Tribunal de grande instance de Marseille, 1re chambre civile, 26 novembre 2015, n° 13/07454

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Marseille, 1re ch. civ., 26 nov. 2015, n° 13/07454
Juridiction : Tribunal de grande instance de Marseille
Numéro(s) : 13/07454

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE

DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 15/ DU 26 Novembre 2015

Enrôlement n° : 13/07454

AFFAIRE : S.A.R.L. L’ARBOIS DU CASTELLET( la SCP X & ASSOCIES) C/ SELARL F G Y ET Z – SAS H D E (la SELARL PROVANSAL-D’JOURNO-GUILLET & ASSOCIES)

DÉBATS : A l’audience Publique du 22 Octobre 2015

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : CALLOCH Pierre, Vice-Président

[…], Vice-Président

B C, Juge (rédacteur)

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 26 Novembre 2015

Jugement signé par CALLOCH Pierre, Vice-Président et par VOLPES Pascale, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[…]

Contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

S.A.R.L. L’ARBOIS DU CASTELLET, au capital de 10.000 euros immatriculée au RCS de CANNES sous le numéro 509 753 794, dont le siège social est sis […]

représentée par Maître Julia X de la SCP SCP X & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE, ayant pour avocat plaidant Me Alfred DERRIDA, avocat au barreau de GRENOBLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

SELARL F G Y ET Z, SELARL au capital de 537.600 euros, immatriculée au RCS de TOULON sous le numéro 484 585 369, dont le siège social est sis […] […] – […]

représentée par MaîtreStéphane GALLO de la SELARL PROVANSAL – D’JOURNO – GUILLET & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE,ayant pour avocat plaidant la SCP DURAND BOUVIER, membre de L’AARPI CAA JURIS EUROPAE

SAS H D E, au capital de 2.033.430 euros, immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le numéro 380 221 846, dont le siège social est sis […]

représentée par Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE, ayant pour avocat plaidant Me GARRY, membre de la SELU GARRY, avocat au barreau de TOULON

FAITS, MOYENS ET PROCÉDURE

Courant 2009, L’F G DU BEAUSSET (aux droits duquel vient la société de notaires Y & Z) et le cabinet d’expertise comptable H D E se sont vus confier la réalisation d’une opération de fusion par transmission universelle du patrimoine de la SNC RESIDENCE DE L’ARBOIS à la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET.

Le 9 février 2009 L’F G DU BEAUSSET a établi une note d’honoraires incluant notamment une mission de conseils et d’assistance dans la rédaction des actes de cession de parts sociales.

De même, le 5 mars 2009 le cabinet H D E a ratifié une lettre de mission incluant la tenue de la comptabilité de la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET.

La dissolution de la SNC RESIDENCE DE L’ARBOIS a été votée lors de l’assemblée générale du 14 septembre 2009.

L’opération de fusion-absorption est intervenue rétroactivement au 9 février 2009.

La SARL L’ARBOIS DU CASTELLET s’est adressée au cabinet H D E afin qu’il sollicite des services fiscaux le bénéfice du transfert des déficits reportables. Une demande d’agrément a été transmise en ce sens le 14 décembre 2009.

Par lettre recommandée du 15 juillet 2010, le directeur des services fiscaux des Bouches-du-Rhône a indiqué que les dispositions de l’article 1649 nonies du code général des impôts subordonnaient le transfert des déficits antérieurs à l’obtention d’un agrément auprès des services fiscaux préalablement à la réalisation de l’opération de fusion-absorption. Or la demande d’agrément n’était intervenue que postérieurement à la fusion-absorption, le 14 décembre 2009.

La SARL L’ARBOIS DU CASTELLET a formé un recours pour excès de pouvoir contre la décision de l’administration; le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête par décision du 1er février 2013.

Par acte d’huissier en date du 6 mai 2013 la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET a fait assigner L’F G Y & Z et la société H D E devant le tribunal de grande instance de Marseille en indemnisation du faits des manquements contractuels commis.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives signifiées par RPVA pour la mise en état du 16 mars 2015 la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET sollicite sous le bénéfice de l’exécution provisoire:

— que soit constaté le caractère illégal de la clause de la lettre de mission du 5 mars 2009 abrégeant la durée de la prescription à trois mois.

— qu’il soit constaté, à titre subsidiaire, que le sinistre ne trouve son origine que dans le rejet par le tribunal administratif de Nice le 1er février 2013 de la requête en contestation de la décision de l’administration.

— que l’action soit en conséquent déclarée recevable et non prescrite.

— qu’il soit constaté que le cabinet H D E a manqué à son

obligation de moyens en assortissant l’opération de transmission universelle de patrimoine d’une clause de rétroactivité, et que L’F G Y & Z a manqué à son obligation de conseil en n’alertant pas la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET sur les risques encourus du fait de cette rétroactivité au regard de la demande d’agrément qui devait être adressée à l’administration fiscale.

— la condamnation H solidum de L’F G Y & Z et du cabinet H D E à lui verser la somme de 188 048, 66 euros correspondant à l’économie d’impôts dont elle aurait dû bénéficier à la faveur du déficit reportable si la demande d’agrément avait été formée avant l’opération de fusion-absorption.

— la condamnation H solidum de L’F G Y & Z et du cabinet H D E à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET affirme que son action est recevable et non prescrite dès lors que la clause de la lettre de mission réduisant à trois mois le délai de prescription de l’action formée contre l’expert comptable est illicite comme se heurtant à l’article 2254 du Code civil, selon lequel la durée de la prescription ne peut être réduite à moins d’un an. Elle ajoute que la rédaction de la clause est ambigüe, et laisse à penser que ce délai de trois mois s’impose non pas pour l’action judiciaire mais pour l’information de l’expert comptable, précisant qu’en l’espèce elle a informé l’expert comptable le 6 août 2010 de ce que sa responsabilité était susceptible d’être engagée, alors que la décision de l’administration fiscale était intervenue moins d’un mois avant le 15 juillet 2010. Elle souligne qu’en tout état de cause le point de départ du délai de trois mois ne peut être fixé qu’à la date à laquelle elle a eu connaissance du sinistre, soit le 1er février 2013, jour du rejet de la requête par le tribunal administratif de Nice. Elle reproche au cabinet H D E d’avoir manqué à son obligation contractuelle de moyens en assortissant l’opération de transmission universelle de patrimoine d’une clause de rétroactivité, ce qui a placé la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET dans l’impossibilité de bénéficier du transfert des déficits reportables et consécutivement d’une importante économie d’impôts. Elle fait également grief à L’F G Y & Z d’avoir manqué à son obligation de conseil en ne l’informant pas des risques qu’elle encourait du fait de l’existence de cette clause de rétroactivité au regard de la demande d’agrément qui devait être adressée à l’administration fiscale. Elle ajoute qu’il aurait fallu procéder à l’opération de fusion absorption postérieurement à l’envoi de la demande d’agrément. Elle estime que la perte de chance de réaliser une économie d’impôts est totale puisque ce n’est qu’en raison de la tardiveté de la demande d’agrément qu’elle a été rejetée.

La société H D E soulève la prescription de l’action engagée par la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET, en se fondant sur la prescription abrégée de trois mois prévue par la lettre de mission. Subsidiairement elle sollicite le rejet des demandes formées contre elle et en tout état de cause la condamnation de L’F G Y & Z à la relever et garantir de toute condamnation ainsi que l’octroi d’une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Sur la prescription, elle rappelle la validité des aménagements conventionnels de la prescription et affirme que le délai de trois mois n’est qu’un délai de forclusion pour engager l’instance en responsabilité; elle en déduit qu’informée dès le 15 juillet

2010 du refus de l’administration de lui accorder le bénéfice du transfert des déficits reportables, elle pouvait agir jusqu’au 15 octobre 2010. Sur les manquements qui lui sont reprochés, elle allègue que la lettre de mission du 5 mars 2009 portait exclusivement sur des prestations de nature comptable et sociale, et n’est intervenue qu’après qu’ont été décidées l’acquisition de la SNC et la fusion à intervenir, de sorte qu’en aucun cas elle n’a été chargée de la réalisation de l’opération de fusion par transmission universelle de patrimoine. Elle ajoute que la clause de rétroactivité n’avait aucune incidence sur la fiscalité de l’opération, mais visait à éviter d’établir un double arrêté de comptes. Elle rappelle ainsi que la demande d’agrément a été adressée le 14 décembre 2009, soit après le 9 février 2009 et après l’assemblée générale du 4 septembre 2009 ayant acté la fusion et la transmission universelle de patrimoine. Elle en déduit qu’en tout état de cause le dépôt de la demande d’agrément postérieurement à l’assemblée du 14 septembre 2009 excluait toute possibilité de transfert des déficits et poursuit en relevant que d’après la position exprimée par l’administration, c’est même avant l’acquisition des titres le 9 février 2009 que la demande d’agrément aurait dû être formée puisque les opérations d’acquisition et de fusion étaient indissociables. La lettre de mission datant du mois de mars 2009, il n’y a pas de lien causal avec l’intervention de l’expert comptable. Sur le préjudice, elle fait valoir que la perte de chance d’obtenir une réduction d’impôt n’est pas établie dès lors que la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET ne justifie nullement qu’elle remplissait les conditions pour bénéficier du transfert des déficits reportables et qu’elle allait réaliser un bénéfice.

L’F G Y & Z sollicite le rejet de l’ensemble des demandes formées contre lui et à titre subsidiaire la condamnation de la société H D E à le relever et garantir de toutes condamnations; il réclame également l’octroi d’une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions il fait valoir que l’on ne peut lui reprocher de ne pas avoir présenté une demande d’agrément pour le transfert des déficits reportables avant que l’opération de fusion absorption ne soit décidée, soit avant le 9 février 2009. Il affirme ainsi que la demande d’agrément devait être formée avant l’assemblée générale du 14 septembre 2009 ayant voté la dissolution, et non avant celle du 9 février 2009. Il allègue que rien ne justifie que le notaire était en charge de l’opération de dissolution du 14 septembre 2009, tandis que c’est bien le cabinet H D E qui était en charge de la partie fiscale et comptable de l’opération, qui était au fait de l’existence de déficits reportables, de la nécessité de dissoudre la société et de solliciter l’agrément, ce dont témoigne le fait que la clause de rétroactivité ait été insérée par l’expert comptable et qu’il ait adressé à l’administration fiscale la demande d’agrément. Sur le préjudice il développe des arguments similaires à ceux de son co défendeur.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription de l’action engagée contre la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET

La société H D E se prévaut de la clause “responsabilité” des conditions générales de sa lettre de mission du 5 mars 2009 suivant laquelle “Toute demande de dommages- intérêts ne pourra être produite que pendant la période de prescription légale. Celle-ci devra être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre.”

Or, en application de l’article 2254 du Code civil issu de la loi du 17 juin 2008 La durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans.

La société H D E prétend que le délai de trois mois contractuellement stipulé pour solliciter des dommages et intérêts n’est pas un délai de prescription mais un délai de forclusion, échappant comme tel aux limites fixées par l’article 2254 précité.

Or, en application de l’article 2219 du Code civil La prescription extinctive est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.

D’après l’interprétation donnée par la société H D E, la clause prévoyant que le client dispose d’un délai de trois mois suivant la date à laquelle il aura eu connaissance du sinistre pour introduire une demande de dommages et intérêts a bien pour effet d’éteindre le droit d’agir en indemnisation en cas de non respect de ce délai; il s’agit donc bien d’un délai de prescription dont le point de départ est d’ailleurs fixé à la date à laquelle le titulaire du droit a connu le fait lui permettant de l’exercer, à l’image de l’article 2224 du Code civil.

Cette clause étant illicite comme contraire à l’article 2254 précité, elle ne peut recevoir application.

Le délai légal de cinq ans prévu par l’article 2224 du Code civil trouve à s’appliquer, et commence à courir à compter du rejet par le tribunal administratif de Nice du recours formé par la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET contre la décision de rejet de la demande d’agrément, le 1er février 2013.

Il y a donc lieu de constater que l’action en responsabilité de la société H D E n’était pas prescrite à la date de l’assignation le 6 mai 2013.

Sur la responsabilité de la société H D E

Il résulte de la lettre adressée à la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET par les services fiscaux le 15 juillet 2010 que la demande de l’agrément prévu au II de l’article 209 du code général des impôts à la suite de l’opération de fusion et de transmission universelle de patrimoine de la société SNC RESIDENCE DE L’ARBOIS au profit de la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET a été envoyée le 14 décembre 2009 alors que l’opération de cession de parts sociales à la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET a été réalisée par acte du 9 février 2009, en conséquence de quoi la demande a été déposée dix mois après la réalisation de l’opération, qu’elle est forclose et ne peut donc recevoir une suite favorable.

D’après le courrier de l’administration fiscale, la demande d’agrément aurait donc dû être adressée avant le 9 février 2009, date de cession des parts au profit de la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET, qui marque le début de l’opération de fusion et de transmission universelle de patrimoine.

Or, la lettre de mission de la société H D E est en date du 5 mars 2009, ce qui implique qu’avant cette date l’expert comptable n’avait pas été saisi par la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET.

Il ne peut donc être reproché à l’expert comptable d’avoir empêché la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET de bénéficier du transfert des déficits reportables de la SNC RESIDENCE DE L’ARBOIS puisqu’à la date à laquelle la demande d’agrément aurait dû être adressée à l’administration fiscale, avant le 9 février 2009, l’expert comptable n’avait pas encore été commis par la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET et, par conséquent, n’était tenu d’aucune obligation vis à vis de celle-ci.

Il s’ensuit que les demandes formées contre la société H D E seront rejetées.

Sur la responsabilité de L’F G Y & Z

L’F G du BEAUSSET, aux droits duquel est venu L’F G Y & Z, a établi une note d’honoraires en date du 9 février 2009 portant sur les conseils et l’assistance dans la rédaction du protocole conclu entre la Société PIERRE HOUE/Consorts HOVHANESSION, la rédaction des baux commerciaux “le Club d’Arbois” et “le Domaine d’Arbois”, les conseils et l’assistance dans la rédaction des actes de cession de parts sociales SNC RESIDENCE DE L’ARBOIS.

Il a donc accepté une mission de conseil et d’assistance spécifique pour le compte de la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET, ce qui le soumet à des obligations de nature contractuelle.

Sont produits les échanges de courriels intervenus les 22 et 23 janvier 2009 entre le notaire et Monsieur A, manifestement l’un des responsables de la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET, dont il résulte que le notaire a été chargé de la réalisation de l’ensemble de l’opération d’acquisition (protocole, baux, cession de parts), en ce compris la transmission universelle de patrimoine.

Or, il est résulté des débats que la possibilité pour la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET de bénéficier d’une économie d’impôts au moyen du transfert des déficits reportables de la SNC RESIDENCE DE L’ARBOIS était l’une des raisons impulsives de sa décision d’absorber sa filiale par transmission universelle de patrimoine.

Dès lors le notaire se devait de prévoir les conséquences fiscales de l’opération de fusion et de transmission universelle de patrimoine à laquelle il prêtait son assistance et son concours, et d’informer ainsi sa cliente des dispositions de l’article 1649 nonies du Code général des impôts selon lequel toute demande d’agrément auquel est subordonnée l’application d’un régime fiscal particulier doit être déposée préalablement à la réalisation de l’opération qui la motive.

Force est de constater que la demande d’agrément a été adressée à l’administration fiscale le 14 décembre 2009, soit bien après l’achèvement de l’opération de fusion par transmission universelle de patrimoine ce qui établit que le notaire n’a jamais attiré l’attention de la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET sur la nécessité de respecter les dispositions de l’article 1649 nonies du Code général des impôts.

L’F G Y & Z prétend que l’administration fiscale a commis une erreur dans son courrier du 15 juillet 2010 en ce que la demande

d’agrément aurait dû être présentée avant l’assemblée générale du 14 septembre 2009 ayant voté la dissolution de la SNC RESIDENCE DE L’ARBOIS et non avant le 9 février 2009, date d’acquisition des titres par la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET, comme indiqué par les services fiscaux. Elle en déduit que c’est l’insertion d’une clause de rétroactivité au 9 février 2009 pour les effets de la fusion absorption qui est à l’origine du rejet de la demande d’agrément pour cause de tardiveté.

Cependant elle ne justifie nullement ses allégations sur l’erreur commise par l’administration fiscale, à tel point d’ailleurs qu’il s’évince de l’ordonnance rendue le 1er février 2013 par le tribunal administratif de Nice rejetant le recours formé par la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET contre la décision des services fiscaux du 15 juillet 2010 qu’à l’appui de sa contestation cette société s’est bornée à soutenir que la transmission universelle de patrimoine avait eu un impact favorable sur l’emploi, sur le recouvrement de créances fiscales et sur les investissements réalisés dans le camping, sans soulever une quelconque erreur de l’administration fiscale sur la date avant laquelle aurait dû être envoyée la demande d’agrément.

La question de la rétroactivité au 9 février 2009 de l’opération de fusion absorption, stipulée à l’initiative de la société H D E, est donc sans effet sur l’appréciation du respect par le notaire de ses obligations.

L’F G Y & Z a commis une faute dans l’exécution de son devoir de conseil.

Ce manquement est à l’origine d’une perte de chance pour la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET de bénéficier du transfert des déficits reportables de la SNC RESIDENCE DE L’ARBOIS.

En application de l’article 209 II du Code général des impôts, En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l’article 210 A, les déficits antérieurs et la fraction d’intérêts mentionnée au sixième alinéa du 1 du II de l’article 212 non encore déduits par la société absorbée ou apporteuse sont transférés, sous réserve d’un agrément délivré dans les conditions prévues à l’article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues respectivement au troisième alinéa du I et au sixième alinéa du 1 du II de l’article 212.

En cas de scission ou d’apport partiel d’actif, les déficits transférés sont ceux afférents à la branche d’activité apportée.

L’agrément est délivré lorsque :

a) L’opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ;

b) L’activité à l’origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé n’a pas fait l’objet par la société absorbée ou apporteuse, pendant la période au titre de laquelle ces déficits et ces intérêts ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d’emploi, de moyens d’exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d’activité ;

c) L’activité à l’origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés absorbantes ou bénéficiaires des apports pendant un

délai minimal de trois ans, sans faire l’objet, pendant cette période, de changement

significatif, notamment en termes de clientèle, d’emploi, de moyens d’exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d’activité ;

d) Les déficits et intérêts susceptibles d’être transférés ne proviennent ni de la gestion d’un patrimoine mobilier par des sociétés dont l’actif est principalement composé de participations financières dans d’autres sociétés ou groupements assimilés ni de la gestion d’un patrimoine immobilier.

Plusieurs conditions étaient posées pour l’obtention du transfert des déficits de la société absorbée; la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET affirme que l’activité touristique était maintenue et que l’objectif principal de cette opération n’était pas fiscal mais visait à éviter des doubles frais de gestion et à donner une meilleure image du camping, compte tenu des problèmes posés par les anciens exploitants.

En considération d’un certain aléa quand à l’accord de l’administration fiscale, la perte de chance d’obtenir une économie d’impôt sera évaluée à 50%.

La SARL L’ARBOIS DU CASTELLET produit ses déclarations pour l’impôt sur les sociétés pour:

— l’exercice 2009-2010 qui mentionne au titre des déficits reportables la somme de 564 146 euros et au titre du bénéfice imposable la somme de 0 euros.

— l’exercice 2010-2011 qui mentionne au titre des déficits reportables la somme de 564 146 euros et au titre du bénéfice imposable la somme de 6 198 euros.

— l’exercice 2011-2012 qui mentionne au titre des déficits reportables la somme de 564 146 euros et au titre du bénéfice imposable la somme de 6 336 euros.

Or, elle justifie que les déficits antérieurs peuvent être reportés sur les bénéfices des exercices suivants sans limitation de durée.

Elle estime à 188 048, 66 euros l’économie d’impôts dont elle aurait dû bénéficier par application du taux de l’impôt sur les sociétés (33,33%) au déficit de 564 146 euros.

Il lui sera accordé donc une somme de 94 074, 33 euros en réparation de son préjudice de perte de chance de bénéficier de l’économie d’impôts.

L’F G Y & Z sera donc condamné à verser à la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET la somme de 94 074, 33 euros en réparation de son préjudice.

Il lui versera en outre une somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.

En revanche l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la société H D E.

L’exécution provisoire, compatible avec la nature et l’ancienneté du litige, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL

Statuant par mise à disposition au greffe, en matière civile ordinaire, par jugement contradictoire, en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi,

— ECARTE la prescription soulevée par la société H D E.

— REJETTE les demandes formées contre la société H D E.

— DIT que L’F G Y & Z a manqué à son devoir de conseil vis à vis de la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET.

— CONDAMNE L’F G Y & Z à verser à la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET la somme de 94 074, 33 euros en réparation de son préjudice.

— CONDAMNE L’F G Y & Z à verser à la SARL L’ARBOIS DU CASTELLET la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

— DIT n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la société H D E.

— ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement.

— MET les dépens de l’instance à la charge de L’F G Y & Z avec distraction au profit de la SCP X I J K et de la SCP ABEILLE et associés.

AINSI JUGE ET MIS A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MARSEILLE, LE 26 NOVEMBRE 2015.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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