Tribunal de grande instance de Paris, 8e chambre 1re section, 6 juillet 2010, n° 09/11455

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 8e ch. 1re sect., 6 juill. 2010, n° 09/11455
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 09/11455

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

8e chambre 1re section

N° RG :

09/11455

N° MINUTE :

Assignation du :

17 Juillet 2009

(footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 06 Juillet 2010

DEMANDERESSE

Madame Y X

domiciliée : chez Maître Anne MEZARD

[…]

[…]

représentée par Maître Anne MEZARD, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire C0885 et Maître Daniel PFLIGERSDORFFER, avocat plaidant, avocat au barreau d’AVIGNON

DÉFENDEUR

Syndicat de copropriétaires de l’immeuble […], représenté par son syndic la SA […], sise

[…]

[…]

représenté par Maître Evelyne ELBAZ, de la SELARL Cabinet ELBAZ avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire L0107

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Alain PALAU, Vice Président ayant fait rapport à l’audience

Marie MONGIN, Vice-Présidente

[…], Juge

assistés de Clémentine PIAT, Greffier

DEBATS

A l’audience du 25 Mai 2010

tenue en audience publique au cours de laquelle les avocats ont été avisés de la date du délibéré par mise à disposition au greffe

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

en premier ressort

* * *

Madame X est propriétaire de divers lots dans un immeuble situé […] à Paris 13e. Ces lots lui confèrent une jouissance privative sur des loggias, parties communes.

Madame X a réalisé, sans autorisation du Syndicat des copropriétaires, des aménagements sur les loggias.

Une assemblée générale du Syndicat des copropriétaires tenue le 30 avril 2009 a, dans une résolution XL, rejeté la demande d’autorisation présentée par Madame X tendant ‘'à la régularisation de travaux de pose de claustras sur loggias''. La résolution prévoit que, compte tenu du rejet de la demande, ‘'la dépose sera donc demandée au propriétaire, ce dernier ayant déjà réalisé les travaux''.

Par acte du 17 juillet 2009, Madame X a fait assigner le Syndicat des copropriétaires du […] afin que soit annulée la résolution précitée.

Dans ses dernières conclusions en date du 22 février 2010, Madame X demande l’annulation de la résolution XL et la condamnation du Syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 3.000 Euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La requérante expose que la plupart des balcons et loggias de l’immeuble- qui date du milieu des années 1970- ont été aménagés par les copropriétaires sans autorisation et selon leurs goûts ainsi que le démontre la diversité des réalisations. Elle déclare qu’elle a décidé de végétaliser ses loggias en y installant des claustras et que, s’agissant d’une installation légère, elle a estimé qu’il n’y avait pas lieu à autorisation. Elle indique que le syndic lui a fait savoir qu’une telle autorisation était nécessaire ce qui a entraîné sa demande rejetée par la résolution querellée.

Madame X fait valoir qu’il résulte des articles 8, 9 et 25 de la loi du 10 juillet 1965 que la liberté est le principe et que la restriction ne doit résulter que des stipulations du règlement de copropriété et du respect de la destination de l’immeuble. Elle en conclut que les copropriétaires peuvent procéder sans autorisation à l’aménagement intérieur de leur lot et ne doivent solliciter une autorisation que si ceux-ci affectent les parties communes ou l’harmonie de l’immeuble. Elle relève que le Syndicat s’accorde sur ces principes et textes mais estime qu’il commet des erreurs de fait.

La demanderesse déclare que les claustras sont aménagés en fond des loggias et au niveau du ‘'nu ‘'de la façade et non en façades. Elle conteste qu’ils fassent disparaître le revêtement d’origine de la façade dans la mesure où, à l’endroit de leur installation, il n’existe pas de façade mais seulement le ‘'nu'' de celle-ci. Elle ajoute qu’ils ne se remarquent pas et, donc, qu’ils n’affectent pas l’harmonie de l’immeuble. Elle déclare qu’ils ne sont ni jaunes ni pleins, comme l’affirme le Syndicat, mais en bois naturel d’acacia qui se patinera avec le temps et qu’ils seront végétalisés.

Madame X en conclut que l’autorisation du Syndicat n’était pas requise. Elle conteste le raisonnement du Syndicat qui se réfère à des éléments d’équipement de façade, non en cause. Elle affirme que l’affectation des parties communes au sens de l’article 25 b s’entend d’une affectation matérielle, notamment de percements de murs de l’immeuble et soutient que les travaux relevant de cet article sont des travaux effectués dans les parties privatives ou communes à jouissance privative qui comportent des incidences sur les parties communes soit des travaux comportant branchement sur canalisations communes ou agrandissements de fenêtres. Elle soutient que, restent en dehors du champ de l’article susvisé, les travaux qui n’entraînent qu’une emprise minime sans dommage réel pour les parties communes et pour les autres copropriétaires tel un dispositif léger installé au sol d’un parking dont le copropriétaire avait la jouissance et destiné à en empêcher l’accès. Elle fait valoir que les claustras sont fixés par une attache légère sans incidence sur les murs. Elle relève que le SDC ne conteste pas ce caractère léger de l’aménagement.

La demanderesse estime que le débat est donc circonscrit à l’affectation, visuelle, de l’aspect extérieur de l’immeuble. Elle prétend que ses photographies démontrent que l’harmonie générale de l’immeuble n’est pas affectée et se réfère à la nature, aux caractéristiques et à la localisation des claustras.

Au regard du règlement de copropriété qui proscrit tout aménagement ou décoration extérieure rompant l’harmonie de l’immeuble, elle affirme qu’il appartient au Syndicat de démontrer que ses aménagements rompent l’harmonie de l’immeuble et, donc, qu’ils sont soumis à autorisation. Elle fait valoir que cette clause d’harmonie doit être précise et appliquée strico sensu, la liberté du copropriétaire sur ses lots étant le principe. Elle affirme que, compte tenu des termes très généraux employés- qui permettent au Syndicat de contester tout aménagement y compris la pose d’un pot de géranium- l’appréciation de l’atteinte est soumise au contrôle des juges. Elle estime qu’il appartient au Tribunal d’apprécier cette atteinte au regard de l’égalité des copropriétaires et de l’harmonie de l’immeuble.

La demanderesse invoque donc la rupture de l’égalité des copropriétaires, certains ayant procédé à des aménagements d’une teinte différente du béton gris de l’immeuble, à la pose de canisses occultant les balcons à barreaux ou d’un climatiseur ou au remplacement du plexiglass orange par un plexiglass jaune. Elle conteste toute atteinte à l’harmonie de l’immeuble, souligne que son appartement ne se situe pas sur la façade rue mais sur la façade jardin et verse aux débats des photographies établissant la transformation de loggias ou balcons et débarras. Elle ajoute que le ‘'style bois'' de son aménagement est très présent dans le quartier.

Dans ses dernières écritures en date du 6 janvier 2010, le Syndicat des copropriétaires conclut au rejet des demandes, demande qu’il lui soit donné acte qu’il se réserve la possibilité de solliciter à titre reconventionnel la dépose des claustras et réclame le paiement d’une indemnité de 5.000 Euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, le jugement étant assorti de l’exécution provisoire.

Le Syndicat expose que l’ensemble immobilier est récent et se caractérise par une architecture propre dont l’harmonie est affectée par les changements apportés par Madame X. Il conteste que ceux-ci soient anodins et légers. Il souligne que la demande d’autorisation a été rejetée à une large majorité.

Le SDC invoque l’article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 qui est applicable à la pose de glaces de sécurité, au remplacement de volets en bois par des volets métalliques d’une autre couleur ou à l’installation d’une paroi vitrée démontable sur une terrasse. Il affirme que les travaux réalisés par la requérante ont consisté en l’installation de claustras en bois non ajourés de teinte jaune sur l’ensemble des façades séparatives des fenêtres de son appartement sur toute la hauteur du mur. Il déclare qu’elle a, ainsi, fait disparaître le revêtement d’origine de la façade de l’immeuble soit un crépi gris sur toute la longueur de son appartement. Il estime que ces modifications rompent l’harmonie de l’immeuble composé de façades en crépis fins de teinte grise. Il souligne que l’article 25 vise indistinctement les travaux affectant les parties communes et ceux affectant l’aspect extérieur de l’immeuble et fait valoir que ‘'précisément, c’est l’atteinte à l’aspect extérieur'' qui est reproché à la demanderesse. Il estime donc peu important que les attaches des claustras soient légères. Il en conclut que l’autorisation des copropriétaires était nécessaire.

Le défendeur excipe également de la clause d’harmonie figurant au règlement de copropriété.

Le Syndicat affirme que le refus des copropriétaires est légitime en raison de la modification de l’aspect extérieur de l’immeuble et de l’atteinte à son harmonie.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 mars 2010.

* * *

Attendu que les loggias constituent des parties communes ; que Madame X ne bénéficie que d’un droit de jouissance sur elles ;

Attendu qu’en application de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, le copropriétaire est tenu de demander l’autorisation du Syndicat lorsqu’il entend effectuer des travaux affectant les parties communes ou portant atteinte à l’aspect extérieur de l’immeuble ; que le règlement de copropriété prohibe tout ‘'aménagement'' ou ‘'décoration extérieure ‘' qui ‘'rompraient l’harmonie de l’immeuble'' ;

Attendu que l’autorisation du Syndicat des copropriétaires est donc requise si les travaux réalisés par Madame X sur les loggias affectent les parties communes ou portent atteinte à l’aspect extérieur de l’immeuble ; que les travaux sont interdits s’ils rompent son harmonie ;

Attendu que le Syndicat invoque ‘'l’atteinte à l’aspect extérieur‘' de l’immeuble et la rupture de l’harmonie ;

Attendu que Madame X a installé des claustras en bois sur les façades séparatives des fenêtres de son appartement sur toute la longueur de la surface de celui-ci ; que les façades en crépis fins de teinte grise sont donc touchées ;

Mais attendu que l’aspect extérieur de l’immeuble s’entend non de son aspect d’origine mais de son aspect lors de la réalisation des aménagements contestés ;

Attendu que la façade présentait après la construction, au cours des années 1970 de l’immeuble une unité permettant de mettre en valeur le crépi fin de teinte grise la recouvrant ;

Mais attendu qu’il ressort des diverses photographies prises par Madame X que des copropriétaires ont aménagé leurs loggias sans respecter les teintes initiales, ont posé des canisses occultant les balcons à barreaux sans plexiglass-rompant ainsi l’alternance initiale-, ou ont modifié la couleur des plexiglass initiaux ; que certains ont même posé un climatiseur sur le balcon ou affecté leur loggia ou balcon à usage de débarras ;

Attendu que les claustras litigieux sont installés sur les murs du fond de la loggia ; qu’ils sont en bois naturel d’acacia ; qu’ils sont destinés à être recouverts de végétation ;

Attendu que ces aménagements ne portent pas atteinte, compte tenu des importantes modifications déjà apportées à la façade, à l’aspect extérieur de l’immeuble ; que, pour les mêmes motifs, ils ne rompent pas son harmonie ;

Attendu que, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le moyen tiré de la rupture d’égalité entre les copropriétaires, la demande de Madame X sera accueillie ;

Attendu que, dès lors, l’autorisation du Syndicat des copropriétaires n’était pas requise ; que la résolution rejetant la demande d’autorisation sera donc, conformément à la demande, annulée ;

Attendu que le SDC sera condamné à payer à Madame X une somme de 2.000 Euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

Par jugement contradictoire, en premier ressort, publiquement par mise à disposition au greffe,

Annule la résolution numéro XL adoptée le 30 avril 2009 par le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé […].

Condamne ledit Syndicat à payer à Madame X la somme de 2.000 Euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamne le Syndicat des copropriétaires aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 06 Juillet 2010

Le Greffier Le Président

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