Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 4e section, 28 janvier 2010, n° 09/00651

  • Protection du modèle communautaire non enregistré·
  • Sur le fondement du droit des dessins et modèles·
  • Reproduction des caractéristiques essentielles·
  • Demande en nullité de la saisie-contrefaçon·
  • Protection au titre du droit d'auteur·
  • Antériorité d'un modèle du défendeur·
  • Modèle communautaire non enregistré·
  • Sur le fondement du droit d'auteur·
  • Reproduction des caractéristiques·
  • Validité de la saisie-contrefaçon

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 4e sect., 28 janv. 2010, n° 09/00651
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 09/00651
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20100017
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS 3e chambre 4e section N° RG : 09/00651

JUGEMENT rendu le 28 Janvier 2010

DEMANDERESSE S.A. LOUIS VUITTON MALLETIER […] représentée par Me Patrice DE CANDE-SELARL MARCHAIS de CANDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L280

DÉFENDERESSES S.A.S THOMAS S […]

Société THOMAS SABO GMBH & CO KG Martin Luther S 20 91207 LAUF/PEGNITZ (ALLEMAGNE) représentées par Me Nicolas GODEFROY-SARRUT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R04

COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Claude H, Vice-Présidente Agnès MARCADE, Juge Rémy MONCORGE, Juge assistés de Katia CARDINALE, Greffier

DÉBATS A l’audience du 09 Décembre 2009 tenue publiquement

JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE : Le 9 juillet 2008, la société Louis Vuitton Malletier a fait procéder à des saisies-contrefaçons au magasin Le Printemps boulevard Haussmarm à Paris ainsi que dans les locaux de la société française Thomas Sabo. Les 4, 5 août et 8 août 2008, la société Louis Vuitton Mailetier a fait assigner les sociétés Thomas S SAS de droit français et Thomas S gmbh de droit allemand devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de la contrefaçon d’oeuvres protégées et de dessins et modèles communautaires non enregistrés ainsi que sur le fondement de la concurrence déloyale. Elle reproche à la société Thomas Sabo d’avoir mis sur le marché, des bijoux dits charms représentant un cosmonaute, une fusée et une soucoupe volante ainsi

qu’une bague, imitant ses propres bijoux. Elle ajoute que la société Thomas Sabo a systématiquement repris les mêmes catégories de charms, créant des effets de gamme identique. Elle relève en outre que les produits de la société Thomas Sabo ne sont pas fabriqués avec les mêmes matières précieuses que les siens ni avec les mêmes exigences de qualité, ce qui a pour effet de banaliser ce type de bijoux que les défenderesses vendent en grande quantité, à des prix nettement inférieurs. Elle réclame, outre des mesures d’interdiction et de retrait, la condamnation des défenderesses à lui payer les sommes de 100 000 € au titre de l’atteinte à ses investissements, 150 000 € au titre de son préjudice commercial et 100 000 € au titre de la concurrence parasitaire. Elle sollicite également la publication et l’affichage du jugement. Enfin, elle demande l’exécution provisoire de la décision ainsi que la somme de 15 000 € et le remboursement des frais de saisie-contrefaçon sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Par une ordonnance du 2 avril 2009, le juge de la mise en état a jugé que le tribunal de grande instance de Paris était compétent uniquement pour connaître des actes de contrefaçon des dessins et modèles communautaires non enregistrés, commis sur le territoire français. Dans ses dernières écritures du 23 septembre 2009, la société Louis Vuitton Malletier estime que la divulgation d’un modèle communautaire non enregistré n’a pas à être datée au jour près et qu’elle peut valablement se prévaloir d’une divulgation au cours d’une saison déterminée, conformément aux usages pour ce genre de produits. Elle soutient que les factures de commercialisation qu’elle produit, associées aux publications dans la presse, constituent des preuves suffisantes d’une divulgation et d’une offre au public dans la Communauté. La société Louis Vuitton Malletier s’oppose, par ailleurs, aux demandes de nullité des saisies-contrefaçons en faisant valoir qu’elles sont irrecevables, faute d’avoir été présentées in limine litis devant le juge de la mise en état. Elle ajoute que ces demandes sont mal fondées car l’assistance d’un expert n’est pas nécessaire à la validité des opérations de saisie-contrefaçon et son absence n’a été cause d’aucun grief. S’agissant de la protection attachée aux dessins et modèles communautaires non enregistrés, la société Louis Vuitton Malletier déclare qu’elle n’est pas limitée au cas de la copie servile. Elle fait valoir que les produits Thomas Sabo ont repris les éléments caractérisant ses bijoux et elle explique que tant le caractère propre ou original d’un produit que l’existence d’une contrefaçon doit s’apprécier de manière globale en prenant en compte l’impression visuelle d’ensemble. Elle relève ainsi le caractère non pertinent de l’analyse élément par élément à laquelle se livre la société Thomas Sabo. La société Louis Vuitton Malletier réaffirme également l’existence d’actes de concurrence déloyale tenant à la reprise de gammes identiques ainsi qu’à la différence de qualité et de prix entre les produits en présence. Elle maintient ainsi l’ensemble de ses demandes. Dans ses dernières écritures du 5 novembre 2009, la société Thomas Sabo invoque tout d’abord la nullité de la saisie-contrefaçon à raison de l’absence d’expert en

violation de l’article L 521-4 du Code de la propriété intellectuelle. Elle déclare qu’elle a soulevé celle-ci dans ses précédentes conclusions, avant toute défense au fond. En second lieu, la société Thomas Sabo fait valoir que la société Louis Vuitton Malletier ne justifie pas remplir les conditions pour pouvoir bénéficier d’une protection au titre du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés car elle n’établit ni la date précise de la divulgation de ses modèles ni le lieu de cette divulgation. En tout état de cause, elle relève que les actes de contrefaçon qui lui sont reprochés pour le charm soucoupe volante, sont postérieurs de plus de trois ans à la divulgation du modèle de la société Louis Vuitton Malletier et ne peuvent donc plus être poursuivis sur ce fondement. La société Thomas Sabo ajoute que la contrefaçon en matière de dessins et modèles communautaires non enregistrés nécessite la constatation d’une copie servile ou systématique réalisée sciemment et non pas seulement la reprise des éléments caractéristiques invoquée par la demanderesse. La société Thomas Sabo conteste également la contrefaçon d’oeuvres protégées parce que l’impression visuelle produite par les bijoux en présence est différente et parce que ses bijoux ne reprennent pas les éléments caractéristiques qui sont propres aux bijoux de la société Louis Vuitton Malletier. Par ailleurs, la société Thomas Sabo réfute les allégations de la société Louis Vuitton malletier se rapportant à la reprise de gammes identiques. Elle expose qu’elle commercialise des charms depuis près de 20 ans et que ces objets sont, par leur nature même, des éléments d’une gamme. Elle relève que la société Louis Vuitton Malletier qui est plus récente qu’elle sur le marché des charms, ne date pas ses créations de telle sorte qu’elle ne démontre pas que ses produits sont antérieurs à ceux de la défenderesse. La société Thomas Sabo ajoute que le prix inférieur de ses bijoux ne suffit pas à caractériser des actes de concurrence déloyale.

Enfin, la société Thomas Sabo conteste la réalité et l’étendue des préjudices allégués. Reconventionnellement, elle demande l’indemnisation du préjudice d’image important que lui a créé la réalisation d’une saisie-contrefaçon au magasin Le Printemps. Elle réclame 50 000 € de dommages intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 15 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION : 1/ Sur la validité des saisies- contrefaçon : La saisie- contrefaçon est un mode de preuve particulier créé par la loi au profit des titulaires de droits de propriété intellectuelle. L’annulation d’une saisie-contrefaçon n’a pas pour effet de mettre fin à la procédure parce que celle-ci serait irrégulière ou éteinte et elle n’a pas non plus pour effet d’en suspendre le cours. Elle conduit au rejet des prétentions du demandeur si la preuve des faits de contrefaçon repose uniquement sur la saisie-contrefaçon déclarée nulle.

Il s’ensuit que la demande visant à voir constater la nullité d’une saisie-contrefaçon ne constitue pas une exception de procédure telle que définie par l’article 73 du Code de procédure civile mais une défense au fond. Dès lors la demande tendant à voir constater la nullité d’une saisie contrefaçon peut être présentée à tout moment de la procédure et relève de la compétence du tribunal et non pas du juge de la mise en état. La demande de la société Thomas Sabo tendant à voir déclarer nulles les saisies-contrefaçons diligentées par la société Louis Vuiton Malletier doit donc être déclarée recevable. Les saisies-contrefaçon en cause ont été réalisées au visa des articles L332-1 et L 521-4 du Code de la propriété intellectuelle, lequel mentionne que les saisies sont opérées par des huissiers de justice assistés d’experts désignés par les demandeurs. Cependant il ne résulte ni de ce texte ni des travaux préparatoires que le législateur ait entendu subordonner la validité de la saisie-contrefaçon à la présence d’un expert. Aussi l’absence d’un expert lors des opérations de saisie-contrefaçon diligentées par la société Louis Vuitton Malletier n’est pas susceptible d’en affecter la validité. 2/ Sur la contrefaçon au titre des dessins et modèles communautaires non enregistrés : Selon l’article 11 du règlement 6/2002 du 12 décembre 2001, le dessin ou modèle qui remplit les conditions énoncées dans la section 1, est protégé en qualité de dessin et modèle non enregistré pendant une période de trois ans à compter de la date à laquelle il a été divulgué au public pour la première fois au sein de la Communauté. Un dessin et modèle est réputé avoir été divulgué au public au sein de la Communauté s’il a été publié, exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière de telle sorte que, dans la pratique normale des affaires ces faits pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant au sein de la Communauté. Pour justifier de ses droits, la société Louis Vuitton Malletier a versé aux débats :

- pièce 4 : un ensemble de factures établies entre la société Louis Vuitton Malletier et divers magasins Louis Vuitton à Paris et dans la Communauté (Londres, Munich…) datant de 2004 pour la soucoupe volante, de 2005 pour la grande bague Empreinte et de 2006 pour la fusée et le cosmonaute,
- pièces 9, 10, 11, une parution du cosmonaute dans le magazine allemand Madame de décembre 2005, dans le magazine Numéro de février 2007 et dans la version espagnole de Vogue en octobre 2007.

- pièce 12 une parution de la grande bague Empreinte dans le supplément de La tribune du 9 décembre 2005,
- pièces 13,14 une parution de la soucoupe volante dans le magazine Air France de août-septembre 2005 et dans le magazine italien AD design news d’avril 2007.

La confrontation de ces différentes pièces permet de retenir que la société Louis Vuitton Malletier justifie suffisamment de la divulgation de ses modèles au sein de la Communauté. Pour la soucoupe volante, commercialisée dès 2004, une facture produite par la société Louis Vuitton Malletier et datée du 19 mai 2004 fait apparaître que la divulgation datait de plus de trois ans à la date de l’assignation en justice de telle sorte que la société Louis Vuitton Malletier ne peut plus se prévaloir de la protection instaurée pour les dessins et modèles non enregistrés. La société Thomas Sabo ne versant aux débats aucune pièce permettant de retenir que la divulgation des autres modèles est antérieure de plus de trois ans à la date de l’assignation en justice, la société Louis Vuitton Malletier peut donc valablement invoquer à son encontre la protection accordée aux dessins et communautaires non enregistrés. Néanmoins, le règlement distingue la protection accordée au modèle enregistré et celle accordée au modèle non enregistré en venant limiter l’étendue de cette dernière. En effet selon l’article 19, le dessin ou modèle non enregistré ne protège le titulaire que si l’utilisation contestée résulte d’une copie du dessin ou modèle protégé. La copie s’oppose à l’imitation qui reprend seulement certaines des caractéristiques du modèle sans le reproduire en sa totalité et aboutit à un résultat similaire et non pas identique. Selon l’article 19-2, l’existence de la copie peut être écartée si le défendeur établit l’existence d’un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu’il ne connaissait pas le modèle ou le dessin divulgué par le titulaire. Ce texte vise à réserver l’hypothèse où les circonstances permettraient de retenir que le modèle ou dessin argué de contrefaçon résulte du travail d’un créateur qui sans avoir eu connaissance du modèle ou du dessin qui lui est opposé, serait parvenu à un résultat identique. Il ne vise pas à étendre la protection du dessin ou modèle non enregistré contre les produits similaires. Ainsi, la société Louis Vuitton Malletier qui n’allègue pas une copie systématique de ses modèles est-elle mal-fondée à agir sur le fondement des dessins et modèles communautaires non enregistrés.

3 / Sur la contrefaçon d’oeuvres protégées : La contrefaçon d’une oeuvre protégée se réalise lorsque ses éléments caractéristiques sont repris. Il convient donc de rechercher si les éléments qui caractérisent l’oeuvre protégée sont effectivement repris par le produit argué de contrefaçon.

- le charm cosmonaute :

La forme générale du cosmonaute : un casque avec une visière, un corps carré sur lequel sont attachés des bras se terminant en forme de pince et des membres inférieurs parallélépipédiques terminés par des sortes de pied, est en soi dépourvue d’originalité et constitue une manière usuelle de représenter ce type de personnage de manière stylisée (voir personnage lego et modèle space explorer de la société Yonezawa) Aussi l’originalité du bijou va se situer dans la manière dont ce corps se trouve paré par la société Louis Vuitton Malletier, laquelle propose deux modèles différents : un vert et un orange. Le cosmonaute Louis Vuitton porte un casque incrusté de diamants, avec deux petites pierres précieuses rouges au niveau des oreilles. Sa visière assez large est de couleur orange ou verte selon le modèle. Son corps est orné d’un motif central composé de pierres précieuses de couleur rosé ou verte et représentant une fleur (modèle orange) ou une croix (modèle vert). Les épaules sont également incrustées de diamants et les genoux sont marqués par deux petites pierres précieuses. Le cosmonaute Thomas S porte un casque métallique muni d’une visière noire assez étroite. L’emplacement des oreilles est marqué de deux petites pierres rouges. Le corps comporte une grande croix noire. Les genoux sont marqués de deux petites étoiles et les pieds sont marqués de petites pierres. Le cosmonaute Thomas S ne reprend pas la richesse de l’ornementation du cosmonaute Louis Vuitton tenant à l’emploi de multiples pierres précieuses et à la gaîté de ses couleurs qui prennent une large place, notamment sur le motif central et la visière du casque : le casque est dépourvu de toute incrustation autre que les deux petites pierres au niveau des oreilles, il en est de même pour les bras et les jambes. Le motif central constitué d’une croix noire est également totalement dépourvu de l’aspect chatoyant des motifs centraux du cosmonaute Louis Vuitton constitués de pierres précieuses de plusieurs couleurs vives. La couleur mise en valeur par la visière et le motif central sur le cosmonaute Thomas S est le noir qui s’oppose au vert, à l’orange et au rosé du cosmonaute Louis Vuitton. Il ressort de ces éléments que le cosmonaute Thomas S ne reprend pas les éléments caractéristiques du cosmonaute Louis Vuitton.

- le charm fusée : Les fusées Louis Vuitton et Thomas S ont toutes deux une forme oblongue se terminant en pointe à son sommet et tenant sur quatre pieds en forme d’ailes qui enserrent la partie inférieure de la fusée. La fusée Louis Vuitton présente, au surplus, des sortes de petites ailettes enserrant la partie supérieure de la fusée après son nez. Les défenderesses font valoir que la forme de sa fusée est celle de la fusée traditionnelle du carnaval de la Sarre et il y a lieu d’admettre que la forme des deux fusées est très proche de telle sorte que la société Louis Vuitton Malletier ne peut la revendiquer. Reste donc à comparer la manière dont ces fusées ont été décorées par les deux parties.

La société Thomas SABO propose une fusée rouge et une fusée bleue. Elles ont un nez incrusté de petits diamants avec à sa base des petites pierres jaunes (modèle rouge) ou rouges (modèle bleu) puis un corps de couleur rouge ou bleu parsemé d’étoiles en métal blanc. Les pieds sont également en métal blanc et la base de la fusée se termine par une petite collerette sertie de pierres jaunes ou rouges suivant le modèle. La société Louis Vuitton Malletier propose également des fusées de plusieurs couleurs dont une fusée rouge et une fusée noire. Elles ont un nez incrusté de petites pierres brillantes, puis un corps de couleur rouge ou noir parsemé d’étoiles en métal blanc Les pieds sont également en métal blanc et la base de la fusée se termine par une petite collerette incrustée de petites pierres blanches ou à tout le moins produisant cet effet. Il ressort de ces éléments que l’habillage de la fusée repose sur la même composition et les mêmes éléments notamment les étoiles parsemant la partie laquée de la fusée et la ressemblance entre les deux fusées est particulièrement nette lorsque la couleur du corps est rouge. La société Thomas Sabo verse aux débats des pièces établissant qu’elle a commercialisé des bijoux en forme d’étoile mais non pas qu’elle a utilisé un motif de décoration tel que celui reproduit sur la fusée. Il y a donc lieu d’admettre que la fusée de la société Thomas Sabo reprend les caractéristiques essentielles de la fusée Louis Vuitton.

- le charm soucoupe volante : La soucoupe volante de la société Louis Vuitton Malletier est composée d’un socle rond surmonté d’un habitacle muni d’un hublot de forme allongée. Elle est en métal blanc et comporte deux pierres rouges ainsi que quelques pierres jaunes incrustées dans son socle. La soucoupe volante Thomas S est une sphère de couleur (rouge ou blanche) surmontée d’une partie métallique elle-même entourée d’un bord noir et portant à son sommet aplati une étoile avec en son centre une pierre rouge. La sphère de couleur a également une base métallique qui confère au bijou un aspect symétrique. Il ressort de ces éléments que les deux soucoupes volantes ne présentent aucune ressemblance tant au niveau de leur forme générale que de leur décoration. La soucoupe volante de la société Thomas Sabo ne contrefait donc pas la soucoupe volante de la société Louis Vuitton Malletier.

- la bague Empreinte : Dans le cadre d’une collection se caractérisant par l’exploitation d’un motif évoquant l’empreinte d’un clou, la société Louis Vuitton Malletier a commercialisé à partir de septembre 2004, une bague en or blanc constituée d’un anneau large et plat présentant à intervalles réguliers des alvéoles symbolisant la marque d’un clou et portant à l’intérieur le nom Louis Vuitton .

La société Louis Vuitton Malletier a fait évoluer ce modèle en pavant les alvéoles de petits diamants. Il existe en or jaune et depuis 2007 en or blanc (pièce 3-2 catalogue imprimé en octobre 2007). La société Thomas Sabo commercialise une bague formée d’un anneau large en métal blanc ornée de cinq alvéoles paraissant être incrustées de petites pierres blanches. Il existe également un modèle incrusté de petites pierres noires. La société Thomas Sabo fait valoir que l’élément caractéristique de la bague Empreinte de la société Louis Vuitton Malletier est constitué par la reprise d’un motif tout au long de l’anneau et que cette caractéristique est antériorisée par ses propres bagues datant de 1995. Elle verse ainsi aux débats des extraits des catalogues 1995, 1997 et 2000 présentant des bagues constituées d’un anneau portant à intervalles réguliers des motifs constitués soit d’une pierre soit d’un carré incrusté de pierres. Elle produit en outre un bon de fabrication daté du 1er juillet 2006 d’une bague reprenant des incrustations de petites pierres mais ce document (pièce 26) ne donne pas une connaissance suffisante de l’apparence du bijou en cause pour être retenu comme preuve d’une antériorité pertinente. Cependant l’originalité de la bague Empreinte ne consiste pas uniquement en la reprise d’un même motif tout au long de l’anneau. Elle tient aussi à la forme particulière de cet anneau large et plat ainsi qu’à la nature du motif ainsi répété : une alvéole ronde incrustée de petites pierres. Or il ya lieu de constater que la bague Thomas S reprend les caractéristiques de la bague Empreinte dont la combinaison n’est pas antériorisée par des bagues plus anciennes. Aussi, les bagues en présence créent la même impression visuelle d’ensemble. La bague des sociétés Thomas S doit donc être déclarée contrefaisante de la bague Empreinte de la société Louis Vuitton Malletier. 4/ sur la concurrence déloyale : La société Louis Vuitton Malletier reproche à la société Thomas Sabo d’avoir systématiquement repris les différentes catégories de charms : articles de maroquinerie, les activités sportives … qu’elle-même commercialise. Cependant la société Louis Vuitton Malletier omet de dater ces différents articles. Or faute pour elle de démontrer qu’elle a été la première à créer et commercialiser les bijoux en présence et les gammes qu’ils composent, la demanderesse ne peut valablement invoquer d’acte de concurrence déloyale et de parasitisme. Enfin, la société Thomas Sabo propose des bijoux de fantaisie dans des matières et des prix adaptés à ce marché alors que la société Louis Vuitton Malletier offre des produits de joaillerie. La différence de prix et de qualité qui tient à la différence des produits commercialisés, ne sont pas susceptibles de constituer des faits de concurrence déloyale.

Les demandes de la société Louis Vuitton Malletier fondées sur la concurrence déloyale seront donc rejetées. 5/ Sur les mesures réparatrices :

La société Louis Vuitton Malletier fait valoir que la contrefaçon de ses bijoux compromet les investissements qu’elle réalise pour leur création et leur promotion. Elle évalue ainsi à 90 064 € le coût des investissements réalisés pour les charms ou la bague Empreinte. Elle indique spécialement qu’elle a effectué une campagne publicitaire consacrée à la bague Empreinte pour un coût de 91 003 € et qu’elle a fait diffuser une brochure entièrement consacrée à la collection Empreinte pour la somme de 87 687 €. La diffusion de produits contrefaisants banalise et dévalorise les produits originaux et fait perdre de son efficacité aux investissements publicitaires déployés pour les faire connaître. Il sera alloué à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 20 000 € en réparation de ce chef de préjudice. La société Louis Vuitton Malletier invoque également un préjudice commercial et réclame une indemnité forfaitaire en l’absence de production par la société Thomas Sabo de l’intégralité des éléments comptables qu’elle aurait dû fournir dans le cadre des saisies-contrefaçons. Elle estime en particulier que les informations incomplètes fournies par la défenderesse ne permettent pas de connaître l’exacte étendue de la masse contrefaisante et que les chiffres avancés par la société Thomas Sabo ne peuvent être retenus alors qu’elle a particulièrement axé sa communication sur les charms en cause. La société Thomas Sabo relève que la société Louis Vuitton Malletier avait, au départ, évalué son préjudice en tenant compte d’une commercialisation dans la Communauté européenne de telle sorte qu’elle aurait nécessairement dû réduire son estimation dès lors que le préjudice indemnisable est uniquement celui qui s’est produit sur le territoire français. Les pièces obtenues de la société Thomas Sabo à la suite de la saisie-contrefaçon opérée dans ses locaux, font apparaître pour les fusées (références T 0061 à T 0064) un chiffre d’affaires de 12 709 € et pour la bague (référence TR 1711) un chiffre d’affaires de 7 920 €. Au vu de ces éléments le préjudice commercial subi par la société Louis Vuitton Malletier sera fixé à 30 000 €. L’allocation de dommages intérêts assure une réparation adéquate du préjudice subi par la demanderesse et ses demandes tendant à la publication de la décision judiciaire et à son affichage sur le site Internet www.thomassabo.com seront rejetées. Il sera fait droit à la demande d’interdiction dans les termes du dispositif du jugement, mais il n’apparaît pas nécessaire de faire droit à la demande de retrait des circuits commerciaux qui parait superfétatoire non plus qu’à la demande de destruction qui l’accompagne.

6/ Sur la demande reconventionnelle :

Les demandes de la société Louis Vuitton Malletier étant partiellement fondées, la procédure qu’elle a diligentée ne peut être considérée comme abusive. Par ailleurs il ne ressort pas du dossier que la saisie-contrefaçon diligentée dans le magasin Le Printemps ait été réalisée dans des conditions ou dans un but vexatoires. La demande en dommages et intérêts des sociétés Thomas S sera donc rejetée. Il sera alloué à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 10 000 € à laquelle s’ajoutera le coût des deux saisies-contrefaçons du 9 juillet 2008, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. L’exécution provisoire compatible avec la nature de l’affaire sera ordonnée afin de mettre fin rapidement au préjudice de la demanderesse.

PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement par mise à disposition du jugement au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Déclare recevable la demande des sociétés Thomas S tendant à l’annulation des procès-verbaux de saisies-contrefaçons du 9 juillet 2008, La déclare mal-fondée, Dit que la société Louis Vuitton Malletier ne peut utilement invoquer la protection attachée aux modèles et dessins communautaires non enregistrés en l’absence d’une copie systématique de ses modèles, Dit que le charm fusée (références T 0061 à T 0064) ainsi que la bague (référence TR 1711) de la société Thomas Sabo contrefont respectivement les oeuvres protégées que constituent le charm fusée et la bague Empreinte de la société Louis Vuitton Malletier, Dit que les charms cosmonaute et soucoupe volante de la société Thomas Sabo ne contrefont pas les oeuvres protégées que constituent les charms cosmonaute et soucoupe volante de la société Louis Vuitton Malletier, Condamne in solidum les sociétés Thomas S sas et gmbh à payer à la société Louis Vuitton Malletier les sommes de 20 000 € et de 30 000 € en réparation des préjudices résultant des actes de contrefaçon du charm fusée et de la bague Empreinte, Enjoint aux sociétés Thomas S sas et gmbh de cesser la fabrication, l’importation, la promotion, la commercialisation du charm fusée (références T 0061 à T 0064) ainsi que de la bague (référence TR 1711) sous astreinte de 500 € par infraction constatée passé le délai de quinze jours suivant la signification du jugement, Se réserve la liquidation de l’astreinte, Rejette la demande de publication et d’affichage de la décision judiciaire, ainsi que de retrait et de destruction,

Rejette les demandes fondées sur la concurrence déloyale, Rejette la demande reconventionnelle en dommages intérêts des sociétés défenderesses, Condamne in solidum les sociétés Thomas S sas et gmbh à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 10 000 € à laquelle s’ajoutera le coût des deux saisies-contrefaçons du 9 juillet 2008, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, Ordonne l’exécution provisoire, Condamne in solidum les sociétés Thomas S sas et gmbh aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la selarl Marchais de Candé, selon les règles de l’article 699 du Code de procédure civile.

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