Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 1er octobre 2004

  • Personne assistant l'huissier·
  • Action en contrefaçon·
  • Exception de nullité·
  • Atteinte à l'image·
  • Saisie-contrefaçon·
  • Brevet français·
  • Prescription·
  • Préjudice·
  • Procédure·
  • Brevet

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’article L. 615-5 CPI, en autorisant le titulaire d’un brevet à faire procéder à une saisie-contrefaçon par « tous huissiers assistés d’experts de son choix », ne vise pas des experts judiciairement désignés, mais des sachants pouvant assister l’huissier dans les opérations de description des produits ou machines argués de contrefaçon. En conséquence, l’ordonnance qui autorise un agriculteur, utilisateur du produit prétendument contrefait, à assister un huissier, ne méconnaît pas ces dispositions.

La défenderesse est bien fondée à opposer la prescription triennale pour les actes de contrefaçon dès lors qu’aucune cause d’interruption ne peut valablement être invoquée. En l’espèce, l’action en résiliation du contrat de licence antérieurement engagée à son encontre vise sa responsabilité contractuelle, et non délictuelle, et n’est pas interruptrice de prescription.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 1er oct. 2004
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Publication : PIBD 2004, 800, IIIB-
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : FR8406626
Titre du brevet : Broyeur de pierres
Classification internationale des brevets : B02C
Référence INPI : B20040157
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Texte intégral

M. Jean-Pierre B a déposé, le 25 avril 1984, le brevet français n°84.06626, publié sous le numéro 2.163.447 qui a pour objet un broyeur de pierres à percussion et à écrasement. A la suite d’un arrêt de la Cour d’appel de PARIS en date du 7 mai 1996, la partie caractérisante de la revendication 1 de ce titre a été restreinte. M. B consentit à la Société dénommée désormais « BROYEURS BUGNOT » un contrat de licence portant notamment sur l’invention brevetée, qui s’est trouvé résilié le 10 août 1992. Estimant détenir des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 27 février 2003, dans le cadre d’un salon international, la preuve que la Société BROYEURS BUGNOT exposait des broyeurs référencés BP 244 et BP 140 qui reproduisaient les revendications n° 1 à 4 de son brevet, M. B a, par acte du 12 mars 2003, fait assigner cette dernière pour voir prononcées les mesures d’interdiction, de publication et de destruction d’usage, outre la condamnation de la défenderesse à leur verser la somme de 50.000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice fixée à dires d’expert ; le tout avec exécution provisoire ; La Société BROYEURS BUGNOT oppose en substance que le procès-verbal de saisie- contrefaçon est entaché de nullité et, subsidiairement, que la combinaison des moyens, objets de la revendication n°1, n’est aucunement reproduite. Elle conteste en outre que les broyeurs qu’elle a commercialisés entre 1992 et 1997, puissent – comme le soutient le demandeur – avoir contrefait les enseignements du brevet, avant de conclure à la condamnation de M. B à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

I – Sur la validité des opérations de saisie-contrefaçon Attendu que, selon la défenderesse, la personne ayant assisté l’huissier pendant ses opérations, M. Bernard G, agriculteur, dûment autorisée par l’ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY en date du 26 février 2003, ne présentait pas les qualités d’expert requises par l’article L. 615-5 du Code de la propriété intellectuelle et que, partant, l’ordonnance précitée devrait être annulée et, par voie de conséquence, les opérations de saisie-contrefaçon devraient l’être également ; Attendu toutefois qu’il est constant que l’ordonnance attaquée autorise l’huissier à se faire assister d’une personne dénommée Bernard G, dont l’intérêt de la présence est justifié par la considération qu’il s’agit de « l’utilisateur d’un broyeur B » ; Attendu que l’article L. 615-5 précité autorise le titulaire d’un brevet à faire procéder à une saisie contrefaçon par « tous huissiers assistés d’experts de son choix….. » ; Attendu qu’il s’agit dès lors non pas d’experts, judiciairement désignés pour éclairer le tribunal, mais de sachants destinés à assister l’huissier dans les opérations de description des produits ou machines argués de contrefaçon, étant observé qu’il incombe à l’huissier de faire le départ dans son procès-verbal entre ses constatations propres et les observations que la personne qui l’assiste a pu formuler ; Attendu en l’espèce que l’ordonnance querellée n’a pas méconnu les termes de l’article L. 615-5 en autorisant l’huissier à se faire assister de M. Bernard G ; que les opérations de

saisie contrefaçon et le procès-verbal qui les relate n’ont pas davantage méconnu les exigences de ce texte ; II – Sur la contrefaçon de la revendication n° 1 1) Sur la portée du brevet Attendu que l’invention concerne un broyeur destiné à fragmenter les pierres de dimensions trop importantes ; que la description du brevet expose que les machines antérieures procédant par la frappe des pierres à broyer n’acceptaient pas de pierres de trop grosses dimensions ; que l’invention propose alors non plus de frapper lesdites pierres mais de réaliser le grignotage de ces pierres par le recours, en particulier, à des marteaux fixes « dont le nombre permet d’obtenir un grignotage de très grosses pierres sans surchauffe des marteaux ni déséquilibrage du rotor » ; Que le broyeur est caractérisé « principalement en ce que les marteaux sont fixés rigidement et régulièrement à la périphérie d’un rotor et en ce qu’ils viennent tangenter une enclume fixée au châssis, en amont du rotor et parallèlement à celui-ci » (description p. 1, lignes 35 à 38, p. 2, lignes 1 à 5) ; que, par ailleurs, les marteaux, de forme parallélépipèdique, doivent « tangenter » le rotor au niveau de leur arête inférieure arrière ; Attendu que la revendication n°1 est ainsi libellée : « 1. Broyeur de pierres à percussion et à écrasement, comportant un réglage en hauteur par rapport à un châssis (1), équipé de marteaux (10), fixés rigidement et régulièrement à la périphérie d’un rotor (9), répartis en plusieurs rangées parallèles, régulièrement écartées, selon une disposition en quinconce et venant frôler, lors de la rotation du rotor (9), une enclume (17) fixée au châssis (1) parallèlement au rotor (9), dont les flancs du caisson (4) solidaire du châssis (1), à l’intérieur duquel est monté le rotor (9), sont munis d’écarteurs (23) et dont l’avant du châssis (1), supportant le caisson (4), est muni de quatre rangées de chaînes jointives (18) suspendues, caractérisé en ce que les marteaux (10) constituent des parallélépipèdes, dont la hauteur représente environ le tiers de la longueur, qui sont soudés au rotor (9) en tangentant celui-ci au niveau de leur arête inférieure arrière (10a). » 2) Sur la reproduction des moyens revendiqués Attendu que la Société BROYEURS BUGNOT fait valoir que les broyeurs objets du procès-verbal de saisie ne reproduisent ni le préambule ni la partie caractérisante de la revendication dans la mesure où font défaut :

- la possibilité d’un « réglage en hauteur par rapport au châssis »,
- la forme parallélépipédique et le rapport hauteur/longueur des marteaux,
- la soudure tangentielle au rotor par l’arête inférieure arrière ; Qu’elle verse aux débats un plan du rotor du broyeur BP 140 équipé de six masses en fonte dont il résulte, selon elle, que les masses sont incrustées dans des cavités du rotor et non pas soudées de manière tangentielle au rotor comme précisé par la revendication n° 1 ; Attendu en effet que le procès-verbal ne décrit pas, sur les deux modèles litigieux, l’existence d’un dispositif de réglage en hauteur par rapport au châssis, moyen certes prévu au préambule mais dont il appartient au demandeur de rapporter également la

preuve de la reproduction ; Attendu, par ailleurs, que le procès-verbal ne contient pas d’indication sur la hauteur des marteaux et donc sur le rapport revendiqué entre leur hauteur et leur largeur ; que l’on ne saurait en effet affirmer que l’huissier a commis une erreur de plume en confondant hauteur et largeur ; que la contemplation des photographies annexées est insusceptible de pallier cette carence d’autant que les marteaux sont encastrés dans le rotor ; Attendu enfin que le schéma, ou plan manuscrit, produit aux débats par la défenderesse n’est pas plus habile à apporter cette preuve puisqu’il ne porte pas trace de mesures de ladite hauteur des marteaux mais de la seule partie émergente de ceux-ci ; Attendu, en outre, que dans les deux modèles revendiqués, les marteaux ne sont pas fixés par soudure « au rotor en tangentant celui-ci au niveau de leur arête inférieure arrière » puisqu’ils sont fixés sur le rotor à l’aide d’un boulon, et encastrés dans ledit rotor ; Attendu que sans même avoir à apprécier si le mode de fixation par soudure ou par boulonnage peut être considéré comme équivalent, il convient de relever que l’encastrement des marteaux dans le rotor conduit à la définition ou au tracé d’une ligne de tangente par rapport au rotor qui ne peut nullement passer par l’arête inférieure arrière ; Attendu qu’il suit que la contrefaçon de la revendication n°1 n’est aucunement établie et que celle des autres revendications opposées ne l’est pas davantage puisque celle-ci sont placées dans la dépendance de la revendication n°1 ; III – Sur les autres actes incriminés Attendu que M. B soutient que la Société BROYEURS BUGNOT a reconnu, dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour d’appel de NANCY du 18 mars 2003, avoir continué à exploiter le brevet considéré, postérieurement à la résiliation du contrat de licence, et que cette reconnaissance constitue un aveu au sens de l’article 1354 du Code civil ; Mais attendu que s’agissant d’actes de contrefaçon prétendument commis entre 1992 et 1997, la défenderesse est fondée à opposer la prescription triennale de l’article L. 615-8 du Code de la propriété intellectuelle dès lors qu’aucune cause d’interruption de la prescription ne peut être invoquée ; Attendu en effet que l’action en résiliation engagée le 9 juin 1994 par M. B devant la juridiction de NANCY n’avait aucunement pour objet de mettre en cause la responsabilité délictuelle de la défenderesse à raison des actes ici incriminés mais de mettre en cause sa responsabilité contractuelle pour défaut d’exploitation du brevet et pour défaut de versement des redevances ; Attendu que les demandes de M. B relatives à la réparation d’actes commis entre 1992 et 1997 sont donc prescrites ; IV – Sur les demandes reconventionnelles Attendu que M. B a pu se méprendre sur la portée de ses droits et sur le caractère contrefaisant ou non des machines commercialisées par son ancien licencié ; que la présente instance n’est dès lors pas abusive ; Attendu, en revanche, que la défenderesse est bien fondée à exciper du préjudice « d’image » et de réputation que lui a nécessairement causé la saisie contrefaçon opérée sur son stand dans le cadre d’un salon international ;

Attendu qu’il sera réparé par la condamnation de M. B à lui verser la somme de 3.000 euros ; qu’il n’est pas inéquitable d’y ajouter celle de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort ; Rejette la demande d’annulation de l’ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon, de la signification de celle-ci et du procès-verbal de saisie-contrefaçon ; Déclare prescrite l’action relative à des actes de contrefaçon du brevet n° 84-06626, prétendument commis entre 1992 et 1997; Rejette l’ensemble des autres prétentions de M. B : Le condamne à verser à la Société BROYEURS BUGNOT les sommes de TROIS MILLE EUROS (3.000 euros) en réparation du caractère abusif des opérations de saisie et de SEPT MILLE EUROS (7.000 euros) sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile; Le condamne en outre aux entiers dépens qui seront recouvrés dans les termes de l’article 699 du même code.

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