Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 7 septembre 1999

  • Lettre utilisee dans un ensemble de lettres formant le mot·
  • Appel en garantie du vendeur à l'encontre du fournisseur·
  • Importation et offre en vente de produits contrefaisants·
  • Élément separable et ayant une position predominante·
  • Article l 713-2 code de la propriété intellectuelle·
  • Professionnel averti de la vente de maroquinerie·
  • Vente de sacs reproduisant la marque en breloque·
  • Vendeur et fournisseur, condamnation in solidum·
  • Caractère important des actes de contrefaçon·
  • Caractère limite des actes de contrefaçon

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 7 sept. 1999
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : O
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 96643257
Classification internationale des marques : CL14;CL18;CL25
Liste des produits ou services désignés : Cuir, imitation du cuir et sacs a main
Référence INPI : M19990990
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société CHRISTIAN DIOR COUTURE est titulaire de la marque figurative constituée par la représentation stylisée de la lettre O, déposée à l’INPI le 26 septembre 1996, enregistrée sous le numéro 96.643.257 pour désigner des produits des classes 14, 18 et 25 notamment le cuir et l’imitation du cuir ainsi que les sacs à mains. Cette marque est utilisée sous forme de breloque sur le modèle de sac dénommé « Lady DIOR » mais aussi pour décorer des accessoires et des chaussures. La société CHRISTIAN DIOR COUTURE a appris que des sacs à mains comportant cette marque sous forme de breloque étaient mis en vente sur un stand tenu sur le marché de Grenelle à PARIS. Elle a obtenu du Président du Tribunal de Grande Instance de PARIS l’autorisation de faire procéder à une saisie-contrefaçon en ce lieu, aux termes d’une ordonnance sur requête du 26 juin 1998. Les opérations de saisie-contrefaçon sont intervenues le ler juillet 1998. Il est apparu que Madame T commercialisait des sacs à mains comportant la marque O en breloque. L’huissier a constaté la présence de 5 sacs de ce type sur le stand. Madame TAHAR lui a indiqué avoir acquis ces sacs auprès de la société PRETTY BAG’S et lui a présenté une facture mentionnant l’achat de 30 sacs. Il a été procédé le même jour à une saisie-contrefaçon dans les locaux de cette société qui n’a pas permis de relever la présence de la marque O sous forme de breloque sur des sacs, celle-ci ayant été enlevée peu avant de tous les sacs la portant. La vendeuse a reconnu avoir reçu des sacs ayant en breloque le O litigieux et a précisé que le fournisseur de ceux-ci était une société de droit espagnol MODLUX. L’huissier a saisi un catalogue de la société MODLUX-2 présentant des modèles de sacs supportant une breloque avec un O. Par exploits du 16 juillet 1998, la société CHRISTIAN DIOR COUTURE a fait assigner Madame T, la société PRETTY BAG’S LOWENCY & VICTORIA ci-après dénommée PRETTY BAG’S et la société MODLUX-2 SL aux fins de voir sous le bénéfice de l’exécution provisoire, constater la contrefaçon de sa marque O. Elle réclame, outre des mesures d’interdiction, de destruction et de publication, l’allocation de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à sa marque et de son préjudice commercial. Elle sollicite du premier chef, la condamnation in solidum des trois défenderesses au paiement de la somme de 500.000 francs et du second chef, la condamnation in solidum

de ces trois parties au paiement de la somme de 100.000 francs et la condamnation in solidum des deux seules sociétés PRETTY BAG’S et MODLUX-2 au versement de la somme de 400.000 francs. Elle entend obtenir en outre, le règlement de la somme de 30.000 francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle a obtenu du juge des référés du Tribunal de Grande Instance de PARIS aux termes d’une ordonnance en date du 7 août 1998 que Madame T, les sociétés PRETTY BAG’S et MODLUX-2 se voient interdire sous astreinte l’importation, l’offre à la vente et la vente de sacs à mains comportant la reproduction de sa marque O en breloque. La société PRETTY BAG’S conclut au rejet des prétentions adverses considérant que la contrefaçon n’est pas avérée, que la breloque O figurant sur les sacs qu’elle a commercialisés était incluse dans le mot LOVE et non le nom DIOR. A titre subsidiaire, elle invoque sa bonne foi. Elle soutient qu’il n’existe aucune confusion possible entre les sacs à mains qu’elle vend et ceux de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE ; qu’aucun détournement de clientèle en peut lui être imputé, qu’en conséquence, le préjudice commercial subi par la demanderesse est limité et que les dommages et intérêts doivent être ramenés au franc symbolique. En tout état de cause, pour le cas où le Tribunal prononcerait des condamnations à son encontre, elle sollicite la garantie de la société MODLUX-2. Elle demande que la société CHRISTIAN DIOR COUTURE soit tenue de lui régler la somme de 30.000 francs au titre des frais irrépétibles. La société MODLUX-2 conteste toute responsabilité dans cette affaire considérant que les factures n’établissent pas qu’elle serait le fournisseur des sacs à mains incriminés, celle-ci mentionnant les références BOLSOS PVC et BOLSOS NYLON. Elle souhaite voir la partie demanderesse condamnée à lui payer la somme de 10.000 francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société PRETTY BAG’S maintient son appel en garantie formé contre la société MODLUX -2 précisant que le mot BOLSOS en espagnol signifie sac à mains et que les factures saisies concernent notamment les sacs à breloque argués de contrefaçon. A l’issue de la procédure, les parties ont repris dans leurs dernières conclusions les demandes et moyens précédemment développés.

DECISION Attendu que Madame T, régulièrement assignée à personne, n’a pas constitué avocat ; que le présent jugement est réputé contradictoire ; I – SUR LA CONTREFAÇON : Attendu que la société CHRISTIAN DIOR COUTURE est titulaire de la marque figurative représentant un O stylisé dont la validité n’est pas contestée en défense ; Attendu qu’en vertu de l’article L 713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle : « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque même avec l’adjonction de mots tels que »formule, façon, système, imitation, genre, méthode" ainsi que l’usage d’une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ; …" ; Attendu qu’en l’espèce, le procès-verbal de saisie-contrefaçon établit que Madame T a commercialisé des sacs à mains acquis auprès de la société PRETTY BAG’S comportant en breloque la marque O ; que l’huissier a noté la présence sur le stand de cinq sacs de modèle différents avec la même pendeloque ; Attendu que le O figurant sur les sacs incriminés avait la même forme ovoïde et constitue la reproduction servile de la marque de la demanderesse ; Attendu que le fait que le O incriminé soit utilisé dans un ensemble de lettres composant le mot LOVE et non le NOM DIOR est inopérant dès lors que le O en question est isolable et a une position prédominante dans l’ensemble LOVE comme dans le nom DIOR ; qu’il convient de noter qu’au surplus, la société CHRISTIAN DIOR COUTURE ne se borne pas à utiliser cette marque dans un ensemble de breloques composant le nom DIOR mais aussi seule sur des articles de maroquinerie et des chaussures ; Que la reproduction du O au sein de l’ensemble LOVE est donc tout autant contrefaisant que si la breloque ne comportait que la lettre O seule ; Attendu que cette reproduction de la marque étant utilisée pour désigner des produits identiques à ceux visés dans l’enregistrement de la marque de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE, la contrefaçon est établie ; II – SUR LES RESPONSABILITES :

Attendu qu’il est établi que Madame T a commercialisé des sacs à mains contrefaisants ; que figuraient sur son stand cinq sacs reproduisant la marque et qu’il ressort des factures remises à l’huissier qu’elle en a acquis trente auprès de la société PRETTY BAG’S ; Que sa responsabilité doit être retenue dans la commission des faits de contrefaçon à savoir offre à la vente et vente de sacs contrefaisants invoqués par la société demanderesse ; Attendu que la société PRETTY BAG’S n’a pas nié avoir acheté auprès de la société MODLUX-2 des sacs de référence 209 déclinés en 6 modèles dans le catalogue de cette dernière, comportant des breloques parmi lesquelles apparaissait le O contrefaisant ; Attendu qu’elle invoque sa bonne foi ; qu’en matière de droit des marques, ce moyen est inopérant ; qu’au demeurant, s’agissant d’une professionnelle de la vente de maroquinerie, elle ne pouvait ignorer l’existence de la marque de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE ; Que la contrefaçon peut lui être imputée ; Attendu que la société MODLUX-2 tente d’échapper à toute responsabilité en prétendant qu’aucun élément ne démontrerait qu’elle a fourni à la société PRETTY BAG’S, des sacs à mains contrefaisants ; Attendu qu’il ressort de son catalogue saisi chez la société PRETTY BAG’S que 6 modèles de sacs portant la marque O en breloque y apparaissent sous la référence 209 ; qu’il en existe d’autres mentionnés sous d’autres références ; que le total des modèles reprenant la marque est de 29 ; Attendu que l’huissier a recueilli des factures de la société PRETTY BAG’S émanant de la société MODLUX-2 ; que celles-ci visaient des sacs à mains, le mot BOLSOS signifiant en espagnol sac à mains ; que le sac saisi sur le stand de Madame T présentait une étiquette mentionnant « MODLUX SPAIN Fabricado in China » ; Qu’en conséquence, la société MODLUX-2 ne peut sérieusement prétendre ne pas être le fournisseur des sacs contrefaisants ; qu’elle doit voir sa responsabilité retenue dans la contrefaçon ainsi constatée par le Tribunal consistant en l’importation, l’offre à la vente et la vente de sacs contrefaisants ; III – SUR LES MESURES REPARATRICES : Attendu qu’il convient de faire droit dans les conditions visées au dispositif aux mesures d’interdiction et de destruction sollicitées par la société CHRISTIAN DIOR COUTURE ; Attendu que la reproduction de la marque de la société demanderesse sur de nombreux sacs à mains dans un réseau commercial non sélectif banalise celle-ci et dilue ainsi son pouvoir distinctif ;

Attendu que cette atteinte doit être réparée par l’allocation d’une indemnité de 200.000 francs au paiement de laquelle sont condamnées in solidum les trois parties défenderesses ; Attendu que la contrefaçon a aussi causé un préjudice commercial à la société demanderesse ; Attendu que les sociétés PRETTY BAG’S et MODLUX-2 ont commercialisé une quantité importante d’objets contrefaisants ; Attendu que la société demanderesse retient la totalité des articles figurant sur les factures versées aux débats soit 13.582 sacs dans la mesure où aucune référence n’est mentionnée ; que la société PRETTY BAG’s déclare que ne doivent être pris en compte que les sacs vendus au prix de 50 francs ; Attendu qu’elle a produit tardivement deux factures du mois d’avril 1998 d’où il ressort que sur 732 sacs, 261 étaient référencés 209 ; Attendu que cela démontre simplement que pour deux factures ne représentant pas l’activité globale de ladite société, celle-ci a vendu presque un tiers d’objets contrefaisants ; Attendu qu’en tout état de cause, cela donne une idée de l’importance du commerce ainsi pratiqué au regard de l’existence des 29 références figurant dans le catalogue MODLUX 98 reproduisant des sacs comportant la marque O ; Attendu qu’il est constant que la société PRETTY BAG’S acquis 13.582 sacs auprès de la société MODLUX-2 sur une courte période ; que si l’on admet un tiers de revente de sacs contrefaisants, cela représente au moins 4.500 sacs contrefaisants ; Attendu qu’au vu de ces éléments, le Tribunal évalue le préjudice commercial subi par la société demanderesse à la somme de 250.000 francs que les parties défenderesses devront in solidum lui verser ; Attendu que Madame T n’ayant vendu de manière certaine que trente sacs et détenu cinq autres sacs ne peut être condamnée que pour le préjudice résultant de ces faits ; qu’elle sera tenue in solidum avec les fournisseurs desdits produits, les sociétés PRETTY BAG’S et MODLUX-2 à payer au titre du préjudice commercial à la société CHRISTIAN DIOR COUTURE, à hauteur de la somme de 50.000 francs ; Attendu que la publication du jugement sera ordonnée à titre de dommages et intérêts complémentaires selon les modalités fixées dans le dispositif de la présente décision ; IV – SUR L’APPEL EN GARANTIE FORME PAR LA SOCIETE PRETTY BAG’S A L’ENCONTRE DE LA SOCIETE MODLUX-2 :

Attendu que ces deux sociétés sont des professionnelles de la maroquinerie qui, à ce titre, ne peuvent ignorer l’existence de la marque O de la société CHRISTIAN DIOR ; qu’il en résulte que, dans le cadre de leurs relations, le Tribunal estime que leur part de responsabilité est équivalente et que chacune d’entre elles doit être tenue pour moitié des condamnations prononcées en réparation du dommage subi par la société demanderesse ; Attendu que l’exécution provisoire du jugement est nécessaire pour prévenir le renouvellement de la contrefaçon qui n’est pas contestable ; Attendu que l’équité commande de faire droit à la demande présentée par 1a société CHRISTIAN DIOR COUTURE sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que madame T, les sociétés PRETTY BAG’S et MODLUX-2 sont condamnées in solidum à lui verser la somme de 200.000 francs de ce chef ; Attendu que, succombant, elles doivent supporter les dépens ; PAR CES MOTIFS : Le Tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :

-Dit que Madame T, les sociétés PRETTY BAG’S LOWENCY & VICTORIA et MODLUX-2 en important, en offrant à la vente et en vendant des sacs à mains comportant la reproduction servile de la marque O n 96.643.257 dont est titulaire la société CHRISTIAN DIOR COUTURE ont commis des faits de contrefaçon au préjudice de celle-ci ;

-Leur interdit en tant que de besoin, la poursuite de ces agissements sous astreinte de 5.000 francs par infraction constatée à compter de la signification du jugement ;

-Ordonne la destruction des sacs contrefaisants sous contrôle d’un huissier aux frais des parties défenderesses, sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard à compter de la signification du jugement ;

-Se réserve la liquidation des astreintes prononcées ;

-Condamne in solidum Madame TAHAR les sociétés PRETTY BAG’S LOWENCY & VICTORIA et MODLUX-2 à payer à la société CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 200.000 francs de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à sa marque ;

-Les condamne in solidum à verser à la société CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 250.000 francs de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial ;

— Dit que Madame T ne sera tenue qu’à hauteur de 50.000 francs pour cette dernière condamnation ;

-Autorise la société CHRISTIAN DIOR COUTURE à faire publier tout ou partie du dispositif du présent jugement dans trois journaux ou revues de son choix aux frais des défenderesses sans que le coût total d’insertion dépasse la somme de 60.000 francs H.T ;

-Dit que la société PRETTY BAG’S LOWENCY & VICTORIA sera garantie à concurrence de la moitié des condamnations prononcées à son encontre par la société MODLUX-2 ;

-Ordonne l’exécution provisoire du jugement ;

-Condamne in solidum Madame T, les sociétés PRETTY BAG’S LOWENCY & VICTORIA et MODLUX-2 à payer à la société CHRISTIAN DIOR COUTURE la somme de 20.000 francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

-Les condamne in solidum aux dépens de l’instance qui seront recouvrés par Maître E, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 7 septembre 1999