Tribunal de grande instance de Narbonne, CT0040, du 29 septembre 2005

  • Prescription·
  • Dommage·
  • Prescription civile·
  • Agression sexuelle·
  • Responsabilité civile·
  • Entrée en vigueur·
  • Point de départ·
  • Fait·
  • Action en responsabilité·
  • Responsabilité

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’article 46 de la loi du 5 juillet 1985 dispose les mesures transitoires à la réduction du délai de prescription des actions en responsabilité civile extra-contractuelle en vertu desquelles la prescription sera acquise B l’expiration d’un délai de 10 ans B compter de son entrée en vigueur, B moins que la prescription telle qu’elle était fixée antérieurement soit acquise pendant ce délai. Le point de départ du délai étant fixé au 12 novembre 1980, la prescription est acquise depuis le 6 juillet 1995. En outre, la loi du 17 Juin 1998, qui a allongé B 20 ans la prescription de l’action en responsabilité civile lorsque le dommage est causé notamment par des agressions sexuelles commises contre mineur, n’a pas pour effet de faire revivre les actions déjB prescrites.Enfin, le point de départ d’un délai de prescription ne peut Ltre qu’un fait précis et objectif, et que s’agissant d’agressions sexuelles il ne peut s’agir que de la réalisation du dommage, soit des faits eux-mLmes, de sorte que la continuité des souffrances morales et psychologiques n’a pas pour effet d’empêcher la prescription de courir.

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TGI Narbonne, ct0040, 29 sept. 2005
Juridiction : Tribunal de grande instance de Narbonne
Importance : Inédit
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006947333

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

MINUTE N JUGEMENT DU 29 Septembre 2005 AFFAIRE N 03/01063 AFFAIRE :

Corinne X… divorcée GLAUSINGER C/ Jacques X… APPEL

du Le Copie exécutoire délivrée à Copie à 2 copies service expertises copie dossier

JUGEMENT

JUGEMENT prononcé en audience publique L’AN DEUX MIL CINQ ET LE VINGT NEUF SEPTEMBRE,

LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de NARBONNE (Aude), dans l’affaire pendante : ENTRE : Madame Corinne X… divorcée GLAUSINGER née le 12 Novembre 1962 à SEDAN (ARDENNES) de nationalité Française demeurant 1 Rue des Genets – 91240 ST MICHEL SUR ORGE représentée par Me Isabelle MARHUENDA, avocat au barreau de 11100 NARBONNE, avocat postulant, Me Yves CRESPIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant ET : Monsieur Jacques X… de nationalité Française demeurant 5 Bis Rue du Chemin Neuf – 11540 ROQUEFORT DES

CORBIERES représenté par la SCP BLANQUER, avocats au barreau de NARBONNE, avocats postulant, de la SCP FROUSSART-LIEGEOIS, avocats au barreau de CHARLEVILLE MEZIERES, avocats plaidant, substituée ***

Après que la cause eut été débattue en audience publique du 26/05/2005, devant Madame Catherine LELONG, Président du Tribunal de Grande Instance de Narbonne, assistée de Madame Monique Y…, de Madame Evelyne MARTIN, Juges et assistée de Madame Evelyne Z…, Greffier ;

Le Tribunal, composé des Magistrats susnommés, a délibéré et le Jugement a été rédigé par Madame Monique Y…, Vice-Président et a été rendu à l’audience publique de ce jour par Madame Catherine LELONG, Président, assistée de Madame Z…, Greffier.

FAITS – PROCEDURE – PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte d’huissier en date du 30 Juillet 2003, Corinne X…, née le 12 Novembre 1962, a fait assigner devant la Juridiction de Céans son père Jacques X… pour que, en application de l’article 1382 du Code Civil, il soit condamné à lui payer la somme de 300.000 ç à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’il lui a occasionné suite aux viols et agressions sexuelles qu’il a commis sur sa personne de 1972 à 1974.

A titre subsidiaire elle sollicite une expertise médicale et la somme provisionnelle de 10.000 ç. Elle demande en outre la somme de 5.000 ç au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Dans ses conclusions récapitulatives, Corinne X… maintient ses demandes initiales et conclut au rejet de l’exception d’irrecevabilité tirée de la prescription de son action.

Corinne X… expose que pendant de nombreuses années elle

n’a pas pu s’exprimer sur les actes incestueux qu’elle a subi et qu’elle n’est parvenue à les révéler que lors d’une réunion de famille en 1997.

Corinne X… soutient que son action en application de l’article 2270-1 du Code Civil qui prévoit une prescription de 20 ans n’est pas prescrite et doit être déclarée recevable.

Elle fait valoir que la prescription civile prévue par l’article 2270-1 du Code Civil est une prescription autonome de la prescription pénale et qu’elle n’a pas pour point de départ la majorité mais exclusivement la manifestation du dommage ou de son aggravation. Elle relève les contradictions et la confusion dans les moyens soulevés par le défendeur.

Elle soutient que la manifestation du dommage est indépendante de la date à laquelle les faits se sont produits et qu’il ne faut pas confondre la survenance du fait dommageable lui même avec sa manifestation.

Elle relève que ceci est particulièrement vrai pour les agressions sexuelles et surtout les incestes, l’enfant ne libérant sa parole qu’à un stade avancé de sa vie.

Elle ajoute que le dommage est continu avec des manifestations diverses telles qu’angoisse profonde, sentiment de dévalorisation et que la reconstruction de la personnalité est très longue.

Elle rappelle que l’autre point de départ de la prescription de 20 ans est l’aggravation du dommage et qu’en l’occurrence, la révélation des agressions a ravivé son traumatisme et qu’elle a fait une tentative de suicide en 1997 à la suite de laquelle elle est sous antidépresseurs. Elle soutient qu’il ne fait ainsi aucun doute que son état s’est aggravé.

S’agissant de la responsabilité civile, Corinne X… soutient que son père a reconnu les faits et que le lien entre les

fautes qu’il a commises et son préjudice est incontestablement établi.

Jacques X… soulève la prescription de l’action en application des articles 2270 et suivants et 1382 du Code Civil. Il sollicite la somme de 5.000 ç au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Jacques X… rappelle les lois successives qui ont modifié les règles de prescription mais fait valoir que de toute façon les faits étaient prescrits lors de l’entrée en vigueur de la loi de 1998. Il soutient que la date du dommage est celle du jour de l’infraction. Il ajoute que la loi du 23 Décembre 1980 qui a désolidarisé les prescriptions civiles et pénales n’a pas eu pour effet de faire revivre des actions définitivement prescrites.

Il relève que Corinne X… ne peut se prévaloir de l’aggravation du dommage, en l’absence de condamnation au titre du dommage initial.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 Décembre 2004. MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que la souffrance morale et psychologique de Corinne X… ressort de toutes les pièces versées aux débats et que son préjudice est manifeste. Que Jacques X… ne conteste pas les faits dont il est accusé.

Attendu cependant que la responsabilité tant pénale que civile répond à des règles précises et notamment de prescription.

Attendu que la loi du 23 Décembre 1980 a désolidarisé la prescription civile et pénale, que la loi du 5 Juillet 1985 a posé le principe selon lequel les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

Qu’aux termes de l’article 46, il est précisé que la prescription ainsi prévue, en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi, sera acquise à l’expiration d’un délai de 10 ans à compter de cette entrée en vigueur, à moins que la prescription telle qu’elle était fixée antérieurement soit acquise pendant ce délai.

Attendu qu’en l’espèce les faits reprochés à Jacques X… ont été commis entre 1972 et 1974 alors que sa fille Corinne était mineure, qu’il a été jugé que l’article 46 de la loi du 5 Juillet 1985 sur les dispositions transitoires relatives à la présomption instituée par l’article 2270-1 ne font pas obstacle au jeu de l’article 2252 selon lequel la prescription est suspendue pendant la minorité de la victime.

Attendu que Corinne X…, née le 12 Novembre 1962, est devenue majeure le 12 Novembre 1980.

Attendu que lors de l’entrée en vigueur de la loi du 5 Juillet 1985 l’action n’était donc pas prescrite, qu’elle a cependant été définitivement acquise, conformément à l’article 46 susvisé, le 6 Juillet 1995.

Attendu que postérieurement, la loi du 17 Juin 1998 a allongé à 20 ans la prescription de l’action en responsabilité civile lorsque le dommage est causé notamment par des agressions sexuelles commises contre mineur.

Attendu cependant que ce texte n’a pas pour effet de faire revivre les actions déjà prescrites.

Que de toute façon, et même dans cette hypothèse, la prescription était acquise le 12 Novembre 2000.

Attendu que pour écarter la prescription, Corinne X… faisant valoir que le point de départ de la prescription est la

manifestation du dommage, soutient que son dommage est continu et que la prescription n’a pas commencé à courir.

Attendu toutefois que l’intéressée confond la cause et ses effets et que suivre son analyse équivaut à une imprescriptibilité de l’action, le préjudice invoqué pouvant se poursuivre la vie durant, que le point de départ d’un délai de prescription ne peut être qu’un fait précis et objectif, et que s’agissant d’agressions sexuelles il ne peut s’agir que de la réalisation du dommage, soit des faits eux-mêmes.

Attendu que Corinne X… ne peut non plus se prévaloir de l’aggravation du dommage en l’absence de reconnaissance du dommage initial.

Attendu en conséquence qu’il y a lieu de constater la prescription de l’action qui doit être déclarée irrecevable, qu’il ne s’agit pas d’une dénégation du préjudice subi et de la souffrance de l’intéressée mais de la prise en compte du temps écoulé qui rend impossible toute action.

Attendu que l’équité ne justifie pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Attendu que les circonstances de l’espèce justifient que chaque partie conserve la charge de ses propres frais et dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, DECLARE irrecevable comme prescrite l’action en

responsabilité civile engagée par Corinne X… à l’encontre de Jacques X… ; DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

E. Z…

C. LELONG

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Narbonne, CT0040, du 29 septembre 2005