Tribunal de grande instance de Bordeaux, 6 septembre 1993, n° 11226/92 , 11634/92

  • Syndicat·
  • Mentions·
  • Concurrence déloyale·
  • Marque déposée·
  • Marque collective·
  • Action en contrefaçon·
  • Monopole·
  • Distinctif·
  • Action·
  • Assemblée générale

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TGI Bordeaux, 6 sept. 1993, n° 11226/92 , 11634/92
Juridiction : Tribunal de grande instance de Bordeaux
Numéro(s) : 11226/92 , 11634/92

Sur les parties

Texte intégral

PREMIERE CHAMBRE

Sur le Fond

A.J DECISION DU

N° du rôle général […]

[…]

AFFAIRE /

Syndicat des Crus. Bourgeois du MEDOC

X Y

3

4

A

A

Grosse délivrée le

à

I. N.I.I.

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE

JUGEMENT DU 06 SEPTEMBRE 1993

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré
M. FRUGIER, Vice-Président,
Mme GOUNOT, Premier-Juge,
Mme COCHET, Premier-Juge,

Greffier C.ROUCH faisant fonction

DEBATS :

à l’audience publique 14 JUIN 1993

JUGEMENT contradictoire, en premier ressort, prononcé publiquement

DEMANDEUR :

SYNDICAT DES CRUS BOURGEOIS DU MEDOC

Dont le siège est […]

Ayant pour conseil : Me INQUIBERT, Avocat à la cour



-2 N°[…]

DEFENDEUR :

X Y A, dont le siège est à

[…]

Ayant pour conseil : Me MIRIEU DE LABARRE, Avocat à la cour

Par acte du 04 décembre, le syndicat des crus bourgeois du Médoc a fait assigner les X Y A, Château PEYBONHOMME les TOURS, d’une part en référé pour leur voir interdire d’utiliser la mention cru bourgeois " sur leur production viticole, sous astreinte et obtenir 11

10.000 francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de

Procédure Civile, d’autre part, au fond, en contrefaçon de la marque « cru bourgeois » enregistrée à l’INPI le 12 janvier 1990, en paiement de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts et de 20.000 francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveua Code de Procédure Civile, avec le bénéfice de

l’exécution provisoire;

Par ordonnance du 20 janvier 1993, l’instance en référé a été renvoyée en formation collégiale;

Par acte du 10 décembre 1992, autorisé requête, la SCEA des X Y A, a parallèlement fait assigner à jour fixe, le Syndicats des crus bourgeois du Médoc en nullité des marques 11 cru bourgeois " déposées à l’INPI et radiation de ces marques sous astreinte, ainsi qu’a paiement de 200.000 francs à titre de dommages et intérêts, de 10.000 francs pour résistance abusive et de 10.000 francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec le bénéfice de l’exécution provisoire;

Le syndicat des crus bourgeois du Médoc expose que la

distinction des « crus bourgeois » instaurée sous l’ancien régime a progressivement disparu pour faire place à la notion de crus classés et que l’ancienne dénomination sert exclusivement depuis 1932 à qualifier certains crus du Médoc pour en souligner la notoriété ; le syndicat des crus bourgeois du Médoc qui a pour objet la défense de ses membres, a organisé des classements en 1966 et 1978, et déposé la marque collective cru bourgeois " les 10 mars 1989 et 12 janvier 1990;

Le syndicat reproche aux X Y A d’utiliser la mention "cru bourgeois pour commercialiser à l’étranger la production du 11

Château Peybonhomme les Tours depuis la récolte 1990;

Par conclusions du 26 mars 1993, la SCEA des X Y A soulève l’irrecevabilité de l’assignation du syndicat à raison d’une part de l’absence d’autorisation spécifique du conseil d’administration et de l’assemblée générale, conformément à ses statuts, et d’autre part du dépassement par le syndicat de l’objet de ses statuts limités à la défense des crus bourgeois du Médoc;

Sur le fond, la SCEA Y fait valoir :

que la mention cru bourgeois a toujours existé dans le

-

Blayais et non seulement en Médoc;



N° […]

-3

qu’il n’existe aucune législation nationale sur les crus bourgeois;

que la législation européenne confie au seul législateur national le droit de déterminer les conditions d’utilisation de la mention cru bourgeois "; 11

que la marque déposée est nulle comme étant purement descriptive des qualités du produit et faisant partie du domaine public;

-que le syndicat des crus bourgeois du Médoc ne peut prétendre avoir le monopole du classement des crus bourgeois, notament dans le Blaystis

que l’action en contrefaçon doit être rejetée;

Par conclusions du 09 juin 1993, le syndicat des crus bourgeois du Médoc porte à 100.000 francs sa demande de dommages et intérêts et sollicite, outre ses demandes antérieures, la publication du jugement aux fraix de la SCEA Y A;

Il a fait observer :

que l’autorisation d’agir en justice lui a été donnée par assemblée générale du 27 janvier 1990 et du 26 janvier 1991 ainsi que par décisions du conseil d’administration des 14 juin 1990 et 01 décembre 1992;

- que ses statuts lui conférant la défense des intérêts des crus bourgeois du Médoc, cette action ne saurait être limitée aux usurpateurs médocains;

que la marque déposée est valable comme étant un signe distinctif, non contraire à l’ordre public, disponible dans la mesure où la mention « cru bourgeois » est tombée en désuétude et ne désigne plus depuis 1932 que des productions du Médoc;

qu’en tout état de cause l’utilisation de la mention " cru bourgeois par la SCEA Y A serait constitutive d’une concurrence déloyale, son comportement étant purement parasitaire et destiné à bénéficier de l’image de marque développée par le syndicat des

crus bourgeois du Médoc, en créant une confusion dans l’esprit du consommateur;

Par conclusions du 14 juin 1993 la SCEA Y A fait valoir :

- que la mention " cru bourgeois n’ayant pas d’existence légale est seulement tolérée, de telle sorte que le syndicat du Médoc n’est titulaire d’aucun droit sur cette mention;

- que l’utilisation de la mention « cru bourgeois » ne peut relever du droit des marques;

- qu’aucune concurrence déloyale ne peut être reprochée par le syndicat du Médoc qui n’a aucune activité de vente, qu’aucun préjudice n’est établi en l’absence de démonstration de la qualité inférieure des crus bourgeois du Blayais et que le syndicat du Médoc ne bénéficie d’aucun monopole de la mention « cru bourgeois »;



N°[…]

-4

Par conclusions du 14 juin 1993, le syndicat des crus bourgeois du Médoc fait observer :

- que la mention

11 11cru bourgeois est autorisée par la législation communautaire;

que l’absence de classement et de protection officielle des crus bourgeois ne peut interdire une protection privée par ceux qui ont seuls le droit d’utiliser cette dénomination;

que la mention " cru bourgeois

11 présente les caractéristiques d’une marque notoire;

que la SCEA Y A n’est pas un cru bourgeois, le Blayais ne faisant pas partie du classement de 1855;

que le comportement parasitaire de la SCEA Y A lui cause un préjudice par suite de la confusion en résultant;

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mars 1993 dans

l’instance enrôlée sous le N° […], à défaut de constitution de la SCEA

Y à cette date;

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que les instances étant connexes, il y a lieu d’en ordonner la jonction;

Attendu que les parties ont toutes deux conclu après la clôture, dans l’instance N° […], qu’afin de permettre au Tribunal de disposer de tous les éléments d’appréciation, la clôture sera rabattue et reportée au 14 juin 1993;

Attendu que les demandes formulées en référé ne présentent pas le référé étant joint au fond, que le Tribunal se trouve dès d’intérêt lors saisi des demandes du syndicat du Médoc en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale, ainsi que de la demande de la SCEA Y en nullité de marque;

Sur la recevabilité de l’action du syndicat des crus bourgeois du Médoc

Attendu que la SCEA Y A souléve l’irrecevabilité de

l’action à raison de l’absence d’autorisation d’agir en justice et du dépassement de l’objet des statuts du syndicat;

Attendu que sur le premier point, l’article 34 des statuts du syndicat, modifié le 02 octobre 1962 énonce que le président ne peut prendre l'initiative d'un procès qu’avec l'accord du conseil d’administration et de l’assemeblée générale ; que le syndicat estime cette condition remplie en produisant un procès verbal d’assemblée générale du 27 janvier 1990 aux tendes duquel le président a demandé le pouvoir de poursuivre les usurpateurs de la marque déposée " cru bourgeois en Médoc et dans les autres régions, procès verbal approuvé à l’assemblée générale du 26 janvier 1991, une décision du conseil d’administration en ce sens du 14 juin 1990 et une seconde du 01 décembre 1992 autorisant la poursuite de la SCEA Y;



N° […]

-5

Attendu que certes, les autorisations préventives de 1990 et

1991, ne pouvaient être valablement données pour le procès engagé contre la SCEA Y, la contrefaçon éventuelle n’existant pas à l’époque; que cependant, le défaut de qualité invoqué par la SCEA Y, à défaut d’autorisation spéciale de l’assemblée générale, a disparu à ce jour, le pouvoir d’agir ayant été donné par le conseil d’administration le 01 décembre 1992, avant tout procès et par l’assemblée générale le 30 janvier 1993, à postériori, de telle sorte que la fin de non recevoir doit être écarté, en application de l’article 126 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Attendu que sur le second point, l’irrecevabilité sera également rejetée, qu’en effet si le syndicat des crus bourgeois du Médoc a pour objet la défense des intérêts des propriétaires et exploitants des crus bourgeois du Haut Médoc, force est de constater que cette défense peut opposer le syndicat tant à des exploitants du Médoc qu’à des exploitants d’autres régions;

Sur les action en contrefaçon et en annulation de marque

Attendu que la contrefaçon invoquée par le syndicat des crus bourgeois du Médoc suppose la validité de la marque déposée par ce syndicat;

Attendu que le syndicat des crus bourgeois du Médoc est titulaire de la marque collective « cru bourgeois » déposée à l’INPI le 12 janvier 1990; que pour être valable, la marque collective , comme toute marque, doit constituer un signe distinctif, autorisé et disponible; que c’est au regard de ces trois critères que doit être appréciée la validité de la marque déposée par le syndicat du Médoc;

Attendu que selon l’article L 711.2 du Code de la Propriété Intellectuelle, reprenant les dispositions de la loi du 31 décembre 1964, sont dépourvues de caractère distinctif, les dénominations pouvant servir à désigner une caractèristique du produit, notamment la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production;

Attendu qu’en l’espéce, la marque cru bourgeois est 11

dépourvue de caractère distinctif comme désignant une qualité du vin et une tradition remontant au XIX ème siècle en Gironde; qu’en effet les crus bourgeois se définissent en Gironde comme des crus placés entre les mains de propriétaires apportant généralement plus de soins à la culture, à la cueillette et à la vinification que les paysans; que si cette mention est essentiellement utilisée en Médoc de nos jours, elle l'a été traditionellement dans d’autres régions viticoles de Gironde depuis 1868, notamment dans le Sauternais, le St Emilionais et le Blayais; que l’absence de classement règlementaire des crus bourgeois ne peut alors permettre au syndicat du Médoc de s’attribuer le monopole d’une qualité du vin au moyen d’un dépôt à titre de marque; que l’attitude du syndicat envers les propriétaires Médocains non adhérents au syndicat, et envers les propriétaires en Sauternais et Barsacais qui utilisent la mention « cru bourgeois sans être l’objet d’action en contrefaçon démontre bien que le syndicat ne considére pas la dénomination cru bourgeois » comme une "1

marque, mais comme une qualité dont il entend réserver le monopole à certaines régions, notamment au Médoc;



N°11226

-6

Attendu que de même l’expression cru bourgeois " ne peut H

constituer un signe autorisé et disponible en tant que marque; qu’en effet il s’agit d’une mention traditionnelle, dont l’usage est autorisé par le règlement CEE N° 997/81 dans les conditions prévues par la législation de

l'état membre; que la législation française ne comporte aucune règlementation des crus bourgeois; que ce vide juridique ne peut cependant permettre une appropriation privée à titre de marque, mais seulement une utilisation de la mention tombée dans le domaine public, suivant les usages; qu’une telle appropriation à titre de marque se heurte à l’ordre public économique viticole, même si la tradition des crus bourgeois est tombée en désuétude au milieu du XX ème siècle et qu’elle a été reprise à

l’initiative du syndicat du Médoc en 1962;

Attendu que la marque cru bourgeois « , déposée par le »1

syndicat du Médoc, sera en conséquence annulée et que l’action en contrefaçon sera rejetée;

Sur l’action en concurrence déloyale

Attendu que l’action en concurrence déloyale suppose réunies les conditions de la résponsabilité civile : faute, préjudice, lien de causalité;

Attendu qu’en l’espèce, aucune faute ne peut être reprochée à la SCEA Y A; qu’en effet, celle ci justifie que la production des éditions successives du dictionnaire des Vins Feret, que le château PEYBONHOMME les TOURS a bénéficié de la mention " 1er cru bourgeois 11 11

depuis 1868 jusqu’à 1949; que l’affiche réalisée en vue de la vente judiciaire du domaine à la barre du Tribunal en 1895, porte également la mention " 1er cru bourgeois ; que si l’usage de cette mention est tombée en désuétude au milieu du XX ème siècle, la reprise actuelle par la SCEA Y de cette qualification dont elle a toujours bénéficié, ne peut être constitutive d’une faute;

Attendu que de surcroît, à supposer une faute établie, aucune confusion dans l’esprit de la clientèle ne pouvait en résulter; qu’en effet la dénomination « cru bourgeois » étant une indication relative à la qualité du produit et non à son origine, la mention " 1ère côtes de Blaye 11

sur l’étiquette utilisée par la SCEA Y est de nature à éviter toute confusion dans l’esprit de l’acheteur sur la provenance du produit;

Attendu que

l'action en concurrence déloyale sera en conséquence rejetée;

Sur les autres demandes

Attendu que la SCEA Y n’apporte aucun élément de nature à établir un préjudice économique et financier; qu’en réparation de son préjudice moral, il lui sera accordé une indemnité de 20.000 francs;

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCEA Y les frais non compris dans les dèpens; que le syndicat des crus bourgeois du Médoc lui versera 10.000 francs par application de

l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Attendu que les autres demandes seront rejetées et que

l’exécution provisoire n’est pas compatible avec la nature de l’affaire;



-7 N° […]

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort ;

Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les N°

[…], […] et 3930/92 ;

Reporte la clôture au 14 juin 1993 dans l’instance N°[…] ;

Déclare recevable l’action du syndicat des crus bourgeois du Médoc ;

Annule les marques cru bourgeois « et crus bourgeois » déposés à l’INPI respectivement les 10 mars 1989 sous le N° 151 93 26 et 12 janvier 1990 sous le N° 18 08 50, ainsi que le renouvellement du dépôt du 10 mars 1989 sous le N° 7642 ;

Ordonne la radiation de ces marques à l’INPI, dans le mois de la présente décision, et passé ce délai sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard ;

Déboute le syndicat des crus bourgeois du Médoc de ses demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale ;

Condamne le syndicat des crus bourgeois du Médoc à payer à la SCEA Y A 20.000 francs à titre de dommages et intérêts et 10.000 francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure

Civile;

Dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire du jugement ;

Met les dépens à la charge du syndicat des crus bourgeois du Médoc.

Raut nov

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Bordeaux, 6 septembre 1993, n° 11226/92 , 11634/92