Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 1re section, 28 septembre 2010, n° 07/16296

  • Brevetabilité de l'invention ou validité du brevet·
  • Méthode de traitement thérapeutique·
  • Seconde application thérapeutique·
  • Application thérapeutique·
  • Problème à résoudre·
  • Portée du brevet·
  • Brevet européen·
  • Brevetabilité·
  • Médicament·
  • Invention

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Une posologie spécifique pour le traitement d’une maladie est une simple indication de la fourchette dans laquelle cette substance est efficace en vue de soigner telle maladie en particulier. S’il est possible de breveter un médicament en vue de traiter une première maladie puis une seconde tel n’est pas le cas de la posologie, cela reviendrait alors à breveter une méthode thérapeutique, ce qui est exclu.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 28 sept. 2010, n° 07/16296
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 07/16296
Publication : PIBD 2010, 930, IIIB-815
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Paris, 30 janvier 2015, 2010/19659
  • Cour de cassation, 6 décembre 2017, A/2015/19725
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EO0724444
Titre du brevet : Traitement de l'alopecie androgène par des inhibiteurs de la 5-Alpha reductase
Classification internationale des brevets : A61K ; A61P ; A61Q ; C07J
Référence INPI : B20100177
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 28 Septembre 2010

3e chambre 1re section N° RG : 07/16296

DEMANDERESSES Société ACTAVIS GROUP Dalshraun 1 220 Hafnarfjordur ISLANDE

Société ALFRED E. TIEFENBACHER GMBH Van-der-Smissen-Strasse 1 D-22767 HAMBOURG ALLEMAGNE représentée par Me Yves BIZOLLON – BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R255

DEFENDERESSE Société MERCK SHARP & DOHME CORP. anciennement dénommée MERCK & CO INC 126 East Lincoln Avenue, Rahway, New Jersey 07065 ETATS-UNIS représentée par Me Pierre LENOIR – ALLEN & OVERY LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J022

COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C. Vice Présidente Marie S, Vice Présidente Cécile VITON, Juge assistées de Léoncia BELLON, Greffier

DÉBATS A l’audience du 05 Juillet 2010 tenue publiquement devant Marie-Christine C et Cécile VITON, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La société ACTAVIS est une société de droit islandais spécialisée dans la fabrication et la distribution de produits pharmaceutiques. La société MERCK & CO est une société de droit américain, leader sur le marché mondial, des produits pharmaceutiques. Elle est propriétaire d’un brevet européen EP 0 724 444.

Le brevet a été déposé le 11 octobre 1994, sous priorité de deux demandes américaines des 15 octobre 1993 et 17 mars 1994. La mention de sa délivrance a été publiée au Bulletin Européen des Brevets le 6 août 1997. Il est maintenu en vigueur par le paiement régulier des annuités auprès de l’I.N.P.I. Il a été déposé et délivré en langue anglaise ; une traduction en français a été remise à l’I.N.P.I., cette traduction ayant été publiée au BOPI n°42 du 17 octobre 1997. Le brevet traite du « traitement de l’alopécie androgène par des inhibiteurs de la 5- – RÉDUCTASE ». Par acte du 22 novembre 2007, la société ACTAVIS GROUP et la société ALFRED. E. TEFENBACHER dite A.E.T. ont fait assigner la société MERCK & CO aux fins de, au visa des articles L. 614-12 du Code de la propriété Intellectuelle, et les articles 53 (c), 54, 56 et 138 de la Convention sur le Brevet Européen, de prononcer la nullité des revendications 1, 2 et 3 de la partie française du Brevet EP 0 724 444 pour défaut d’application industrielle, pour défaut de nouveauté et pour défaut d’activité inventive. Dans leurs conclusions récapitulatives du 28 juin 2010, la société ACTAVIS GROUP et la société A.E.T. ont demandé au tribunal de :

- prononcer la nullité des revendications 1,2 et 3 de la partie française du Brevet EP 0 724 444 pour défaut d’application industrielle, pour défaut de nouveauté et pour défaut d’activité inventive,
- ordonner la transcription du jugement à intervenir auprès du R.N.B. tenu à l’I.N.P.I., à la diligence de Monsieur le Greffier en Chef du Tribunal,
- condamner la société MERCK & CO à leur payer aux sociétés ACTAVIS et A.E.T. la somme de 100.000 € chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner la société MERCK & CO à supporter les entiers dépens de l’instance, distraits au profit de Maître Bizollon sur son affirmation de droit. Elles ont fait valoir que le problème technique que vise à résoudre le brevet serait donc d’administrer pour le traitement de l’alopécie androgénique, un médicament dont le principe actif, connu dans sa composition et connu pour cette application, est le Finastéride, selon « une posologie la plus faible possible », que la revendication 1 du brevet porte uniquement sur une dose d’administration, cette dose étant purement arbitraire, que le libellé de la revendication 1 inclut des caractéristiques particulières, relatives non pas à la définition du principe actif ou encore la désignation de la pathologie à traiter, mais relatives au mode d’administration et à la posologie à observer : la caractéristique (c) de la revendication 1 précise la quantité de principe actif à prendre.

Elles ajoutent que le choix de la plage de valeurs de 0,05 à 1 mg de Finastéride, quintessence de l’invention, n’est pas expliqué; qu’il est seulement indiqué en page 3, lignes 3 à 5 du brevet, que « les déposants ont découvert de manière surprenante et inattendue qu’une faible dose journalière de Finastéride est particulièrement utile dans le traitement de l’alopécie androgène », que le brevet ne comporte aucun résultat expérimental à cet égard.

Elles précisent que la revendication 1 du Brevet est rédigée selon la « forme suisse ». Elles prétendent que les méthodes de traitement thérapeutique sont exclues de la brevetabilité par l’article 53 (c) (anciennement article 52, (4)) de la CBE, qu’une posologie est une méthode de traitement et comme telle exclue de la brevetabilité, que l’objet de ses revendications est dépourvu de nouveauté et n’implique aucune activité inventive au regard de l’art antérieur invoqué. Dans ses dernières écritures du 16 juin 2010, la société MERCK & CO Ltd a sollicité du tribunal de : Dire et juger valable le brevet.

En conséquence, . Débouter les sociétés ACTAVIS et A.E.T. de toutes leurs demandes. . Condamner les demanderesses à payer à la société MERCK &CO Ltd la somme de 317.785,32 euros et la contre valeur en euros au jour du paiement de la somme de 59.439,21 dollars par application de l’article 700 du Code de procédure civile. . Condamner les demanderesses aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Pierre LENOIR, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

La société MERCK a fait valoir que des procédures parallèles dans d’autres pays européens ont eu lieu, que la High Court of Justice dans sa décision du 21 mai 2008 a dit que le brevet ne constituait pas une méthode de traitement non brevetable, qu’il était nouveau et par conséquent valable, que le Tribunal Fédéral allemand des Brevets a jugé que la partie allemande du brevet EP 0 724 444 était dépourvue de nouveauté en s’appuyant sur la décision rendue par la cour suprême fédérale allemande dans l’affaire Carvedilol II.

Elle précise que la grande chambre de recours de l’OEB a, dans sa décision G2/08 du 19 février 2010, répondu que lorsqu’il est déjà connu d’utiliser un médicament pour traiter une maladie, l’article 54(5) CBE n’exclut pas que ce médicament soit breveté pour une utilisation dans un traitement thérapeutique différent de la même maladie, qu’il n’est pas non plus exclu qu’un brevet puisse être délivré si une posologie est l’unique caractéristique revendiquée qui n’est pas comprise dans l’état de la technique et enfin que lorsque l’objet d’une revendication est rendu nouveau uniquement par la nouvelle utilisation thérapeutique d’un médicament, une telle revendication ne peut plus avoir le format d’une revendication dite de type suisse telle qu’instituée par la décision G 5/83; qu’en conséquence l’objet même du brevet EP 0 724 444 n’est pas exclu de la brevetabilité par l’article 53(c) de la CBE. Elle a encore soutenu que l’invention telle que protégée dans le brevet EP 0 724 444 se distingue de l’art antérieur par une posologie nouvelle et satisfait ainsi au critère de nouveauté. Elle a analysé les différents documents opposés au titre de l’art antérieur, puis définit le problème technique posé, l’homme du métier pour évaluer l’activité inventive de l’enseignement du brevet.

La clôture a été prononcée le 30 juin 2010.

MOTIFS Le brevet EP 0 724 444 se rapporte à un médicament visant au traitement de l’alopécie androgénique. L’alopécie désigne la chute ou la perte définitive des cheveux et/ou des poils du corps humain. On dénombre différents types d’alopécie (comme l’alopécie aiguë liée par exemple à un traitement par chimiothérapie, un stress, des carences alimentaires…, ou encore une alopécie localisée provoquée par des problèmes de peau tels que tumeur, brûlure, radiothérapie, etc…). Parmi ces différentes catégories, la plus commune et la plus courante est l’alopécie androgénique : il s’agit de la diminution du volume ou de la perte complète des cheveux, notamment chez l’homme, ce phénomène très répandu s’expliquant par plusieurs raisons mais étant, de façon communément admise, liée à l’effet d’hormones androgènes et notamment à l’accumulation excessive de testostérone, d’où le nom d’alopécie androgénique. La revendication principale n° 1 du Brevet est rédi gée comme suit : « Utilisation de la 17 B (N-tert-butylcarbamoy-l)-4-aza-5- -androst-l-ène-3-one) pour la préparation d’un médicament pour l’administration orale, utile pour le traitement de l’alopécie androgénique sur une personne et dans laquelle la quantité d’administration est d’environ 0,05 à 1,0 mg ». Elle présente trois caractéristiques essentielles : 1-utilisation de Finastéride pour la préparation d’un médicament à absorption orale, 2-utile pour le traitement de l’alopécie androgénique, 3-la dose (quotidienne) du principe actif Finastéride pouvant varier de 0,05 à 1 mg.

Le brevet indique le problème à résoudre est « d’administrer la posologie la plus faible possible d’un composé pharmaceutique à un patient et de conserver encore l’efficacité thérapeutique ». Il ne mentionne les effets secondaires éventuels qu’à la fin du premier paragraphe du préambule et de façon tout à fait générale comme suit : « Cependant ces produits bien que dénués d’effets hormonaux entrent en compétition avec tous les androgènes naturels pour les sites récepteurs et ils ont donc tendance à féminiser un hôte mâle ou le foetus mâle d’un hôte femelle et/ou à amorcer des effets de rétroaction qui provoqueraient une hyper stimulation des testicules. » Il n’est à aucun moment indiqué dans le brevet que l’invention a pour but de résoudre ces effets secondaires qui ne sont d’ailleurs pas quantifiés ni évalués.

Sur la brevetabilité de l’invention protégée par le brevet EP 0 724 444. Il convient de définir quelle est la portée du brevet au regard de l’état de la technique et donc quel est son objet. Dans son préambule, le brevet rappelle que l’alopécie androgénique est le résultat d’une stimulation hyper androgène due à une hormone 5--DI- HYDROTESTOSTERONE (DHT), que cette hormone 5--DI- HYDROTESTOSTERONE est connue pour se former dans le corps humain par l’action d’une enzyme TESTOSTÉRONE-5--REDUCTASE (communément identifiée

sous le nom 5--RÉDUCTASE) agissant sur l’hormone TESTOSTÉRONE ; que l’enzyme 5- -REDUCTASE se trouve en amont du processus d’alopécie androgénique, cet enzyme ayant pour effet de produire l’hormone 5--DI- HYDROTESTOSTERONE – DHT – qui est elle-même le principal médiateur de l’activité androgène. Il était encore connu que la lutte ou la prévention de l’alopécie androgène peut passer par l’utilisation d’un inhibiteur de la 5--RÉDUCTASE, que le principe actif dénommé Finastéride (également appelé 17 B (N-tert-burylcarbamoy-l)-4-aza-5-- androst-l-ène-3-one) était déjà connu pour être un inhibiteur de la 5--REDUCTASE et que ce principe actif était connu pour être efficace pour le traitement des états hyper androgènes. La société MERCK a d’ailleurs déposé, le 20 février 1985 un premier brevet EP 0 155 096 ayant pour objet de protéger un groupe de composés inhibiteurs de la testostérone 5--Réductase, parmi eux, le finastéride. Ce premier brevet couvre notamment, dans sa revendication n°5, les composés inhibiteurs dont le finastéride « pour l’utilisation dans le traitement de l’un ou plusieurs états hyper-androgéniques tels que l’acné vulgaris, la séborrhée, l’hirsutisme féminin, l’hypertrophie bénigne de la prostate par administration orale, parentérale ou topique.». Ainsi l’utilisation du finastéride comme composé pour traiter des états hyper- androgéniques par voie orale ou topique était divulguée depuis au moins février 1985.

A la suite de ce brevet, la société MERCK &CO Ltd a commercialisé le finastéride sous la marque CHIBRO PREOSCAR comme médicament administré par voie orale (systémique) destiné à traiter l’hyperplasie bénigne de la prostate à un dosage de 5mg. La société MERCK a ensuite déposé un second brevet EP 0 285 382 le 30 mars 1988, sous priorité d’un brevet US du 3 avril 1987, qui a pour objet la préconisation de l’inhibiteur Finastéride pour le traitement de l’alopécie androgène. L’enseignement de ce brevet divulguait une application topique, par application externe, de la substance pour traiter l’alopécie androgénique. En conséquence, était connue l’utilisation du finastéride comme médicament pour le traitement de l’alopécie androgène. Ces brevets mentionnent donc différents modes d’administration possible du Finastéride (topiques et systémiques) et envisage quelques posologies particulières, ces posologies s’échelonnant sur une plage de 5 à 2000 mg. Ainsi, l’utilisation du finastéride comme inhibiteur de l’Enzyme 5-a-REDUCTASE dans le but de traiter l’alopécie androgène était enseignée depuis longtemps comme l’établissent les brevets déposés et exploités par la société défenderesse elle-même. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la revendication 1 du brevet a été rédigée sous la forme suisse qui permettait seule avant la décision G2/08 de la Grande Cour de recours de l’OEB de breveter une substance déjà connue pour une deuxième utilisation thérapeutique.

La société MERCK &CO Ltd précise que postérieurement au brevet EP 382, ont été découverts deux types d’Enzymes 5-a – REDUCTASE appelées iso enzymes. L’une de ces enzymes dite iso-enzyme de type 1 se trouve dans les tissus de la peau et notamment dans le cuir chevelu tandis que l’iso-enzyme de type 2 se trouverait principalement dans le tissu prostatique. Or si le brevet EP 0 724 444 fait bien référence à ces deux formes d’iso-enzymes dans le préambule et précise que le médicament commercialisé pour le traitement de l’hypertrophie prostatique sous la marque PROSCAR est un inhibiteur de l’Enzyme 5-a-REDUCTASE 2, (ligne 20 à 25 de la page 2 du brevet), il ne fait ensuite plus aucune référence à la forme particulière du finastéride utilisé dans l’invention se contentant de désigner le finastéride sous sa forme générale. Le brevet ne revendique à aucun moment, contrairement aux écritures de la défenderesse, une utilisation du finastéride sur l’Enzyme 5-a -REDUCTASE de type 1 pour le traitement de l’alopécie androgénique résultant d’une découverte particulière aux termes de laquelle le finastéride aurait un effet surprenant et inattendu sur l’Enzyme 5-a -REDUCTASE de type 1. Il est seulement indiqué page 3 du brevet et d’une manière générale que « les déposants ont découvert de manière surprenante et inattendue qu’une faible dose journalière de Finastéride est particulièrement utile dans le traitement de l’alopécie androgène ».

Ainsi, l’utilisation du finastéride comme traitement de l’alopécie androgène était déjà connu et c’est donc bien la seule posologie d’environ 0,05 à 1,0 mg qui est revendiquée comme nouvelle et protégeable. Reste donc à déterminer si la société MERCK &CO Ltd pouvait breveter l’invention pour une posologie particulière à savoir une dose quotidienne du principe actif Finastéride pouvant varier de 0,05 à 1 mg. La société défenderesse se fonde essentiellement sur la jurisprudence de l’OEB et plus précisément sur la décision G2/08. Comme le rappellent justement les sociétés demanderesses, les juridictions nationales françaises ne sont pas tenues par les décisions de l’OEB qui n’est pas une juridiction (et ce, contrairement aux décisions des juridictions communautaires qui s’imposent aux juridictions nationales) de sorte que ces décisions même rendues par la Grande Chambre de Recours ne sont que des indications de ce que l’OEB fait comme analyse pour délivrer les brevets européens. Il en est de même des décisions des juridictions des États membres de l’Union Européenne qui alimentent le débat juridique en explicitant le raisonnement tenu par chaque juridiction nationale sur le point de droit qui leur est soumis, mais n’ont aucune valeur coercitive sur la jurisprudence nationale. L’article 53(c) de la CEB dispose "Les brevets européens ne sont pas délivrés pour (…)

c)les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain (…), cette disposition ne s’appliquant pas aux produits, notamment aux substances ou compositions, pour la mise en œuvre d’une de ces méthodes. » II résulte de la dernière phrase de cette disposition qu’il est possible de breveter une substance ou composition (nouvelle et inventive) pour la mise en œuvre d’un traitement thérapeutique c’est-à-dire au sein d’un traitement médical.

L’article 54(4) de la CEB 2000 dispose quant à lui : « n’est pas exclue la brevetabilité d’une substance ou composition comprise dans l’état de la technique pour la mise en œuvre d’une méthode vidée à l’article 53 (c), [méthode thérapeutique] à condition que son utilisation pour l’une quelconque de ces méthodes ne soit pas comprise dans l’état de la technique. » L’article L611-16 du Code de la propriété intellectuelle exclut de la brevetabilité les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal comme susceptibles d’application industrielle. Est ainsi reprise dans la législation nationale la même interdiction que celle contenue dans la CEB 2000.

La Grande Chambre de Recours a tiré logiquement la conséquence juridique de ce nouvel article qui permet de breveter une même substance pour une deuxième indication thérapeutique, en indiquant que la forme suisse des revendications n’était plus utile. Pour le surplus, l’article 54(4) CEB qui permet de breveter un même médicament pour un second effet thérapeutique est totalement muet sur la possibilité de breveter une certaine posologie de sorte que la réponse de la Grande Cour selon laquelle « il n’est pas non plus exclu qu’un brevet puisse être délivré si une posologie est l’unique caractéristique revendiquée qui n’est pas comprise dans l’état de la technique », ne ressort pas de la Convention mais d’une interprétation de ce qu’est une posologie, c’est-à-dire une deuxième indication thérapeutique ce qu’elle n’est manifestement pas. En effet, une posologie spécifique pour le traitement d’une maladie ne constitue ni une première ni une seconde application thérapeutique mais bien une simple indication de la fourchette dans laquelle cette substance est efficace en vue de soigner telle ou telle maladie au vu des tests et recherches effectués et explicités dans le brevet. L’application thérapeutique se limite donc à l’utilisation même d’une substance en vue de soigner une maladie spécifique et non au choix de tel ou tel dosage au sein d’une plage de dosages efficaces. Il appartient ensuite au praticien de déterminer dans sa démarche thérapeutique et au vu des nombreux autres éléments à prendre en compte (âge, poids et sexe du patient, antécédents et autres maladies, autres traitements suivis) quelle posologie est adaptée au traitement de la maladie soignée par cette substance.

La posologie idéale comme seule indication appartient au monde virtuel et le médecin est le seul habilité à déterminer la posologie adaptée au patient en confrontant son savoir théorique en matière de maladies et de médicaments au cas d’espèce que représente son patient tel qu’il le connaît avec toutes les interactions que ce dernier subit. Encore, il importe peu que le médicament ainsi protégé soit commercialisé par la société titulaire du brevet ou ses licenciées avec une notice préconisant une certaine posologie puisque d’une part cette information n’est qu’une indication et que d’autre part seul le médecin dans une démarche thérapeutique est habilité à prescrire le dosage adapté à chaque patient. De surcroît, la notice qui est nécessaire à la commercialisation de tout médicament ayant reçu son AMM, rappelle en France que ces posologies ne sont qu’indicatives et qu’il est nécessaire de consulter un médecin. De la même façon sont indiqués tous les cas où le médicament ne doit pas être pris et toutes les mises en garde relatives aux contre-indications provoquées par d’autres maladies et d’autres traitements ou autres interdictions

En tout état de cause, la commercialisation du médicament n’est pas un critère pertinent à prendre en compte pour apprécier sa brevetabilité. En conséquence, il est possible de breveter un médicament en vue de traiter une première maladie puis une seconde mais pas une posologie adaptée au traitement de ces maladies puisque ce faisant, on tente de breveter une méthode thérapeutique ce qui est exclu pour appartenir au domaine du soin et pour dépendre de la seule liberté et responsabilité concomitante de chaque médecin. Comme l’a écrit le Tribunal Fédéral des Brevets Allemands, « la fixation d’un plan de soins thérapeutiques déterminé pour un patient jusque et y compris la prescription et le dosage de médicaments est une part essentielle de l’activité d’un médecin traitant. Une détermination de dosage comme partie intégrante du processus thérapeutique est donc ainsi soustraite à la protection par brevet. » La revendication 1 du brevet EP 0 724 444 qui n’a de nouveau par rapport à l’art antérieur que la posologie spécifiée est ainsi exclue de la brevetabilité et doit donc être annulée au visa de l’article 53 c de la CEB 2000. La revendication 2 qui est une utilisation dépendante de la revendication 1 dans laquelle la posologie est de 1,0mg et la revendication 3 dépendante des revendications 1 et 2 dans laquelle le traitement est celui de l’alopécie hippocratique seront annulées pour les mêmes raisons puisque seule la posologie enseignée est un élément nouveau au regard de l’art antérieur. A titre superfétatoire, il convient de préciser que les conditions mêmes de brevetabilité admises par l’OEB n’étaient pas réunies car l’approche problème solution ne trouve pas à s’appliquer. En effet n’était pas revendiqué un problème particulier dans l’application thérapeutique du finastéride à l’alopécie androgène au vu des connaissances scientifiques de l’homme de métier puisqu’il n’est pas décrit des effets secondaires

auxquels la nouvelle posologie auraient remédié, ni les raisons qui auraient empêché un chercheur de continuer à travailler sur le finastéride comme traitement efficace de la chute des cheveux en raison d’états hyperandrogèniques. Le fait « d’administrer la posologie la plus faible possible d’un composé pharmaceutique à un patient et de conserver encore l’efficacité thérapeutique » ne peut être considéré à lui seul comme un problème spécifique à résoudre et ce quand l’application du médicament est déjà connue et a déjà été protégée.

Sur les autres demandes L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire, elle est nécessaire et sera ordonnée. Les conditions sont réunies pour allouer aux sociétés ACTAVIS et A.E.T. la somme de 30.000 euros à chacune au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS Statuant par remise au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, Prononce la nullité des revendications 1, 2 et 3 de la partie française du Brevet EP 0 724 444 dont la société MERCK & CO Ltd est titulaire comme étant exclues du domaine de la brevetabilité conformément aux dispositions de l’article 53 c de la CEB 2000. Ordonne la transcription du présent jugement, une fois devenu définitif, auprès du R.N.B. tenu à l’I.N.P.I, à la requête de la partie la plus diligente. Condamne la société MERCK & CO à payer aux sociétés ACTAVIS et A.E.T. la somme de 30.000 € à chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, Condamne la société MERCK & CO à supporter les entiers dépens de l’instance, distraits au profit de Maître Bizollon, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

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