Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre 1re section, 24 novembre 2010, n° 09/13644

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 1re ch. 1re sect., 24 nov. 2010, n° 09/13644
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 09/13644

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

1re chambre

1re section

N° RG :

09/13644

N° MINUTE :

Assignation du :

04 septembre 2009

PAIEMENT

S. L.

(footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 24 Novembre 2010

DEMANDERESSE

La société FREY, anciennement dénommée société IMMOBILIERE FREY

[…]

[…]

représentée par Me Jean-Yves DUPEUX (SCP LUSSAN & Associés), avocat au barreau de PARIS, vestiaire P0077

DÉFENDERESSE

SOCIETE D’AVOCATS CMS BUREAU Y Z

[…]

[…]

représentée par Me Laurent MARVILLE (SELARL REINHART MARVILLE TORRE), avocat au barreau de PARIS, vestiaire K0030

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Magali X, Première Vice-Présidente

Présidente de la formation

Sylvie LEROY, Vice-Présidente

Anne LACQUEMANT, Vice-Présidente

assistées de Caroline GAUTIER, Greffière

DÉBATS

A l’audience du 13 ctobre 2010

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

Contradictoire

En premier ressort

Selon assignation délivrée le 4 septembre 2009 et dernières conclusions signifiées le 22 septembre 2010, la société Frey, anciennement dénommée Société Immobilière Frey, recherche sur le fondement de l’article 1147 du code civil, la responsabilité professionnelle de la société d’avocats Y Z qu’elle a mandatée pour l’assister à l’occasion d’une opération d’optimisation de son régime fiscal, en optant pour le régime “SIIC” (société d’investissement immobilier, cotée en bourse) instauré par l’article 11 de la loi de finance n° 2002-1575 du 30 décembre 2002.

Estimant que la société Y Z a commis des manquements à son devoir de conseil et à son obligation de diligence, ayant conduit l’administration fiscale à lui refuser le bénéfice du régime fiscal “SIIC” à la date du 1er juillet 2008, elle sollicite sa condamnation à lui payer, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

* la somme de 1 014 349 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

* 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d’image avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

* 77 118,95 euros en réparation de son préjudice de débours

(64 989,40 euros hors taxe soit 77 118,95 euros TTC), avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2008,

et en tout état de cause, une indemnité de 50 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

A l’appui de ses demandes, la société Frey fait essentiellement valoir que la société Y Z avait pour mission de l’assister au plan juridique et fiscal pour la préparation et la réalisation de l’option pour le régime des SIIC ; qu’il lui incombait par conséquent, d’indiquer les conditions nécessaires pour bénéficier de ce régime, mais aussi et surtout les modalités précises exigées pour son obtention en particulier quant aux délais à respecter ; que pourtant la société Y Z n’a jamais fourni à sa cliente un conseil clair et précis sur ce point et sur la nécessité de voir les conditions remplies au 1er jour de l’exercice concerné ; qu’en particulier, elle ne l’a pas informée de manière suffisamment explicite, et n’a pas attiré son attention sur le fait que le capital social devait être porté à 15 milllions d’euros dès le premier jour de l’exercice en cause pour l’option, c’est-à-dire en l’espèce avant le 1er juillet 2008 ; que faute de remplir cette condition, l’administration fiscale lui a opposé un refus ;

La société Frey soutient que la société Y Z a également omis de vérifier si les opérations nécessaires à l’obtention du régime SIIC avaient bien été mises en oeuvre, de sorte qu’elle ne s’est aperçue de l’erreur commise de son fait qu’à la suite du refus de l’administration fiscale notifié le 23 octobre 2008 ; qu’elle a donc manqué à son devoir de conseil et à son obligation de diligence.

La société Frey fait état d’un important préjudice lié au décalage de 6 mois dans la mise en place du nouveau régime fiscal, le 1er janvier 2009, qui a eu pour conséquence directe le paiement d’une plus value supplémentaire de plus d’un million d’euros, qui s’explique par le fait qu’elle possédait au 1er juillet 2008, un patrimoine de construction limité, qui a été considérablement augmenté au 1er janvier 2009, en raison de la livraison de nombreux biens immobiliers destinés à être loués à bail commercial et dont la construction était achevée, conformément à des programmes décidés de longue date ; que la base de calcul de l’impôt a donc été modifiée, de même, au surplus que le taux d’imposition, entraînant pour elle un préjudice considérable, directement en lien avec la faute commise par la société Y Z.

Elle fait état d’un préjudice d’image puisqu’elle a été contrainte d’annoncer au public au mois de mars 2009, le retard pris dans l’obtention de ce régime, ce qui a amoindri son image d’émetteur sérieux et fiable auprès de ses investisseurs et du marché boursier.

Elle ajoute s’être trouvée en porte à faux au regard des annonces faites au marché financier dans le prospectus visé par l’Autorité des Marchés Financiers, alors même que les sociétés cotées ont des obligations strictes en matière d’information.

Elle fait également état de ce que les honoraires qu’elle a versées à la société Y Z en vue d’opter pour le régime des SIIC l’ont été en pure perte.

* * *

Selon écritures récapitulatives signifiées le 20 juillet 2010, le cabinet Y Z rappelle les éléments d’information délivrés à la société Frey et soutient que celle-ci a été parfaitement informée, et qu’elle ne pouvait pas se méprendre sur la date à laquelle l’augmentation de capital devait être réalisée ; qu’elle est à l’origine de son propre préjudice à la suite d’un oubli de sa part de procéder à l’augmentation de capital dans les délais requis.

Elle estime que les actes réalisés par la société Y Z démontrent qu’elle connaissait la date butoir du 1er juillet 2008, exigée pour l’ensemble des conditions cumulatives nécessaires à l’obtention du régime SIIC ; qu’elle n’est dès lors pas fondée à prétendre que les documents remis lui ont laissé penser qu’elle pouvait ne remplir les conditions exigées quant au montant du capital social qu’à la date du 31 octobre 2008 (soit 4 mois après le 1er jour de l’exercice ouvert le 1er juillet 2008), alors qu’il était bien indiqué que cette date butoir constituait le délai de notification à l’administration fiscale, de l’option choisie.

La société Y Z soutient qu’elle n’était pas mandatée pour procéder à l’augmentation de capital requise, opération qui relevait du conseil habituel de la société Frey , chargé des prestations juridiques courantes de la société.

La société Y Z conclut en outre que la société Frey est à l’origine de son propre préjudice, car en dépit de sa recommandation, elle n’a pas exercé de recours contre la décision de l’administration et a perdu une chance de voir sa situation régularisée.

Elle estime que les préjudices allégués ne sont pas établis ; que la société Frey a surévalué ses biens immobiliers, en retenant une méthode de calcul différente de celle qu’elle-même avait validée au 1er juillet 2008 de sorte qu’elle doit acquitter une taxe de 1 456 711 euros, alors que l’estimation, qu’elle avait elle-même validée était de 442 362 euros, avec une option réalisée au 1er juillet 2008 ; que la société Frey trouve un avantage à la surévaluation de ses actifs puisqu’elle lui permet d’éviter un risque de déchéance du terme de certains de ses engagements à l’égard des établissements financiers ;

qu’enfin, en tout état de cause, ni la société Frey, ni ses actionnaires ne subissent de préjudice car le paiement de la taxe est compensé par l’exonération de toute imposition des actionnaires et donc du groupe familial Frey ;

que les autres postes de préjudices ne sont pas davantage justifiés ;

Elle réclame la condamnation de la société Frey à lui payer la somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

* * *

MOTIFS

Sur les fautes reprochées :

Attendu qu’il résulte de l’ensemble des pièces versées aux débats que la société Frey a mandaté la société Y Z, cabinet fiscaliste, pour l’assister et la conseiller à l’occasion de son projet d’option du régime des SIIC ;

que l’éligibilité à ce régime impliquait des actes de restructuration de la société en vue de son introduction en bourse et d’un changement de son objet social qui devenait l’acquisition ou la construction d’immeubles en vue de la location ; qu’était également nécessaire l’augmentation de son capital social à un minimum de 15 millions d’euros, avec des règles particulières à respecter, relatives à la détention du capital social ;

Attendu que la société Frey reproche à la société Y Z de ne lui avoir à aucun moment explicitement dit que le capital social devait avoir atteint 15 millions d’euros au début de l’exercice au cours duquel l’option était exercée, soit en l’espèce, le 1er juillet 2008, motif pour lequel il est constant que l’administration fiscale lui a refusé le bénéfice de cette option, le 23 octobre 2008, dès lors que le capital social de la société Frey au 1er juillet 2008 s’élevait seulement à 9 millions d’euros ;

Attendu que la société Frey soutient qu’elle pensait que la condition relative à l’augmentation du capital social devait être remplie dans les 4 mois suivant le 1er jour de l’exercice, qui correspond également au délai maximal imparti au requérant pour notifier à l’administration son intention de choisir ce régime ; que les écritures prises par la société Y Z pour la présente procédure et ses courriers adressés courant décembre 2008 montrent qu’il existait bien sur ce point une confusion de la part du cabinet Y Z ;

Attendu qu’à titre préliminaire il convient de constater, en l’absence de lettre de mission, et en se référant aux notes d’honoraires établies par la société Y Z et particulièrement à celle du 16 juillet 2008, qu’elle avait pour mission d’assister la société Frey “au plan juridique et fiscal pour la préparation et la réalisation de l’opération pour le régime des SIIC” ;

Qu’il convient donc de considérer, comme le soutient la société Frey, que la société Y Z devait la conseiller pleinement et utilement afin d’assurer le succès de l’opération, et vérifier la mise en oeuvre des conditions exigées pour parvenir au résultat escompté ;

qu’il appartient à la société Y Z de justifier qu’elle a rempli son devoir de conseil en éclairant pleinement son client et a fait toute diligence pour assurer l’efficacité de l’opération ;

Attendu qu’en l’espèce, la société Y Z conteste tout manquement à son devoir de conseil en soutenant que contrairement à ce qu’elle allègue, la société Frey était parfaitement informée de ce que la condition tenant au montant du capital social devait être remplie à la date du 30 juin 2008 ;

que pour preuve de ses dires, et sans démentir qu’il n’ait pas été établi de calendrier récapitulant les actes à accomplir et les délais impartis, elle se réfère à quatre documents, à savoir une consultation du 18 septembre 2007, une présentation au sein des locaux de la société Frey en vue de l’introduction en bourse de la société, accompagnée d’un document “power point” du 13 février 2008, remis aux collaborateurs de la société, un prospectus mis à la disposition du public le 14 mars 2008 à l’occasion de l’introduction en bourse de la société et une note récapitulative du 25 juin 2008 ;

Mais attendu qu’il n’apparaît à aucun moment, à la lecture de ces documents, que la société Y Z ait attiré l’attention de sa cliente sur la nécessité absolue de l’existence d’un capital social minimum de 15 000 000 euros à la date du 1er juillet 2008 ;

Qu’ainsi, dans la consultation du 18 septembre 2007, il est fait état des conditions à remplir en termes généraux, sans mention de date, ni du montant du capital social à atteindre et il est indiqué (bas de la page 5) : “les autres conditions concernant la cotation, le montant du capital social, sa composition et sa répartition ne sont pas évoquées dans la présente note” ;

que si dans le document “power point” de 113 pages, remis aux collaborateur de la société FREY, lors de la présentation faite par le cabinet Y Z en vue de l’introduction en bourse de la société, la condition du montant minimum du capital social figure bien, de même que les règles particulières de détention du capital et les délais pour notifier l’option choisie au service des impôts, il n’est à aucun moment mentionné que le capital social doit atteindre 15 millions d’euros au début de l’exercice au cours duquel l’option est exercée ;

Que même, le prospectus établi le 14 mars 2008 à l’occasion de l’introduction en bourse de la société, qui mentionne en termes généraux, que l’option pourra être exercée le 1er juillet 2008 “dès lors que la société Frey respectera les conditions à cette date”( page 75), et qui précise les conditions de détention du capital (page 77), ne peut être considéré comme un élément d’information clair et précis sur les formalités et délais à respecter, alors même qu’il s’agit d’un document de 245 pages destiné au public, et qu’il est procédé par renvois de pages à pages et par informations croisées ;

Attendu par ailleurs que la société Y Z dans son courrier du 25 juin 2008 adressé à la société Frey pour “faire le point sur les principaux aspects de l’option que Immobilière Frey envisage de présenter pour le régime fiscal des SIIC à compter de son exercice ouvert le 1er juillet 2008", ne fait pas état de la condition relative au montant du capital au 1er juillet 2008.

Attendu que la société Y Z soutient encore que les actes réalisés par sa cliente démontrent qu’elle disposait de cette information, parfaitement dispensée ;

Attendu que s’il est exact que la société Frey avait accompli un grand nombre de démarches pour que la majeure partie des conditions exigées soit bien réalisée à la date du 1er juillet 2008, rien ne permet d’affirmer comme le fait la société Y Z, qu’une information éclairée et précise lui ait été donnée sur la date exigée quant au montant du capital ; que ni l’autorisation donnée au directoire de la société Y Z de procéder seul, dès le 11 décembre 2007 à cette augmentation de capital, ni l’annonce faite aux marchés financiers, de son introduction en bourse et de sa mutation en société d’investissement immobilier ne permettent de tirer une telle conclusion ; que pas davantage l’analyse des procès verbaux joints au dossier, notamment celui du 13 mars 2008, qui décide une augmentation de capital à hauteur de 9 180 000 d’euros, ne révèle que la société Frey connaissait le caractère déterminant de la date à laquelle le capital devait être porté à 15 millions d’euros ;

Attendu qu’en outre, eu égard à la mission dévolue à la société Y Z qui, certes ainsi qu’elle le souligne, n’était pas mandatée pour procéder aux opérations juridiques relatives à l’augmentation de capital requise, mais qui devait assister la société Frey non seulement pour la préparation mais aussi pour la réalisation de l’option pour le régime des SIIC, elle aurait dû, non seulement donner une information précise sur la date à laquelle l’exigence relative au montant du capital devait être remplie, mais également s’assurer que les conditions étaient bien réalisées, pour qu’au 1er jour de l’exercice au cours duquel l’option était exercée, sa cliente soit effectivement éligible au régime qu’elle avait choisi ;

qu’en s’abstenant d’y procéder, la société Y Z n’a pas assuré l’efficacité de l’opération ; qu’elle n’est pas fondée dans les circonstances précitées, à opposer à la société Frey ses propres manquements, en faisant valoir que l’absence d’augmentation de capital dans le délai requis est dû à un “oubli” de la part de sa cliente et des conseils habituels de celle-ci en charge des prestations juridiques courantes et donc de cette formalité ;

que les manquements commis à ses obligations de conseil et de diligence engagent sa responsabilité sous réserve de l’existence d’un préjudice en lien avec les fautes retenues ;

Sur les préjudices :

Sur le préjudice financier :

Attendu qu’il n’est pas discuté que la société Frey disposait, le 30 juin 2008, des fonds propres lui permettant de porter au 1er juillet 2008, son capital social à la somme minimale de 15 millions d’euros exigée ; qu’il s’en déduit que si l’information adéquate lui avait été dispensée, et la vérification du bon accomplissement des conditions effectuées, elle aurait manifestement pu être éligible à l’option au régime SIIC dès le 1er juillet 2008 au lieu du 1er janvier 2009, date à laquelle il a été effectivement mis en place ;

Attendu que pour conclure au rejet des demandes d’indemnisation, la société Y Z fait d’abord valoir que la société Frey est à l’origine de son propre préjudice puisqu’elle n’a pas suivi sa recommandation de former un recours contre la décision de l’administration ;

Mais attendu que la société Y Z qui se contente de soutenir que l’instruction sur laquelle l’administration s’est fondée ajoute au texte de loi en exigeant que le capital social des SIIC soit de15 000 000 d’euros au moins au premier jour de l’exercice en cours de l’option, n’apporte aux débats aucun élément de jurisprudence ou de doctrine notamment, qui permettrait de démontrer qu’une réclamation en ce sens avait une chance d’aboutir ;

que l’argument ainsi avancé doit être rejeté ;

Attendu que la société Y Z soutient ensuite que la réalité du préjudice financier n’est pas établie ;

qu’il est constant que le passage au régime SIIC emporte le paiement d’un impôt spécifique dit “exit tax”, basé sur les plus-values latentes que recèlent certains actifs dont les immeubles ;

qu’il n’est pas démenti que la société Frey doit régler à ce titre, à l’administration fiscale, la somme de 1 456 711 euros (par quart, sur quatre ans) alors que la somme due, avec une option réalisée au 1er juillet 2008, était estimée à seulement 442 362 euros, ce montant ayant été validé par la société Y Z, soit une différence de 1 014 349 euros, que la société Frey explique par l’augmentation de la valeur des actifs servant à l’assiette de calcul de l’impôt (à la suite de la livraison au 31 décembre 2008, selon des programmes arrêtés de longue date, de nombreux biens immobiliers qui étaient en cours de construction,), et par l’augmentation du taux d’imposition passé de 16,5 % à 19 % ;

Attendu que la société Y Z remet en cause l’évaluation des biens qui a servi de base au calcul de l’impôt, qui aurait selon elle été majorée ;

Mais attendu que la société Frey verse aux débats les rapports d’expertises amiables établis par des experts indépendants pour valoriser les actifs immobiliers qu’elle détenaient au 31 décembre 2008, et sur lesquels elle s’est fondée pour le calcul des plus values latentes ; que ces valorisations ont été approuvées par les commissaires aux comptes de la société dans les comptes consolidés et n’ont pas fait l’objet à ce jour, de contestations de la part de l’administration fiscale ;

que s’il existe une différence dans la méthode de calcul suivie pour l’évaluation des biens au 1er janvier 2009, par rapport à celle utilisée au 1er juillet 2008, la nouvelle méthode adoptée n’est pas critiquable, puisqu’il a seulement été tenu compte des circonstances nouvelles intervenues au 1er janvier 2009, non imputables à la société Frey, circonstances qui imposaient de donner un avis de valeur vénale en fonction des rendements attendus, pour des biens situés en zone commerciale et donnés à bail ou ayant vocation à l’être ;

qu’en outre, il n’est pas établi, contrairement à ce qu’affirme la société Y Z, que la société Frey ait retiré un quelconque profit à la surévaluation prétendue de ses actifs immobiliers ;

qu’en effet l’argument de la société Y Z, qui soutient que la valeur des actifs immobiliers pour lesquels des prêts ont été consentis est fondamentale dans les relations de la société Frey avec les établissements bancaires, et qui affirme qu’elle a un intérêt particulier à la surévaluation des biens, pour éviter tout risque de déchéance du terme de certains financements, ne peut pas être retenu dès lors que le risque allégué n’est pas caractérisé, aucune pièce n’étant produite à l’appui ;

que pour sa part, la société Frey réplique qu’elle ne court aucun risque de “défaillance” dans le cadre de ses engagements bancaires, document de référence 2008 relatif à l’exercice de 6 mois, clos au 31 décembre 2008, et rapport de gestion de l’exercice 2009, à l’appui, qui soulignent que la rentabilité locative des biens lui permet d’assurer le service de la dette, qu’elle dispose d’une importante trésorerie, ne rencontre pas de difficulté et respecte ses engagements ;

Attendu enfin que la société Y Z ne peut utilement conclure à l’absence de préjudice au motif que les actionnaires de la société Frey, dont le capital est détenu à 85 % par des membres de la famille Frey, en ont retiré un bénéfice direct, parce qu’ils sont exonérés de toute imposition, en contrepartie du paiement de la taxe acquittée (Exit tax) ;

Qu’en effet, la société Frey est revêtue de la personnalité juridique, qui ne se confond pas avec celle de ses membres, et que le surcoût d’impôt du fait du décalage de six mois, n’a aucune contrepartie immédiate pour la société ni pour ses membres ;

Attendu qu’il se déduit de l’ensemble de ces éléments que la société Frey a bien subi un préjudice financier en relation directe et certaine avec les manquements retenus ;

qu’elle réclame à ce titre la somme de 1 014 349 euros ;

qu’il n’est pas contesté que le paiement de l’impôt, de 1 456 711 euros, est payable par quart sur quatre ans, les 15 décembre 2009, les 15 décembre 2010, 15 décembre 2011 et 15 décembre 2012 ;

que la société Y Z fait donc à juste titre valoir que la société Frey n’a effectué à ce jour, qu’un seul versement ; que toutefois, le second paiement est imminent ; que le fait que les deux autres échéances ne soient exigibles qu’ultérieurement n’en rend pas moins le préjudice certain ;

Attendu que, tenant compte des dates d’exigibilité de ces échéances, du règlement non discuté de la première depuis un an, et du paiement de la troisième échéance dans un an, d’où il résulte qu’une condamnation à hauteur de ces sommes entraînera une opération “blanche”, du paiement imminent de la deuxième échéance, il convient de ramener le montant du préjudice à 1 000 000 euros, en prenant en considération le fait que la quatrième échéance, n’est exigible qu’au 15 décembre 2012.

Sur le préjudice d’image :

Attendu que la société Frey fait encore état d’un préjudice d’image, lequel est incontestable, l’annonce faite au public de l’obtention du régime SIIC ayant dû être rectifiée, et marquant un manque de sérieux certain, à l’égard des investisseurs, et du marché boursier.

Qu’il sera réparé par l’octroi de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le préjudice “de débours”

Attendu que la société Frey, soutenant que le travail fourni par la société Y Z dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée, n’a pas été satisfaisant, et qu’elle n’a pas répondu à ses attentes, demande à titre de dommages et intérêts, en réparation, une somme équivalente au montant des honoraires versés à ce titre ;

Attendu qu’il convient de considérer que le résultat escompté n’ayant pas été atteint à la date prévue du 1er juillet 2008, les honoraires ont été pour partie, inutilement exposés ;

Que la société Frey est fondée à réclamer en réparation, la somme de 10 000 euros.

Attendu qu’en définitive, la société Y Z sera condamnée à payer à la société Frey la somme de 1 030 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, conformément à l’article 1153-1 du code civil ;

Attendu que la société Y Z, qui succombe, supportera les dépens et sera condamnée à régler à la société Frey une indemnité que l’équité commande de fixer à 8 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’exécution provisoire est nécessaire et sera ordonnée à hauteur de moitié des condamnations.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique par jugement contradictoire et en premier ressort

Condamne la société Y Z à payer à la société Frey la somme de 1 030 000 euros (un million trente mille euros), à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Condamne la société Y Z aux dépens et à payer à la société Frey une indemnité de 8 000 euros (huit mille euros) en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement à hauteur de moitié des condamnations.

Fait et jugé à Paris le 24 novembre 2010.

Le Greffier La Présidente

C. GAUTIER M. X

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