Tribunal de grande instance de Nanterre, 24 janvier 2019, n° 16/13260

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Sur la décision

Référence :
TGI Nanterre, 24 janv. 2019, n° 16/13260
Juridiction : Tribunal de grande instance de Nanterre
Numéro(s) : 16/13260

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE

PÔLE CIVIL

2ème Chambre

JUGEMENT RENDU LE 24 Janvier 2019

N° RG 16/13260 – N° Portalis

DB3R-W-B7A-SM6L

N° Minute :

AFFAIRE

A B

K-L-O, C D

E X

C/

G H

Y

Copies délivrées le :

DEMANDEURS

Madame A B K-L-O […]

Monsieur C D E X […]

représentés par Me Corinne ILLOUZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0763

DEFENDERESSE

Madame G H Y 35 rue Mac-Mahon 92500 RUEIL MALMAISON

représentée par Me Quentin MAUJEUL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K154

L’affaire a été débattue le 29 Novembre 2018 en audience publique devant le tribunal composé de :

Gwenaël COUGARD, Vice-Présidente Sylvie LEFAIX, Vice-Présidente Julie KHALIL, Juge

qui en ont délibéré.

Greffier lors de l’audience : Fabienne MOTTAIS, Greffier Greffier lors du prononcé : Ghislaine ISSEUX, Greffier.

JUGEMENT

prononcé en premier ressort, par décision Contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

1


EXPOSE DU LITIGE
Madame G Y est propriétaire d’une parcelle cadastrée AH257 sis 35 rue Mac-Mahon à Rueil-Malmaison depuis le […], sur laquelle est édifiée une maison. Depuis le […], Madame A K-L-O et Monsieur D X (les consorts X) étaient propriétaire de la parcelle voisine AH 256 sise au numéro 37 de la même rue et ont souhaité vendre leur bien en juin 2016 pour en acquérir un autre.

A l’occasion de cette vente, un litige est survenu concernant une partie de la parcelle 257, partiellement bâtie par une remise ancienne, les consorts X estimant que du fait d’une erreur du cadastre, cette surface de 18 m² a, par erreur été rattachée à la parcelle 257, alors que Madame Y a considéré qu’il s’agissait d’une difficulté en lien avec son droit de propriété sur cette surface.

Les consorts X ont saisi le juge des référés de ce tribunal début juin 2016 pour obtenir qu’il soit ordonné à Madame Y de ne pas troubler leur possession mais finalement, une transaction a été signée le 10 juin 2016 aux termes de laquelle les consorts X se sont engagés à se désister de leur instance et à verser à Madame Y une somme de 20.000€, celle-ci s’engageant à signer le procès-verbal de bornage amiable établi par Monsieur Z géomètre expert.

Par acte en date du 5 octobre 2016, les consorts X ont fait assigner Madame Y en annulation de la transaction.

Par dernières conclusions signifiées le 25 mai 2017, les consorts X demandent au tribunal, au visa des articles 1131, 2044, 2053 du code civil, et sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

- les recevoir en leur demande et la dire bien fondée,

- annuler la transaction signée le 10 juin 2016 avec Madame Y,

- condamner Madame Y à leur verser la somme de 20.000€ au titre de la nullité de la transaction, Subsidiairement

- rescinder ladite transaction,

- évaluer à 1€ la valeur réelle de la contrepartie de Madame Y, En conséquence,

- condamner Madame Y à leur payer la somme de 19.999€, En tout état de cause,

- condamner Madame Y à payer à Madame K-L-O une somme de 10.000€ et à Monsieur X une somme de 5.000€ au titre du préjudice moral,

- condamner Madame Y à leur payer une somme de 5000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Au soutien de leurs demandes, les consorts X font valoir que :

- le litige provient d’une erreur du cadastre qui a situé une ancienne remise à l’extérieur de leur propriété ; Madame Y n’a jamais revendiqué une quelconque propriété sur ce bâtiment ;

- ils ont donc sollicité leur voisine pour régularisation de cette erreur matérielle et celle-ci a profité de ce qu’ils étaient engagés dans une acquisition et risquaient de perdre une chance de vendre leur bien et de devoir payer une indemnité d’immobilisation, pour exiger une somme de 81000€ puis de 54.000€, alors qu’ils ne voulaient pas acheter la surface mais simplement faire corriger le cadastre en prenant les frais à leur charge ;

- la transaction du 10 juin 2016 est nulle pour défaut de cause car Madame Y n’a réalisé aucune concession, son terrain étant exactement le même qu’auparavant puisqu’elle n’avait aucune revendication immobilière à faire valoir ; elle a usé de chantage pour obtenir un paiement indu et le protocole est donc nul ;

- l’éventuelle partie de son terrain située partiellement sous une remise appartenant aux demandeurs est prescrite pour être acquise depuis plus de 50 ans par leurs vendeurs successifs;

- subsidiairement il y a lieu de rescinder le protocole pour violence morale et le réduire à la somme de 1 €.

2



Selon ses dernières conclusions signifiées le 5 septembre 2017, Madame Y demande au tribunal de :

- la dire recevable et fondée en ses arguments et conclusions,

- débouter Madame K-L-O et Monsieur X de l’ensemble de leurs demandes,

- condamner Madame K-L-O et Monsieur X solidairement à lui payer une somme de 30.000€ à titre de procédure abusive,

- Madame K-L-O et Monsieur X solidairement à lui payer 5000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont distraction à Me Maujeul,

- ordonner l’exécution provisoire.

Elle soutient que :

- le litige n’est nullement en lien avec une erreur du cadastre mais porte bien sur la propriété d’une surface de 18 m² ; c’est pour cette raison que les demandeurs évoquent l’usucapion par courrier officiel de leur conseil du 19 mai 2016 ;

- le protocole du 10 juin 2016 n’est pas dépourvu de cause puisqu’il comporte des obligations réciproques notamment pour elle de renoncer à la propriété des 18 m² litigieux, la surface de son bien passant de 292 à 274 m² ; les titres de propriété et le fait qu’elle paie la taxe foncière sur une surface de 292 m² depuis qu’elle est propriétaire le démontrent ;

- ce sont les demandeurs qui lui ont proposé d’acquérir les 18 m² de sa parcelle au prix de 250€ par m² par courrier du 29 mars 2016 puis par lettre officiel du 19 mai suivant ; ils ne peuvent donc sérieusement prétendre qu’elle a procédé à un chantage à leur préjudice, d’autant moins qu’elle ignorait qu’ils avaient signé une promesse de vente et une promesse d’achat jusque début mai ; par ailleurs à cette période elle accompagnait sa mère en fin de vie et avait d’autres préoccupations que son différend avec ses voisins ;

- le protocole a été corédigé par le conseil des demandeurs et a été signé à son cabinet ; ils ont donc été tout à fait conseillés lors de la signature de cet acte ;

- s’agissant de leur demande subsidiaire, les demandeurs ne démontrent aucune violence et ont été à l’origine de la demande de transaction, accompagnés par un professionnel du droit ; ce sont plutôt les demandeurs qui ont usé de violences en la menaçant d’agir contre elle en remboursement des indemnités d’immobilisation si les ventes immobilières dans lesquelles ils étaient engagés échouaient ;

- ils ne démontrent aucun dommage au soutien de leur demande de dommages-intérêts ;

- elle est victime d’une procédure abusive puisqu’aux termes du protocole, il avait été mis fin au différend qui les opposaient.

MOTIFS

Sur la demande en annulation de la transaction pour défaut de cause

L’article 1131 du code civil dans sa version applicable au litige compte tenu de la date de la transaction disposait que l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

Les consorts X estiment que la transaction qu’ils ont conclue avec Madame Y le 10 juin 2016 est dépourvue de cause dans la mesure où, selon eux, aucune obligation n’a été mise à la charge de leur cocontractante.

Selon le protocole transactionnel, le litige entre les parties est né de ce qu’à l’occasion de la vente de leur maison au début de l’année 2016, Monsieur X et Madame K-L-O ont constaté qu’une partie de leur parcelle empiétait sur la parcelle cadastrée AH257, un immeuble étant en partie bâti sur cette partie litigieuse, qui mesure environ 18 m².

Il est stipulé que ce protocole a pour objet de mettre fin de manière irrévocable et définitive au litige.

Les engagements de Madame K-L-O et Monsieur X sont les suivants :

- verser à Madame Y la somme globale, forfaitaire et définitive de 20.000€ à titre de dommages-intérêts au moyen d’un chèque […]

- prendre en charge le coût du procès-verbal de bornage amiable ainsi que les frais de publications afférents à ce dernier,

3



- se désister de leur instance et de leur action engagées par assignation du 3 juin […] en s’engageant irrévocablement à adresser au greffe de la juridiction un courrier de désistement d’instance et d’action, […].

Madame Y s’engage quant à elle à signer le jour de la signature des présentes le procès- verbal de bornage amiable établi par Monsieur I Z, géomètre-expert […], joint aux présentes.

Il est en outre stipulé que

- les parties s’engagent mutuellement à ne commettre aucun acte et à adopter une attitude parfaitement loyale entre elles, conforme à l’esprit qui a présidé à la conclusion de la présente transaction,

- sous réserve de l’exécution intégrale du présent accord intervenu librement après négociation, et celui-ci réglant définitivement le litige sus rappelé sans exception ni réserve, les parties renoncent irrévocablement à tous autres droits ou indemnités de quelque nature que ce soit l’une envers l’autre ayant trait avec ce différend,

- la transaction règle définitivement le litige intervenu entre les parties et ce, conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil et notamment de l’article 2052 dudit code aux termes duquel la transaction a, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort.

Il résulte de l’acte notarié du […] que Madame Y est propriétaire d’une parcelle cadastrée AH 257 d’une superficie de 2a 92 ca, soit 292 m². Or selon l’acte notarié du […] par lequel les consorts X ont acquis leur bien immobilier, sa superficie est de 260 m² mais il est également indiqué qu’elle figure au cadastre section AH numéro 256 pour une superficie de 2 a 35, soit 235 m².

De fait, l’extrait du plan cadastral produit confirme que la section AH 256 a une contenance de 235 m².

Or, il résulte du plan annexé au procès-verbal de bornage que le géomètre Monsieur Z a mesuré une superficie de 274 m² pour la parcelle de Madame Y, en posant la limite de propriété le long du bâtiment construit au fond de la parcelle des consorts X. Ceci conforte le fait que sa parcelle, qui mesure en réalité 292 m² en vertu de son titre de propriété et du cadastre, se poursuit bien jusque sous ce bâtiment, pour une surface de 18 m².

Ceci est également conforté par le mesurage du même géomètre-expert de la parcelle AH 256 dont la superficie est évaluée à 261 m² si la totalité du bâtiment est incluse, alors que le cadastre indique que sa contenance est de 235 m².

Dès lors, il est établi que la parcelle AH 257 de Madame Y englobe la partie litigieuse de 18 m² confondue avec la surface d’une partie du bâtiment situé également sur le fond des consorts X.

En conséquence, en signant le procès-verbal de bornage qui acte la réduction de sa parcelle de 292 à 274 m² et qui la fait se terminer en limite du bâtiment, Madame Y a renoncé à son droit de propriété sur une surface de 18 m² au profit des consorts X.

Ces derniers ne peuvent donc alléguer que le protocole d’accord du 10 juin 2016 est dénué de cause à leur préjudice et seront déboutés de leur demande tendant à en voir prononcer la nullité.

Sur la demande en rescision de la transaction pour violence

Les consorts X prétendent que Madame Y les a contraints à signer ce protocole compte tenu de la situation dans laquelle ils se trouvaient et du risque financier qu’ils courraient en raison de leurs engagements à vendre leur bien et à en acquérir un autre.

Ils produisent, pour prouver leurs allégations, un courrier de Madame Y à leur notaire du 12 avril 2016 dont il résulte qu’elle ne s’oppose pas à leur vendre la partie litigieuse de sa parcelle mais attend une offre plus élevée que celle de 250€ / m² qui lui a été faite.

4



Or dès le 19 avril 2016, le conseil des demandeurs a écrit à Madame Y, certes pour lui indiquer qu’il s’agit d’une erreur de cadastre et qu’elle n’est pas propriétaire de la surface litigieuse, mais surtout pour lui indiquer que si elle s’oppose à la rectification du cadastre, elle risque de commettre un abus de droit dont il cherchera alors à obtenir réparation par la voie judiciaire, notamment si la conséquence en était que ses clients soient redevables d’indemnités d’immobilisation importantes.

Dès lors, il ne peut être sérieusement prétendu que Madame Y a fait preuve de violence morale et a abusé de la situation alors que le conseil des demandeurs a promptement réagi et vivement argumenté pour la convaincre qu’elle ne pouvait pas s’opposer à la rectification d’une simple erreur matérielle du cadastre.

Aucune violence n’étant démontrée, les demandeurs seront également déboutés sur ce point.

Sur les demande de dommages-intérêts

Les consorts X ayant échoué dans leur action tendant à remettre en cause la validité du protocole d’accord conclu le 10 juin 2016, ils seront déboutés de leurs demandes de dommages- intérêts à l’encontre de Madame Y.

Compte tenu des obligations que les parties avaient entendu mettre à leur charge au terme dudit protocole, et notamment celle d'adopter une attitude parfaitement loyale entre elles et de ne plus se chercher querelle à propos de la parcelle litigieuse, il y a lieu de dire que cette nouvelle action, intentée 5 mois après la signature du protocole et alors que les consorts X n’étaient plus propriétaires de la parcelle AH257, est abusive et a causé un préjudice à Madame Y qui sera réparé par l’allocation de la somme de 1500€.

Sur les autres demandes

Les consorts X, qui succombent à la présente instance, assumeront la charge des dépens et devront verser à Madame Y une somme de 2500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire, compatible avec le présent litige, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal

Rejette les demandes d’annulation et de rescision du protocole transactionnel intervenu le 10 juin 2016 entre Madame G Y d’une part et Madame A K-L-O et Monsieur D X d’autre part,

Rejette les demandes de dommages-intérêts de Madame A K-L-O et Monsieur D X,

Condamne solidairement Madame A K-L-O et Monsieur D X à verser une somme de 1500€ de dommages-intérêts à Madame G Y pour procédure abusive,

Condamne solidairement Madame A K-L-O et Monsieur D X aux dépens,

Condamne solidairement Madame A K-L-O et Monsieur D X à verser une somme de 2500€ à Madame G Y au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

5



Ordonne l’exécution provisoire.

signé par Gwenaël COUGARD, Vice-présidente et par Ghislaine ISSEUX, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Textes cités dans la décision

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