Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 10 janvier 2014, n° 11/12674

  • Consentement du titulaire du droit antérieur·
  • Manquement aux obligations contractuelles·
  • Obligation de ne pas déposer de titres·
  • Étendue des droits concédés ou cédés·
  • Similarité des produits ou services·
  • Atteinte à la dénomination sociale·
  • Détournement du droit des marques·
  • Atteinte à la marque de renommée·
  • Entrave à une action en justice·
  • Obligation de non-concurrence

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La garantie d’éviction du créateur, résultant du contrat de cession de marques comportant son patronyme, doit être limitée aux activités et pays désignés dans ledit contrat. Juger le contraire reviendrait à permettre à un cessionnaire d’avoir un monopole absolu sur l’utilisation commerciale du nom patronymique d’un créateur en l’autorisant à étendre à l’infini la protection des marques qui ont été cédées alors que s’agissant de ce droit de propriété industrielle, la cession doit répondre aux principes de spécialité et de territorialité. Ainsi, aux termes d’un contrat de prestations de services postérieur, pour l’exploitation de toute nouvelle marque portant le patronyme Lacroix, l’accord préalable du couturier et de la société dont il est le gérant était nécessaire. Le demandeur ne pouvait donc déposer une nouvelle marque comportant ce patronyme pour de nouveaux produits et de nouveaux territoires, impliquant une nouvelle exploitation, sans autorisation. La marque doit en conséquence être annulée. Le titulaire d’une marque composée du nom d’un créateur, ne peut, en raison de cette seule particularité être déchu de ses droits pour déceptivité du signe. Il doit y avoir "tromperie effective ou un risque suffisamment grave de tromperie" selon la jurisprudence communautaire. Or, la marque française CHRISTIAN LACROIX n’est pas exploitée dans des conditions trompeuses puisque dans la presse ou sur les sites internet aucun élément ne laisse supposer que les produits ont été créés par le couturier. Le consommateur, régulièrement informé de l’histoire des maisons de couture, sait que les produits recouverts de la marque précitée ne sont pas nécessairement créés par le couturier, soit en raison du nombre de produits, soit de l’existence de licences, soit de séparation entre le créateur et la maison de couture. Le fait que sur le site internet du demandeur soient reproduits des textes rédigés par le couturier s’explique précisément par le lien existant entre la maison de couture et la personnalité du créateur. En conséquence, la demande en déchéance pour dégénérescence doit être rejetée. La contrefaçon de la marque française n’est pas réalisée. Il n’existe pas de similarité par nature ou destination entre les tissus, produits textiles, couvertures, linges de maison et les meubles et lampes dans la mesure où ces produits ont une fonction, un prix, des circuits de distribution et un public différents. De plus, si les tissus participent à la fabrication de meubles ou de lampes, aucune complémentarité n’est caractérisée dès lors que ces derniers ne sont pas nécessairement composés de tissus. La renommée de la marque CHRISTIAN LACROIX n’est pas démontrée car seules les pièces à destination du public français doivent être retenues. Ne peuvent davantage être pris en compte les articles qui ne portent pas sur la marque CHRISTIAN LACROIX mais sur la personnalité du créateur ou de ses relations avec la maison de couture éponyme ou bien encore ceux qui ne sont pas à destination du grand public. La présentation par le défendeur de l’activité du créateur permet au consommateur d’identifier celui-ci en tant que personne physique compte tenu de l’existence de la mention "designed by Mr Christian L" et de l’explication dans le catalogue de l’histoire de la collection et de la collaboration avec le couturier. Il en résulte qu’aucune confusion ne peut être faite avec l’activité commerciale exercée par le demandeur puisque toutes les références ne portent que sur son créateur, personne physique. Aucune atteinte à un nom commercial, dénomination sociale et nom de domaine sanctionnable au titre de la concurrence déloyale n’est caractérisée.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 10 janv. 2014, n° 11/12674
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 11/12674
Publication : PIBD 2014, 1010, IIIM-636
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Paris, 10 octobre 2014, 2014/01577
  • Cour de cassation, 8 février 2017, B/2014/28232
  • Cour d'appel de Paris, 28 février 2020, 2019/02361
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : CHRISTIAN LACROIX
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1399703 ; 7237761 ; 10014471
Classification internationale des marques : CL03 ; CL04 ; CL09 ; CL11 ; CL14 ; CL18 ; CL20 ; CL24 ; CL25
Liste des produits ou services désignés : Tissus ; produits textiles ; couvertures ; linge de maison / meubles ; luminaires
Référence INPI : M20140295
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 10 Janvier 2014

3e chambre 3e section N°RG: 11/12674

DEMANDERESSE Société CHRISTIAN LACROIX, agissant poursuites et diligences de son associé gérant, la société MAGEND HOLDING LLC elle-même représentée par Monsieur Simon PALIC son Directeur et son fondé de pouvoir Monsieur Nicolas T. […] 75017 PARIS représentée par Maître Simon TAHAR de la SCP SCP SIMON TAHAR, avocats au barreau de PARIS vestiaire #P0'394,

DÉFENDEURS Société SICIS FRANCE, […] 75008 PARIS

Société SICIS Via CANALA 75/79 RAVENNA (RA) -48123 ITALIE représentées par Me Martine KARSENTY RICARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0156

Monsieur L, Intervenant volontaire représenté par Me Maxime VIGNAUD, avocat au barreau de PARIS., vestiaire #P0248. Me Philippe C, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0407

Société XCLX EURL, intervenante volontaire […] 75003 PARIS représentée par Me Maxime VIGNAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0248, Me Philippe C, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0407

COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie S. Vice-Président, signataire de la décision Mélanie BESSAUD, Juge Nelly CHRETIENNOT, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DÉBATS A l’audience du 29 Octobre 2013, tenue publiquement, devant Marie S, Mélanie BESSAUD juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile

JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE La société CHRISTIAN LACROIX a été créée le 8 juin 1987 et a pour activité selon son extrait Kbis la conception, création, le dessin, la diffusion de tous articles se rattachant à la mode vestimentaire pour hommes, femmes, enfants, haute couture, prêt à porter, accessoires et parfumerie. Elle est notamment titulaire :

- de la marque verbale française CHRISTIAN LACROIX déposée le 23 février 1987 sous le numéro 1399703 pour désigner les produits relevant des classes 03, 09, 14, 18, 24 et 25 à savoir "Savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices. Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, électriques, photographiques, cinématographiques, optiques, notamment lunettes y compris les lunettes de soleil, les lunettes anti-éblouissantes, les lunettes pour le sport, les verres de lunettes, les étuis à lunettes, monocles, jumelles, face à main, montures pour lunettes et montures pour face à main; verres de contact et étuis pour verres de contact; appareils et instruments de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques, distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement; caisses enregistreuses, machines à calculer et équipement pour le traitement de l’information; extincteurs. Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes, joaillerie, bijouterie et imitations; pierres précieuses, horlogerie et autres instruments chronométriques, notamment montres pour hommes et dames, bracelets de montres, pendulettes, réveils, pièces détachées notamment cadrans, écrins et étuis pour articles d’horlogerie. Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes; peaux d’animaux, malles et valises, sacs, sacs à main, sacs de voyage et autres bagages, ces articles étant des ou comprenant les mallettes extra plates servant à transporter des dossiers, mallettes pour produits de beauté, pochettes, trousses, trousses de toilette et de maquillage, portefeuilles, porte- monnaie, parapluies, parasols et cannes; fouets et sellerie. Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes; couvertures de lit et de table; linge de maison. Vêtements et tous articles d’habillement, chaussures, chapellerie",
- de la marque verbale communautaire CHRISTIAN LACROIX déposée le 17 septembre 2008 et publiée le 9 décembre 2008 sous le numéro 723 7761 pour les produits relevant de la classe 1 S, à savoir cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes; malles et mallettes, sacs, sacs à main, sacs de voyage et autres bagages, trousses pour produits cosmétiques, petits sacs, sacs, trousses de toilette et de maquillage, portefeuilles, porte-monnaie, parapluies, parasols et cannes; fouets et sellerie, de la classe 25, à savoir vêtements, chaussures, chapellerie et de celle 27 pour les tapis, carpettes, paillassons et nattes; linoléum ou autres revêtements de sols; tentures murales non en matières

textiles; papier pour plafonds; bordures pour la décoration murale; revêtements muraux en tissu, revêtements muraux en bois, papier peint,
- et de la marque communautaire verbale CHRISTIAN LACROIX numéro 10014471 déposée le 1er juin 2011, publiée le 26 juillet 2011 et enregistrée le 10 novembre 2011 en classe 4 pour les bougies, en classe 11 pour les lampes d’éclairage; Éclairage; Plafonniers, Appliques d’éclairage; Candélabres électriques; Pièces et parties constitutives pour les produits précités et en classe 20 pour les Meubles; Fauteuils, Sofas, Pupitres, Chaises de bureau, Tables, Consoles, Bibliothèques, Tables basses, Guéridons, Petites tables pour supporter une lampe, Têtes de lits pour lits, Huches, Oreillers et coussins; Décorations ou objets décoratifs en bois; Pièces et parties constitutives pour tous les produits précités. Entre 1987 et 2009, Monsieur L a collaboré en qualité de créateur et de directeur artistique avec la société CHRISTIAN LACROIX pour laquelle il a notamment créé 41 collections haute couture, dont la dernière pour l’hiver été 2007. Ayant démissionné de ses fonctions de salarié, il a constitué, en 1999, la société XCLX, dont il détient la gérance et 100% du capital et par l’intermédiaire de laquelle il a assuré la direction artistique de la société CHRISTIAN LACROIX suivant contrat en date du 9 décembre 1999 portant notamment sur la création des lignes haute couture et prêt à porter féminin ainsi que la supervision sur le plan stylistique des lignes accessoires et parfums. Par jugement en date du 2juin 2009, le tribunal de commerce de Paris a ouvert, sur déclaration de cessation des paiements, une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société CHRISTIAN LACROIX. Le 7 septembre 2009, Maître V, en sa qualité d’administrateur judiciaire, a notifié à la société XCLX, en application de l’article L. 622-13 du code de commerce, la résiliation du contrai de direction artistique. Le 1er décembre 2009, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de continuation prévoyant un recentrage des activités sur la licence de marques, la suppression des branches haute couture et prêt à porter féminin et le maintien de 12 salariés sur 112. La société de droit italien SICIS SRL réalise des mosaïques et exerce son activité dans le domaine du design. La société de droit français SICIS France commercialise les produits SICIS dans son point de vente en France situe […]. Le 31 décembre 2010, la société SICIS SRL. Monsieur L et la société XCLX ont conclu un partenariat portant sur la création par celui-ci d’une collection de meubles (tables, lampes, sièges, canapés, fauteuils). Cette collection intitulée THEODORA a été commercialisée à compter de juin 2011 et présentée sur le site internet <sicis.com> ainsi : -SICIS Next Art designed by Mr Christian Lacroix". Estimant que celte mention constituait une atteinte à ses marques, la société CHRISTIAN LACROIX a, par le biais de son conseil, le 22 février 2011 mis en demeure la société SICIS SRL de cesser la communication et la promotion des

produits avec le vocable litigieux. La société SICIS répondait le 1er mars 2011 par le biais de son conseil que le nom du couturier n’avait pas été utilisé à litre de marque et faisait observer que la société CHRISTIAN LACROIX n’était titulaire d’aucune marque CHRISTIAN LACROIX déposée spécifiquement en classe 20 pour les meubles. Autorisée par une ordonnance du tribunal de grande instance de Paris en date du 14 juin 2011, la société CHRISTIAN LACROIX a, le 16 juin 2011, fait procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société SICIS France. L’huissier a saisi 4 exemplaires du catalogue intitulé « SICIS NEXT ART » dans lequel la collection de meubles et chaque meuble sont présentés sous l’indication : « SICIS NEXT ART designed by Mr Christian Lacroix ». C’est dans ces circonstances que par actes introductifs d’instance signifiés en date des 15 et 29 juillet 2011, la société CHRISTIAN LACROIX a assigné les sociétés SICIS devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon et atteinte à ses marques notoires.

Monsieur L et la société XCLX sont intervenus volontairement à l’instance par conclusions signifiées le 23 décembre 2011. Dans ses dernières conclusions signifiées le 14 octobre 2013, la société CHRISTIAN LACROIX demande de :

-constater la notoriété de la marque « CHRISTIAN LACROIX » dont la société CHRISTIAN LACROIX est titulaire.

- consulter la notoriété de la dénomination sociale, du nom commercial, de l’enseigne et des noms de domaine « CHRISTIAN LACROIX »de la société CHRISTIAN LACROIX.

- constater suivant le procès-verbal de saisie contrefaçon du 16 juin 2011 que la société SKIS s’est rendue l’auteur d’actes de contrefaçon des marques françaises et communautaires « CHRISTIAN LACROIX » par fabrication et débit en violation des articles 1 713-2 et 1 713-3 du code de la propriété intellectuelle,
- constater suivant le même procès-verbal de saisie contrefaçon que la société SICIS France s’est rendue l’auteur d’actes de contrefaçon des marques françaises et communautaires « CHRISTIAN LACROIX » par débit en violation des articles 1.713-2 el 1.713-3 du code de la propriété intellectuelle,
- constater que l’utilisation, l’exploitation et la commercialisation du signe « Mr Christian Lacroix », sur le site internet accessible à l’adresse http://www.sicis.it. dans les points de vente en France et à l’étranger par les sociétés SICIS et SICIS FRANCE constituent la contrefaçon, au sens de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, des marques « CHRISTIAN LACROIX »,
- A titre subsidiaire, constater que l’utilisation, l’exploitation et la commercialisation du signe « Mr Christian Lacroix », sur le site internet accessible à l’adresse http://www.sicis.it, dans les points de vente en France et à l’étranger par les sociétés SICIS et SICIS FRANCE portent atteinte, au sens de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle, à la notoriété de la marque notoire « CHRISTIAN LACROIX »,

EN CONSEQUENCE,
- condamner la société SICIS au versement au profit de la société CHRISTIAN LACROIX de la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêt,

— condamner solidairement avec la société SICIS, la société SICIS FRANCE au versement au profit de la société CHRISTIAN LACROIX de la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts sauf à parfaire.

- ordonner aux sociétés SICIS et SICIS FRANCE de cesser toute utilisation de la dénomination « Mr Christian Lacroix » ou « Monsieur Christian Lacroix » ou « designed by Mr. Christian Lacroix » à quelque titre que ce soit, celle-ci portant atteinte aux marques, dénomination sociale, nom commercial, enseigne et noms de domaine de la société SNC CHRISTIAN LACROIX, et ce sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir.

- autoriser la société CHRISTIAN LACROIX à faire publier sur la première page du site internet accessible à l’adresse : http://www.sicis.it le jugement à intervenir dans son intégralité.

- dire que la durée de cette publication sera de six mois à compter de la signification de la présente décision.

- ordonner la publication du jugement à intervenir aux frais de les sociétés SICIS et SICIS FRANCE dans trois journaux, au choix de la société CHRISTIAN LACROIX, sans que le coût de ces publications ne puisse être supérieur à la somme de 15.000 hors taxes.

- ordonner aux sociétés SICIS et SICIS FRANCE de consigner la somme de 15.000 € hors taxes entre les mains de Monsieur l de l’Ordre des Avocats de Paris en qualité de séquestre, sous astreinte de 500 par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir.

- dire que Monsieur l attribuera cette somme à la société CHRISTIAN LACROIX sur présentation des bulletins de commande d’insertion des publications de l’ordonnance à intervenir.

- donner acte à la société CHRISTIAN LACROIX de ce qu’elle se réserve tous ses droits à demander réparation des préjudices qui lui sont causés par Monsieur L et la société XCLX.

- condamner solidairement les sociétés SICIS, SICIS FRANCE, Monsieur L et la société XCLX au paiement à la société SNC CHRISTIAN LACROIX de la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

- débouler les sociétés SICIS, SICIS FRANCE, XCLX ainsi que Monsieur L de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles.

- condamner les sociétés SICIS et SICIS FRANCE aux entiers dépens lesquels comprendront les trais de constats de la SCP JOURDAIN ET DUBOIS.

- ordonner l’exécution provisoire du jugement sur le tout. La société CHRISTIAN LACROIX fait valoir que Monsieur L ne peut solliciter la nullité des marques alors qu’il a donné dans le contrat de cession de marques son autorisation pour les dépôts el extension des marques. En réponse au grief de déceptivité allégué par les sociétés SICIS. elle soutient que le changement de directeur artistique à partir du départ de Monsieur L a été annoncé dans la presse el sur internet et que le fait que la marque porte le nom du créateur n’implique pas qu’il ait participé à la création des produits, leurs caractéristiques et qualités étant garanties par l’entreprise titulaire. La société CHRISTIAN LACROIX soulève à titre principal la contrefaçon par imitation de sa marque française en ce qu’elle désigne les tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes: couvertures de lit el de table: linge de maison et de ses marques communautaires au regard de la classe 20 désignant les meubles:

fauteuils, canapés, tables, chaises de bureau, tables, consoles, étagères. tables basses, labiés de chevet, labiés de lampe, têtes de lit pour les lits. coffres, des oreillers et des coussins, des ornements ou des objets décoratifs en bois: pièces et accessoires pour tous les produits précités. Elle estime que ses marques désignent des produits identiques et à tout le moins similaires aux meubles. Elle soutient qu’il est fait usage du signe litigieux à titre de marque pour identifier des produits provenant d’une entreprise déterminée et qu’il constitue un élément d’identification des produits et un facteur de rattachement à une origine commerciale particulière. Elle prétend que le caractère systématique de la combinaison, de son utilisation, sous la même forme typographique, et l’effet de répétition ont pour conséquence de modifier la perception que le public pourrait avoir de la formule « designed by Mr Christian Lacroix » si celle-ci était utilisée isolément et ponctuellement. A titre subsidiaire, elle invoque l’atteinte à la marque de renommée. Elle estime que la marque CHRISTIAN LACROIX connaît une notoriété mondiale dans le domaine du luxe et symbolise la mode et un style de vie applicable à tous les domaines. Elle soutient que la marque a été exploitée de manière continue et croissante depuis 2009 et propose aujourd’hui tout type de produits relevant de la catégorie « mode luxe » assurant sa présence et sa visibilité dans tous les marchés composant le luxe et qu’elle se distingue du nom de son créateur. Selon la société CHRISTIAN LACROIX, l’atteinte est constituée par le lien entre le signe litigieux et le profit indûment tiré du caractère distinctif et de la renommée de la marque. Elle relève que dans le contrat de cession de marques du 3. février 1987, Monsieur L s’est interdit de se servir du nom CHRISTIAN LACROIX pour quelque usage professionnel ou commercial que ce soit et que dans ce contexte, le créateur ne peut invoquer d’atteinte à sa liberté de créateur et à son droit moral. A ce titre, elle s’interroge sur le rôle artistique de Monsieur L dans la conception de la ligne de meubles dont il n’a pas dessiné les tissus et estime que la preuve de leur originalité ou protection par le droit d’auteur n’est pas rapportée. Selon elle, la formule litigieuse n’est pas utilisée en tant que signature d’une œuvre par son auteur mais ne fait que s’associer aux vocables "SICIS NEXT ART’ à des fins commerciales. Elle s’oppose aux demandes reconventionnelles fondées sur le dénigrement et la concurrence déloyale, faisant valoir qu’elle n’est pas intervenue auprès des partenaires de Monsieur L quand il ne faisait qu’œuvre de création sans exploitation maligne de la marque mais ne l’a fait que lorsqu’elle a considéré que sa marque était détournée ou contrefaite. Dans leurs conclusions signifiées le 15 octobre 2013, les sociétés SICIS demandent au tribunal de :

A titre principal
- dire et juger que faute pour les sociétés SICIS d’avoir fait un usage à titre de marque des dénominations « designed by Mr Christian Lacroix » et « designed for SICIS by Mr Christian Lacroix » l’action engagée par la société SNC CHRISTIAN LACROIX est mal fondée ;

En tout état de cause :

— constater que les faits incriminés antérieurs au 14 novembre 2011 ne peuvent être poursuivis par la demanderesse sur le fondement de la demande de marque communautaire n° 10014471 ;

- prononcer la déchéance pour déceptivité des marques française et communautaire « CHRISTIAN LACROIX » n° l 399703 et n°7237761 dont est titulaire la société demanderesse ;

En conséquence,
- débouter la société SNC CHRISTIAN LACROIX de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société SNC CHRISTIAN LACROIX à verser à chacune des sociétés défenderesse la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

A titre subsidiaire.

- réduire à l’euro symbolique l’indemnisation du préjudice subi par la société SNC CHRISTIAN LACROIX : En tout état de cause.

-condamner la société SNC CHRISTIAN LACROIX à payer à chacune des défenderesses la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société SNC CHRISTIAN LACROIX aux entiers dépens. Les sociétés SICIS soulèvent la déchéance pour déceptivitë de la marque française et de la marque communautaire n°723776l compte tenu de l’absence de collaboration du créateur avec la société demanderesse depuis 2009 alors que celle-ci a entretenu volontairement la croyance dans l’esprit du public que Monsieur L travaillait toujours avec elle, ainsi qu’il résulte de son site interne! qui présente des textes rédigés à la première personne par Monsieur L. Les sociétés SICIS soutiennent que la mention « designed by Mr. C » ne constitue pas un usage à titre de marque puisqu’elle vise à éclairer le consommateur sur l’origine artistique d’un produit et non à indiquer son origine commerciale. Elles font valoir que l’expression est une indication purement descriptive visant a identifier le couturier, personne physique, en sa qualité de créateur de la collection THEODORA et qu’il n’existe pas d’autre moyen de le nommer et de l’identifier que par son nom patronymique. Selon elles, l’emploi des termes « designed by » permet au consommateur de distinguer la personne physique des marques opposées, Elles relèvent en outre que le nom Christian Lacroix n’a pas été reproduit sur Ses produits mais sur la documentation commerciale et publicitaire et que la présence des marques SICIS ou SICIS NEXT ART permet d’éviter tout risque de confusion. Elles ajoutent que le couturier bénéficie d’un droit de paternité absolu et d’ordre public en sa qualité d’auteur et de créateur qui imposait de mentionner son nom patronymique sur la documentation commerciale. Elles soutiennent que la notoriété des marques opposées n’est pas démontrée en l’absence de preuve du nombre de ventes réalisées, du montant de l’investissement pour la promotion des marques, des parts de marché ou de la perception de ces marques par le public.

S’agissant de la marque communautaire déposée le 1er juin 201 I. elles relèvent que la demande n’a été publiée que le 26 juillet 2011 et ne leur a été notifiée que le 14 novembre 2011, si bien que les faits antérieurs à cette date ne peuvent être poursuivis. Les sociétés SICIS prétendent que l’action est abusive et a été engagée avec mauvaise foi, voir malveillance dans la mesure où même pendant sa collaboration avec la demanderesse. Monsieur L avait été autorisé à utiliser son nom et qu’elles ont pris toutes les précautions pour que la référence à son nom soit légale. Selon elles, l’action vise à les intimider alors que c’est la demanderesse elle-même qui cherche à tromper le public. Elles font valoir que leur préjudice résulte de l’obligation de se défendre contre des griefs imaginaires. Dans leurs conclusions signifiées le 30 juillet 2013, Monsieur L et la société XCLX demandent au tribunal de :

- recevoir Monsieur L et la société XCLX en leur intervention volontaire.

- prononcer la nullité des marques communautaires « CHRISTIAN LACROIX » enregistrées auprès de l’OHMI sous les numéros 7237761 et 10014471.

- dire et juger que les allégations de la société Christian Lacroix à l’encontre des sociétés SICIS constituent des actes de concurrence déloyale et de dénigrement au préjudice de Monsieur L et de’ la société XCLX.

- ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
- condamner la société Christian Lacroix à verser à Monsieur L à titre de dommages et intérêts une somme de 50.000 €.

- condamner la société Christian Lacroix à verser à XCLX à titre de dommages et intérêts une somme de 50.000 €,
- condamner la société Christian Lacroix à verser à Monsieur L au titre de l’article 700 du code de procédure civile une somme de 15.000 €
- condamner la société Christian Lacroix à verser à XCLX au titre de l’article 700 du code de procédure civile une somme de 15.000 €.
- condamner la société Christian Lacroix aux entiers dépens. La société XCLX et Monsieur L sollicitent la nullité des marques communautaires compte tenu de l’existence d’un droit antérieur constitué par le pseudonyme du couturier, en raison de la mauvaise foi de la société CHRISTIAN LACROIX lors du dépôt. Monsieur L n’ayant pas le souvenir d’avoir autorisé le dépôt de ses marques qui constituent son pseudonyme, et parce qu’elles sont de nature à induire le public en erreur sur la nature des produits qu’il croira à tort crées par Monsieur L qui n’intervient pas dans le processus créatif alors que société CHRISTIAN LACROIX maintient délibérément le public dans cette croyance en ayant choisi de cesser par anticipation sa collaboration avec Monsieur L et s’est gardée de communiquer sur cette rupture. Ils ajoutent que la garantie prévue dans le contrat de cession de marques est devenue privée de cause dès lors que la société CHRISTIAN LACROIX a mis un terme aux relations contractuelles. Selon eux l’article 2 de ce contrat par lequel le couturier s’interdît de faire usage de son nom est nul car il porte sur la renonciation à l’utilisation de son patronyme, si bien qu’il s’agit d’un engagement perpétuel. Ils estiment par ailleurs que cette stipulation s’analyse en une clause de non concurrence qui doit être limitée dans le temps et dans l’espace.

A titre subsidiaire, ils invoquent la caducité de rengagement de renoncer à l’utilisation du pseudonyme du l’ait des autres contrats conclus par la suite et notamment du contrat de prestations de services du 1" juin 2005. Ils contestent la notoriété des marques CHRISTIAN LACROIX qui selon eux évoque !e nom et la personnalité du créateur et rappellent que les critères de la notoriété portent sur l’ancienneté et l’importance du budget publicitaire. Ils estiment que les produits commercialisés sous ces marques sont devenus confidentiels compte tenu de l’absence d’investissements engagés par la société CHRISTIAN LACROIX et de l’échec de ses activités, établi par la chute de son chiffre d’affaires. D’après eux. en 2011 les marques n’étaient plus notoires, l’activité créatrice de haute couture qui a fait la renommée de la maison CHRISTIAN LACROIX ayant cessé. Ils relèvent que les revues de presse versées au débat portent sur des articles de source étrangère, rédigés en langues étrangères et destinés à un public situe hors du territoire français. Ils l’ont valoir que la preuve n’est pas rapportée que l’usage du signe litigieux a créé une confusion dans l’esprit du public, dès lors que des précautions suffisantes ont été prises pour l’éviter. A titre reconventionnel, Monsieur L prétend que la demanderesse a commis des actes de dénigrement dans la mesure où les mises en demeure adressées à ses partenaires et les actions judiciaires qui en constituent la suite sont abusives. A cet égard, il fait valoir que le contrat de prestations de services entre la société CHRISTIAN LACROIX et la société XCLX prévoyaient l’exercice de certaines activités, dont le mobilier, et la possibilité d’utilisation du patronyme à titre d’information et de communication. Il soutient que ces actes créent un préjudice dans la mesure où ils dissuadent ses partenaires de conclure des contrats de partenariat et qu’il doit renoncer aux partenariats en cours. La clôture de l’instruction a été prononcée lors de l’audience de plaidoiries. Le tribunal a proposé aux parties de recourir à une médiation judiciaire, proposition acceptée par les sociétés SICIS le 12 novembre 2013, la société CHRISTIAN LACROIX le 13 novembre 2013 mais que Monsieur L et la société XCLX ont refusé par courrier du 19 novembre 2013. Par ailleurs le tribunal a demandé à la société CHRISTIAN LACROIX de produire au cours du délibéré le certificat de la marque communautaire déposée le 1" juin 2011 ce qui a été fait le 4 novembre 2013.

MOTIFS Sur la demande en nullité des marques communautaires CHRISTIAN LACROIX n° 7237761 et 10014471
-Sur la marque n° 7237761 En vertu de l’article 53 paragraphe 2 a) du règlement 2007/209 sur la marque communautaire, celle-ci peut être déclarée nulle sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon si son usage peut être interdit en vertu d’un droit

antérieur selon la législation communautaire ou le droit national qui en régit la protection et notamment d’un droit au nom. Le paragraphe 3 de cet article dispose en outre que la marque communautaire ne peut pas être déclarée nulle lorsque le titulaire de ce droit antérieur a donné expressément son consentement avant l’enregistrement de la marque ou avant la présentation de la demande en nullité ou de la demande reconventionnelle. La marque n° 7237731 a été déposée le 17 septembre 2008 alors que Monsieur C, par le biais de sa société XCLX, exerçait les fonctions de directeur artistique de la société CHRISTIAN LACROIX. Le contrat de cession de marques en date du 3 février 1987 par lequel la société L.P.A a cédé la marque française CHRISTIAN LACROIX déposée le 5 décembre 1985 à la société CHRISTIAN LACROIX et la marque japonaise en cours de dépôt en présence de Monsieur L stipule que « la société LPA cède sans exception ni réserve la pleine et entière propriété de la marque CHRISTIAN LACROIX dans toutes les classes de produits et prestations et dans tous les pays du monde » et que « Monsieur L s’oblige, en coopération avec la société cédante, à apporter son concours à toutes les démarches, formalités et actes utilisés à la constatation du transfert, aux dépôts, extensions et renouvellements, dans tous classes et pays (…) »" Par ailleurs, selon l’article 2. la cédante garantit que la marque est ou peut être déposée aux États-Unis et au Japon, pour désigner les produits haute couture, de boutique, de prêt à porter, leurs accessoires, les bijoux, les cosmétiques et parfums, les bagages et les sacs, les bottes et chaussures ainsi que tous les produits similaires et connexes, et toutes prestations de prestige. Un contrat s’interprète au regard de l’ensemble de ses dispositions. Dès lors, si la garantie d’éviction de Monsieur L est rédigée de manière générale, elle ne peut viser que les marques, objets du contrat de cession. Or. la cession ne portait que sur les activités visées au contrat, pour la France, les États-Unis et le Japon et la garantie d’éviction est limitée à ces activités et pays.

Juger le contraire reviendrait à permettre à un cessionnaire d’avoir un monopole absolu sur l’utilisation commerciale du nom patronymique d’un créateur en l’autorisant à étendre à l’infini la protection de marques qui ont été cédées alors que s’agissant de ce droit de propriété industrielle, la cession doit répondre aux principes de spécialité et de territorialité. En conséquence, la garantie d’éviction ne s’oppose pas à la contestation de la validité d’une nouvelle marque déposée pour des produits qui n’étaient pas couverts par les marques cédées et pour des territoires qui n’étaient pas prévus dans le contrat de cession. Ce contrat de cession doit par ailleurs s’interpréter au regard des stipulations contractuelles postérieures ayant lié les parties. Or le contrat de prestations de services en date du 1er juin 2005 conclu entre la société XCLX et la société CHRISTIAN LACROIX prévoit en son article 2.3.2 que

l’exploitation de toute nouvelle marque nécessite l’accord préalable et écrit de la société XCLX. ce qui implique l’accord de Monsieur L, gérant de la société XCLX pour déposer une nouvelle marque composée de son patronyme. L’annexe à ce contrat identifie les marques dont est titulaire la société CHRISTIAN LACROIX et s’agissant de marque communautaire, une seule était visée à savoir la marque communautaire semi figurative n° 1248640 dép osée le 21 juillet 1999 qui vise en classe 3 les savons comprenant saxons parfumés, parfumerie comprenant parfums, eaux de parfum, eaux de toilette et déodorants, huiles essentielles, cosmétiques comprenant crèmes, lotions, huiles et poudres pour le visage ou le corps, préparations cosmétiques pour le bain ou la douche, sels de bain, lotions pour les cheveux. Il en résulte qu’en déposant une nouvelle marque pour de nouveaux territoires et de nouveaux produits, impliquant une nouvelle exploitation, la société demanderesse devait avoir l’accord préalable et écrit de la société XCLX et à travers elle de Monsieur L. Or, il n’est ni allégué, ni établi par la société CHRISTIAN LACROIX que cet accord aurait été obtenu. Dès lors, au moment de l’enregistrement de la marque communautaire, le consentement de Monsieur L à l’utilisation de son patronyme n’existait pas et il convient de prononcer la nullité de la marque communautaire de ce chef.

- Sur la marque n° 10014471 L’article 52 du règlement prévoit que la marque peut être déclarée nulle dans le cadre d’une action en contrefaçon si le demandeur était de mauvaise Foi lors du dépôt de la marque. La société CHRISTIAN LACROIX a déposé une nouvelle marque communautaire verbale n° 10014471 CHRISTIAN LACROIX le 1er juin 2 011 uniquement dans le but de l’opposer dans le cadre de cette instance en contrefaçon. En effet, elle avait connaissance lors de son dépôt des faits litigieux dénoncés dans sa mise en demeure de février 2011 et a décidé d’enregistrer la marque pour les produits estimés contrefaisants puisque la marque vise notamment les meubles, fauteuils, sofas, tables, consoles, bibliothèques, tables basses, guéridons, petites tables pour supporter une lampe et Ses lampes. Ainsi, cet enregistrement tend à répondre au moyen de défense de la société SICIS dans la réponse à sa mise en demeure qui avait relevé qu’aucune des marques ne protégeait les meubles et pour s’en prémunir, la demanderesse a déposé cette nouvelle marque qu’elle s’est empressée de viser dans son assignation du 15 juillet 2011. La mauvaise foi du titulaire de la marque est caractérisée lorsque le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, c’est à dire non pas pour distinguer des produits et services commercialisés en identifiant leur origine, mais, pour lui permettre de l’opposer dans le cadre d’une action en contrefaçon.

Or dans le contexte relaté, la mauvaise foi de la société CHRISTIAN LACROIX est caractérisée et il convient donc de prononcer la nullité de la marque communautaire n° 10014471. Sur la demande en déchéance pour déceptivité de la marque française CHRISTIAN LACROIX 1 399 703 L’article L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit que le propriétaire de la marque encourt la déchéance de ses droits si celle-ci est devenue de son fait propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou service. La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit dans l’arrêt du 30 mars 2006 (affaire c-259/04) que "« le titulaire d’une marque correspondant au nom du créateur et premier fabricant des produits portant cette marque, ne peut, en raison de cette seule particularité, être déchu de ses droits au motif que ladite marque induirait le public en erreur (…) notamment quand la clientèle attachée à cette marque a été cédée avec l’entreprise fabriquant les produits qui en sont revêtus ». Elle a jugé que dans ce contexte, la déchéance pour déceptivité impliquait une « tromperie effective ou un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur » et que la volonté d’une entreprise de faire croire au consommateur que la personne dont le patronyme est enregistré à titre de marque est toujours créatrice des produits ou participe à leur création est constitutif d’une manœuvre qui peut être jugée dolosive mais qui ne peut être analysée comme une tromperie et n’affecte pas la marque elle-même. En l’espèce, le fait que sur le site internet de la société demanderesse soient reproduits des textes rédigés par Monsieur L s’explique par le lien entre l’histoire de la maison et la personnalité du créateur.

Aucune mention sur le site ne laisse penser que des produits qui n’ont pas été créés par Monsieur L proviennent de sa paternité créative. S’agissant de la pièce 4, intitulée dossier de notoriété CHRISTIAN LACROIX, dont les sociétés SICIS prétendent qu’il est aussi de nature à tromper le public, force est de constater que la date de ce document est inconnue de même que ses conditions de diffusion auprès du public. Au contraire, l’ensemble des pièces versées au débat portant sur la notoriété de la marque CHRISTIAN LACROIX établissent que celle-ci n’est pas exploitée dans des conditions trompeuses puisque dans la presse ou sur les sites internet proposant des produits à !a vente, aucun élément ne permet au consommateur de croire que les produits ont été créés par Monsieur L. A cet égard, le tribunal relève que le consommateur, régulièrement informé de l’histoire des maisons de haute coulure par la presse, sait que les produits recouverts de la marque constituant le nom d’un créateur ne sont pas nécessairement créés par lui, soit en raison du nombre de produits, soit de l’existence de licences- soit de séparation entre le créateur et sa maison de couture.

En l’espèce, il résulte des pièces que le nom de Christian Lacroix était intimement lié à l’univers de la haute coulure et du prêt à porter féminin, activités qui ne sont plus exercées par la société éponyme suite à la procédure de redressement judiciaire. Au regard de ces éléments, aucune tromperie n’est caractérisée et il s’ensuit que la demande reconventionnelle en déchéance doit être rejetée. Sur la contrefaçon Les deux marques communautaires ayant été annulées, les demandes en contrefaçon fondées sur celles-ci doivent être déclarées irrecevables. Il en résulte qu’il n’y a lieu de statuer que sur la contrefaçon au titre de la marque française" CHRISTIAN LACROIX n° 1399703. Les produits couverts par la marque étant différents de ceux argués de contrefaçon, à savoir des meubles et lampes, c’est au regard de l’article 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle qui dispose que « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s 'il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement » que doit être appréciée la contrefaçon. La société CHRISTIAN LACROIX oppose les produits visés parcelle marque en classe 24 à savoir les tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes les couvertures de lit et de table et le linge de maison sans expliquer en quoi les produits litigieux sont similaires à ceux protégés par la marque.

La similitude des produits, condition première de l’existence d’une contrefaçon en raison du principe de spécialité de la marque, est caractérisée lorsqu’ils peuvent être rattachés par le consommateur, en raison de leur nature ou de leur destination, à une même origine. En l’espèce, il n’existe pas de similitude par nature ou destination entre les tissus, produits textiles, couvertures et linges de maison et les meubles et les lampes dans la mesure où ces produits ont une fonction, un prix, des circuits de distribution et un public différents. De plus, si les tissus peuvent participer à la fabrication de meubles, voir de lampes, aucune complémentarité entre ces produits n’est caractérisée dès lors les meubles et les lampes ne sont pas nécessairement composés de tissus. En conséquence, l’absence de similarité entre les produits protégés par la marque et ceux estimés contrefaisants exclut tout risque de confusion. La contrefaçon n’est pas constituée et la demande de ce chef sera rejetée. Sur l’atteinte à la marque de renommée L’article L713-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « La reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice, au propriétaire de la marque

ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ». Une marque doit être considérée comme renommée lorsqu’elle est connue d’une partie significative du public concerné par les produits et services qu’elle désigne, cette connaissance étant appréciée au regard de la part du marché détenue par la marque* l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par son titulaire pour la promouvoir. En outre, le titulaire de la marque pour établir sa renommée doit démontrer qu’elle est connue par le public d’une façon beaucoup plus large et étendue qu’une marque normalement exploitée et donc qu’elle est connue éventuellement des consommateurs qui n’utilisent pas les produits et services pour lesquels elle est déposée. La société CHRISTIAN LACROIX ne produit que des pièces portant sur la période à compter de 2011. Pour établir la notoriété d’une marque française, ne sont pertinentes que les pièces à destination du public français. A cet égard, le tribunal relève que la majorité des extraits de presse versés au débat concerne la presse étrangère. Par ailleurs, les articles portant sur Sacha W, nouveau directeur artistique de la société CHRISTIAN LACROIX et son appartement à Paris ou le fait qu’il a repris la direction artistique de la maison CHRISTIAN LACROIX ne portent pas sur la marque CHRISTIAN LACROIX mais soit sur la personnalité du créateur, soit sur un fait d’actualité, à savoir la fin de la collaboration de Monsieur L avec la société éponyme. Les articles publics dans le Journal du textile ne sont pas à destination du grand public el les seules publications sporadiques dans quelques magazines de décoration, ou dans un numéro de Glamour de Grazia de G ou de Figaro madame et la reprise dans quelques magazines et sites français du défilé collection homme 2011, surtout pour parler du changement de direction artistique, ne justifient pas de la notoriété alléguée au vu de l’exposition médiatique. Les catalogues versés au débat ou les quelques copies d’écran portant sur l’offre à la vente sur des sites comme celui intitulé Madame D d’articles de maroquinerie ou de lunettes ne sont pas de nature à établir l’étendue el l’intensité de l’exploitation de la marque puisqu’aucun élément comptable n’est versé au débat justifiant d’investissements publicitaires, du chiffre d’affaires, des volumes des ventes et du nombre de points de vente et de leur répartition en France. S’il est établi que la page Facebook de la société CHRISTIAN LACROIX a 202.229 fans« dans le monde dont 24.258 en France, ce chiffre n’est pas de nature à établir la renommée de ia marque qui ne s’évalue pas qu’au regard du public ayant comme centre d’intérêt la mode. De plus, le »top 50 du luxe français« réalisé sur la page Facebook intitulée »yoursofrench" qui classe la marque en numéro 27 des marques françaises au seul regard du nombre de fans sur Facebook est insuffisant pour justifier de sa renommée.

En conséquence, il n’est pas justifié au vu des seules pièces versées au débat que la marque française CHRISTIAN LACROIX est connue de façon significative des consommateurs français et constitue une marque de renommée au sens des dispositions de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle et la demande à ce titre est mal fondée. Sur la demande fondée sur l’atteinte au nom commercial, enseigne et nom de domaine Dans le dispositif de ses conclusions, la société CHRISTIAN LACROIX demande au tribunal d’ordonner aux sociétés SICIS de cesser toute utilisation de « Mr Christian Lacroix » ou « 'Monsieur Lacroix », cette « dénomination » portant atteinte à sa dénomination sociale, son nom commercial el à ses noms de domaine. Cette demande n’est pas reprise dans le corps des conclusions, si bien qu’aucune motivation portant sur les atteintes alléguées n’a été portée à la connaissance du tribunal, qui relève que les demanderesses ont néanmoins visé l’article 1382 du code civil dans leur dispositif.

En tout état de cause, la présentation par la société SICIS SRL de l’activité de Monsieur L permet au consommateur d’identifier le créateur en tant que personne physique compte tenu de l’existence de la mention « designed by Mr C » et de l’explication dans le catalogue de l’histoire de la collection, de la collaboration avec Monsieur L et de son interview. Il en résulte qu’aucune confusion ne peut être faite avec l’activité commerciale exercée par la société CHRISTIAN LACROIX puisque toutes les références ne portent que sur son créateur, personne physique. En l’absence de faute de la société SICIS SRL qui a pris soin dans sa documentation d’identifier Monsieur L en tant que personne physique, aucune atteinte à un nom commercial, dénomination sociale et nom de domaine, sanctionnable au titre de la concurrence déloyale, n’est caractérisée et cette demande sera rejetée. Sur la demande reconventionnelle de Monsieur L en dénigrement et concurrence déloyale II résulte des pièces versées au débat que le 8 janvier 2010, le conseil de la société CHRISTIAN LACROIX a mis en demeure la société LADUREE pour des faits de contrefaçon de marque et de droit d’auteur dans le cadre de la commercialisation de galettes des rois avec un gâteau des reines et des fèves créées par Monsieur C. Par ailleurs, le 25 mai 2011 une mise en demeure a été adressée à la société DESIGUAL s’agissant d’articles crées par Monsieur L et dans un courrier du 7 mai 2013, la société CHRISTIAN LACROIX a indiqué à la société Eisa Schiaparelli que dans le cadre de la communication et l’exploitation des créations de Monsieur L, elle devait veiller à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à sa marque. Le tribunal ne dispose d’aucune information sur la suite qui a été donnée à ces courriers et notamment sur l’existence d’actions judiciaires.

Au vu de ces courriers, aucune faute n’est caractérisée à rencontre de la société demanderesse qui, titulaire de droits de propriété intellectuelle, s’est borné à rappeler leur existence. De plus, Monsieur L ne justifie nullement que ces courriers ont eu un impact sur l’exercice et le développement de ses activités. Alors que Monsieur L évoque les dispositions du contrat de prestations de services conclu avec la société demanderesse lui permettant d’exercer des activités artistiques, il convient de relever au titre de la concurrence déloyale alléguée qu’il s’est engagé dans l’annexe au contrat de création qu’il verse au débat à n’exercer aucune activité dans les deux ans suivant la « terminaison » du contrat dans les domaines de l’univers de la maison. En conséquence, les griefs allégués ne sont pas constitués et Monsieur L sera débouté de sa demande reconventionnelle.

Sur les demandes des sociétés SICIS pour procédure abusive L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêt que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol. En l’espèce, la société CHRISTIAN LACROIX, titulaire de marques, a pu se méprendre sur retendue de ses droits et aucune faute de sa part au sens de l’abus du droit d’agir n’est caractérisée en l’espèce. De plus, les défendresses excipent d’un préjudice lié à leur obligation de se défendre dans le cadre de cette action. Or ce préjudice sera indemnisé au titre des frais irrépétibles et aucun préjudice distinct n’est allégué, ni justifié. Dans ces conditions les sociétés SICIS seront déboutées de leur demande reconventionnelle. Sur les autres demandes Partie perdante, la société CHRISTIAN LACROIX sera condamnée aux dépens et devra indemniser les sociétés SICIS, Monsieur L et la société XCLX des frais irrépétibles exposés dans cette procédure à hauteur pour chacun d’eux de 2.500 euros. La nature de la décision ne justifie pas d’en prononcer l’exécution provisoire. PAR CES MOTIFS. LE TRIBUNAL, par jugement rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort.

Prononce la nullité des deux marques communautaires verbales CHRISTIAN LACROIX numéro 7237761 déposée le 17 septembre 2008 et publiée le 9 décembre 2008 et numéro 10014471 déposée le I" juin 2011, publiée le 26 juillet 2011 et enregistrée le 10 novembre 2011 pour l’ensemble des produits visés. Dit qu’une copie du jugement sera transmise par le greffe à l’OHMI en application de l’article 100 paragraphe 7 du règlement 207/2009. Déclare irrecevables les demandes de la société CHRISTIAN LACROIX fondées sur les marques communautaires n° 7237761 et 10014471.

Rejette la demande en déchéance de la marque française CHRISTIAN LACROIX n° 1399703. Déboute la société CHRISTIAN LACROIX de sa demande en contrefaçon fondée sur la marque française CHRISTIAN LACROIX n° 139970 3. Déboute la société CHRISTIAN LACROIX de sa demande au titre de l’atteinte à la marque de renommée. Déboute la société CHRISTIAN LACROIX de sa demande fondée sur l’atteinte à son nom commercial, enseigne et nom de domaine. Déboute Monsieur L de sa demande reconventionnelle,

Déboute les sociétés SICIS de leur demande reconventionnelle,

Condamne la société CHRISTIAN LACROIX aux dépens. Condamne la société CHRISTIAN LACROIX à payer à la société SICIS FRANCE et à la société SICIS à chacune la somme de 2.500 euros au litre de l’article 700 du code de procédure civile. Condamne la société CHRISTIAN LACROIX à payer à Monsieur Christian L la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Condamne la société CHRISTIAN LACROIX à payer à la société XCLX la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 10 janvier 2014, n° 11/12674