Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 18 février 1998

  • Demande sur le fondement de la loi du 4 janvier 1991·
  • Article l 714-5 code de la propriété intellectuelle·
  • Exploitation de la marque contrefaisante en France·
  • Atteinte aux droits privatifs sur les marques·
  • Partie figurative de la marque du defendeur·
  • Désignation nécessaire des produits·
  • Similarité des produits et services·
  • Alteration du caractère distinctif·
  • Notoriete des marques du demandeur·
  • Numero d'enregistrement 1 713 840

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Representation de rangees de carres noirs et blancs alternes avec au centre, dans un cartouche rectangulaire la denomination (le damier)

exploitation de la marque sous une forme modifiee, exploitation en couleur de la marque deposee sans revendication de couleurs

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 18 févr. 1998
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : LE DAMIER
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1713840;1713841;606675
Classification internationale des marques : CL29;CL30;CL31;CL35;CL42
Liste des produits ou services désignés : Produits alimentaires
Référence INPI : M19980224
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La Société RCL est propriétaire des marques dites le damier, enregistrées sous les n 1.713.840 et 1.713.841 servant à désigner notamment divers produits alimentaires relevant des classes 29, 30 et 31. Ces marques, déposées le 23 décembre 1991, sans revendication de couleurs, en renouvellement de précédents dépôts, sont constituées, pour la première, de la représentation de rangées de carrés noirs et blancs alternés avec au centre, dans un cartouche rectangulaire, la dénomination LE DAMIER, pour la seconde, de la représentation de rangées de carrés noirs et blancs alternés. Faisant état de la notoriété de ses deux marques dans le domaine alimentaire et de l’enregistrement international visant la France, obtenu par la Société GESFOR, d’une marque complexe n 606.675 reproduisant également un damier et servant à désigner en classes 30 et 42 des produits et services identiques ou similaires à ceux désignés par ses marques, RCL a assigné GESFOR, par acte du 8 novembre 1994, en contrefaçon et en nullité de la portion française de cet enregistrement international n 606.675 demandé le 6 septembre 1993. Elle sollicite, outre des mesures d’interdiction sous astreinte, de confiscation aux fins de destruction et de publication, 100.000 F à titre de dommages et intérêts, l’exécution provisoire sur le tout et 50.000 F par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Par conclusions du 7 mars 1995, GESFOR demande qu’il soit enjoint à RCL de produire les certificats d’identité de ses marques, les justifications de leur notoriété prétendue et l’état des inscriptions successives. Elle conclut à la déchéance, faute d’exploitation, des droits de RCL sur ses marques et à son débouté au motif que cette déchéance prend effet au 29 décembre 1991, que RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU ne peut revendiquer un monopole que sur un damier constitué de carrés fermés noirs et blancs, que la marque attaquée ne reproduit ni n’imite ce signe et que les services de restauration de la classe 42 ne sont pas similaires aux produits alimentaires. Elle sollicite, sous le bénéfice de l’exécution provisoire et en sus de mesures de publication, 50.000 F à titre de dommages et intérêts et 50.000 F au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Par conclusions du 22 mai suivant, RCL demande qu’il lui soit donné acte de la modification de sa dénomination sociale en RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU. Elle déclare produire les justifications demandées, réfute l’argumentation adverse et conclu à l’irrecevabilité de la demande en déchéance, à son mal fondé et au mal fondé de la demande reconventionnelle en dommages et intérêts. Elle augmente sa demande au titre

de la publication et porte à 100.000 F sa demande au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. GESFOR soutient alors que RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU ne peut s’approprier par le biais d’un dépôt de marque, le décor culinaire du damier qui est tombé dans le domaine public et subsidiairement, qu’elle ne peut s’approprier à titre de marque un monopole sur toutes rangées de carreaux de couleurs alternées. Elle précise, sur la déchéance alléguée, que les preuves d’exploitation dont il est justifié, sont celles des marques n 1.340.892 et 1.548.822 qui ne lui sont pas opposées. Elle ajoute, par conclusions du 26 novembre 1996, que RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU est déchue de ses droits sur les deux enregistrements qu’elle invoque avec un effet absolu à la date du 5e anniversaire d’inexploitation et au plus tard le 28 décembre 1991. Elle renouvelle, par conclusions du 3 janvier 1997, sa demande en déchéance sur le fondement de l’article L 714-5 du Code de la propriété intellectuelle avec effet au cinquième anniversaire de l’inexploitation et porte à 70.000 F sa demande au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU conclut au rejet de l’argumentations des moyens et prétentions adverses et demande rentier bénéfice de ses précédentes écritures. GESFOR maintient sa thèse et ses demandes.

DECISION SUR LA DECHEANCE Attendu que GESFOR agit sur le fondement de l’article L 714-5 du Code de la propriété intellectuelle et sollicite la déchéance faute d’exploitation des marques invoquées avec effet absolu à la date du 5e anniversaire de leur inexploitation ; Qu’au vu de ses écritures, elle vise une inexploitation prétendue s’étant toute entière écoulée sous l’empire de la loi ancienne abrogée de 1964 ; Attendu que GESFOR soutient que les marques invoquées sont constituées par un damier composé de 45 ou 80 carrés fermés et alternés, noirs et blancs, avec pour l’une l’expression LE DAMIER dans un rectangle central ; que ces marques n’ont jamais été exploitées ; que les documents produits sont sans référence de lieu, de date ni d’auteur de l’usage ; qu’ils montrent au surplus que l’exploitation est faite sous forme de carrés bleu

foncé et bleu clair qui sont des signes couverts par les enregistrements n 1.340.892 pour les carrés bleu foncé et bleu clair avec une fenêtre et n 1.548.822 pour les deux bandes parallèles de carrés bleu foncé et bleu clair ; qu’il convient dès lors pour le tribunal d’appliquer la jurisprudence de la Cour de Cassation selon laquelle si une entreprise a fait enregistrer plusieurs formes de sa marque, il lui incombe d’exploiter chacune des formes enregistrées, et de prononcer la déchéance ; Attendu que RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU réplique que la demande en déchéance est irrecevable et par ailleurs non fondée, ses marques déposées sans revendication de couleurs étant intensivement exploitées ; Attendu cela étant posé que GESFOR est recevable en sa demande formée le 3 janvier 1997 sur le fondement de l’article L 714-5 du Code de la propriété intellectuelle issu de la loi du 4 janvier 1991 entrée en vigueur le 28 décembre suivant ; Qu’il sera toutefois relevé immédiatement à cet endroit que les dispositions de cette loi ne peuvent rétroagir et faire que la déchéance prenne effet avant le 28 décembre 1996 pour une inexploitation de cinq années s’étant écoulée toute entière sous l’empire de la loi ancienne ou avant le jour de la demande en déchéance pour une inexploitation de cinq années s’étant partiellement écoulée sous l’empire de cette loi ; Attendu qu’aux termes de l’article L 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, "Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage : … b) l’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ; La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée, elle peut être rapportée par tous moyens" ; Attendu que si l’exploitation d’une marque sous une forme légèrement modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif permet qu’elle échappe à la déchéance, il demeure qu’il est de principe que si le signe a été déposé sous diverses formes, l’exploitation l’une ne vaut pas pour l’autre ; Attendu qu’en l’espèce, RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU verse aux débats des preuves de l’exploitation de sa marque n 1 548 822, non invoquée dans le cadre de la présente instance et qui est caractérisée par la présence de deux bandes de carrés de couleurs alternées de part et d’autre de la face d’un emballage ; que cette exploitation ne vaut pas pour les deux marques invoquées ; Attendu qu’elle produit toutefois des plaquettes publicitaires et des emballages de 1994 montrant l’exploitation sérieuse, notamment pour des pâtes aux oeufs frais, d’un damier en bas d’emballage sous forme de deux ou plusieurs rangées de carrés de couleur bleue et bleu foncé alternés ;

Qu’une telle exploitation qui, contrairement aux allégations de GESFOR, n’est celle ni du signe déposé au titre de la marque n 1.548 822 ni celle du signe déposé au titre de la marque n 1 340 892, apparaît comme étant celle de la marque n 1 713 841 déposée sans revendication de couleur et les couvrant de ce fait toutes, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ; Que la demande en déchéance de ladite marque infondée sera rejetée ; Attendu que force est de constater en revanche, qu’aucune preuve de l’exploitation, y compris sous une forme modifiée, n’est rapportée pour la marque semi figurative n 1 713 840, étant précisé que l’exploitation du signe constituant la marque n 1 713 841 ne saurait valoir exploitation de ladite marque ; Que la déchéance des droits de RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU sur la marque semi figurative n 1 713 840 sera prononcée avec effet au 28 décembre 1996 ; Attendu que la date d’effet de la déchéance laisse entière la question posée par la contrefaçon de ladite marque. SUR LA CONTREFACON Attendu que GESFOR qui ne conclut pas à la nullité des marques invoquées, soutient que RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU ne peut s’approprier ni un motif décoratif tombé dans le domaine public ni le genre damier ; que les marques invoquées ne sont protégées que sous la forme exacte dans laquelle elles ont été déposées à savoir un damier fermé de toutes parts de 45 ou 80 carrés ; que les carreaux alternés forment dans sa marque une frise, et non un damier, indivisiblement intégrée dans le signe déposé ce qui exclu toute confusion ; que la contrefaçon n’est dès lors pas établie ; Attendu que les marques invoquées sont constituées de la représentation de ce qu’il est usuel d’appeler un damier, c’est à dire une surface divisée en carrés égaux de couleurs alternées, avec pour la marque n 1.713.840 la dénomination LE DAMIER dans un cartouche central ; Attendu que le fait que le damier soit connu en lui-même et utilisé comme décor dans le domaine de l’art de la table ou de la décoration est indifférent ; Qu’il importe peu en effet que le damier ou plus exactement les carreaux alternés soient, sur le plan de la propriété artistique, dans le domaine public ; Attendu qu’il suffit de relever que le droit de marque et un droit d’occupation et non de création et qu’il n’est pas établi qu’à l’époque du premier dépôt des marques remontant à 1911 pour l’une, à 1922 pour l’autre, l’emploi du damier était nécessaire pour désigner notamment les produits alimentaires ou était à ce point répandu en France dans le commerce pour ce faire qu’il ne pouvait plus permettre à une entreprise de distinguer ses produits de ceux de la concurrence ;

Attendu qu’en tout état de cause la nullité des marques n’est pas demandée ; Attendu que ces marques valables en l’état sont protégées contre toute atteinte du fait non seulement d’une reproduction servile ou quasi servile mais encore d’une imitation qui serait source d’une confusion pour la clientèle ; Attendu que la marque attaquée sert à désigner en classe 30 des produits identiques à ceux visés par les marques de RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU ; Attendu qu’elle désigne également les services de restauration de la classe 42 ; Que ces services sont étroitement liés aux produits alimentaires désignés par les marques attaquées et sont similaires à ceux-ci ; qu’en effet ils sont susceptibles, en raison de leur destination et de leur complémentarité, d’être rattachés par les consommateurs à la même origine ; Attendu que la marque attaquée, figurant en couleurs dans le dossier de la défenderesse, est constituée de la dénomination PANS & COMPANY surmontée d’une triple accolade inscrite dans un rectangle et de trois rangées de carrés égaux de couleurs alternées délimitant un deuxième rectangle plus petit à la base du premier ; Attendu que ces trois de rangées de carrés ne forment pas une frise s’incorporant dans un décor mais se révèlent comme un élément isolable de l’ensemble de la marque, attirant à lui seul le regard indépendamment du rectangle qui le surmonte et des dénominations PANS & COMPANY ; Que les trois rangées de carrés égaux de couleurs alternées correspondent à la définition usuelle du damier et se présentent comme tel, isolément de l’ensemble ; Attendu que si cet élément figuratif n’est pas la reproduction servile ou quasi servile des deux marques invoquées constituées l’une de cinq, l’autre de huit rangées de carrés égaux de couleurs alternées, il demeure que le consommateur n’ayant pas simultanément les marques en cause sous les yeux, ne s’attachera pas au fait peu perceptible que les carrés de la marque GESFOR ne sont pas fermés vers l’extérieur et fera inévitablement le rapprochement entre le damier LUSTUCRU qu’il garde confusément en mémoire en raison de sa notoriété et ce qui lui apparaît être le damier GESFOR ; qu’il risquera de prendre les signes l’un pour l’autre et penchera à tout le moins pour une origine commune des produits identiques ou similaires ainsi marques ; Attendu que la marque internationale 606 675 en ce qu’elle comprend un damier est dès lors l’imitation des marques de RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU ; Que le dépôt de cette marque pour la France constitue un acte de contrefaçon par imitation. SUR LES MESURES REPARATRICES

Attendu que la partie française de la marque internationale n 606 675 sera annulée par application de l’article L 714-3 du Code de la propriété intellectuelle ; Attendu qu’il sera fait droit aux mesures dans les termes du dispositif et dans les limites de la demande ; Attendu qu’aucune preuve de l’exploitation en France de la marque contrefaisante n’est rapportée ; Qu’il n’y a en conséquence pas lieu de prononcer de mesures de confiscation ; Attendu que le préjudice subi par RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU tenant à l’atteinte aux droits privatifs sur ses marques sera suffisamment réparé par la somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts ; Que la publication du jugement n’est pas justifiée ; Attendu que l’exécution provisoire compatible avec la nature de l’affaire, s’avère nécessaire pour les mesures d’interdiction seulement ; Attendu que l’équité commande d’allouer à la Société demanderesse la somme de 20.000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE Attendu qu’il est fait droit à la demande en déchéance relative à la marque né 1.713.840 ; Attendu pour le surplus que le bien fondé de l’action en contrefaçon justifie le rejet de la demande reconventionnelle en dommages et intérêts ; Que GESFOR, succombant et condamnée aux dépens, verra sa demande au titre des frais irrépétibles rejetée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, Rejette la demande en déchéance des droits de la Société RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU sur la marque n 1.713.841 ; Déclare la Société RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU déchue de ses droits sur la marque n 1.713.840 à compter du 28 décembre 1996 ; Dit qu’en faisant enregistrer le 6 septembre 1993 pour la France marque internationale n 606 675 comportant la représentation d’un damier, pour des produits et services relevant des classes 30 et 42, sans l’autorisation de la Société RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU,

la Société GESFOR a commis des actes de contrefaçon des marques n 1.713.840 et 1.713.841 dont la Société RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU est propriétaire ; En conséquence, Prononce la nullité de la partie française de l’enregistrement international n 606 675 ; Interdit à la Société GESFOR de faire usage de la représentation d’un damier pour les produits et services relevant des classes 30 et 42, sous astreinte de 1.000 F par infraction constatée passé le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement ; Condamne la Société GESFOR à payer à la Société RIVOIRE & CARRE LUSTUCRU la somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 20.000 F en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Ordonne l’exécution provisoire pour les mesures d’interdiction seulement ; Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ; Dit qu’en ce qui concerne la nullité et la déchéance des marques, le présent jugement passé en force de chose jugée sera inscrit au Registre National des Marques tenu par l’INPI sur réquisition du greffier ou d’une des parties ; Condamne la Société GESFOR aux dépens et reconnaît à Me M, avocat, le droit de recouvrement direct prévu par l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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