Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 18 novembre 2003

  • Détournement de secret de fabrication·
  • Adjonction d'une syllabe d'attaque·
  • Détournement de clientèle·
  • Absence de marquage ce·
  • Concurrence déloyale·
  • Risque de confusion·
  • Certification·
  • Copie servile·
  • Usage courant·
  • Coexistence

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 18 nov. 2003
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : K5
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 97686677
Classification internationale des marques : CL09
Référence INPI : M20030740
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Texte intégral

La société LABORATOIRES MARZAC et MONCEAU CONTACT (ci-après 2M Contact) a assigné le 27 novembre 2001 la société OCELLUS et la société Groupe OPTILENZ Services (ci-après YSOPTIC) aux fins de voir:

- condamner la société OCELLUS pour contrefaçon de sa marque K5 et la condamner à lui payer la somme de 250.000 francs à titre de provision sur les gains manqués et une même somme sur les pertes subies,
- interdire à la société OCELLUS d’utiliser la marque OC K5 sous quelque forme que ce soit pour désigner des lentilles de contact et ce, sous astreinte,
- condamner les sociétés OCELLUS et YSOPTIC pour les actes de concurrence déloyale commis à lui payer à titre de provision une somme de 450.000 francs pour les gains manqués et une même indemnité au titre des pertes subies et de l’atteinte grave à sa réputation,
- désigner un expert pour donner des éléments permettant de chiffrer l’ensemble du préjudice subi,
- interdire sous astreinte toute vente de produits sans marquage CE,
- ordonner la publication de la décision à intervenir dans 6 journaux professionnels et ce, dans la limite de 10000 francs,
- condamner solidairement les Laboratoires YSOPTIC et OCELLUS à lui payer yune indemnité de 35000 francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile . 2M C expose :

- qu’elle est titulaire de la marque K5 pour désigner des matériels d’optique, lunetterie et lentilles de contact; qu’elle exerce l’activité de fabrication et de commercialisation de lentilles de contact et de produits d’entretien pour celle-ci;

- qu’elle a constaté que la société OCELLUS proposait sur le marché des lentilles de contact rigide destinées à corriger les kératocônes sous la dénomination OC K5, contrefaisant ainsi sa marque;

- qu’une cliente s’est plainte qu’alors que son médecin lui avait prescrit des lentilles K5 de 2M C, la société YSOPTIC à laquelle elle s’était adressée par erreur lui avait fourni des lentilles de marques OC3 et OCK3 sans marquage CE, que ces faits constituent des actes de concurrence déloyale;

- que par ailleurs, la société OCELLUS qui a embauché un de ses chefs de fabrication a copié servilement ses lentilles n’ayant pas les adaptateurs et ophtalmologues nécessaires à la conception de nouvelles optiques; qu’il y a eu nécessairement détournement de secrets de fabrique et parasitisme;

- que de plus la société OCELLUS détourne sa clientèle en démarchant les ophtalmologistes et en leur proposant leurs produits par référence aux produits de 2M C;

- que son préjudice est important tenant à l’atteinte à son monopole, l’évanouissement de ses frais d’études, de conception et de promotion et l’avilissement de sa marque utilisée pour désigner des produits sans packaging, sans marquage CE, sans instructions d’emploi spécifiques; par ailleurs le détournement de clientèle entraîne la perte de gains. La société OCELLUS conclut que:

- sur la contrefaçon:

- la seule marque que peut opposer la société 2M C est celle déposée le 10 juillet 1997 et enregistrée sous le n° 9786677, celle déposée en 1987 n’ayant pas été renouvelée;

- il est usuel depuis 1990 d’utiliser la lettre K pour désigner des lentilles destinées à

corriger les Kératocônes; elle-même utilise depuis 1992, la dénomination « OCK »pour désigner de tels produits; qu’il est banal dans le domaine de la contactologie d’ajouter à la lettre de référence le nombre de rayons, de dégagements ou encore le diamètre de la lentille pour les distinguer ;

- elle utilise depuis 1995 soit deux ans avant le dépôt la dénomination OCK5 pour désigner des lentilles présentant cinq rayons; sur la concurrence déloyale:

- elle justifie respecter les normes européennes par la production de certificats de l’organisme de certification SEMKO renouvelés en 2001;

- les éléments produits et fournis par Mme L sont à prendre avec circonspection, cette personne ayant attendu 4 mois pour passer sa commande de lentilles puis s’étant aperçue que celles-ci ne correspondaient par aux lentilles prescrites s’est adressée à 2M C au lieu de se retourner vers son fournisseur initial; que cette attitude équivoque laisse planer un doute sur la véracité des faits qu’elle rapporte;

- la société OCELLUS a été créée en 1992 et a recruté d’anciens salariés de la société 2MCONTACT qui n’étaient liés par aucune clause de non concurrence ;

- le détournement de secret de fabrication ne saurait se traduire par les pièces produites, la société 2MCONTACT ne s’expliquant pas sur l’origine de celles-ci ;

- le détournement de clientèle n’est établi par aucun document et est invraisemblable, les diamètres des lentilles n’étant pas les mêmes entre les deux sociétés;

- les ressemblances entre les dénominations des lentilles tiennent aux caractéristiques techniques qui y sont reproduites ; en revanche, elle ne commercialise aucune lentille sous les dénominations K4G , OCK4 ou MR ou HY. Aussi, la société OCELLUS demande le débouté des demandes et l’allocation d’une somme de 5000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile . La société YSOPTIC dit :

- qu’elle distribue des lentilles non seulement de la société OCELLUS mais également de 2M C; que le grief de concurrence déloyale qui lui est fait est fondé sur le témoignage de Mme L qui est très critiquable ;

- qu’en fait, cette cliente lui a commandé de sa propre initiative des lentilles OCK3 qui correspondent au lentilles K5 de la société 2M C car celles-ci sont moins chères bien que présentant les mêmes caractéristiques techniques; que cette pratique de substitution de produit est courante;

- que les lentilles OCK3 ont été livrée à Mme L dans des flacons scellés portant la mention CE avec le nom du Laboratoire et le numéro du lot;

- que celle-ci ne l’a jamais informée de l’erreur qui aurait été commise dans la commande;

- qu’elle justifie par la production d’un rapport de l’Agence française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé qui a effectué une inspection antérieurement à la délivrance de l’assignation ,que la société OCELLUS respecte le marquage CE;

- qu’enfin, il y a lieu de relever le défaut d’intérêt économique qu’elle aurait à privilégier les produits OCELLUS dès lors qu’elle distribue des lentilles de toutes marques et qu’elle a une marge plus importante sur les produits 2M C qui sont plus chères. Estimant la procédure abusive, la société YSOPTIC tout en concluant au débouté des demandes, sollicite l’allocation d’une somme de 10.000 Euros à titre de dommages et intérêts et celle de 5000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de

Procédure Civile . La société 2M C réplique aux moyens de défense et maintient ses prétentions en convertissant le montant des différentes indemnités demandées en euros.

I – sur la contrefaçon de marque: En l’absence des certificats d’identité des marques K5 opposées et au vu des extrait BOPI produits aux débats, le tribunal considère que la société 2 M C n’est recevable à poursuivre en contrefaçon les défenderesses que du seul chef de la marque dénominative K5 déposée le 10 juillet 1997 et enregistrée sous le numéro 97686677 pour désigner les produits suivants: « appareils et instruments d’optique , lunetterie, lentilles de contact », le renouvellement de la marque K5 déposée le 27 mars 1987 et enregistrée sous le n° 1535427 n’étant pas justifié . La dénomination attaquée OCK5 n’étant pas la reproduction servile de la marque opposée K5, c’est au regard de l’article L. 713-3 b)du Code de la Propriété Intellectuelle qui dispose que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement que doit s’apprécier la contrefaçon alléguée. Si les produits désignés par le signe incriminé , des lentilles de contact, sont identiques à certains de ceux visés dans l’enregistrement de la marque et si le signe second reproduit la marque K5 en y adjoignant en position d’attaque la syllabe OC, le tribunal relevant qu’il est justifié:

- que la lettre K est couramment utilisée par les laboratoires dans l’appellation des lentilles de contact destinées à l’adaptation de KERATOCONES (cf prospectus publicitaires et attestation du Docteur C),
- que le laboratoire OCELLUS exploite la dénomination incriminée depuis 1995 pour désigner des lentilles de contact pour kératocônes à cinq rayons de la face interne sans litige avec la demanderesse jusqu’à l’introduction de la présente instance et sans exemple de confusion avérée depuis cette date,
- que les prescripteurs de lentilles de contact sont des professionnels (les ophtalmologistes) habitués aux dénominations habituellement utilisées par les laboratoires, considère que malgré l’identité des produits désignés et la similitudes des signes, le risque de confusion n’est pas établi, l’adjonction de la syllabe d’attaque OC ayant un pouvoir propre suffisamment distinctif pour que l’ophtalmologiste identifie les lentilles désignées par le signe second comme provenant du Laboratoires OCELLUS et non du Laboratoire 2M C. Dans ces conditions, la demande du chef de la contrefaçon de marque est rejetée. II – sur la concurrence déloyale liée au défaut de marquage CE: La société 2M C fait grief au laboratoire OCELLUS de commercialiser des lentilles de contact en s’affranchissant des règles imposant le marquage CE et produit à titre de

preuves l’attestation de Mme L qui a acquis des lentilles OCELLUS dont le flaconnage ne comportait aucune mention CE et, ce auprès de la société YSOPTIC ainsi que la lettre d’un opticien de Toulouse VALES OPTIQUE indiquant avoir reçu deux flacons de lentilles ne portant pas non plus le marquage CE. Le tribunal considère:

- que l’absence de marquage CE justifiée par les deux documents précitée constituent deux incidents isolés dès lors que le laboratoire OCELLUS justifie bénéficier de la part de l’organisme de certification SEMKO de deux certificats de conformité à la Directive 93/42/CE et aux normes EN46001 et ENISO 9001 imposant le marquage CE et d’autre part avoir fait l’objet le 12 décembre 2001 d’une inspection de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ayant constaté le respect du marquage CE sur les boîtes de lentilles commercialisées par le Laboratoire OCELLUS;

- que compte-tenu du caractère limité en nombre de ces infractions, la société 2M C ne justifie d’aucun préjudice. La demande au titre de ces défauts de marquage est en conséquence rejetée. III – sur les actes de parasitisme: 1) au titre de la copie servile: La société 2M C fait grief au Laboratoire OCELLUS d’avoir copié servilement les lentilles conçues par elle et ce, grâce aux connaissances acquises par 4 anciens salariés embauchés par OCELLUS et produit à titre de preuve une boîte d’essai émanant de cette dernière et comportant à l’intérieur le tableau des caractéristiques des lentilles 2M C. Le tribunal relevant :

- que la société 2M C ne justifie pas que les quatre anciens salariés dont s’agit (MM. J, RUIZ,PANEK et KERISIT) étaient tenus par une clause de non-concurrence,
- qu’il est justifié que ces derniers et notamment M. J justifiaient d’une longue expérience professionnelle leur permettant de créer une entreprise concurrente sans détournement de secret de fabrication ;

- que d’ailleurs contrairement aux affirmations de la défenderesse, le tableau de comparaison de lentilles OCK5 et K5 produit par elle démontrent que les deux sociétés utilisent des dimensions différentes pour des lentilles de mêmes puissances, qu’enfin il n’est pas établi que le coffret OCELLUS qui comporte le tableau en cause ait été fourni en l’état par cette dernière société, ce tableau n’apparaissant pas d’origine puisque masquant les coordonnées de la société OCELLUS. considère que le grief de parasitisme de ce chef n’est pas fondé. 2) au titre du détournement de clientèle: La société 2 M C fait grief à la société OCELLUS de démarcher les ophtalmologistes en présentant ses produits comme équivalents à ceux de 2 M C mais moins chers et en détournant la clientèle qui lui est destinée par l’intermédiaire de la société YSOPTIC (cf lettre de Mme D et de Mme L). Si la liberté du commerce rend licite le démarchage par la société OCELLUS de la clientèle des ophtalmologistes , prescripteurs des lentilles de contact offertes à la vente par cette société, elle ne permettait pas à celle-ci de proposer ses produits en faisant référence à un produit déterminé de la concurrence présenté comme équivalent mais plus

cher. Toutefois , le tribunal relève:

- que les faits de démarchage illicites dénoncés par l’attestation du Docteur S datent « du début des années 1990 », soit sans doute de 1992, date de création de la société OCELLUS; que la société 2M C n’a pas réagi jusqu’ à l’introduction de la présente instance en novembre 2001; que dès lors cette absence de protestation pendant plus de huit ans établit que cette situation irrégulière, mais de nature ponctuelle, ne lui a causé aucun préjudice . S’agissant de la la conservation par la société YSOPTIC de la prescription médicale de Mme D, le tribunal considère que ce fait ne justifie aucunement la complicité de la société YSOPTIC dans un éventuel détournement de clientèle au profit de la société OCELLUS dès lors que ce distributeur justifie commercialiser également des lentilles de la société 2M C et être à même de satisfaire la demande de cette cliente en lentilles provenant de cette société. Enfin , il n’est pas établi que la fourniture de lentilles OCELLUS à Mme L au lieu et place des lentilles 2M C prescrites relève de l’initiative de la société YSOPTIC en accord avec la société OCELLUS dès lors qu’il est courant que le client lui-même sollicite un changement de prescription pour obtenir des lentilles moins chères et que les distributeurs de lentilles connaissant parfaitement les différents paramètres des lentilles qu’ils commercialisent sont à même de satisfaire cette demande de changement de prescription qui est dans l’intérêt du client plus que dans le leur, leur marge étant proportionnelle au prix des lentilles vendues. 2) au titre de l’imitation des dénominations des lentilles: La société 2M C reproche à la société OCELLUS de rechercher par l’utilisation de dénominations similaires à créer une confusion dans l’esprit des prescripteurs. Le tribunal constate à la lecture du « contaguide 2000 »produit aux débats que les dénominations utilisées par la société OCELLUS sont très différentes de celles exploitées par la société 2M C. En effet, la société OCELLUS utilise dans 8 cas sur 10 des appellations constituées du radical OC auquel sont adjointes des nombres et parfois des lettres alors que la société 2M C exploite des dénominations n’ayant aucun radical commun. Aussi, la servilité reprochée n’est pas établie . Dans ces conditions, les demandes de la société 2M C des chefs tant de détournement de clientèle que d’imitation de dénominations sont rejetées. IV – sur les demandes reconventionnelles: L’abus du droit d’ester en justice n’étant pas en l’espèce caractérisé, il n’y a pas lieu d’accueillir la demande de la société YSOPTIC de ce chef. En revanche, l’équité commande d’allouer à chaque société défenderesse la somme de 4500 francs pour la prise en charge des frais de procédure qu’elles ont présentement exposés., cette condamnation étant assortie de l’exécution provisoire compte-tenu de l’ancienneté de l’introduction de la présente instance. PAR CES MOTIFS,le Tribunal statuant publiquement,contradictoirement et en premier ressort, et sous le bénéfice de l’exécution provisoire, Déboute la société LABORATOIRES MARZAC et MONCEAU ( 2 M C ) de ses

demandes et la société Groupe OPTILENZ Services (YSOPTIC) de ses demandes au titre de la procédure abusive; Condamne la société LABORATOIRES MARZAC et MONCEAU à payer à chaque société défenderesse une indemnité de 4500 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens, Fait application de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Maître Pierre V et Maître Geoffroy G, avocats, pour la part des dépens dont ils ont fait l’avance sans en avoir reçu préalablement provision.

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