Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 8 juillet 1998

  • Atteinte aux droits privatifs sur les marques notoires·
  • Approvisionnement aupres de fournisseurs americains·
  • Article l 713-4 code de la propriété intellectuelle·
  • Vente d'echantillons de parfums revetus des marques·
  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Faits distincts des actes de contrefaçon·
  • Produits de parfumerie et de beaute·
  • Numero d'enregistrement 1 293 767·
  • Numero d'enregistrement 1 345 296·
  • Numero d'enregistrement 1 505 293

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 8 juill. 1998
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : CHANEL;No 5;No 22;No 19;EGOISTE;COCO;ANTAEUS;CRISTALLE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1571469;1293767;1571468;1571046;1505293;1565505;1608990;1345296
Liste des produits ou services désignés : Produits de parfumerie et de beaute
Référence INPI : M19980505
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La Société CHANEL est titulaire des enregistrements en vigueur des marques CHANEL n 1.571.469, n 5 n 1.293.767, N 22 n 1.571.468, COCO n 1.571.046, N 19 n 1.505.293, EGOISTE n 1.565.505, ANTAEUS n 1.608.990 et CRISTALLE n 1.345.296 dont le premier dépôt remonte pour la moins ancienne d’entre elles à 1989. La Société CHANEL exploite ces marques, pour les produits de parfumerie et de beauté qu’elles visent, dans le cadre d’un réseau de distribution sélective. Faisant état de ce qu’elle a appris que Viviane B, qui n’est pas un de ses distributeurs agréés, a mis en vente sans son consentement à la Foire de Paris des échantillons revêtus de ses marques et de ce que ces agissements ont été constatés à sa requête par Me R, huissier de justice à Paris, désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 6 mai 1996, la Société CHANEL a assigné Viviane B, par acte du 18 novembre 1996, pour voir juger que celle-ci a fait un usage illicite de ses marques et a par ailleurs engagé sa responsabilité à son égard sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. Elle incrimine sur ce dernier point le fait que Viviane B se soit procuré les échantillons CHANEL dans des conditions anormales que ce soit auprès de sociétés américaines ou par voie d’échanges, en violation de son réseau de distribution et qu’elle les commercialise dans des conditions incompatibles avec l’idée de raffinement attachée à ses produits. Elle demande 150.000 F à titre de dommages et intérêts, des mesures de publication, l’exécution provisoire sur le tout et 10.000 F par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Viviane B indique qu’elle n’est pas parfumeur mais commerçante d’objets de collection ; qu’elle a exposé les échantillons de parfums de grandes marques qu’elle vend dans le cadre du Salon des collectionneurs à la Foire de Paris dont l’organisateur contrôle les exposants et exige d’eux des efforts de présentation ; Elle soutient qu’aucun usage illicite de marques ne saurait lui être reproché dans la mesure où l’examen des pièces révèle que les échantillons litigieux ont bien été mis dans le commerce de la Communauté économique européenne ; que le marché de la collection de miniatures de parfums, licite, existe de longue date ; qu’il est largement répandu et que lorsqu’il a été demandé par l’association des collectionneurs d’échantillons et de flacons de parfums, dite CEFAP, aux parfumeurs de préciser leur position face au développement de ce marché en pleine expansion, ceux-ci ne s’y sont pas opposés et l’ont même encouragé ; que par ailleurs les tiers au réseau de distribution CHANEL ne sont pas concernés par l’interdiction, faite dans ce cadre, de la vente des échantillons ; que la mention « vente interdite » figurant sur les miniatures ne saurait faire obstacle à leur commercialisation ; que CHANEL, qui n’a

aucun motif légitime de s’opposer à la commercialisation des échantillons, n’a jamais tenté de s’opposer à de telles ventes ce qui implique qu’elle y a consenti ; enfin que la jurisprudence sur le commerce de parfum hors réseau de distribution sélective est inopérante puisqu’il s’agit en l’espèce de commerce d’échantillons de parfums et de flacons anciens. Elle fait valoir pour le surplus qu’aucune faute ne peut lui être reprochée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil puisque les conditions d’acquisition des échantillons litigieux sont normales et que leurs conditions de présentation à la vente sont tout à fait compatibles avec la réputation et l’image de la Société CHANEL. Elle conteste en tout état de cause l’existence d’un préjudice compte tenu de la publicité qu’elle fait aux produits CHANEL et de la différence de clientèle. Elle relève l’absence de justification de ce préjudice et l’absence de distinction entre les différents chefs. Elle conclut au débouté de la Société CHANEL à sa condamnation à lui payer 24.120 F par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. La Société CHANEL réplique que Viviane B n’est pas une collectionneuse mais une commerçante à l’égard de laquelle le procès verbal d’huissier établit qu’elle vend des échantillons modernes qu’elle se procure principalement aux USA auprès de grossistes ; qu’elle se livre à un trafic parallèle et commercialise ses produits dans des conditions dévalorisantes pour la marque. Elle précise qu’elle n’entend porter atteinte par son action ni aux associations de collectionneurs ni aux particuliers souhaitant collectionner des échantillons de parfums ou se regroupant pour se céder à des fins purement privées leurs collections. Elle réfute l’argumentation adverse et développe la sienne en maintenant l’intégralité de ses demandes et y en ajoutant une demande d’interdiction sous astreinte. Viviane B insiste sur l’inanité de l’amalgame fait par la société CHANEL entre le parfumeur membre d’un réseau de distribution sélective et le commerçant d’échantillons de collection et soutient qu’une fois que la Société CHANEL a assuré la distribution gratuite de ses échantillons dans son réseau de distributeurs, elle ne dispose plus sur eux d’aucun droit de suite, le client des parfumeurs membres du réseau de distribution CHANEL qui a reçu l’échantillon au titre d’une action promotionnelle en devenant propriétaire et libre d’en disposer librement. Elle conclut à titre subsidiaire au débouté de la Société CHANEL en sa demande d’indemnisation pour absence de motivation. La Société CHANEL précise sa demande en sollicitant la condamnation de Viviane B à lui payer à titre de dommages et intérêts, 75.000 F pour l’usage illicite de marque et 75.000 F pour les agissements fautifs. Elle demande pour le surplus le bénéfice de ses précédentes écritures.

DECISION I – SUR L’USAGE ILLICITE DE MARQUES Attendu que le propriétaire d’une marque dispose d’un droit exclusif sur celle-ci l’investissant d’une action contre tous ceux qui y portent atteinte de bonne ou de mauvaise foi ; Attendu que par application de l’article L 713-4 du Code de la propriété intellectuelle, ce droit n’est épuisé que « pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté économique européenne ou dans l’Espace économique européen, sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement » ; Qu’en outre à supposer ces conditions remplies, « faculté reste alors ouverte au propriétaire de s’opposer à tout nouvel acte de commercialisation, s’il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l’altération, ultérieurement intervenue, de l’état des produits » ; Attendu que Viviane B a commercialisé courant 1996 à la Foire de Paris, dans le cadre de son activité professionnelle de commerce ambulant d’objets de collection, des échantillons de parfums revêtus des marques de la Société CHANEL ; Attendu qu’il est acquis, d’une part, que ces échantillons de parfums sont authentiques, d’autre part, que la Société CHANEL qui distribue ces produits dans le cadre d’un réseau de distribution où ils sont remis gratuitement à la clientèle, n’a pas autorisé Viviane B, qui n’est pas l’un de ses distributeurs agréés, à les commercialiser ; Attendu qu’il n’existe aucune disposition légale spécifique applicable au « marché de la collection de miniatures de parfums » dérogeant à la législation sur les marques ; Que l’argument de Viviane B selon lequel ce marché existe de longue date de façon non clandestine, qu’il aurait même été encouragé par les fabricants de parfums et qu’il serait licite de ce fait, est sans portée au regard de l’usage illicite de marque invoqué ; Que la tolérance prétendue de la Société CHANEL n’implique pas l’abandon par celle-ci de ses droits ; Attendu que contrairement à ses affirmations, Viviane B ne prouve nullement avoir fait l’acquisition dans des conditions régulières des produits marqués qu’elle vend ; Que bien plus, elle ne conteste pas s’être approvisionné en partie auprès de grossistes ou revendeurs américains ce qui suffit à faire échec à l’épuisement du droit qu’elle allègue, la

Société CHANEL n’ayant pas consenti à la mise en circulation des produits marqués sur le territoire de l’Union ; Attendu qu’au surplus, Viviane B reconnaît vendre des échantillons marqués portant la mention « échantillon gratuit – ne peut être vendu », ce qui établit l’absence de consentement de la Société CHANEL à la commercialisation de ces articles distribués par elle gratuitement dans un but uniquement promotionnel et le motif légitime qu’elle a à s’opposer à une commercialisation non acceptée ; Qu’enfin l’existence du réseau de distribution sélective de la Société CHANEL, dont la preuve de la licéïté est apportée, justifie l’opposition de la Société CHANEL à la commercialisation de ses produits dans un autre cadre ; Attendu qu’il apparaît en conséquence que Viviane B a commis les actes d’usage illicite des marques de la Société CHANEL qui lui sont reprochés. II – SUR LES AGISSEMENTS FAUTIFS Attendu que la Société CHANEL ne justifie sur ce terrain d’aucun fait distinct de l’usage illicite de marques invoqué et constaté ; Qu’elle sera déboutée de sa demande de ce chef à l’égard de la défenderesse reconnu par ailleurs contrefactrice de ses marques. III – SUR LES MESURES REPARATRICES Attendu qu’il sera fait droit aux mesures d’interdiction et de publication dans les termes du dispositif ; Attendu que le préjudice subi par la Société CHANEL tient tant à l’atteinte à ses droits sur ces marques notoires qu’à la vulgarisation de celles-ci, les produits marqués étant commercialisés en grand nombre dans des conditions peu flatteuses contraires à celles imposées par CHANEL à ses distributeurs pour maintenir l’image de luxe de ses produits ; Attendu que les dommages et intérêts sollicités n’apparaissent pas excessifs au regard des éléments de la cause et seront alloués ; Attendu que l’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, s’avère nécessaire pour les mesures d’interdiction seulement ; Attendu que l’équité commande de faire droit à la demande au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile à hauteur des 10.000 F réclamés ; Que la demande formée à ce titre par la défenderesse, succombant et condamnée aux dépens, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, Dit qu’en offrant en vente et vendant, sans l’autorisation de la Société CHANEL, des échantillons de parfums CHANEL, N 5, N 22, COCO, N 19, EGOISTE, ANTAEUS et CRISTALLE, Viviane B a commis des actes d’usage illicite des marques CHANEL n 1.571.469, N 5 n 1.293.767, N 22 n 1.571.468, COCO n 1.571.046, N 19 n 1.505.293, EGOISTE n 1.565.505, ANTAEUS n 1.608.990 et CRISTALLE n 1.345.296 dont la Société CHANEL est titulaire ; En conséquence, Interdit à Viviane B de poursuivre ses agissements, sous astreinte de 100 F par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement ; Condamne Viviane B à payer à la Société CHANEL la somme de soixante quinze mille francs (75.000F) à titre de dommages et intérêts et celle de dix mille francs (10.000 F) en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Autorise la Société CHANEL à faire publier le présent dispositif par extraits ou en entier dans trois journaux ou revues de son choix aux frais de Viviane B, le coût global de ces insertions ne pouvant excéder à sa charge la somme hors taxes de 45.000 F ; Ordonne l’exécution provisoire pour les mesures d’interdiction seulement ; Rejette toute autre demande ; Condamne Viviane B aux dépens.

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