Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 10 septembre 1997

  • Magazine d'information à l'exclusion de toute fiction·
  • Article l 713-2 code de la propriété intellectuelle·
  • Principe de non retroactivite des lois·
  • Titre de sequence pour une emission tv·
  • Mode de presentation de l'information·
  • Application de la loi dans le temps·
  • Numero d'enregistrement 1 671 404·
  • Principe de la revue de presse·
  • Atteinte au projet d'emission·
  • Contrefaçon par reproduction

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Application de l’article l 714-5 code de la propriete intellectuelle dans la limite des sanctions edictees sous l’ancienne loi

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 10 sept. 1997
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : VU D'AILLEURS
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1671404
Classification internationale des marques : CL41
Liste des produits ou services désignés : Emission de television a caractere d'information et educatif
Référence INPI : M19970500
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE Monsieur Dominique de R est titulaire de la marque « VU D’AILLEURS » qu’il a déposée à l’INPI le 14 juin 1991 sous le n 291715 ; elle a été enregistrée sous le n 1 671404 dans la classe 41 pour une émission télévisée à caractère d’information et éducatif ; Monsieur de R est d’autre part l’auteur, avec Monsieur Albert S, d’un projet d’émission intitulé « VU D’AILLEURS » qui a été communiqué par courrier du 19 janvier 1994 à Monsieur Jean-Pierre Elkabbach, Président Directeur Général de FRANCE TELEVISION ; Monsieur Claude C, responsable du département magazine de la Société Nationale de Télévision FRANCE 3, a accusé réception du dossier « VU D’AILLEURS » à Messieurs R et S par courrier du 20 avril 1994 ; Monsieur de R et Monsieur S ont pu constater avec surprise que dans le cadre d’un magazine intitulé « DROIT DE REGARD », le titre « VU D’AILLEURS » a été attribué à l’une des séquences de cette émission ; Aux termes d’un acte délivré le 30 novembre 1995, Messieurs de R et S ont assigné devant ce tribunal la Société FRANCE 3 aux fin de l’entendre dire que l’utilisation à titre de rubrique d’émission télévisée de la marque « VU D’AILLEURS » est constitutive de contrefaçon de marque ; condamner ladite société à leur payer une somme de 500.000 Francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de la marque « VU D’AILLEURS » ; dire que la rubrique « VU D’AILLEURS » constitue une démarque du projet d’émission communiqué par Messieurs Dominique de R et Albert S à la société FRANCE 3 ; condamner la société FRANCE 3 à payer à chacun d’eux en réparation de l’atteinte qui leur a été portée en leur qualité d’auteurs du projet d’émission télévisée « VU D’AILLEURS », une somme de 250.000 Francs ; ordonner la publication de la décision à intervenir dans trois journaux au choix du demandeur et fixer les publications dans la limite de 15.000 Francs H.T. pour chacune d’entre elles ; condamner la société FRANCE 3 à payer à Monsieur Dominique de R une somme 24.120 Francs TTC et à Monsieur S une somme de 12.060 Francs TTC ; ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ; condamner la société FRANCE 3 en tous les dépens ; Société FRANCE 3 conclut le 28 mai 1996 au débouté de la demande et sollicite la somme de 20.000 en application de l’article 700 du NCPC ; elle se fonde dans ses écritures ultérieures 1er octobre 1996. sur la déchéance de la marque invoquée ; Aux termes d’écritures en réplique les parties s’en tiennent à l’intégralité de leurs prétentions et arguments respectifs.

DECISION Sur l’atteinte au projet d’émission de Messieurs de R et S : Attendu que Messieurs de R et S soutiennent avoir travaillé sur un concept d’émission original dont ils fournissent les idées essentielles ; qu’ils tirent argument de trois émissions de FR3 intitulées « DROIT DE REGARD », notamment celle diffusée en mai 1995 sur l’élection présidentielle de M. C ; Attendu que cette émission est découpée en différentes séquences annoncées par un titre ; qu’une première séquence intitulée « DEJA VU » décrit une pré-campagne électorale ; que la séquence « VU D’ICI » diffuse d’autres images de la télévision française ; que la séquence « VU D’AILLEURS » diffuse le commentaire et les images de la télévision russe sur l’élection de M. C ; qu’en point d’orgue le moment précis intitulé « VU D’AILLEURS », constituerait selon Messieurs de R et S un plagiat en ce qu’il proposerait au téléspectateur un « regard croisé » sur un événement d’actualité, regard dont il est question dans le projet des demandeurs et ce d’autant plus que le même titre se trouve utilisé ; Que le raisonnement s’applique aux deux autres émissions diffusées par la chaîne publique portant sur la Coupe du Monde de Rugby en Afrique du Sud et sur la Fête de la Musique ; Mais attendu que le tribunal a procédé au visionnage des émissions d’après K7 vidéo versées aux débats par les parties ; qu’il a pu relever qu’à la différence du projet de Messieurs de R et S, l’émission « DROIT DE REGARD » ne présente pas tour à tour, de façon réciproque, le point de vue d’un français sur un sujet relatif à un pays étranger, puis le point de vue d’un ressortissant de ce pays étranger sur un sujet relatif à la France ; qu’il ne s’agit pas ici d’un « regard croisé » entre la France et un pays étranger, mais essentiellement une multiplicité de regards et de points de vues sur un événement déterminé ; que le principe de réciprocité sur lequel insistent Messieurs de R et S, ne se retrouve pas dans l’émission « DROIT DE REGARD » diffusée sur FRANCE 3 ; Attendu par ailleurs que l’émission critiquée ne porte nullement sur un sujet de fiction, mais se présente comme un magazine d’informations, dont le thème est focalisé sur un événement politique, sportif ou culturel, français ou étranger, traité de manière spécifique au travers des différents points de vues propres aux médias correspondant aux cinq séquences explicitées car leurs titres respectifs : « déjà vu », « vu d’ici » « vu d’ailleurs », « point de vue » et « prise de vue » ; Attendu que tant ce traitement de l’information, assis sur le principe de la revue de presse bien connu des journalistes, que ce mode de présentation de l’information, ne constituent pas un emprunt du projet d’émission revendiqué par Messieurs de R et S ; Attendu en conséquence que l’appropriation abusive par les défendeurs d’un concept spécifique d’émission télévisuelle appartenant à Messieurs de R et S, aux fins d’exploitation commerciale à leur détriment, n’est pas en l’espèce constituée ; qu’aucune

faute imputable à la Société FRANCE 3 n’est démontrée ; qu’il convient de débouter les demandeurs de leurs prétentions formées à cette fin ; Sur la contrefaçon de la marque de Monsieur de R : Attendu que Monsieur de R dispose d’un droit de propriété sur la marque « VU D’AILLEURS » déposée puis enregistrée à l’INPI enregistrée sous le n 1 671404 dans la classe 41 pour une émission télévisée à caractère d’information et éducatif ; qu’il prétend être victime d’un contrefaçon de sa marque, n’ayant accordé aucune autorisation à la Société FRANCE 3 ; Attendu qu’il n’est pas contestable que Société FRANCE 3 a fait usage de la dénomination « VU D’AILLEURS » pour l’une des séquences de son émission ; que cependant pour faire échec à la prétention du demandeur, la Société FRANCE 3 soutient que d’une part la marque « VU D’AILLEURS » n’aurait aucun caractère distinctif et que d’autre part elle serait déchue pour n’avoir pas été exploitée pendant un délai de cinq ans ; Sur la validité de la marque au regard de son caractère distinctif : Attendu que si l’expression « vu d’ailleurs » possède un sens communément utilisé dans la langage parlé, il prend une signification particulière dans le domaine spécifique des services ou produits de la classe 41 pour lesquels ladite expression a été déposée, à savoir une émission télévisée à caractère d’information et éducatif ; qu’ainsi « VU D’AILLEURS » évoque le sens de la vision dans ses acceptions multiples : regards du concepteur, du cameraman, du téléspectateur, du témoin, du commentateur etc… ; Attendu que le caractère distinctif attaché à la dénomination choisie apparaît suffisamment établi ; Sur la validité de la marque au regard de la déchéance Attendu que se fondant sur les dispositions de l’article L 714-5 du CODE DE PROPRIETE INTELLECTUELLE, la Société FRANCE 3 oppose au demandeur la déchéance de sa marque « VU D’AILLEURS » ; Attendu que Monsieur de R soutient que le délai de cinq années n’a pu courir qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1991, soit le 28 décembre 1991 et que la Société FRANCE 3 serait irrecevable à agir ; que subsidiairement il se prévaut de l’exception des justes motifs de non exploitation au sens de l’article L 714-5 du CODE DE PROPRIETE INTELLECTUELLE ; Attendu que la marques litigieuse a fait l’objet d’un dépôt dont la date est antérieure au 28 décembre 1991, à savoir le 14 juin 1991 ; qu’ainsi le problème relatif à la déchéance se pose au regard de deux régimes juridiques différents prévus par deux lois successives :

- d’une part la loi du 31 décembre 1964, qui prévoit en son article 11 qu'"est déchu de ses droits, le propriétaire d’une marque qui, sauf excuse légitime, ne l’a pas exploitée ou fait

exploiter de façon publique et non équivoque pendant les cinq années précédant la demande de déchéance" ;

- d’autre part la loi du 4 janvier 1991, qui dispose dans son article 27 (devenu l’article 714-5 du Code de la propriété intellectuelle institué par la loi du 2 juillet 1992) : « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérielle, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans » ; Attendu qu’il convient dans le respect des principes d’effet immédiat et de non rétroactivité de la loi nouvelle, d’appliquer les dispositions de 1991 en limitant leurs effets aux sanctions édictées sous l’empire de la loi du 31 décembre 1964 : à savoir ne pas faire remonter la déchéance de la marque à une date antérieure à la demande, en l’espèce formée le fer octobre 1996 ; Attendu sur le fond de la demande en déchéance, qu’il appartient à Monsieur de R de rapporter la preuve de ce qu’elle a fait un usage sérieux de sa marque pour les services désignés au dépôt pendant les cinq années qui ont précédé La demande en déchéance, soit entre le 10 octobre 1991 et le 10 octobre 1996 ; Attendu que Monsieur de R n’apporte aucun élément relatif au domaine et l’ampleur de l’exploitation de la marque « VU D’AILLEURS » ; Attendu qu’il invoque l’exception des justes motifs sans en préciser la substance, qu’ainsi le signe litigieux ne saurait échapper à la déchéance légale pour absence d’exploitation dans le délai de cinq ans ; Attendu qu’il convient en conséquence de prononcer la déchéance de la marque « VU D’AILLEURS » acquise à la date du 10 octobre 1996 -, avec toutes conséquences quant à la radiation du dépôt auprès de l’INPI ; Attendu qu’il convient de ne retenir la contrefaçon – indéniablement caractérisée par reproduction servile dans un service identique à ceux visés par l’enregistrement au sens de l’article L 713-2 du CODE DE PROPRIETE INTELLECTUELLE – que pour la période intermédiaire de février à juin 1995, au cours de laquelle la déchéance de la marque « VU D’AILLEURS » n’était pas intervenue ; Qu’il conviendra de condamner la Société FRANCE 3 à payer à Monsieur de R la somme de 20.000F (vingt mille francs) à titre de réparation du préjudice subi, eu égard à l’atteinte mineure portée aux droits du titulaire de la marque en cause ; Attendu que la mesure de publication n’apparaît pas utile au regard de la déchéance de la marque ; Attendu que pour des raisons d’équité liées à la situation économique respective des parties à l’instance et au débouté de certaines des prétentions principales, il n’apparaît pas

justifié d’accueillir les demandes formées de part et d’autre en application de l’article 700 du NCPC ; en ce qui concerne les D.I. alloués Attendu que l’exécution provisoire apparaît nécessaire eu égard au caractère indemnitaire de la condamnation, PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, et après en avoir délibéré conformément à la loi. Déboute Messieurs de R et S de leurs prétentions en contrefaçon de leur projet d’émission « VU D’AILLEURS » ; Déclare Société FRANCE 3 recevable en sa demande reconventionnelle aux fins de déchéance de marque ; Prononce la déchéance de la marque « VU D’AILLEURS » enregistrée sous le n 1 671404 dans la classe 41 pour une émission télévisée à caractère d’information et éducatif, à compter du l0 octobre l996 ; Dit que cette décision devenue définitive sera transmise par les soins du secrétariat-greffe du tribunal à l’INPI, aux fins d’inscription sur le Registre National des Marques ; Déclare la Société FRANCE 3 coupable de contrefaçon de la marque « VU D’AILLEURS » pour la période de mai à juin 1995 ; Condamne la Société FRANCE 3 à verser la somme de 20.000F (vingt mille francs) à Monsieur de R, en réparation de son préjudice, toutes causes confondues ; Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement du chef de condamnation en dommages et intérêts ; Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires ; Met les dépens de l’instance à charge des Messieurs de R et S, pour moitié, et à la charge de la Société FRANCE 3, pour l’autre moitié, lesquels seront recouvrés par Maîtres ZYLBERSTEIN et de BOUCHONY, avocats, selon les modalités prescrites par l’article 699 du NCPC.

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