Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 3 juin 2003

  • Suppression des investissements publicitaires antérieurs·
  • Similitude intellectuelle·
  • Circuits de distribution·
  • Différence insignifiante·
  • Suppression d'une lettre·
  • Similarité des produits·
  • Usage à titre de marque·
  • Notoriété du défendeur·
  • Risque d'association·
  • Caractère important

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 3 juin 2003
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : PLATINIUM
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 97689626
Classification internationale des marques : CL18
Liste des produits ou services désignés : (ceinture ; organiseur ; bloc-note de poches / malles ; valises ; parapluies ; parasols et cannes ; fouets et sellerie) ; (boutons de manchettes ; stylo-bille ; stylo-plume ; rollerball / malles ; valises ; parapluies ; parasols et cannes ; fouets et sellerie)
Référence INPI : M20030366
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société LES BAGAGISTES a pour principale activité la création, la fabrication et la commercialisation de bagages et articles de maroquinerie. Cette société est titulaire d’une marque dénominative « PLATINIUM » déposée le 30 juillet 1997 et enregistrée sous le n° 97 68 9626 pour désigner les produits de la classe 18 de la classification internationale. La société LES BAGAGISTES diffuse sous cette marque ses productions depuis l’été 1997. La société LES BAGAGISTES s’étant aperçue que la société MONT BLANC FRANCE désignait sous l’appellation PLATINUM ou PLATINIUM des articles de maroquinerie, l’a assignée le 18 octobre 2001 en contrefaçon et en indemnisation. Aux termes de ses dernières conclusions en date du 11 septembre 2002, la société LES BAGAGISTES demande au tribunal de :

-dire qu’en utilisant la dénomination PLATINIUM, la société MONT BLANC FRANCE s’est rendue coupable de contrefaçon de marque au sens des articles L 713-2 et L 713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle,
-interdire la poursuite de ces actes illicites sous astreinte dont le tribunal se réservera la liquidation ;

-condamner la société MONT BLANC FRANCE à lui payer la somme de 76.224, 51 Euros en réparation du préjudice subi et celle de 7622, 45 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et ce, sous le bénéfice de l’exécution provisoire et de l’autorisation de publication de la décision à intervenir. La société MONT BLANC FRANCE s’oppose aux demandes et sollicite à titre principal la nullité de la marque « PLATINIUM » n° 97 689 626 du 30 juillet 1997 pour l’ensemble des produits visés à son enregistrement ainsi que la radiation de la marque internationale n° 709 991 et à titre subsidiaire le débouté des demandes. La défenderesse dit que seul l’article L 713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle étant applicable en l’espèce dès lors que le signe incriminé de contrefaçon est « MONTBLANC PLATINUM », le risque de confusion n’est pas démontré ; que le signe PLATINUM est toujours utilisé au sein d’une locution complexe l’associant aux marques notoires MONTBLANC, MEIERSTUCK ou SOLITAIRE et ne sert qu’à désigner des produits dans lesquels le platine est présent. Estimant la procédure abusive, la société MONT BLANC FRANCE réclame la condamnation de la société LES BAGAGISTES à lui payer la somme de 500.000 francs

à titre de dommages et intérêts et celle de 50.000 francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société LES BAGAGISTES réfute les moyens de défense et maintient ses prétentions.

DECISION I – SUR LES DROITS DE LA SOCIETE LES BAGAGISTES : La société LES BAGAGISTES justifie : par la production du certificat d’identité correspondant être titulaire d’une marque dénominative PLATINIUM déposée le 30 juillet 1997 et enregistrée sous le numéro 97/689626 pour désigner les produits suivants : « cuir et imitation de cuir, peaux d’animaux, malles et valises, parapluies, parasols et cannes, fouets et sellerie » ;

- être titulaire d’une marque internationale « PLATINIUM » déposée le 2 mars 1999 et enregistrée sous le n° 709991 pour désigner les mêmes produits que précédemment et visant différents pays, cette marque étant déposée sur la base de la marque française précédente.

- sur la nullité de la marque française : La société MONT BLANC sollicite la nullité de la marque française « PLATINIUM » en application de l’article L 711-3 e) du Code de la Propriété Intellectuelle, cette marque paraissant d’après elle « de nature à tromper le public notamment sur la nature (ou) la qualité » des produits désignés à son enregistrement. Le tribunal relève :

- que le terme « PLATINIUM » n’est pas le terme scientifique pour désigner le métal « platine » ni la traduction de ce mot dans aucune langue ;

- que s’il est évocateur pour désigner ce métal lorsqu’il est employé pour désigner des produits de maroquinerie, il ne peut entraîner d’erreur chez le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif car celui-ci ne s’attend pas, eu égard au caractère précieux de ce métal et au poids habituel des produits en cause à trouver ses parties métalliques intégralement constitués de platine ;

-que certes, si certains éléments de ces produits peuvent être réalisés dans ce métal précieux (boucles, coins ou plaques de serrure), il ne peut s’agir que de détails qui ne

modifient pas la composante majoritaire des produits désignés et qui ne sont pas habituellement déterminants dans la décision d’achat d’un consommateur de ceux-ci. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la marque « PLATINIUM » pour désigner des « cuirs et imitations de cuir, peaux d’animaux, malles et valises, parapluies, parasols et cannes, fouets et sellerie » est parfaitement arbitraire et distinctive et qu’elle est en conséquence valable. II – SUR LA CONTREFAÇON : II ressort :

- du catalogue MONT BLANC produit aux débats que celle-ci commercialise un ensemble de produits (ceinture, boutons de manchettes, organiseur, bloc-note de poches, stylo-bille, stylo-plume et rollerball ) sous la dénomination PLATINUM, ces produits appartenant à la « nouvelle Collection Montblanc Platinum ».

- du journal « l’essentiel de la maroquinerie » du 1er trimestre 2001 qu’y est présenté un « étui palm en cuir de veau ou en cuir d’agneau » en deux versions dont une version « PLATINIUM ». Le tribunal note à titre préliminaire que contrairement à l’argumentation de la société MONT BLANC, cette dernière ne fait pas usage du terme « PLATINUM » pour désigner la matière du produit désigné mais pour définir une gamme de produits dont certains éléments accessoires sont plaqués en platine ; que dans ces conditions, cet usage est fait à titre de marque puisqu’il permet de rattacher un produit désigné PLATINUM à la société MONTBLANC. S’agissant de la reproduction à l’identique de la marque opposée, le tribunal relève que les parties sont d’accord pour considérer que l’usage du terme « PLATINIUM » provient d’une faute d’orthographe, les produits argués de contrefaçon de la société MONT BLANC n’étant commercialisés que sous la dénomination « PLATINUM ». Dès lors que les signes en cause « PLATINIUM » et « PLATINUM » comportent une différence qui n’est pas insignifiante (suppression d’une lettre) c’est au regard de l’article L 713-3 b) du Code de la Propriété Intellectuelle que doit s’apprécier les griefs de contrefaçon. L’article L. 713-3 b)du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. Il y a lieu de relever que :

— s’agissant des produits désignés que seuls les produits "ceintures, organiseur, bloc-note de poches) sont similaires par leur réseau de distribution (maroquiniers) et leur nature (produits en cuir)aux produits désignés par la marque première ;

-s’agissant des signes que les deux signes sont quasiment identiques le signe second reproduisant la marque excepté la lettre i, que cette différence n’est pratiquement pas visible, qu’elle ne se perçoit pas phonétiquement et qu’elle laisse subsister le même pouvoir évocateur (la référence au platine).

-s’agissant du risque de confusion que la société LES BAGAGISTES justifie exploiter intensivement depuis 1997 sa marque « PLATINIUM » pour désigner une gamme de bagages et de sacs y compris des organiseurs dans une gamme de produits de moyenne qualité. Le tribunal estimant :

-qu’il y a une similitude des signes telle que l’un peut être utilisé à la place de l’autre (cf journal « l’essentiel de la maroquinerie ») ;

-que l’élément sur lequel la société MONT BLANC insiste pour vanter ces produits PLATINUM est la grande qualité de leur cuir, produit qu’utilisé également la société BAGAGISTES pour certains de ses produits PLATINIUM et particulièrement pour ses produits destinés aux hommes d’affaires (produits de la gamme PLATINIUM Business) ;

-que la marque PLATINIUM est exploitée depuis plus de 6 ans avec des moyens publicitaires importants pour désigner l’ensemble des produits de la société LE BAGAGISTE ; qu’en conséquence la marque opposée est connue de beaucoup de consommateurs qui peuvent être également amenés à acquérir des produits de la société MONT BLANC qui ne sont plus réservés à une élite,
-que contrairement aux affirmations de la société MONT BLANC, celle-ci désigne dans son catalogue ses produits PLATINUM sans les associer à ses marques habituelles, considère au vu de cette très grande similarité des signes et des produits, de cette identité partielle de clientèle que le risque de confusion qui comprend le risque d’association est certain, le consommateur pouvant penser que certains produits notamment les « organiseurs » de la gamme PLATINUM proviennent de la société LE BAGAGISTE ou vice et versa que la société LES BAGAGISTES a copié la marque de la société MONT BLANC. En conséquence, le grief de contrefaçon est fondé. III – SUR LES MESURES REPARATRICES : Pour faire cesser les actes illicites, il y a lieu de mettre en oeuvre une mesure d’interdiction dans les conditions définies au présent dispositif, le présent Tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte ordonnée.

Le tribunal relève qu’il appartient aux sociétés jouissant d’une grande notoriété d’être vigilante sur les dénominations qu’elles utilisent pour désigner leurs produits et qui reproduisent ou imitent les marques de sociétés économiquement moins importantes ou moins prestigieuses car cet usage loin de constituer une « publicité » pour celles-ci a pour conséquence, compte-tenu de la puissance des campagnes publicitaires des sociétés contrefactrices d’associer désormais le signe à ces dernières et de supprimer tout bénéfice aux investissements publicitaires antérieurs sur la marque opposée. Dans ces conditions, l’utilisation par la société MONT BLANC dont la notoriété est internationale, d’une imitation de la marque PLATINIUM porte une atteinte importante à celle-ci et cause un préjudice conséquent à la société LES BAGAGISTES qui voit ses investissements publicitaires en partie ruinés. Aussi, il y a lieu d’allouer à la société LES BAGAGISTES une indemnité de 50.000 Euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu’une somme de 6000 Euros au titre de la prise en charge des frais qu’elle a dû engager dans la présente procédure. La publication de la présente décision sera autorisée dans les conditions définies ci-après. En revanche, l’exécution provisoire de celle-ci est commandée par la nécessité d’arrêter les actes de contrefaçon dans les meilleurs délais. PAR CES MOTIFS, le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, Rejette la demande de nullité de la marque « PLATINIUM » de la société LES BAGAGISTES, Dit qu’en offrant à la vente et en commercialisant des ceintures, des bloc-notes de poche et des organiseurs sous la dénomination PLATINUM, la société MONT BLANC FRANCE a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque PLATINIUM n° 97/689626 au détriment de la société LES BAGAGISTES, Interdit la poursuite de ces actes illicites sous astreinte de 150 Euros par infraction constatée passé le délai de 2 mois après la signification de la présente décision, astreinte dont le tribunal se réserve la liquidation, Condamne la société MONT BLANC FRANCE à payer à la société LES BAGAGISTES la somme de 50.000 Euros à titre de dommages et intérêts et celle de 6000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Autorise la publication du dispositif de la présente décision dans 2 journaux ou revues au choix de la Société demanderesse et aux frais de la Société MONT BLANC FRANCE sans que le coût total dépasse 10 000 euros H. T. Ordonne l’exécution provisoire,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne la société MONT BLANC FRANCE aux dépens.

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