANTIER, Vice-Présidente

Assesseur : Solène LORANS, Vice-Présidente,

A assisté aux débats : Madame AL, Greffière

DÉBATS

Audience publique du 16 Novembre 2012.

JUGEMENT

— Réputé-Contradictoire, en premier ressort,

— Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 al2 du code de procédure civile, par Madame AN, Vice-Président, assisté de Madame AL, Greffière.

[…]

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur P C a été adressé au cours du mois de décembre 2001, par son médecin traitant, au AE X, assuré par les MMA, chirurgien viscéral à la Clinique de la Victoire, assurée par la SHAM, pour une hernie inguinale droite. Le AE X a retenu une indication opératoire avec pose, par voie coelioscopique, de deux prothèses non résorbables et a pratiqué cette intervention le 7 janvier 2002 à la Clinique de la Victoire.

La dissection pariétale s’est effectuée sans difficulté du côté gauche mais il est apparu une brèche dans le péritoine du côté droit nécessitant, pour sa fermeture, un abord intrapéritonéal pratiqué par introduction d’un trocart ombilical.

En salle de réveil, P C a présenté une tachycardie avec chute tensionnelle conduisant à une exploration par voie laparoscopique médiane. Il a été mis en évidence deux plaies de l’artère iliaque primitive droite et de la veine cave au niveau de sa bifurcation, provoquées par l’intervention du trocart. L’atteinte de ces deux gros vaisseaux a été à l’origine d’une hémorragie importante dont les suites ont été marquées par :

> une colite ischémique menant à une hémicolectomie gauche.

> une anurie.

> une septicémie.

> un déficit du membre inférieur droit et du membre supérieur gauche.

Monsieur P C a alors saisi la Commission Régionale de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux du Nord Pas de Calais afin de voir désigner un expert médical.

Le AE Y a été désigné en qualité d’expert médical le 10 août 2004. Il a déposé un rapport provisoire le 15 novembre 2004, concluant à un dommage directement imputable à un acte de soins et à un accident médical, à l’absence de consolidation et à la nécessité d’un examen spécialisé en psychiatrie.

La Commission Régionale de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux du Nord Pas de Calais a rendu un avis le 8 décembre 2004 aux termes duquel elle a estimé qu’il appartenait à l’ONIAM et au AE X, chacun pour moitié, de réparer le préjudice subi par Monsieur P C.

Deux provisions de 11.054,21 euros ont été versées à P C par les MMA et l’ONIAM.

Le conseil de P C a sollicité le 28 juin 2005 de la Commission Régionale de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux du Nord Pas de Calais la désignation d’un expert psychiatrique conformément aux conclusions du AE Y. Cette commission s’y étant opposé, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Bobigny a procédé à la désignation sollicitée, par ordonnance du 15 mars 2006, en la personne du AE Z.

Le AE Z a déposé son rapport le 3 mai 2007. Il est conclu à la persistance d’une symptomatologie anxio-dépressive avec émergences anxieuses, labilité émotionnelle associée à une fatigabilité, un vécu d’insécurité interne et une faible estime de soi, retentissant dans les diverses composantes de sa vie personnelle et professionnelle.

Monsieur P C a sollicité par la suite une nouvelle désignation du AE A avec la mission habituelle en la matière.

Par ordonnance de référé du 8 février 2008, le AE B a été désigné, remplacé par le AE Q D lequel a déposé son rapport au mois de janvier 2009.

Il est conclu, notamment, que les conséquences fautives des plaies vasculaires occasionnées au cours de la cure de hernies par cœlioscopie pratiquée par le AE X font retenir 75% de responsabilité chirurgicale et 25% de risque aléatoire, au motif que l’élément le plus fautif est d’avoir proposé une technique bien que non interdite mais présentant un risque accrue chirurgical au regard du meilleur résultat attendu et l’absence d’information complète donnée au patient sur les autres techniques possibles.

Monsieur P C a alors attrait devant le tribunal de ce siège, suivant actes des 25 et 26 MARS 2010 et du 8 avril 2010, le AE X, les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES (assureur du précédent), la CPAM de F, l’ONIAM, R S (employeur du patient), O MUTUELLE (organismes sociaux du patient), AB AC (assureur de T par contrat souscrit par l’employeur du patient,), aux fins d’indemnisation de ses préjudices sur la base de répartition avancée par le AE Q D

Dans ses dernières écritures signifiées le 31 janvier 2012, R S précise qu’à la suite de l’intervention litigieuse, Monsieur C a été en arrêt de travail complet jusqu’au 30 novembre 2004 inclus, qu’il a alors repris une activité à temps partiel à concurrence de 15 heures par semaine en conservant son statut d’électricien mais avec une activité orientée vers des tâches d’étude et de conseils techniques, ce, pour limiter ses activités physiques, qu’à compter du 2 janvier 2008, cette activité à temps partiel a été portée à 17h50 par semaine, que le 18 septembre 2008, la Médecine du Travail a constaté son inaptitude définitive et qu’il s’en est suivi un licenciement prononcé le 10 octobre 2008, le préavis expirant le 31 décembre 2008.

Se prévalant des articles 29 et 32 de la loi du 5 juillet 1985, R S a demandé, sous bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation in solidum du AE X et des MUTUELLES DU MANS ASSURANCES à lui payer, la somme de 65 292,30 euros au titre des salaires et accessoires maintenus et celle de 26 779,94 euros au titre des cotisations sociales précomptées, ce, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, outre la somme de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles, dépens en sus.

Dans ses dernières écritures signifiées le 22 février 2012, L T ET AI, expose que, étant assureur de T complémentaire en vertu d’un contrat souscrit par l’employeur de Monsieur C, elle est un tiers payeur au sens de l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985, ce qui l’autorise à exercer un recours subrogatoire pour faire valoir sa créance.

Elle demande à voir admettre cette créance et à voir ordonner le remboursement des sommes versées, sous bénéfice de l’exécution provisoire, soit 17 726,38 euros au titre de l’indemnisation de l’incapacité temporaire de travail et 23 045,32 euros au titre des indemnités déjà réglées au titre de la rente d’incapacité, ce avec interêt au taux légal.

Elle sollicite la somme de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles, dépens en sus, lesquels devront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions du 28 octobre 2010, la CPAM de F indique qu’elle a pris en charge son assuré social au titre de la législation l’assurance maladie, lui versant la somme de 209 477,04 euros dont :

—  31 410,03 euros au titre des indemnités journalières,

—  139 202,26 au titre des dépenses de AI actuelles

- 30 210,21 euros au titre des arrérages échus de la pension d’invalidité entre le 1er décembre 2004 et le 1er mars 2009,

—  6 872,48 euros au titre du capital invalidité pour l’année 2009,

—  1 782,06 euros au titre des frais futurs viagers et occasionnels.

Se prévalant de l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale, elle demande, sous bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation solidaire du ou des tiers responsables à lui payer cette somme avec intérêts à compter du jour de sa demande, outre la somme de 1 500 euros pour ses frais irrépétibles, dépens en sus dont distraction au profit de son avocat.

Elle sollicite de plus qu’il soit dit qu’en cas d’exécution forcée, le montant des sommes retenues par l’huissier en application du tarif des huissiers, devra être supporté par le débiteur en sus de l’indemnité allouée en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Dans ses dernières écritures responsives et récapitulatives n°4 du 5 mars 2012, Monsieur P C fait siennes les conclusions du dernier expert, le AE D, et sollicite le rejet de la demande de mise en œuvre d’une nouvelle expertise formée par le AE X et son assureur.

Il fait valoir :

— que les défendeurs n’ont jamais contesté la compétence de l’expert avant ce jour et notamment au cours des opérations d’expertise,

— qu’ils étaient représentés lors des opérations par le AE AG-AH, lequel a formulé toutes les protestations émises aujourd’hui, par le bais de dires à l’expert, que le choix de la technique chirurgicale a donc été débattu et que l’expert a parfaitement répondu à l’ensemble des griefs soulevés par les conseils du AE X, tant en ce qui concerne la technique opératoire utilisée, l’information du patient, que la visibilité de l’hémorragie survenue durant l’intervention,

— qu’en toutes hypothèses, l’existence d’une faute de nature à engager la responsabilité du professionnel de AI est retenue de manière formelle lorsque celui-ci a lésé, au cours d’une intervention, un organe sain et qui ne présentait aucune anomalie et que tel est le cas en l’espèce, l’expert ayant relevé que «les doubles lésions artérielles et veineuses situées anatomiquement en contact ne peuvent être le fait d’un simple aléa thérapeutique mais la conséquence d’un geste maladroit fautif notamment chez un chirurgien habitué à pratiquer environ 250 cœlioscopies par an selon les propres dires de son médecin conseil,”

— que le taux de déficit fonctionnel permanent retenu par l’expert ne saurait être critiqué dans la mesure où il a également donné lieu à débats et à la rédaction d’un dire auquel il a été répondu par l’expert, que le taux de 20% sur un plan psychiatrique correspond bien à «une symptomatologie anxio-dépressive avec émergences anxieuses, labilité émotionnelle associée à une fatigabilité, un vécu d’insécurité interne et une faible estime de soi”, soit à un état au-delà du syndrome dépressif, et que ses antécédents ont bien été pris en compte, contrairement à ce qui est allégué.

Le demandeur sollicite à titre principal de voir liquider ses préjudices comme suit, en se référant à l’euro de rente viagère selon le barème de capitalisation publié dans la Gazette du palais en 2011 :

[…]

Dépenses de AI avant consolidation

> frais médicaux pris en charge par la sécurité sociale : 139 202,26 euros

> frais médicaux pris en charge par la mutuelle : 6 724,52 euros

> frais médicaux restés à charge :

— matériel orthopédique

(deux paires de chaussures par an, soit 95,62 euros x 2) : 1 147,44 euros

[…]

(à renouveler tous les ans, soit 44,93 euros x 6) : 269,58 euros

— honoraires d’ostéopathe : 156,00 euros

— appareil d’électrostimulation : 249,00 euros

SOLDE compte tenu de la créance de la CPAM et de la mutuelle O : 1 882,02 euros

Dépenses de AI après consolidation :

> frais médicaux pris en charge par la sécurité sociale : 1 782,06 euros

> frais médicaux restés à charge :

— matériel orthopédique [(95,62 euros x 2) x 17,925] 3 425,49 euros

[…] [44,93 euros x 17,912] 804,79 euros

— honoraires d’ostéopathe : 112,00 euros

SOLDE, compte tenu de la créance de la CPAM : 4.342,28 euros

Frais divers :

> frais d’assistance aux 3 expertises

(docteurs LESECQ, MEYER et E) : 1 200,00 euros

> frais de déplacements aux expertises : 497,90 euros

TOTAL des frais divers : 1.697,90 euros.

Tierce personne provisoire et définitive :

> Avant consolidation (hors périodes d’hospitalisation) :

1,5 h x 2320 jours x 18 euros/h : 62 640,00 euros

> Après consolidation :

— du 29.10.2008 au 31.03. 2012 : 33 750,00 euros

(1,5 h x 1 250 jours x 18 euros/h)

— arrérages à échoir à compter du 1.04.2012 : 178 988,40 euros

(1,5 h x 400 jours x 18 euros/h x 16,573

(prix de l’euro de rente viagère à 61 ans,

âge de P C au 1.04.2012)

TOTAL de la tierce personne : 272.921,40 euros

Pertes de revenus professionnels jusqu’au 1.10.2010 :

> du 7.01.2002 (début du DFT) au 30.11.2004

(veille de la mise en place de la pension d’invalidité)

17.984,00 x 35 mois + 17.984 x 24 jours 53 635,84 euros

12 mois 365

> du 1.12.2004 (début du règlement de la pension d’invalidité)

au 31.12.2008 (licenciement) 17.984 x 4 ans + 17.984 00 73 434,67 euros

> du 1.01.2009 (début du chômage) au 30.09.2010 (veille de sa

mise en retraite et fin de paiement des pensions d’invalidité), soit

17.984 x 21 mois 31.472,00 euros

Dont à déduire :

— la créance de la CPAM au titre des indemnités journalières versées et au titre de la pension d’invalidité : 32 410,03 euros + 37 082,69 euros,

— celle de L au titre des indemnités journalières versées et au titre de la pension d’invalidité 17 726,38 euros + 23 045,32 euros,

— employeur : 0

SOLDE : 49 278,09 euros

Incidence professionnelle : Faisant valoir qu’il a été totalement écarté du marché de l’emploi et de son secteur professionnel à l’âge de 58 ans et qu’il en est résulté un préjudice moral tenant à l’obligation d’abandonner une activité professionnelle appréciée et source d’épanouissement social et personnel, et, de plus, qu’il a perdu l’avantage lié à son logement de fonction et à son comité d’entreprise, il sollicite l’indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 25.000 euros.

Perte du bénéfice de la mutuelle professionnelle :

Soulignant que son ancien employeur prenait en charge sa mutuelle, ce qui n’est plus le cas depuis son licenciement, lequel est en lien avec les faits litigieux, le demandeur sollicite l’indemnisation de ses frais supplémentaire, soit 6 211,53 euros dont :

> au titre de l’année 2009 : 464,85 euros

> au titre de l’année 2010 : 662,64 euros

> au titre de l’année 2011 710,76 euros

> au titre de l’année 2012 : 912,24 euros

et 3.461,04 euros pour la période suivante jusqu’à ses 65 ans (912,24 x 3,794 (euro de rente jusqu’à 65 ans, à 62 ans, son âge au 1.01.2013)

Aménagement du véhicule automobile et renouvellement : Le demandeur fait valoir que l’aménagement de son véhicule lui a coûté la somme de 442,05 euros et de 551,06 euros et que ce véhicule, équipé d’une boîte de vitesse automatique, représente un surcoût à l’achat et en consommation de carburant de 700 euros.

Il demande à être indemnisé de plus du montant total des renouvellements à venir (tous les 5 ans), soit 3 918,57 euros [(551,06 + 700 ) x 15,661(prix de l’euro de rente viagère à 63 ans, son âge en septembre 2013, date du prochain renouvellement).

TOTAL DES […] : 363.992,36 euros.

[…]

Déficit fonctionnel temporaire du 7.01.2002 (date de l’intervention) au 29.10.2008 (date de la consolidation) : Il est sollicité une indemnité sur une base mensuelle de 900 euros, soit 74.490 euros.

Souffrances endurées : Les souffrances endurées ayant été évaluées à 6/7, il est sollicité une indemnisation à hauteur de 45.000 euros.

Préjudice esthétique permanent évalué à 5/7 : Il est réclamé la somme de 25.000 euros.

Déficit fonctionnel permanent : Ce poste de préjudice ayant été évalué à 32% (séquelles orthopédiques) + 20% (séquelles psychiatriques), il est demandé une indemnisation à hauteur de 130.000 euros.

Préjudice d’agrément : le demandeur sollicite la somme de 15.000 euros.

Préjudice sexuel : Il est réclamé la somme de 50.000 euros pour ce préjudice qualifié d’important.

TOTAL DES […] : 379 490 euros.

Monsieur P C demande en conséquence, à titre principal, la condamnation du AE X et des MMA in solidum à lui payer les sommes ci-dessus dans la limites de 75%, et de l’ONIAM dans la limite de 25%.

Si une nouvelle expertise devait être ordonnée, il sollicite, à titre subsidiaire, la condamnation in solidum ou les uns à défaut des autres, du AE X, des MMA et de l’ONIAM à lui payer une indemnité provisionnelle de 150 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices, son droit à réparation étant acquis.

Il sollicite en outre la condamnation du AE X, des MMA et de I’ONIAM in solidum, ou les uns à défaut des autres, à lui payer la somme de 6 000 euros pour ses frais irrépétibles, dépens en sus, en ce compris les frais d’expertise, et avec distraction au profit de la SELARL REMY LE BONNOIS, avocat, par application des dispositions des articles 699 et suivants du code de procédure civile.

Il est demandé de voir déclarer le jugement opposable à la CPAM de F, à la mutuelle O, à R S et à L T AI, et l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 12 mars 2012, le AE X et les MUTUELLES DU MANS affirment qu’il n’a été commis aucune faute médicale et que le préjudice de la victime relève de l’aléa thérapeutique.

Ils rappellent que les professionnels de AI ne sont tenus que d’une obligation de moyens en raison de la part de risque liée aux actes de prévention, de diagnostic ou de soins, dont la réussite ne peut être assurée, que la loi du 4 mars 2002 a repris ce principe en affirmant qu’ils ne sont responsables des conséquences dommageables de leurs actes qu’en cas de faute, et que, en l’absence de faute, il peut être retenu l’existence d’un aléa thérapeutique, soit, « la réalisation, en dehors de toute faute du praticien, d’un risque accidentel inhérent à l’acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé», l’indemnisation étant alors assurée par les CRCI et par l’ONIAM.

Ils soutiennent que le AE G, médecin généraliste, n’avait pas la compétence requise pour apprécier la qualité d’une intervention chirurgicale, qu’il n’aurait pas dû ne pas accepter sa mission sauf à solliciter l’avis d’un sapiteur chirurgien plus compétent pour donner son avis sur une chirurgie cœlioscopique.

Ils font leurs les critiques de fond du rapport d’expertise judiciaire formulées par les quatre médecins spécialistes en chirurgie générale et cœliochirurgie et dans le domaine psychiatrique qu’ils ont consultés, affirmant :

— que l’analyse des comptes rendus opératoires démontre que l’intervention s’est déroulée selon les règles de l’art et que tous les moyens ont été mis en œuvre pour la réalisation de l’intervention et pour gérer la complication,

— que l’indication opératoire choisie par Monsieur X à savoir une cure chirurgicale pour une hernie inguinale bilatérale était tout à fait justifiée, étant parfaitement codifiée et admise par les équipes chirurgicales française pour des malades âgés de 45 à 54 ans, ce praticien l’ayant pratiquée à de nombreuses reprises et le patient ayant précisé qu’il avait été informé des conséquences de cette intervention,

— que l’expert judiciaire note que des plaies vasculaires graves se sont produites au cours de la cœlioscopie, que “ l’on ne s’explique pas que le saignement ait pu être ainsi ignoré avant la fermeture des orifices abdominaux de la cœlioscopie » et conclut que « les doubles lésions artérielles et veineuses situées anatomiquement en contact, ne peuvent être le fait d’un simple aléa thérapeutique, mais la conséquence d’un geste maladroit et fautif notamment chez un chirurgien habitué à pratiquer environ 250 cœlioscopie par an selon les dires du médecin conseil », mais que ces conclusions sont erronées, les médecins experts consultés indiquent que « Des plaies de l’aorte abdominale ou des artères iliaques peuvent ne pas saigner initialement. Ces plaies artérielles sont souvent qualifiées de plaies « sèches » et peuvent ne se manifester que secondairement. “Concernant les plaies veineuses, l’absence de saignement est liée à la contre pression exercée par le pneumopéritoine. Un des facteurs reconnu de risque de survenue est le manque d’expérience du chirurgien ce qui n’est clairement pas le cas du AE X » ;

— que l’expert judiciaire énonce que « chez un jeune chirurgien novice, il pourrait être considéré comme un aléa en raison d’une expérience limitée, mais chez un praticien expérimenté, il en est tout autre », mais que cette affirmation est manifestement sans fondement dès lors que, soit un dommage lié à une faute, soit il est lié à un aléa thérapeutique , et ce, indépendamment de l’expérience du chirurgien et que les spécialistes sollicités ont conclu à l’aléa total, le AE H soulignant que “la plaie vasculaire présentée par Monsieur C est très vraisemblablement survenue lors du temps de fermeture de la brèche péritonéale, quand le brocart ombilical a été positionné dans l’abdomen. Il n’y a pas eu de faute technique identifiable dans la réalisation de ce geste. Il s’agit là d’un aléa connu de la chirurgie laparoscopique dont la fréquence est estimée à 1/1000 » ;

— que les complications survenues (l’hémorragie artérielle au niveau de l’artère iliaque primitive et le saignement d’origine veineux sur la face antérieure de la veine), ont été parfaitement gérées par le AE X et le AE I qui ont réussi à arrêter l’hémorragie avec une réparation artérielle et veineuse dans de bonnes conditions ;

— que cette prise en charge a été faite dans les règles de l’art du fait d’une surveillance étroite post opératoire en salle de réveil, du fait d’un recours à un chirurgien vasculaire et du fait d’un transfert en réanimation ;

— que l’expert judiciaire a évoqué « la vision altérée par un optique qui donne une vision floue et impose son nettoyage », ce qui démontre sa méconnaissance de la chirurgie laparoscopique, la laparoscopie ayant l’avantage de donner une qualité de vision très supérieure à la laparotomie du fait de l’agrandissement que procure le système vidéo ;

— que les conclusions de l’expert judiciaire ne permettent pas de liquider le préjudice de Monsieur C, dès lors que son rapport ne comporte pas d’évaluation situationnelle, ce qui ne permet pas de statuer sur les besoins en aide humaine, et qu’il ne s’est pas prononcé sur l’incidence du fait que le demandeur a été placé en invalidité 1re catégorie, preuve qu’il n’est pas inapte à tout emploi ;

— que le taux d’AIPP de 20 % retenu pour les troubles psychiatriques est critiquable, les troubles psychiques n’étant pas analysés et étant manifestement très surévalués, et aucun syndrome dépressif n’étant relevé, qu’il s’agit là d’une erreur médico-légale manifeste ; que l’expert judiciaire intègre dans le taux d’AIPP de 32 % les troubles de la libido, or ceux-ci constituent des troubles psychiques, déjà pris en compte dans l’évaluation du taux d’AIPP de 20% ; que le taux final retenu est de 32 % et que l’on pourrait donc considérer que les 32 % ont été évalué selon la règle de Balthazar ; que le AE J, neurologue psychiatre qui a assisté à la réunion d’expertise, conclut que le AE Z n’a pas pris en compte à leur juste valeur les antécédents médicaux de Monsieur C.

Ils demandent une contre expertise par un spécialiste de la chirurgie digestive et qu’il soit sursis à la liquidation des préjudices de Monsieur C dans l’attente du dépôt du nouveau rapport d’expertise.

A titre subsidiaire, le AE X et les MMA proposent une liquidation des postes de préjudices de Monsieur C sur la base des conclusions du AE D en réduisant à de plus justes proportions les sommes sollicitées.

Ils proposent l’application de la table officielle 2000-2002 TH-TF, table réalisée par l’INSEE et publiée au JO du 29 décembre 2005, qui est la dernière table officielle à ce jour.

En ce qui concerne le taux d’intérêt, ils sollicitent l’application d’un taux de 2,35%, moyenne arithmétique des taux d’intérêts légaux des 5 dernières années qui est la deuxième composante du barème de capitalisation retenu par la Gazette du Palais. A défaut, ils sollicitent l’application du taux de 3,22 %.

[…]

Dépenses de AI avant consolidation : Les défendeurs contestent les postes de dépense relatifs à du matériel orthopédique, chaussettes de contention, honoraires d’ostéopathe, appareil d’électrostimulation, l’expert judiciaire n’en faisant pas état.

Dépenses de AI restées à charge après consolidation : Les mêmes observations que ci-dessus sont faites.

Frais divers : Les concluants acceptent de prendre en charge les frais d’assistance (1200 euros) et les frais justifiés de déplacement (282,60 euros, soit frais de train pour une personne : 36,30 euros, 50,10 euros et 112 euros, frais de taxi : 26,10 x 2 soit 52,20 euros et 8,30 x 2 soit 16.60 euros, frais de parking : 15,20 euros) ;

la prise en charge de l’hôtel est refusée compte tenu de la distance lieu d’expertise/domicile).

Frais de tierce personne :

> Avant consolidation, sur une durée de 2320 jours et sur la base de 1h30 par jour et d’un taux horaire de 9,71 euros, il est offert la somme de 33.790,80 euros, dont à déduire les aides versées à Monsieur C à ce titre.

> Après consolidation, sur la base de 390 jours par an, du même tarif horaire, et de l’indice de capitalisation de 15, 887 (selon l’âge de Monsieur C en 2008), il est offert la somme de 90.243,72 euros sous forme de rente annuelle à hauteur de 5680,35 euros, payable trimestriellement à terme échu.

Pertes de gains professionnels

Il est rappelé que les pertes de gains professionnels actuelles correspondent aux pertes de salaires, de rémunérations ou de revenus pendant la période d’arrêt d’activité professionnelle jusqu’à la consolidation et que les pertes de gains professionnels futurs réparent les pertes liées à l’impossibilité de travailler totalement ou partiellement jusqu’à la retraite.

> Avant la consolidation

— en prenant en compte une période 2488 jours (du 7 janvier 2002 au 29 octobre 2008, date de la consolidation), le salaire journalier que le demandeur aurait dû percevoir, soit 49,27 euros (donc 121 672,72 euros sur la période en cause), et les sommes versées par les tiers payeurs (par employeur à hauteur de 61 245,94 euros ; indemnités journalières par CPAM, soit 31 410,03 euros ; par K à hauteur de 17 726,38 euros ; pension par L à hauteur de 15 876,60 euros ; pension par CPAM à hauteur de 27.332,43 euros), il est soutenu que le demandeur ne justifie pas des pertes alléguées.

> Après la consolidation

— jusqu’au départ en retraite (30 septembre 2010), compte tenu d’un salaire rétabli de 34.547,24 euros, de la pension versée par la AB, soit 5141,22 euros de novembre 2008 à mars 2010 (21.017,82 – 15.876,60 = 5141,22 euros) et 2.027,50 euros d’avril 2010 à septembre 2010, et des indemnités de chômage servies (Monsieur C a perçu en même temps que sa pension des indemnités de chômage), il est demandé que ce poste soit laissé en mémoire dans l’attente de la production par le demandeur de ses avis d’imposition de 2009 et 2010 ; il est précisé que, si le solde était négatif , il conviendrait d’imputer le reliquat sur le déficit fonctionnel permanent.

Perte de bénéfice de la mutuelle professionnelle : Les concluants s’en rapportent sur cette demande sous réserve de la justification de prise en charge par Monsieur C des frais de mutuelle depuis 2008 et ce jusqu’à 60 ans.

Véhicule aménagé : Au vu des justificatifs produits, l’aménagement du véhicule a coûté la somme totale de 993,11 euros. Il est offert une somme de 1856,26 euros sur la base d’un renouvellement par 7 ans, compte tenu d’un achat en 2008 renouvelé en 2015 et d’un prix de l’euro de rente pour un âge de 65 ans à la date de renouvellement de 13, 084.

[…]

Déficit fonctionnel temporaire : Les concluants proposent comme l’ONIAM une moyenne de 15 euros par jour soit une somme de 27.330 euros.

Souffrances endurées : Il est offert la somme de 18.000 euros.

Déficit fonctionnel permanent : Il est offert la somme de 67 000 euros.

Préjudice esthétique : Les concluants proposent une somme qui ne saurait être supérieure à 12.000 euros.

Préjudice sexuel : Il est offert la somme de 10.000 euros.

Préjudice d’agrément : Il est offert la somme de 12.000 euros.

Pour ce qui est des demandes des tiers payeurs, les concluants proposent une répartition au AD l’euro entre les différents organismes comme suit sur la base d’un salaire rétabli de 121 672,72 euros :

— CPAM : 47 207,23 euros [ (121672,72 x 58742,46] /151403,80 = 47 207,23 euros]

— EMPLOYEUR : 49 219,11 euros [(121672,72 x 61245,94) / 151403,80 = 49 219,11 euros]

— L : 25 246,37 euros [(121672,72 x 31415,40)/ 151403,80 = 25 246,37 euros].

Ils font observer que, dans ses dernières conclusions, Monsieur C ne déduit pas de son préjudice la créance de l’employeur aux motifs que les sommes versées à durant la période de son déficit fonctionnel temporaire correspondraient en fait aux allocations journalières versées par la L entre les mains de l’employeur aux fins de redistribution en faveur du salarié, et qu’il est difficile d’admettre que la créance de l’employeur n’est pas à déduire alors qu’à la fois l’employeur et la AB sollicitent le remboursement de leur créance et que leur montant est différent. Ils affirment que le demandeur devra produire le contrat complet de L afin de savoir à quel titre ce tiers payeur et maintiennent en l’état la répartition proposée avec déduction de la créance de l’employeur du préjudice de l’intéressé.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 2 mai 2012, l’ONIAM s’en rapporte à la décision du tribunal sur la demande de contre-expertise. Il s’oppose à la demande d’allocation d’une provision complémentaire formée à titre subsidiaire par Monsieur P C, compte tenu de l’existence d’une contestation sérieuse quant à la détermination du débiteur de cette obligation.

Sur le fond, l’office rappelle que le droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale s’ouvre lorsque la responsabilité d’un professionnel de AI n’est pas engagée et à certaines conditions explicitées à l’article L. 1142-1- II du code de la AI publique ainsi que dans le décret n 2003-314 publié le 4 avril 2003 et codifié à l’article D. 1142-1 du code de la AI publique.

Il souligne qu’il appartient à la juridiction saisie, avant d’envisager si les conditions fixées pour l’indemnisation d’un accident médical au titre de la solidarité nationale sont réunies, de vérifier si la responsabilité des acteurs de AI concernés est engagée.

Il précise que, dans l’hypothèse où deux événements successifs entraînent deux accidents médicaux successifs et distincts, et alors que l’ONIAM n’est bien évidemment pas dans la situation d’un co-responsable, deux situations sont à appréhender :

— si la faute a précédé le fait non fautif, il faut considérer que sans l’acte fautif, aucun aléa ne se serait produit, ce qui conduit à mettre à la charge du responsable fautif l’entier préjudice, toute indemnisation au titre de la solidarité nationale devant alors être exclue,

— si l’accident médical est initial et si les fautes interviennent ensuite dans la prise en charge de la complication, une part d’indemnisation restera à la charge du responsable au titre du dommage imputable à la faute, l’autre part de préjudice imputable à l’aléa thérapeutique pouvant être mise à la charge de la solidarité nationale si les conditions d’imputabilité, d’anormalité et de gravité du dommage sont remplies.

Quant au choix de la technique et à l’information donnée au patient, il rappelle :

— qu’il résulte du code de déontologie médicale, codifié aux articles R. 4127-1 et suivants du code de la AI publique, que “Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents (article R. 4127-32 du code de la AI publique), et que «Le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié » (article R. 4127-40 du code de la AI publique) ;

— qu’en application de l’article L. 1110-5 du code de la AI publique « Toute personne a, compte tenu de son état de AI et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir des risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté» ;

— que l’article L.1111-2 alinéa 1er du code de la AI publique dispose que «Toute personne a le droit d’être informée sur son état de AI. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de AI dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables» ;

— que, de même, l’article R. 4127-35 du code de la AI publique dispose que «Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. »

Il souligne qu’il résulte de la combinaison de ces textes l’obligation pour le praticien, d’une part, de délivrer une information complète et compréhensible sur la nature des actes envisagés ainsi que sur les risques inhérents à ces actes et, d’autre part, de présenter au patient les différentes solutions qui peuvent être mises en œuvre.

Il soutient, au cas présent, que le chirurgien n’a pas informé Monsieur C des autres techniques possibles -hors la technique cœlioscopique- pour réaliser la cure chirurgicale de ses hernies, que cette technique, qui a fait débat, est depuis une vingtaine d’années en régression à raison des complications vasculaires plus nombreuses qu’elle génère, et fait sienne la conclusion de l’expert qui est d’avis que « la technique utilisée ne permettait pas au patient de jouir du moindre risque au regard du résultat le plus efficace souhaité ».

Quant au caractère fautif des plaies vasculaires réalisées, il rappelle que le praticien est tenu non seulement de prodiguer des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science à son patient mais également d’assurer sa sécurité, qu’il peut donc se voir reprocher une faute dès lors qu’au cours d’une intervention il porte atteinte de manière injustifiée à la personne du patient, et que cette faute, qui entraîne la mise en jeu de sa responsabilité sur le fondement de l’article L. 1142-1 alinéa 1, peut consister en une faute de technique médicale ou chirurgicale, définie comme le fait de ne pas avoir une parfaite maîtrise de ses actes.

Il soutient qu’il faut faire la différence entre la brèche péritonéale intervenue dans un premier temps, facilement réparable et sans conséquence et qui n’a entraîné aucun préjudice, et les lésions intervenues du fait de l’intervention du AE X pour la fermer.

Il fait siennes les conclusions de l’expert judiciaire qui retient que “la défaillance fautive entre les mains d’un chirurgien expérimenté a été responsable d’une double plaie vasculaire lors de l’introduction d’un trocart abdominal pour réaliser la réparation d’une brèche péritonéale, lors de la constitution du pneumopéritoine» et ajoute que « le problème hémorragique est un accident prévisible et ne peut littéralement que s’opposer à la définition de l’aléa thérapeutique qui est la survenue d’un accident inattendu et totalement imprévisible .

Il affirme :

— que cette double plaie vasculaire qui a touché l’artère iliaque primitive étroite, branche de la division de l’aorte, vascularisant des organes vitaux du petit bassin et la veine cave inférieure assurant le retour veineux des membres inférieurs et du pelvis, a entraîné des lésions permanentes chez Monsieur C qui sont à l’origine de son entier préjudice,

— que la responsabilité pleine et entière du chirurgien est engagée.

Il demande en conséquence sa mise hors de cause et la condamnation du AE X et de son assureur in solidum à réparer l’ensemble des préjudices subis par Monsieur C et à lui rembourser la somme de 11 054,21 euros réglée par lui.

Subsidiairement, en ce qui concerne l’indemnisation des préjudices, si le tribunal considérait qu’une part devait être retenue à hauteur de 25 % au titre d’un aléa thérapeutique indemnisable au titre de la solidarité nationale :

— il conteste les 20 % de déficit fonctionnel permanent attribués aux conséquences psychiques de cette intervention, ce taux étant extrêmement élevé et correspondant à un état dépressif résistant, ici non caractérisé,

— il indique que, même si le tribunal n’y est aucunement lié, il sera fait référence à son propre référentiel d’indemnisation , lequel a été modifié au 1er septembre 2011 en ce qui concerne la table d’espérance de vie et le taux de placement,

— il rappelle que l’article L.1142-17 du code de la AI publique qui ne prévoit pas de remboursement par l’Office des créances des organismes sociaux, précise que l’indemnisation par l’ONIAM doit se faire « déduction faite des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n 85-677 du 5 juillet 1985 précitée, et plus généralement des indemnités de toutes natures reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice »,

— il précise que, la consolidation de Monsieur C, né le […], étant acquise au 29 octobre 2008 à l’âge de 58 ans, le taux de rente viagère est de 15,887 selon la table de capitalisation élaborée à partir des tables d’espérance de vie INSEE de 2008 pour les hommes comprenant un taux d’intérêt à 2,92 %,

— il demande à voir réduire à de plus justes proportions les indemnisations sollicitées par Monsieur C.

Il s’en rapporte à la décision du tribunal sur les dépenses de AI restées à charge avant consolidation.

Sur les dépenses de AI après consolidation, il retient un total de 4 230,28 euros (après exclusion des dépenses d’ostéopathie) dont il convient de déduire la créance de la CPAM de 1 782,06 euros, soit une somme restée à charge de 2 448,22 euros.

Il s’en rapporte à la décision du tribunal sur les frais divers.

Il retient, au titre de l’assistance par une tierce personne non médicalisée avant consolidation, sur la base d’un besoin à hauteur de 1h30 par jour, d’un coût horaire de 9,71 euros et d’une durée de 2 320 jours hors périodes d’hospitalisations, la somme de 33 790,80 euros dont il conviendra de déduire les aides qui ont été versées à Monsieur C au titre de l’assistance par une tierce personne et dont il sera justifié.

Il offre, au titre de l’assistance par une tierce personne non médicalisée après consolidation, sur la base d’un même coût horaire et de 390 jours/an, soit 5 680,35 euros/an, un capital représentatif de 90 243,72 euros (par application de l’indice 15.887 selon l’âge de Monsieur C en 2008).

En ce qui concerne les pertes de revenus professionnels, l’office fait observer que ce préjudice devra être calculé du 7 janvier 2002 au 31 décembre 2008, date du licenciement, étant précisé que depuis le 1er octobre 2010, Monsieur C perçoit une retraite de 11 699,99 euros par an, soit 974,99 euros par mois (brut) et 905,79 euros (net).

Prenant en considération que le dernier revenu du demandeur s’élevait en 2001 à la somme de 17 984 euros, soit un total de 125 888 euros sur la période susvisée (7 années) et qu’il y a lieu de déduire le montant des indemnités journalières versées par la CPAM pour un montant total du 7 janvier 2002 au 6 avril 2008 de 31 410,03 euros, la pension d’invalidité versée pour 37 082,69 euros, et la pension versée par l’employeur évaluée à 49 968,30 euros, il retient une différence de 7 426,98 euros.

Il demande le rejet des prétentions de Monsieur C au titre de l’incidence professionnelle et du préjudice moral.

L’ONIAM s’en rapporte sur la demande relative à l’indemnisation de la perte du bénéfice de la mutuelle professionnelle, sous réserve de la justification de prise en charge par Monsieur C de frais de mutuelle depuis 2008 et ce jusqu’à 60 ans.

Sur le poste véhicule aménagé , il est offert la somme de 1 856,26 euros ( sur la base d’un coût d’aménagement de 993,11 euros, d’un renouvellement par 7 ans, et donc en 2015, et d’un prix de l’euro de rente pour un âge de 65 ans à la date du renouvellement de13 084).

L’ONIAM offre :

— pour les troubles dans les conditions d’existence pendant les périodes d’incapacité temporaire totale et partielle, la somme de 27 330 euros sur une base journalière de 15 euros,

— pour les souffrances endurées, la somme de 18 000 euros,

— pour le déficit fonctionnel permanent, en tenant compte du taux de 32 % pour les séquelles orthopédiques et d’un taux lié aux conséquences psychiques qui ne pourra néanmoins atteindre les 20 % suggérés par l’expert judiciaire, la somme de 67 000 euros,

— pour le préjudice esthétique, la somme de 12 000 euros,

— pour le préjudice sexuel, la somme de 10 000 euros,

— pour le préjudice d’agrément, la somme de 12 000 euros.

Il est rappelé qu’une somme de 11 054,21 euros a été versée et par l’ONIAM et par le AE X et son assureur, qu’il conviendra de déduire du montant total.

Il réclame le rejet des prétentions du demandeur au titre de l’article 700 du code de procédure civile et qu’il soit statué ce que de droit sur les dépens dont recouvrement au besoin par la SCP U V Gout Canat & associés dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.

La mutuelle O, quoique régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat. Sa créance est communiquée.

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 16 novembre 2012. L’audience de plaidoiries s’est tenue ce même jour.

Le prononcé a été fixé au 15 février 2013 puis prorogé au 22 février 2013 pour cause de surcharge de travail.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les principes applicables

Aux termes de l’article L. 1142-1-I du Code de la AI publique, les professionnels de AI “ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic et de soins qu’en cas de faute”.

Tenu d’une obligation de moyens, le médecin s’engage à donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science à l’époque des soins. L’obligation concerne le diagnostic, les investigations médicales ou les mesures préalables, l’indication thérapeutique et/ou opératoire, la mise en œuvre du traitement ou la réalisation du geste opératoire, le suivi du traitement ou de la phase post-opératoire.

Il doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié.

Il doit délivrer au patient une information sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles. C’est à lui qu’il revient de démontrer qu’il a délivré l’information appropriée.

Il pèse sur le chirurgien une obligation de précision du geste chirurgical l’obligeant à limiter les atteintes portées au patient à celles strictement nécessaires à la réalisation de l’intervention : sauf anomalie inconnue, liée notamment à une particularité de l’anatomie du patient, ou circonstance spéciale rendant l’atteinte inévitable, une erreur ou une maladresse commise lors de l’intervention chirurgicale engage sa responsabilité.

La faute doit être prouvée par la victime ; elle ne peut se déduire du seul échec des soins pas plus que de la seule anormalité du dommage ni de sa gravité exceptionnelle.

Par contre, lorsque le dommage subi par le patient est la conséquence d’un accident médical, soit la réalisation d’un risque ne pouvant être maîtrisé, et à la condition qu’il présente le niveau de gravité requis par l’article L. 1142-1, II du Code de la AI publique, la réparation des préjudices relève de la solidarité nationale ; le médecin n’est donc pas tenu d’indemniser l’aléa médical et la victime n’a alors pas à prouver la faute de l’auteur du dommage, l’indemnisation étant assurée par l’intermédiaire de l’ONIAM.

Sur la demande d’une nouvelle expertise, l’information du patient et la qualification de la complication

Sur la demande d’une nouvelle expertise

Monsieur C a été examiné successivement par deux experts, par le AE W Y, qui avait été désigné par la CRCI du Nord Pas de Calais, puis par le AE Q D, désigné par ordonnance de référé du 8 février 2008, parce que l’ONIAM n’avait pas été appelé aux premières opérations d’expertise et que l’état de Monsieur C n’était pas consolidé.

Le AE Q D, dans son rapport d’expertise du 22 décembre 2008 indique : “Il appert que le chirurgien expérimenté dans la technique de la cœlioscopie, n’a pas informé le patient des autres techniques possibles pour réaliser la cure chirurgicale de ses hernies. Certes, il a informé le patient de la technique de la cœlioscopie et de ses risques mais n’a pas laissé le choix de l’information sur les autres possibilités chirurgicales. Le nombre d’interventions pour hernies sous cœlioscopie est depuis une vingtaine d’années en régression … car générant plus de complications vasculaires et le débat n’est toujours pas tranché quant à intervenir sous cœlioscopie pour la réduction des hernies. En 2002, aucune recommandation interdisant cette méthode n’est formulée par les sociétés savantes, bien que faisant toujours l’objet d’un débat et depuis 1990 en nette diminution… La chirurgie se doit de proposer la meilleure technique associant le moindre risque, il ne semble pas dans le cas de Monsieur C que ces règles et recommandations aient été respectées”.

Relevant que “des plaies vasculaires graves se sont produites au cours de la cœlioscopie, notamment et probablement lors de la réparation de la brèche péritonéale fréquente en raison des cicatrices antérieures”, l’expert judiciaire précise : “Ces plaies touchant la veine cave et l’artère iliaque primitive droite, [ont été] occultées lors de la cœlioscopie… Il arrive fréquemment qu’en raison de l’anesthésie et de la vasoplégie induite par celle-ci que des saignements se produisent après la fermeture de l’abdomen en chirurgie classique à ciel ouvert. Le réveil et la remontée tensionnelle conduisent parfois à créer des saignements, invisibles lors de la vérification abdominale avant la fermeture abdominale. Il est possible qu’en chirurgie cœlioscopique, il puisse en être de même, mais on est interpellé par la gravité des lésions touchant une veine à grand débit et une artère de division issue de l’aorte dans laquelle règnent une pression et un débit très important…”.

Il conclut que “les doubles lésions artérielles et veineuses, situées anatomiquement en contact, ne peuvent être le fait d’un simple aléa thérapeutique mais la conséquence d’un geste maladroit et fautif”… “geste réalisé à l’aveugle par l’introduction d’un trocart dans le flanc droit, sans le contrôle permanent de la vue…”

Il estime que le AE X est responsable à hauteur de 75% des conséquences de sa maladresse fautive mais retient que “compte tenu du risque décrit de lésion vasculaire au cours de la technique utilisée et considérée comme un aléa … il convient de lui accorder un taux de 25% comme aléa thérapeutique”.

Il fait courir le déficit fonctionnel temporaire total du 7 janvier 2002 au 31 décembre 2008, date à laquelle la victime a été contraint de prendre sa retraite, fixe la consolidation au 29 octobre 2008, évalue les souffrances endurées à 6 sur l’échelle de 7, le préjudice esthétique à 5 sur l’échelle de 7 “au regard du culturisme antérieur de Monsieur C”, retient un préjudice d’agrément important, la nécessité d’une aide quotidienne d’une heure et demi, la nécessité d’un véhicule automobile adapté, soit automatique avec pédales inversées, à changer tous les 5 à 10 ans en fonction de l’usage, arrête le taux du déficit fonctionnel permanent à 32% sur le plan somatique, mis à part les 20% correspondant à l’aggravation d’ordre psychiatrique.

Ces conclusions sont à rapprocher de celles du AE W Y dans son rapport du 21 octobre 2004 dont les parties avaient aussi toute latitude de débattre.

Cet expert indique que, à gauche, la dissection pariétale est sans problème tandis que “à droite, le péritoine est adhérent au niveau d’une ancienne cicatrice de Mac Burney, ce qui favorise l’apparition d’une brèche dans le péritoine (et donc un pneumopéritoine par passage dans cette brèche du gaz préalablement insufflé” , que les blessures vasculaires sont liées à l’intervention du 7 janvier 2002 et plus particulièrement à la phase de mise en place du trocart au niveau ombilical pour réaliser un abord intrapéritonéal en vue de la fermeture de cette brèche qu’il considère comme un incident connu dans ce type d’intervention, que ces blessures vasculaires ont constitué le mécanisme du dommage et sont sa cause dans sa globalité (colite ischémique gauche, état neurologique du membre inférieur droit, troubles urinaires, pneumopathie et candidémie, partie des troubles psychologiques).

Il qualifie ces blessures vasculaires soudaines et imprévues d’accident médical et retient :

— que le patient a été informé sur la technique chirurgicale et ses suites possibles, que l’indication était légitime,

— que, l’intervention étant cœlioscopique, il pouvait être proposé une cure herniaire simultanée,

— que “le fait de proposer en 2002 une laparoscopie sur le fait de suites moins algiques et plus courte que par chirurgie “classique” peut être considéré comme fondé”,

— que “le fait d’aborder en intrapéritonéal la brèche, par le biais d’un trocart ombilical pour sa suture cœlioscopique, est conforme et légitime”,

— que la complication a été détectée et prise en compte normalement dès lors que “Tous les cas d’hémorragie de ce type ne sont pas détectés en per-opératoire. Certaines hémorragies ne le sont que quelques heures après la fin de l’intervention et parfois même encore tardivement”,

— que la réalisation de la laparotomie qui a suivi et les gestes effectués pour le traitement des lésions vasculaires ont été tout à fait adaptés et pratiqués avec une bonne technique et maîtrise,

— que “Les blessures artérielles décrites… ont concerné surtout l’aorte à son carrefour et l’artère iliaque primitive droite (du fait d’une latéralisation gauche de l’axe aortique). Elles étaient causées le plus souvent par un défaut de pneumopéritoine et/ou par un axe de pénétration trop vertical du trocart. La fréquence de telles plaies peut être estimée comme allant de 0,1 à 1/1000. La taille des plaies par trocart a pu être estimée comme allant de 0,5 à 1,5cm2, ce qui explique, en cas de blessures et vu le débit, l’importance de l’hémorragie,”

— que, selon la littérature médicale, “ le trocart doit être introduit dans l’ombilic avant la mise en position de Trendelenburg laquelle aligne la bifurcation aortique dans l’axe d’introduction du trocart”… “il est connu que, quand le patient est mis en Trendelenburg, la fourche aortique “monte” alors, ce qui peut créer, en cas de position inchangée du trocart, un rapprochement

entre celui-ci et son trajet… il y a donc augmentation du risque vasculaire”, et que, au cas présent, l’intervention a été réalisée dans cette position, alors que “pour cette pose [du trocart] la suppression de cette position aurait été bénéfique”,

— que cette position du patient qui “a au moins constitué une circonstance favorisante quant à la réalisation des blessures vasculaires… ne constitue pas la cause unique ni peut être essentielle des blessures vasculaires. L’exsufflation massive a raisonnablement plus que contribué à l’apparition des blessures vasculaires. Une telle perte soudaine de pneumopéritoine abaisse la paroi abdominale antérieure d’un seul coup, et la distance, entre la paroi et le trocart d’une part et les vaisseaux d’autre part, diminue considérablement. Cette soudaineté contribue – général comme ici- à ce que le contrôle du trocart puisse être difficile voire aléatoire.”

— que le AE X explique cette exsufflation massive et imprévisible par une petite brèche péritonéale médiane créée lors de la première manœuvre d’introduction du trocart mais qui n’a pas été mise en évidence, le trocart lui-même la masquant, mais que “la réalisation du geste par un trocart restant axé, donc obstruant la brèche médiane, explique difficilement le démasquage de celle-ci … [et que], si cette brèche a été révélée, expliquant la fuite du gaz, ce serait plutôt et sans doute parce que le trocart a été modifié dans sa direction ou bien qu’il a fait l’objet d’un retrait vers l’ombilic comme, en théorie au moins, cela aurait pu être le cas avant de le réintroduire en intra-péritonéal”.

Et le AE W Y conclut en ces termes : “Il est … difficile d’affirmer avec certitude le mécanisme exact de cette exsufflation au demeurant massive. L’hypothèse émise par le AE X peut se voir opposer des arguments ; en même temps il est peu évident d’affirmer péremptoirement qu’un geste authentiquement fautif soit à l’origine de la perte du pneumopéritoine et de démonter et démontrer le mécanisme”.

Les deux experts sont au moins d’accord pour indiquer que l’information du patient a porté exclusivement sur la technique employée par le AE X et situer l’origine des plaies vasculaires lors de l’introduction du trocart destiné à permettre la réparation d’une brèche péritonéale.

Ils s’accordent aussi pour dire que les lésions subies par le patient sont en rapport direct avec ces plaies et donc avec l’intervention en cause. Aucun ne remet véritablement en cause le fait que les saignements du patient n’ont pas été vus en per-opératoire.

Quoiqu’ils soient d’un avis divergent sur le choix de la technique opératoire et l’éventualité d’une faute du chirurgien lors de la réalisation de son geste de réparation de la brèche péritonéale, il n’apparaît pas nécessaire de recourir à une nouvelle expertise.

En effet, les arguments opposés par le AE H, le AE M, le AE J dans des rapports critiques produits par le AE X n’apportent pas d’élément utile :

— le premier s’attache à défendre essentiellement le choix de la technique, précise que, très probablement, les plaies vasculaires se sont produites “lors de la mise en place du trocart ombilical intrapéritonéal, temps aveugle et qui explique assez bien une double plaie vasculaire artérielle et veineuse”, et affirme sans démonstration qu’il n’y a pas eu de faute identifiable dans la réalisation de ce geste et qu’il s’agit d’un aléa connu de la chirurgie laparoscopique ;

— le second se limite à contester la compétence du AE Q D, médecin généraliste et non chirurgien, sans énoncer le moindre avis sur l’origine de ces plaies ;

— et le troisième n’a raisonné que sur l’AIPP en rapport avec les troubles psychiatriques du patient.

Surtout, les éléments d’analyse contenus dans ces rapports suffisent à permettre de trancher. Et il en est de même du rapport d’expertise psychiatrique.

Sur le choix de la technique

Il ne peut être sérieusement reproché au AE X d’avoir orienté le patient vers une intervention par voie cœlioscopique avec choix d’une approche pré-péritonéale.

En effet, il ressort :

— de la lecture du rapport relatif à la chirurgie des hernies inguinales de l’adulte présenté au 103ème congrès français de chirurgie ( par P. VERHAEGHE et S. RORH), que l’approche transabdominale-péritonéale (retenue par le AE X) constitue une meilleure indication pour les hernies bilatérales (c’est le cas de Monsieur C) ;

— et de la lecture d’un article publié en 2006 chez l’éditeur Masson, par P. ANANIAN, K. N, P. BALANDRAUD et Y.P. LE TREUT, relatif à la cure des hernies inguinales de l’adulte, qu’il existe trois types de technique chirurgicale permettant de les traiter (herniorraphie antérieure de Shouldice, herniorraphie antérieure de Lichtenstein et herniorraphie postérieure par laparoscopie), dont la dernière (ici employée), présente des résultats cliniques objectifs semblables à ceux des deux autres techniques, semble diminuer la fréquence des complications locales précoces et des douleurs tardives, expose à des complications opératoires rares mais graves, améliore la qualité de vie à court terme et raccourcit le délai de reprise des activités normales. Il est affirmé qu’il n’existe pas de consensus pour la technique de référence.

Le AE Q D (qui raisonne à la fin de l’année 2008) reconnaît lui-même qu’en 2002 aucune recommandation interdisant cette méthode n’était formulée par les sociétés savantes et qu’il n’existe pas à ce jour de consensus sur ce point ; et, quoiqu’il fasse grief au chirurgien de la technique utilisée qu’il estime plus risquée, il qualifie aussi les risques encourus de rares (page 31 du rapport).

Sur l’information du patient

L’information donnée au patient a été complète en ce qui concerne la technique opératoire particulière employée.

S’il n’est pas contestable que Monsieur C n’a pas été informé de l’existence de techniques alternatives, il doit être constaté que, pour autant, le demandeur ne caractérise pas le préjudice particulier découlant de cette omission ni ne forme à cet égard de demande d’indemnisation spécifique.

Il sera de plus souligné que ce patient entrait dans la catégorie de ceux pouvant bénéficier tout particulièrement de la technique choisie par le AE X puisqu’il était affecté d’une hernie bilatérale, qu’il exerçait une activité professionnelle à laquelle il tenait et qu’il indique lui-même dans ses écritures qu’il souhaitait une courte convalescence.

Sur le geste chirurgical

Le AE Q D impute au AE X “un geste maladroit et fautif”… “geste réalisé à l’aveugle par l’introduction d’un trocart dans le flanc droit, sans le contrôle permanent de la vue…” au moment de la réparation de la brèche péritonéale, sans en décrire précisément le mécanisme.

Ce mécanisme est par contre explicité par le AE Y, qui fait intervenir la position du patient (en Trendelenburg) comme circonstance favorisante des blessures vasculaires et, surtout l’exsufflation massive de par la perte soudaine de pneumopéritoine abaissant la paroi abdominale antérieure d’un seul coup et diminuant la distance entre la paroi et le trocart d’une part et les vaisseaux d’autre part.

Cette perte massive et soudaine de pneumopéritoine abaissant “d’un seul coup la paroi abdominale antérieure et [diminuant] considérablement la distance entre la paroi et le trocart d’une part et les vaisseaux d’autre part” est la conséquence de la brèche péritonéale survenue lors de la dissection pariétale du côté droit à raison de l’existence d’une ancienne cicatrice Mac Burney. Elle présente le caractère d’un aléa thérapeutique au sens de la réalisation, en dehors de toute faute, d’un risque accidentel inhérent à l’acte médical et qui ne peut être maîtrisé.

Mais tel n’est pas le cas du geste chirurgical mis en œuvre pour la réparation de la brèche :d’une part, le chirurgien n’a pas mesuré l’importance de cette exsufflation ni cherché à y remédier lors de l’introduction du trocart ombilical et, d’autre part, il n’est pas contesté que le patient avait conservé la même position que lors du traitement des hernies, soit une position en décubitus dorsal et en Trendelenburg (tête plus basse que le reste du corps), or cette position est de nature à accroître les risques de plaies vasculaires dans la mesure où la fourche aortique “monte” ce, alors même que, comme le reconnaît le AE H dans l’attestation dont se prévaut le AE X, la plaie s’est produite “lors de la mise en place du trocart ombilical intrapéritonéal, temps aveugle”.

L’aléa thérapeutique a précédé le geste fautif.

Les conditions relative au caractère de gravité des conséquences de la complication survenue au cours d’un acte de soin et à l’anormalité du dommage au regard de l’état du patient et de son évolution normalement prévisible étant remplies, il sera jugé que l’ONIAM doit répondre de la réparation dans la proportion de 40% et le AE X dans la proportion de 60%.

Sur la réparation

Sur les préjudices patrimoniaux

1) Avant consolidation

a) dépenses de AI avant consolidation :

>frais médicaux pris en charge par la sécurité sociale : la CPAM de F a fait connaître sa créance définitive par courrier du 13 janvier 2010 ; il s’agit de la somme de 139 202,26 euros ;

>frais médicaux pris en charge par la mutuelle : la mutuelle O a fait connaître sa créance définitive par courrier du 3 mars 2009 ; il s’agit de la somme de 6 724,52 euros ;

> frais médicaux restés à la charge de la victime : au vu des seuls justificatifs produits par le patient, les dépenses demeurées à sa charge s’élèvent à la somme de 95,62 euros (releveur de pied avec montage sur chaussure de ville) + 44,93 euros (chaussettes de contention, chevillière) + 156 euros (ostéopathie), soit une somme globale de 296,55 euros ; le rapport entre l’acquisition d’un appareil d’électrostimulation et les conséquences de l’intervention du 7 janvier 2002 n’étant pas démontré, cette dépense est rejetée ;

b) frais divers : sont à prendre en compte les frais d’assistance aux trois expertises (1 200 euros), les frais de déplacement aux expertises (train, taxis) et le prix d’une nuit d’hôtel, soit une somme globale de 1 613,20 euros au vu des justificatifs produits ;

c) tierce personne : il revient à la victime sur ce poste de préjudice une indemnité de 48 720 euros sur la base d’un taux horaire de 14 euros, d’un horaire journalier d'1h30, la période considérée recouvrant 2 320 jours (hors périodes d’hospitalisation) ;

d) pertes de gains actuels sur la période du 7 janvier 2002 au 29 octobre 2008 (date de la consolidation)

> pertes de gains actuels compensées par tiers payeurs :

Monsieur C a reçu avant consolidation :

* de la CPAM de Roubaix F (attestation du 13 janvier 2010), la somme de 31 410,03 euros à titre d’indemnités journalières sur la période du 7 janvier 2002 au 6 avril 2008 et la somme de 27 313,72 euros au titre des arrérages échus de la pension d’invalidité réglés entre le 1er décembre 2004 et le 29 octobre 2008 ;

* de AB AC T AI (attestation du 14 mars 2011), la somme globale de 17 726,38 euros versée directement à l’employeur de la victime (A.D.F. S) au titre de l’incapacité temporaire de travail sur la période du 5 avril 2002 au 30 novembre 2004et redistribuée à l’intéressé, puis, la somme de 15 473,28 euros perçue par lui-même au titre de la garantie invalidité permanente sur la période du 1er décembre 2004 au 29 octobre 2008 ;

* de son employeur, A.D.F. S, d’une part, la somme de 9 402,60 euros au titre des salaires nets maintenus entre le 7 janvier 2002 et le 30 novembre 2004 après déduction des indemnités servies par AB AC T, et, d’autre part, la rémunération découlant de sa reprise d’activité à compter du 1er décembre 2004, dans le cadre d’une reprise d’activité à temps partiel à concurrence de 15 heures par semaine avec une activité orientée vers les tâches d’études et de conseils techniques, puis, à compter du 1er janvier 2008 à concurrence de 17,50 par semaine, soit, d’après les fiches individuelles de rémunération produites, la somme nette globale de 28 319,48 euros;

>pertes résiduelles : jusqu’à la consolidation, la victime aurait dû percevoir la somme de 122 487,47 euros, son salaire annuel précédant l’intervention litigieuse étant de 17 984 euros (soit un salaire journalier de 49,27 euros) ;

compte tenu des sommes reçues des tiers payeurs ci-dessus ainsi que de son employeur, soit 129 645,49 euros, il n’est justifié d’aucun manque à gagner résiduel ;

e) aménagement du véhicule : Monsieur C a dû faire aménager son véhicule pour un coût de 993,11 euros ainsi qu’il en justifie ;

2) Après consolidation

a) dépenses de AI après consolidation :

>frais médicaux pris en charge par la CPAM de Roubaix F : ce tiers payeur a évalué le coût global des frais futurs à la somme de 1 782,06 euros ; au vu des justificatifs produits, ce montant sera retenu ;

>frais médicaux restant à la charge de la victime : il convient de prendre en compte les dépenses uniques, tels les frais d’ostéopathe sollicités à hauteur de 112 euros, et les dépenses qui seront exposées de manière viagère (matériel orthopédique, chaussettes de contention + chevillière) ;

pour les dépenses à caractère viager, le calcul sera le suivant :

* matériel orthopédique sur la base de deux paires de chaussures par an : 95,62 x 2 x 15,581 (compte tenu de l’âge de la victime à la date de consolidation) = 2 979,71 euros

* chaussettes de contention + chevillière tous les ans : 44,93 x 15,581 = 700,05 euros ;

ces dépenses futures représentent un total de 3 791,76 euros dont il convient de déduire le montant de la prise en charge CPAM (1782,06 euros) : il reste à charge à la victime la somme de 2 009,70 euros (le calcul de l’ONIAM comporte une erreur mathématique) ;

b) tierce personne après consolidation :

> l’indemnité à revenir à la victime sur ce poste de préjudice s’établit, sur la base de 400 jours par an pour tenir compte des congés payés, d’un horaire journalier d'1h30 et d’un coût horaire de 14 euros, pour la période entre le 30 octobre 2008 et la date du présent jugement (22 février 2013) (soit 1 658 jours et donc 2 487 heures), à la somme de 34 818 euros ;

> pour la période suivante, il doit être procédé par capitalisation : sur les mêmes bases (400 jours/an, 1h30/jour, 14 euros/heure), compte tenu de l’âge de la victime à la date de la consolidation, (58 ans d’où un prix de l’euro de rente viager de 15,581), l’indemnité à revenir à la victime s’élève à 130 880, 40 euros (dépense annuelle de 8 400 euros x 15,581) ;

le montant total de la réparation à allouer sur ce poste de préjudice est donc de 165 698,40 euros ;

c) pertes de gains futurs après consolidation :

Monsieur C indiquant qu’il n’a plus perdu de revenus à compter du 1er octobre 2010, la période à considérer s’étend du 30 octobre 2008 au 30 septembre 2010, soit sur vingt-trois mois ; la rémunération annuelle à prendre en considération étant toujours de 17 984 euros, soit 34 469,33 euros sur la période considérée, la perte de gains futurs de la victime s’établit à la somme de 13 928,84 euros après déduction des sommes versées suivantes :

*9 768,97 euros par la CPAM de F au titre des arrérages échus de la pension d’invalidité à compter de la consolidation et du capital représentatif évalué au 1er mars 2009,

*7 572,03 euros par AB AC T au titre de la garantie invalidité permanente,

*3 199,48 euros nets par l’employeur entre le 30 octobre 2008 et le 31 décembre 2008, date du licenciement, sachant que les sommes versées à titre indemnitaire ;

sachant que, les indemnités de licenciement et de départ versées au titre du licenciement de la victime pour cause d’inaptitude en raison des séquelles de l’intervention du 7 janvier 2002, soit 15 324 euros (8 324 euros d’indemnité de licenciement et 7 000 euros d’indemnité de départ) ne sont pas à prendre en compte et qu’il en est de même des allocations de retour à l’emploi servie par Pôle Emploi, ces indemnités et cette allocation ne rentrant pas dans le champ des dispositions des articles 29 et 32 de la loi du 5 juillet 1985)

e) incidence professionnelle : après consolidation, Monsieur C a poursuivi son emploi a temps partiel et sur un poste aménagé ; il a été licencié pour inaptitude professionnelle avant son départ en retraite à effet au 31 décembre 2008 perdant le bénéfice du logement de fonction qu’il occupait depuis le 1er mai 1993 ;

il n’a pu retrouver un emploi et a fini par être dispensé de recherche d’emploi jusqu’à la date de sa retraite, le 1er octobre 2010 ; l’intervention du 7 janvier 2002 a donc eu une incidence professionnelle qu’il convient d’indemniser par l’allocation d’une somme de 5 000 euros ;

f) perte du bénéfice de la mutuelle : Monsieur C justifie de son adhésion à une mutuelle dont les cotisations ont été réglées par lui-même à compter de son licenciement (le 31 décembre 2008) ; ce préjudice est réel jusqu’aux 60 ans de la victime ; l’indemnité à lui revenir sur ce poste de préjudice est de 1 127,49 euros au vu des justificatifs produits ;

g) aménagement du véhicule automobile après consolidation : en considérant que le véhicule doit être renouvelé tous les six ans avec un surcoût de 700 euros pour une boîte automatique et de 551,06 euros pour la pose d’une pédale d’accélérateur à gauche à cale, l’indemnité à revenir à la victime sur ce poste de préjudice est de 2 759,42 euros (sur la base d’un prix de l’euro de rente viager de 13,234 à 64 ans, âge du demandeur en septembre 2014 lors du prochain renouvellement) ;

TOTAL DES […] de la victime (hors tiers payeurs) : 241 990,72 euros (95,62 + 44,93 + 1 613,20 + 48 720 + 993,11 + 2 009,70 + 165 698,40 + 13 928,85 + 5 000 + 1 127,49 + 2759,42 = 241 990,72 euros).

Sur les préjudices extra-patrimoniaux

1) Avant consolidation

a) déficit fonctionnel temporaire :

le déficit fonctionnel temporaire s’est étendu du 7.01.2002 (date de l’intervention) au 29.10.2008 (date de la consolidation), durée avalisée par les défendeurs qui, par ailleurs, ne mettent pas en doute le caractère total de ce déficit temporaire ; ce poste de préjudice sera indemnisé devra être indemnisée à hauteur de 22 euros/jour, soit, sur 2493 jours, la somme de 54 846 euros ;

b) souffrances endurées : les souffrances endurées ont été évaluées à 6/7 ; elle justifient une indemnisation de 32 000 euros ;

2) Après consolidation

a) préjudice esthétique permanent : ce préjudice a été évalué à 5/7 au regard au regard de l’aspect sportif de la victime avant l’intervention litigieuse (Monsieur C présente notamment une importante atrophie musculaire du membre inférieur droit avec une perte totale de la flexion et de l’extension de la cheville droite qui est ballante et impose le port d’une orthèse à type de releveur de la cheville à angle droit) ; il lui sera alloué en réparation la somme de 18 000 euros ;

b) déficit fonctionnel permanent :

ce déficit a été fixé à 32% sur le plan somatique (en tous ses différents aspects orthopédiques et digestifs) par le AE Q D, qui fait référence sans commentaire particulier au 20% de déficit correspondant à une aggravation sur le plan psychiatrique de l’état de la victime ;

le AE AD Z, expert psychiatre, a examiné Monsieur C le 5 juillet 2006, soit 4 ans et demi après l’intervention litigieuse ; il ressort de son rapport que l’intéressé a bénéficié d’une prise en charge spécialisée (de 1980 à 1988) dans le contexte de son divorce, moment dit de vulnérabilité existentielle, que, dans la période contemporaine de l’intervention chirurgicale, il ne présentait pas de difficulté de cette nature, que son examen psychiatrique actuel met en évidence la persistance d’une symptomatologie anxio-dépressive avec émergences anxieuses, labilité émotionnelle associée à une fatigabilité, un vécu d’insécurité interne et une faible estime de soi, retentissant dans les diverses composantes de sa vie et qu’il en résulte un état de vulnérabilité psychique lié à une image dévalorisée de soi et au retentissement physique de l’intervention du 7 janvier 2002 ; ce second expert évalue le déficit fonctionnel permanent de la victime sur le plan psychiatrique à 20% ;

cette évaluation paraît toutefois trop élevée sachant qu’il est aussi indiqué que “la symptomatologie est actuellement relativement compensée” et que le demandeur ne démontre pas que son état (six ans après l’expertise psychiatrique) a commencé d’évoluer vers une décompensation sur un mode dépressif comme cela pouvait être redouté ; il convient dès lors de retenir un taux de 13% pour les séquelles psychiatriques, comme suggéré par l’ONIAM ;

sur la base d’un taux global de déficit fonctionnel permanent de 45% et d’un prix du point de 2 300 euros, ce poste de préjudice sera suffisamment indemnisé par l’allocation d’une somme de 103 500 euros ; le surplus de la demande de la victime sera rejeté ;

c) préjudice sexuel :

le préjudice sexuel de la victime est défini comme « important » ; il lui sera alloué de ce chef une indemnité de 12 000 euros ; la demande de prise en charge de frais relatifs à du CIALIS sera rejetée, aucune prescription de ce produit n’étant versée aux débats ;

d) préjudice d’agrément :

il est qualifié d’important par l’expert judiciaire ; il sera alloué à la victime du chef de ce préjudice la somme de 12 000 euros ;

Le montant total des indemnités allouées au titre des préjudices extra-patrimoniaux s’établit à la somme de 232 346 euros (54 846 + 32 000 + 18 000 + 103 500 + 12 000 + 12 000 = 232 346 euros).

Sur les recours des tiers payeurs et de l’employeur

Pour les tiers payeurs, en application de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006, les recours s’exercent poste par poste et sont limités aux postes de préjudice pour lesquels ils ont versé des prestations.

Toutefois, les indemnités journalières et la rente d’invalidité versées après consolidation s’imputent, si l’indemnité allouée au titre des pertes de gains futurs n’y suffit pas, sur le poste de l’incidence professionnelle, et, en cas d’insuffisance de ce dernier, sur le poste du déficit fonctionnel permanent.

En application de l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985, le maintien des salaires et accessoires du salaire par l’employeur à la victime d’un dommage résultant d’une atteinte à sa personne pendant la période d’inactivité consécutive à l’évènement qu’il a occasionné ouvrent droit à un recours de l’employeur contre le responsable.

En application de l’article 32 de la même loi, l’employeur est admis à poursuivre directement le responsable pour obtenir remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées.

a) le recours de la CPAM de F s’exerce :

— sur le poste des dépenses de AI actuels pour la somme de 139 202,26 euros,

— sur le poste des dépenses de AI futures pour la somme de 1 782,06 euros,

— sur le poste des pertes de gains actuels pour la somme de 31 410,03 euros versée à titre d’indemnités journalières sur la période du 7 janvier 2002 au 6 avril 2008 et pour la somme de 27 313,72 euros réglée au titre des arrérages échus de la pension d’invalidité entre le 1er décembre 2004 et le 29 octobre 2008,

— sur le poste des pertes de gains futurs pour la somme de 9 768,97 euros au titre des arrérages échus de la pension d’invalidité à compter de la consolidation et du capital représentatif évalué au 1er mars 2009), et, à défaut, sur celui de l’incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent ;

b) le recours de la mutuelle O pourra s’exercer sur le poste des dépenses de AI actuelles pour la somme de 6 724,52 euros ;

c) le recours de AB AC T, qui agit en qualité d’assureur de T complémentaire en vertu d’un contrat souscrit par l’employeur de Monsieur C, s’exerce:

— sur le poste des pertes de gains actuels pour les sommes d’un montant total de 17 726,38 euros versées directement à l’employeur de la victime (A.D.F. S) au titre de l’incapacité temporaire de travail sur la période du 5 avril 2002 au 30 novembre 2004, lequel les a lui-même reversées à son salarié comme cela apparaît sur les justificatifs qu’il produit,

— toujours sur ce même poste des pertes de gains actuels pour les sommes versées directement au salarié au titre de la garantie invalidité permanente pour la période du 1er décembre 2004 au 29 octobre 2008, soit 15 473,28 euros,

— sur le poste des pertes de gains futurs et, à défaut, sur celui de l’incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent pour la rente invalidité servie sur la période du 30 octobre 2008 au 30 septembre 2010, soit 7 168,72 euros ;

d) le recours d’A.D.F. S : il convient de tenir compte du fait que le net à payer mentionné sur les fiches individuelles produites intègre les indemnités versées par AB AC T (ou LA K) jusqu’au 30 novembre 2004, et qu’il y a donc lieu de les déduire du salaire maintenu (à défaut elles seraient comptées deux fois alors même que l’employeur ne fait que les redistribuer) ;

il convient aussi de tenir compte de ce que Monsieur C a repris son travail à temps partiel à compter du 1er décembre 2004 et jusqu’à son licenciement et que les sommes réglées jusqu’au 31 décembre 2008 correspondent purement et simplement à l’accomplissement d’une prestation de travail effective par ce salarié, ce qui interdit à l’employeur d’en demander raison ;

le recours subrogatoire de l’article 29 de l’employeur s’exerce donc :

— sur le poste des pertes de gains actuels pour la somme de 9 402,60 euros au titre des salaires nets maintenus entre le 7 janvier 2002 et le 30 novembre 2004 après déduction des indemnités servies par AB AC T,

— il n’y a rien à prévoir au-delà, la rémunération versée et les charges correspondantes étant la contrepartie du travail, et les indemnités de licenciement et de départ n’intervenant pas ;

le recours direct de l’article 32 de l’employeur est fondé à hauteur pour la somme de 9 135,20 euros ;

Sur les sommes revenant à la victime et aux tiers payeurs :

Il revient à Monsieur C, après imputation de la pension d’invalidité servie après consolidation par la CPAM de F et la pension correspondant à la garantie invalidité permanente par AB AC T (9 768,97 + 7 572,03 euros) sur les pertes de gains futurs, puis, pour le reliquat, sur l’incidence professionnelle), la somme de 456 995,72 euros.

Il revient à la CPAM de F la somme de 209 477,04 euros.

Il revient. à AB AC T la somme de 40 771,70 euros.

Il revient à A.D.F. S la somme de 9 402,60 euros (salaires maintenus) et 9 135,20 euros (charges sociales).

Le AE X et les MMA seront condamnés in solidum à payer à chacun des sus-nommés 60% des sommes visées et l’ONIAM, 40%.

Les sommes allouées à la CPAM de F sont productives d’intérêts à compter du jour de la demande.

Celles allouées à AB AC T AI, comme celles revenant à A.D.F. S et à la victime, le sont à compter du présent jugement.

Ces condamnations sont prononcées en deniers ou quittances, les provisions servies étant à déduire.

La mutuelle O pourra exercer son recours subrogatoire pour la somme de 6 724,52 euros sur le poste des dépenses actuelles de AI.

Toute demande contraire ou plus ample est rejetée.

Sur les demandes accessoires

Parties perdantes, le AE X et les MMA seront condamnés in solidum à payer à en application de l’article 700 du code de procédure civile :

— à Monsieur P C la somme de 6 000 euros,

— à A.D.F. S, AB AC T et à la CPAM de F, la somme de 800 euros chacun.

Parties perdantes, le AE X, les MMA et l’ONIAM seront condamnés in solidum aux dépens en ce compris les frais d’expertise.

La demande de la CPAM de F tendant à voir dire que, à défaut de règlement spontané, le montant des sommes retenues par l’huissier chargé de l’exécution devra être supporté par le débiteur en sus de l’indemnité allouée en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, sera rejetée comme prématurée.

La distraction des dépens est ordonnée au profit de la SELARL Rémy LE BENNOIS et de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocats.

Compte tenu de l’ancienneté de l’intervention litigieuse, le présent jugement sera assorti de l’exécution provisoire dans la proportion des deux tiers de l’ensemble des condamnations.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement par jugement réputé contradictoire en premier ressort, mis à disposition au greffe,

Dit que les conséquences dommageables de l’intervention subie par Monsieur P C le 7 janvier 2002 ressortent :

— à hauteur de 40% d’un aléa thérapeutique,,

— à hauteur de 60 % de la faute du AE X,

Dit que la réparation de l’aléa thérapeutique incombe à l’ONIAM,

Dit que la réparation de la faute médicale incombe au AE X et à son assureur, les MUTUELLES DU MANS,

Liquide les préjudices de Monsieur P C comme suit :

[…]

1) Avant consolidation

— dépenses de AI actuelles prises en charge par la CPAM de F : 139 202,26 euros

— dépenses de AI actuelles prises en charge par O : 6 724,52 euros

— frais médicaux demeurés à la charge de la victime : 296,55 euros

— frais divers : 1 613,20 euros

— tierce personne : 48 720 euros

— pertes de gains actuels compensées par la CPAM de F : 31 410,03 euros et 27 313,72 euros

— pertes de gains actuels compensées par AB AC T AI : 17 726,38 euros et 15 473,28 euros

— salaires maintenus par A.D.F. S : 9 402,60 euros

— cotisations sociales réglées par A.D.F. S : 9 135,20 euros

— pertes de gains actuels résiduelles de la victime : 0 euros

— frais d’aménagement du véhicule : 993,11 euros

2) Après consolidation

— dépenses de AI futures : 1 782,06 euros

— frais médicaux à la charge de la victime : 2 009,70 euros

— tierce personne : 165 698,40 euros

— pertes de gains futurs compensées par la CPAM de F : 9 768,97 euros

— pertes de gains futurs compensées par AB AC T AI : 7 572,03 euros

— pertes de gains futurs résiduelles de la victime : 13 928,85 euros

[…]

1) Avant consolidation

a) déficit fonctionnel temporaire : 54 846 euros

b) souffrances endurées : 32 000 euros

2) Après consolidation

a) préjudice esthétique permanent : 18 000 euros

b) déficit fonctionnel permanent : 103 500 euros

c) préjudice sexuel :12 000 euros

d) préjudice d’agrément : 12 000 euros

Dit qu’il revient :

— à Monsieur P C, la somme de 456 995,72 euros.

— à la CPAM de F, la somme de 209 477,04 euros.

— à AB AC T AI, la somme de 40 771,70 euros.

— à A.D.F. S la somme de 9 402,60 euros (salaires maintenus) et 9 135,20 euros (charges sociales)

Dit que les sommes allouées à la CPAM de F sont productives d’intérêts à compter du jour de la demande,

Dit que celles allouées à AB AC T AI, comme celles revenant à A.D.F. S et à la victime, le sont à compter du présent jugement,

Condamne le AE X et les MUTUELLES DU MANS in solidum à payer à chacun des sus-nommés 60% des sommes visées,

Condamne l’ONIAM payer à chacun des sus-nommés 40% des sommes visées,

Dit que la mutuelle O a vocation à exercer son recours subrogatoire pour la somme de 6 724,52 euros sur le poste des dépenses de AI actuelles,

Dit que ces condamnations sont prononcées en deniers ou quittances, les provisions servies étant à déduire,

Rejette toute demande contraire ou plus ample,

Condamne in solidum le AE X et les MUTUELLES DU MANS à payer à en application de l’article 700 du code de procédure civile :

— à Monsieur P C la somme de 6 000 euros,

— à A.D.F. S, AB AC AJ, et à la CPAM de F, la somme de 800 euros chacune,

Dit que le présent jugement est opposable à la mutuelle O,

Condamne in solidum le AE X et les MMA ainsi que l’ONIAM aux dépens, en ce compris les frais d’expertise,.

Rejette la demande de la CPAM de F tendant à voir dire que, à défaut de règlement spontané, le montant des sommes retenues par l’huissier chargé de l’exécution devra être supporté par le débiteur en sus de l’indemnité allouée en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Ordonne la distraction des dépens au profit de la SELARL Rémy LE BENNOIS et de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocats,

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement dans la proportion des deux tiers de l’ensemble des condamnations.

En foi de quoi, le présent jugement a été prononcé le 22 Février 2013 et a été signé par AM AN, Présidente et AK AL, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

AK AL AM AN

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Tribunal de grande instance de Bobigny, 7e chambre, 2e section, 22 février 2013, n° 10/08435