Tribunal de grande instance de Nanterre, 1re chambre, 2 septembre 2015, n° 13/11461

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Nanterre, 1re ch., 2 sept. 2015, n° 13/11461
Juridiction : Tribunal de grande instance de Nanterre
Numéro(s) : 13/11461

Texte intégral

TRIBUNAL

DE GRANDE

INSTANCE

DE NANTERRE

[…]

1re Chambre

[…]

02 Septembre 2015

N° R.G. : 13/11461

N° Minute :

AFFAIRE

SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE

C/

Société ELLE AIME L’AIR, SAS MONDADORI MAGAZINES FRANCE

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE

20-22 rue des Fossés Saint-Jacques

[…]

représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0329

DEFENDERESSES

Société ELLE AIME L’AIR

Intervenante volontaire

[…]

[…]

représentée par Me Didier FELIX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T04

SAS MONDADORI MAGAZINES FRANCE

[…]

[…]

représentée par Maître Benoît GOULESQUE MONAUX de la […] et ASSO CIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : J010

L’affaire a été débattue le 03 Juin 2015 en audience publique devant le tribunal composé de :

Anne BEAUVOIS, Première Vice-présidente

[…], Vice-présidente

Estelle MOREAU, Vice-Présidente

qui en ont délibéré.

Greffier lors du prononcé : Sylvie CHARRON, Greffier.

JUGEMENT

prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSE DU LITIGE

La société Universal Music France a été le producteur des enregistrements phonographiques du chanteur connu sous le nom de X Y de 1961 à 2006.

En 2000, 2003 et 2009, elle a réédité dans leurs pochettes d’origine deux albums de X Y qu’elle avait publiés en 1961 et trois albums publiés en 1962.

La société Mondadori Magazines France a pour activité l’édition et la vente de périodiques en tous genres, parmi lesquels le magazine hebdomadaire Téléstar.

La société Elle Aime l’Air (ci-après LMLR) est spécialisée dans la réédition de fonds de programmes musicaux et audiovisuels qui ne sont plus exploités par leur producteur d’origine, et notamment entrés dans le domaine public.

Les 14 septembre 2002 et 3 mai 2003, la société Mondadori Magazines France et la société LMLR ont conclu un “contrat de licence produits finis kiosques” et un “contrat de licence kiosques” portant sur la commercialisation, par la société Mondadori Magazines France, avec le magazine Téléstar et au prix de 5,90 euros, d’une collection intitulée “effet vinyle” conçue et fabriquée par la société LMLR, comprenant notamment la réédition de cinq albums d’origine “Salut les Copains”, “A l’Olympia” “X sings America” “Madison Twist” et “Retiens la nuit” reproduisant les enregistrements interprétés par le chanteur X Y et commercialisés au cours des années 1961 et 1962, la société LMLR concédant à la société Mondadori Magazines France les droits exclusifs d’exploitation sur phonogrammes des “programmes” concernés.

Entre le 1er juillet et le 29 juillet 2014, un nombre total de 27.385 rééditions, sous forme de disques compacts, des albums de X Y précités a été encarté avec les numéros de magazines 1918 à 1922 du magazine Téléstar.

La société Universal Music France, considérant que lesdits disques compacts avaient été commercialisés dans leurs pochettes d’origine protégeables par le droit d’auteur, à ceci près que les photographies du chanteur ont été modifiées, que les marques (Universal, Mercury et Philips) et les mentions relatives au titulaire des droits de propriété intellectuelle (P. Mercury France, un label Universal Music-C Mercury France) ont été supprimées, a fait assigner la société Mondadori Magazines France devant le tribunal de grande instance de Nanterre par acte du 30 septembre 2013 sur le fondement de la contrefaçon de droit d’auteur ou, subsidiairement, de la concurrence déloyale et parasitaire.

La société LMLR est intervenue volontairement à l’instance.

Dans ses écritures régularisées le 22 mai 2014, la société Universal Music France demande au tribunal de :

— Dire qu’en commercialisant sous leurs pochettes d’origine des rééditions sous forme de disques compacts d’albums de X Y avec les numéros 1918 à 1922 datés du 1er au 29 juillet 2013 du magazine Téléstar à l’occasion d’une opération intitulée « La collection CD « effet vinyle » », les sociétés Mondadori Magazines France et LMLR ont commis des actes de contrefaçon d’œuvres ou à tout le moins de concurrence déloyale et parasitaire,

— Dire qu’en modifiant les photographies des pochettes d’origine des albums en cause de X Y et en supprimant les marques et les mentions relatives au titulaire des droits de propriété intellectuelle y figurant, les sociétés Mondadori Magazines France et LMLR ont commis des actes de concurrence déloyale,

— Dire qu’en annonçant que les disques compacts litigieux reproduisaient à l’identique les pochettes de l’époque, les sociétés Mondadori Magazines France et LMLR se sont rendues coupables de publicité trompeuse constitutive de concurrence déloyale à ses dépens,

— Faire interdiction aux sociétés Mondadori Magazines France et LMLR d’exploiter les pochettes litigieuses sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,

— Condamner les sociétés Mondadori Magazines France et LMLR à lui payer une somme de 100. 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre une indemnité de 10.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— Ordonner à la société Mondadori Magazines France de publier le dispositif de la décision à intervenir sur un quart de la couverture de cinq numéros successifs du magazine Télé Star dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 10. 000 euros par jour de retard,

— Ordonner l’exécution provisoire.

Elle se prévaut de la présomption de titularité de droit d’auteur découlant de l’exploitation des pochettes en cause par elle-même et sous son nom.

Elle soutient que la composition de ses pochettes est le fruit d’un effort de création.

Elle fait valoir que si la reproduction des enregistrements de X Y appartenant au domaine public et composant les albums en cause est licite, la reproduction, par la commercialisation des disques compacts litigieux, de leurs pochettes d’origine protégées par les droits d’auteur, est constitutive de contrefaçon d’œuvres au sens des articles L. 335-2 et L.335-3 du code de la propriété intellectuelle. Elle précise que la modification des photographies du chanteur fait certes disparaître la contrefaçon des photographies illustrant les pochettes d’origine des albums en cause, mais pas celles de ses pochettes dont la composition est en soi protégeable par le droit d’auteur indépendamment des photographies qui les illustrent. Elle souligne que cette modification aggrave la contrefaçon puisqu’elle dénature les pochettes d’origine des albums en cause.

Elle ajoute qu’à supposer que les pochettes d’origine des albums en cause ou certaines d’entre elles ne soient pas protégeables par le droit d’auteur, leur utilisation serait à tout le moins constitutive de concurrence déloyale et parasitaire. Elle précise que ces pochettes sont de nature à laisser accroire qu’elle serait à l’origine des rééditions litigieuses, entretenant ainsi un risque de confusion dans l’esprit du public, qu’en outre, elles constituent une appropriation indue de son travail qu’elle continue de surcroît d’utiliser ainsi qu’en témoignent les rééditions qu’elle a effectuées.

Elle se prévaut également de faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire. Elle fait tout d’abord valoir que la suppression des marques et des mentions relatives au titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les pochettes litigieuses constitue un fait qui lui est préjudiciable, alors qu’elle est en droit d’apparaître à l’égard du public comme le producteur des albums en cause de X Y et l’éditeur de leurs pochettes même s’ils ne sont plus ou pas protégés par des droits de propriété intellectuelle.

Elle ajoute qu’en annonçant que « cette collection de CD collector reproduit à l’identique les pochettes et les vinyles de l’époque », la société Mondadori Magazines France s’est rendue coupable de publicité trompeuse dès lors que les photographies reproduites sur les pochettes litigieuses ne sont pas celles des pochettes d’origine.

En réponse, dans ses écritures signifiées le 28 août 2014, la société Mondadori Magazines France fait valoir que la demanderesse ne démontre pas être titulaire de droits d’auteur sur les éléments graphiques et typographiques prétendument contrefaits, celle-ci se contentant d’affirmer que l’exploitation des pochettes sous son nom la ferait bénéficier d’une présomption de titularité de droit d’auteur. Elle ajoute qu’il n’est pas plus établi que les éléments graphiques et typographiques sont originaux et portent l’empreinte de la personnalité d’un auteur, en faisant valoir que la demanderesse ne caractérise aucune originalité dans le choix des couleurs, de la police ou de la disposition des divers éléments sur les pochettes.

Elle prétend encore qu’il existe des différences non négligeables entre les éléments graphiques des pochettes éditées par la société Universal Music France et celles éditées par la société LMLR, lesquelles, ajoutées au fait que les photographies de X Y diffèrent, sont de nature à faire disparaître toute impression globale de ressemblance et tout risque de confusion dans l’esprit du public.

Elle argue du non-cumul des actions en contrefaçon et en concurrence déloyale et fait valoir l’absence de risque de confusion en raison des différences entre les diverses pochettes. Elle souligne que la demanderesse commercialise les albums litigieux sur internet, de sorte que le consommateur ne se détermine pas au vu de la pochette qu’il n’a pas vocation à acquérir et prétend qu’il ne peut y avoir risque de confusion alors qu’elle n’exploite plus les pochettes incriminées.

Elle conteste également les faits de publicité trompeuse, dès lors qu’en affirmant “Cette collection de CD collector reproduit à l’identique les pochettes et les vinyles de l’époque”, le magazine Téléstar a prétendu reproduire l’identique du style des pochettes de l’époque, et non pas des pochettes de disques de X Y. Elle ajoute que la présentation fausse d’un produit ou service ne constitue une publicité déloyale que si elle est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif, et ne peut servir à fonder une action en concurrence déloyale que si les conditions de celle-ci sont remplies, alors qu’en l’espèce il n’existe pas de risque de confusion. Elle réfute également les faits de parasitisme, à défaut pour la demanderesse de rapporter la preuve d’investissements importants dont elle aurait profité à ses dépens.

A titre subsidiaire, elle sollicite la garantie de la société LMLR qui a mis au point la maquette et la conception graphique des pochettes et lui a garanti disposer librement des droits d’exploitation.

Elle conclut à l’irrecevabilité, subsidiairement, au débouté de la demande, à la garantie illimitée de la société LMLR et au bénéfice d’une indemnité de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures régularisées le 29 août 2014, la société LMLR soulève également le défaut de qualité à agir de la société Universal Music France sur le fondement des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile faute de justifier être titulaire de droits sur le graphisme et la typographie des pochettes des disques en cause, la requérante ne pouvant prétendre bénéficier de la présomption de titularité des droits alors qu’elle ne justifie pas avoir participé techniquement et financièrement au processus créatif des pochettes.

Elle fait sienne l’argumentation développée par la société Mondadori Magazines France sur les prétendus faits de publicité trompeuse et de concurrence déloyale et parasitaire et soulève le défaut de qualité à agir de la société Universal Music France sur le fondement de la publicité trompeuse alors que celle-ci n’est pas consommateur.

Elle reprend également à son compte les développements de la société Mondadori Magazines France sur l’absence d’originalité des éléments graphiques des pochettes. Elle souligne que ceux-ci ont principalement servi de support aux photographies utilisées à l’époque mais ne constituent pas en eux-mêmes une composition originale, d’autant que les polices utilisées sont disponibles dans tout logiciel de composition graphique et dans tout traitement de texte. Elle ajoute que la conception graphique se limite à présenter sur les pochettes les titres dans l’ordre dans lequel ils figurent sur les supports enregistrés, ce qui est banal pour une pochette de disque, et que l’aménagement des éléments graphiques sur les pochettes, même avec le recours à des typographies de couleurs, ne reflète en rien la personnalité d’un prétendu auteur.

Elle conteste les faits de concurrence déloyale et parasitaire dans les mêmes termes que la société Mondadori Magazines France, y ajoutant que les disques compacts litigieux n’ont pas été commercialisés simultanément par la demanderesse et par la société Mondadori Magazines France, la réédition la plus récente par la société Universal Music France remontant à 2009, de sorte que le public n’a pas pu confondre les disques compacts de la collection « effet vinyle » commercialisés en 2011 par la société Mondadori Magazines France avec des disques compacts que la demanderesse n’exploitait plus à l’époque des faits. Elle souligne l’absence de démonstration d’une captation ou même d’une tentative de détournement de clientèle.

Enfin, elle critique le préjudice allégué et sollicite la limitation de sa garantie au montant de la marge nette réalisée par la société Mondadori Magazines France.

Elle conclut à l’irrecevabilité des demandes, subsidiairement au rejet de celles-ci et à sa mise hors de cause en ce qui concerne la garantie apportée à la société Mondadori Magazines France, à titre très subsidiaire, à la limitation de sa garantie, enfin à la condamnation de la demanderesse à lui payer une indemnité de 10.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

MOTIFS

Sur la titularité des droits d’auteur :

La société Universel Music France prétend être titulaire de droits d’auteur sur cinq pochettes d’origine de disques de X Y, publiés en 1961 et 1962 et qu’elle a rééditées en 2003 et 2009.

Elle sollicite le bénéfice de la présomption de titularité de droits d’auteur sur ces pochettes découlant de l’exploitation de celles-ci sous son nom, laquelle la dispense de justifier des conditions dans lesquelles elle est devenue titulaire de ces droits d’auteur.

Selon l’article L113-2 du code de la propriété intellectuelle, est dite collective l’oeuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie ou la divulgue sous sa direction et sous son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé.

La personne morale qui exploite sous son nom une oeuvre à l’élaboration de laquelle ont contribué plusieurs participants est, jusqu’à preuve du contraire, présumée titulaire du droit de propriété incorporelle sur l’oeuvre.

Les pochettes revendiquées par la société Universal Music France, dont la photocopie est produite au débat, comportent toutes la mention “ Ⓟ (date) Mercury France, un label Universal Music” et “© (date) Mercury France” indiquant que la société Universal Music est le producteur des enregistrements commercialisés dans ces pochettes, ainsi que le logo “Universal”.

La commercialisation de ces pochettes sous le logo “Universal” constitue un acte de divulgation et d’exploitation non équivoque, par la requérante, desdites pochettes.

La société Universal Music France bénéficie ainsi de la présomption de titularité de droits d’auteur sur les oeuvres revendiquées.

Son action en justice sur le fondement de la protection par le droit d’auteur est par conséquent recevable.

Sur l’originalité de l’oeuvre :

La société Universal Music France argue d’originalité les pochettes qu’elle décrit de la manière suivante :

— une pochette d’origine d’un album de X Y publié en 1961, rééditée en 2000, laquelle est constituée d’un fond noir, de la dénomination « salut les copains ! » en lettres jaunes stylisées en haut à gauche, d’une photo de X Y à gauche, d’une liste de titres en lettres bleues surmontée de deux ronds jaunes en haut à droite et de la signature de X Y en bas à droite,

— une pochette d’origine d’un album de X Y publié en 1961, rééditée en 2003, laquelle est constituée au recto d’un fond bleu clair, d’une photo de X Y à gauche, d’une liste de titres en lettres blanches en haut à droite et du nom X Y en lettres jaunes stylisées en bas et au verso d’un fond blanc, du nom X Y en lettres bleues stylisées en haut, d’une liste de titres sur deux colonnes en lettres rouges, bleues et noires au milieu et d’une photo de X Y à droite,

— une pochette d’origine d’un album de X Y publié en 1962, rééditée en 2000, laquelle est constituée au recto en haut sur un fond blanc des noms X Y en lettres bleues surmontant la mention « sings america’s rockin’ hits » en lettres oranges et violettes surmontant une liste de titres en lettres grises séparés par des étoiles rouges et en bas sur toute la largeur d’une photo de X Y surmontant des anneaux entrelacés de toutes les couleurs du spectre et au verso d’un fond blanc, d’un texte en anglais en haut à gauche, d’une liste de titres en lettres noires en haut à droite et en bas sur toute la largeur d’une photo de X Y,

— une pochette d’origine d’un album de X Y publié en 1962, rééditée en 2003, laquelle est constituée au recto d’un fond vert clair, du nom X Y en lettres rouges en haut, d’une photo de X Y au milieu et d’une liste de titres en lettres noires et rouges à droite et au verso d’un fond blanc, du nom X Y en lettres bleues en haut, d’une liste de titres sur deux colonnes en lettres noires au milieu soulignée par un trait horizontal bleu et de pochettes de disques de X Y en bas,

— une pochette d’origine d’un album de X Y publié en 1962, rééditée en 2003, laquelle est constituée au recto d’un fond rouge, du nom de X Y en lettres stylisées bleues, blanches, jaunes et vertes de tailles diverses partiellement décalées et se chevauchant partiellement en haut, d’une liste de titres en lettres noires à droite et d’une photo de X Y en bas et au verso d’un fond blanc, du nom de X Y en lettres rouges stylisées en haut à gauche surmontant une liste de titres en lettres noires, d’un trait vertical rouge au milieu et de pochettes de disques de X Y accompagnées de listes de leurs titres en lettres bleues à droite.

Elle prétend que la composition de ces pochettes est le fruit d’un effort de création et que celles-ci présentent, indépendamment des photos qui les illustrent, une originalité qui en fait des œuvres protégées par le droit d’auteur.

Pour caractériser l’originalité de ces oeuvres revendiquées contestée en défense, elle soutient que “les sociétés défenderesses se focalisent sur les typographies alors que l’originalité (qu’elle revendique) n’est nullement limitée à celles-ci mais porte sur des combinaisons d’éléments bien plus nombreux, lesquelles n’ont rien de banal et témoignent d’un incontestable parti pris esthétique”.

Néanmoins, ce faisant, la société Universal Music France procède par voie d’affirmations sans s’expliquer sur la combinaison revendiquée et sur l’apport de sa personnalité dans celle-ci.

Alors qu’elle décrit les pochettes revendiquées comme étant constituées de fond de couleur, d’une photographie de X Y, d’une liste de titres en couleur et du nom du chanteur en couleur, elle revendique des compositions indépendamment des photographies qui illustrent les pochettes.

Or, les sociétés défenderesses soulignent avec pertinence que les éléments graphiques des pochettes, qu’il s’agisse du fond, des couleurs, de la typographie servent principalement de support à la photographie du chanteur, reproduite en gros format sur chacune des pochettes, et que la conception graphique des pochettes se limite à présenter sur les pochettes le nom du chanteur, le titre de l’album et les titres des chansons dans l’ordre dans lequel ils figurent sur les supports enregistrés, ce qui est banal pour une pochette de disque, en ayant recours à des typographies de couleurs et des polices disponibles dans des logiciels de composition graphique ainsi que dans des traitements de texte.

La demanderesse ne s’explique pas sur l’emplacement de la photographie du chanteur et sur l’aménagement des éléments graphiques sur les pochettes autour de celle-ci, tels que la typographie, le fond, la police, le titre des chansons et le nom du chanteur, ni en quoi ces compositions témoigneraient d’un parti pris esthétique, alors que l’ensemble de ces éléments sont banals s’agissant d’une pochette de disque ayant pour vocation à présenter les chansons interprétées par un artiste-interprète et contenues dans l’album en vente.

A défaut d’établir l’originalité des pochettes revendiquées, l’action en contrefaçon de droits d’auteur sera rejetée.

Sur l’intérêt à agir en publicité mensongère :

La société Universal Music France prétend qu’en annonçant que “cette collection de CD collector reproduit à l’identique des pochettes et les vinyles de l’époque”, la société Mondadori Magazines France a commis des faits de publicité trompeuse, dès lors que les pochettes litigieuses ne sont pas identiques aux pochettes d’origine.

Néanmoins, la société Universal Music France n’étant pas le consommateur des produits objet de la publicité, elle n’a aucun intérêt à agir sur le fondement de la publicité trompeuse, définie à l’article L.121-1 du code de la consommation, et qui vise à protéger le consommateur, et non pas un concurrent.

La fin de non-recevoir, soulevée par la société LMLR, doit donc être accueillie.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire :

La liberté de commerce et d’industrie, avec en corollaire la libre concurrence, étant le principe, la théorie jurisprudentielle de la concurrence déloyale et parasitaire, fondée sur les dispositions de l’article 1382 du code civil, impose au demandeur de rapporter la preuve de manoeuvres déloyales à son égard, d’un préjudice, et d’un lien de causalité.

La concurrence déloyale suppose en particulier la démonstration d’un risque de confusion des produits en cause avec ceux commercialisés de manière déloyale par le concurrent et d’un risque de détournement de clientèle.

Le parasitisme se définit comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit de ses efforts et de son savoir-faire et s’approprie une valeur économique individualisée procurant un avantage concurrentiel, fruit d’une recherche et d’un travail de conception spécifique.

Au soutien de sa demande au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, la société Universal Music fait valoir que les pochettes commercialisées par ses soins sont le fruit d’un travail qu’elle a financé et qu’elle continue d’utiliser comme en témoignent les rééditions qu’elle a effectuées, de sorte que leur utilisation par les sociétés défenderesses constitue une appropriation indue de son travail, leur permettant de réaliser des économies injustifiées, et faussant le jeu normal de la concurrence. Elle ajoute qu’il existe un risque de confusion dès lors qu’elle exploite toujours les pochettes qu’elle revendique et que ce risque est de nature à affecter leur ré-exploitation. Enfin, elle prétend que la suppression des marques et des mentions relatives au titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les pochettes litigieuses constitue un fait préjudiciable à la société Universal Music France qui est en droit d’apparaître auprès du public comme le producteur des albums en cause de X Y et l’éditeur des pochettes même s’ils ne sont plus ou pas protégés par les droits de propriété intellectuelle.

Néanmoins, la demanderesse ne justifie pas des investissements réalisés pour la création des pochettes en cause ni de l’appropriation de ceux-ci par les sociétés défenderesses. Elle ne rapporte pas davantage la preuve d’un risque de confusion entre ses pochettes et celles commercialisées par les défenderesses, lesquelles ne reproduisent pas les mêmes photographies de l’artiste-interprète, alors que celles-ci sont un élément visuel d’identification des pochettes, de par leur format et la représentation de l’artiste-interprète dont les titres sont ainsi proposés à la vente. Ce risque de confusion est d’autant écarté que la société Universal Music France a fait rééditer ses pochettes en 2003 et 2009, alors que les pochettes en cause ont été commercialisées par les sociétés défenderesses durant un mois, en juillet 2011, qu’elles ne le sont plus et que la société Universal Music France justifie de la mise en vente des albums sous forme dématérialisée, par le biais d’internet, de sorte que le consommateur n’a pas vocation à acquérir les pochettes en cause mais les titres contenus dans l’album. Enfin, en l’absence de risque de confusion des pochettes, il ne saurait être fait grief aux défenderesses de ne pas avoir mentionné le nom de la société Universal Music France sur les pochettes commercialisées par leurs soins.

La demande au titre de la concurrence déloyale et parasitaire sera par conséquent rejetée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il serait inéquitable de laisser à leur charge les frais exposés par les défenderesses. La société Universal Music France sera condamnée à payer à chacune des défenderesses une indemnité de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire :

La nature du litige ne justifie pas le prononcé de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Déclare la société Universal Music France irrecevable à agir sur le fondement de la publicité trompeuse,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Universal Music France à payer à la société Mondadori Magazines France et à la société LMR une indemnité de 10.000 euros chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Universal Music France aux dépens et autorise la selas Valsamidis Amsallem Jonath Flaicher associés, avocat de la société Mondadori Magazines France, à recouvrer ceux dont il aura fait l’avance sans en avoir reçu provision.

signé par Anne BEAUVOIS, Première Vice-présidente et par Sylvie CHARRON, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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