Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 11 septembre 2015, n° 13/03278

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 11 sept. 2015, n° 13/03278
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 13/03278
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 15 novembre 2013, 2013/03278
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 29 août 2014, 2013/03278
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE ; DESSIN ET MODELE
Marques : UGG australia ; UGG
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 6335632 ; 1565304 ; 1409721 ; 001057780-0001
Classification internationale des marques : CL18 ; CL25 ; CL35
Classification internationale des dessins et modèles : CL02-04
Référence INPI : M20150412
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 11 Septembre 2015

3e chambre 2e section N° RG : 13/03278

Assignation du 05 Mars 2013

DEMANDERESSES Société DECKERS OUTDOOR CORPORATION Société de droit américain […] – GOLETA 93117 CALIFORNIE – ETATS UNIS

Société DECKERS FRANCE Société par actions simplifiée […] 75001 PARIS représentées par Maître Fabienne FAJGENBAUM de la SCP NATAF FAJGENBAUM & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0305

DÉFENDEUR Monsieur Alain B représenté par Me Cyril BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0050

COMPOSITION DU TRIBUNAL Eric H, Vice-Président. Arnaud D, Vice-Président Françoise BARUTEL , Vice-Présidente, signataire de la décision assistés de Jeanine R. FF Greffier, signataire de la décision

DÉBATS À l’audience du 10 Avril 2015 tenue en audience publique devant Eric H, Françoise BARUTEL, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS. PROCEDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La société DECKERS OUTDOOR CORPORATION indique exercer depuis 1993 les activités de création, de fabrication et de commercialisation de chaussures sous les marques « UGG » et « UGG australia ».

Elle énonce être titulaire des marques suivantes :

- la marque communautaire semi-figurative n° 6 335 632 « UGG australia » déposée en classes 18,25 et 35, le 4 octobre 2007,
- la marque française verbale n° 1 565 304 « UGG » déposée en classe 25. le 14 décembre 1989 et régulièrement renouvelée ;

- la marque communautaire verbale n° 1 409 721 « UGG » déposée en classe 25, le 3 décembre 1999 et renouvelée le 3 janvier 2010.

Ces trois marques ont toutes été déposées pour des chaussures ou bottes. Elle fait valoir qu’elle est également titulaire du dessin et modèle communautaire n° 001057780-0001, déposé le 18 décembre 2008 et représentant une semelle de chaussure La société DECKERS FRANCE est une filiale qui a notamment pour activité la conception, l’étude et la production de modèles, le marketing et la gestion de marques en matière de chaussures.

Ces deux sociétés (ci-après désignées les sociétés DECKERS) énoncent avoir constaté à partir du mois de mai 2012 que plusieurs distributeurs dont les sociétés LA REDOUTE. VIPRIVE et OFF SHOES, commercialisaient des chaussures selon elles contrefaisantes de ses marques et de son modèle précités, qui leur avaient été fournies par la société T.ET. dont le gérant était Monsieur Alain B. Le 23 octobre 2012, elles ont tenté en vain, l’adresse de la société T.E.T. n’étant qu’une adresse de domiciliation, de faire procéder au siège social de cette société à une saisie-contrefaçon dûment autorisée par ordonnance du président du Tribunal de grande instance de PARIS La société T.E.T. a été radiée du Registre du Commerce et des Société de BOBIGNY le 5 novembre 2012, suite à une liquidation amiable dont Monsieur Alain B était le liquidateur.

C’est dans ces conditions que les sociétés DECKERS ont par acte d’huissier des 5, 7 et 8 février 2013 fait assigner les sociétés VIPRIVE, OFF SHOES et LA REDOUTE ainsi que Monsieur Alain B à titre personnel, en contrefaçon de marques, de dessins et modèles, et concurrence déloyale. Par ordonnance du 15 novembre 2013, le juge de la mise en état s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de Monsieur Alain B de dire l’action des sociétés DECKERS irrecevable à son encontre, et a ordonné à Monsieur Alain B sous astreinte de produire les documents et informations en sa possession relatifs aux produits argues de contrefaçon et permettant d’en déterminer l’origine, le volume et les réseaux de distribution.

Par ordonnance du 29 août 2014, le juge de la mise en état a condamné Monsieur Alain B à payer aux sociétés DECKERS la somme de 9.000 euros au titre de la liquidation de l’astreinte, l’ordonnance du 1 5 novembre 2013 n’ayant pas été exécutée. Par ordonnance rendue le 19 décembre 2014, le juge de la mise en état a donné acte aux sociétés DECKERS de leur désistement d’instance et d’action a l’encontre des sociétés LA REDOUTE, VIPRIVE et OFF SHOES, a en conséquence constaté l’extinction partielle d’instance et d’action à l’encontre desdites sociétés, l’instance étant poursuivie à l’encontre de Monsieur Alain B Dans leurs dernières écritures signifiées par voie électronique le 19 novembre 2014, les sociétés DECKERS, après avoir réfuté les arguments présentés en défense, demandent en ces termes au Tribunal de :

- valider les opérations de saisie-contrefaçon réalisées les 9 et 11 janvier 2013 par Maître G, Huissier de Justice à Seclin, au siège social de la société LA REDOUTE sis […] ;

- débouter Monsieur B de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- dire et juger qu’elles sont recevables et bien fondées en leurs demandes, fins et conclusions,
- dire et juger que Monsieur B ne démontre pas que chacun des exemplaires des bottes griffées UGG qu’il a commercialisés a été mis sur le marché de l’Espace économique européen avec le consentement de la société DECKERS OUTDOOR CORPORATION ;

- dire et juger que Monsieur B a commis des actes de contrefaçon des marques française n° l 565 304 « UGG » et communautaires n°6 335 632 « UGG australia » et n° l 409 721 « UGG » dont est titulaire la société DECKERS OUTDOOR CORPORATION en commercialisant des paires de bottes sous la dénomination « UGG » et « UGG australia » ;

- dire et juger que Monsieur B a commis des actes de contrefaçon du dessin et modèle communautaire n° 001057780-001 dont est titulaire la société DECKERS OUTDOOR CORPORATION en commercialisant des modèles de bottes reproduisant ledit dessin ;

- dire et juger que Monsieur B a également commis à leur préjudice des actes de concurrence déloyale de nature à engager sa responsabilité civile délictuelle sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil. En conséquence :

- interdire à Monsieur B, directement ou par le biais d’une société qu’il créerait et dont il deviendrait le gérant, d’importer, de fabriquer, de commercialiser ou offrir à la vente et à quelque titre que ce soit, tout article constituant la reproduction illicite des modèles « CLASSIC SHORT » et « CLASSIC MINI » ou de tout autre modèle sur lequel seraient apposées les marques « UGG » et/ou « UGG australia » sans

l’autorisation de la société DECKERS OUTDOOR CORPORATION, sous astreinte solidaire de 1.000 (mille) euros par infraction constatée à compter du prononcé de la décision à intervenir, Le Tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte.

- condamner Monsieur B à payer à la société DECKERS OUTDOOR CORPORATION la somme de 75.000 (soixante-quinze mille) euros de dommages et intérêts afin de réparer, au titre de la contrefaçon de marque, le préjudice subi du fait de l’atteinte portée à la valeur des marques « UGG » et « UGG australia » ;

- condamner Monsieur B à payer à la société DECKERS OUTDOOR CORPORATION la somme de 50.000 (cinquante mille) euros de dommages et intérêts en raison de la banalisation et la dévalorisation du dessin et modèle communautaire n° 001057780-001 ;

- condamner Monsieur B à payer à la société DECKERS OUTDOOR CORPORATION la somme de 357.992,80 euros (trois cent cinquante- sept mille neuf cent quatre-vingt-douze euros et quatre-vingt centimes), sauf à parfaire, en réparation du préjudice commercial subi du fait des actes de contrefaçon;

- condamner Monsieur B à payer à la société DECKERS OUTDOOR CORPORATION la somme de 20.000 (vingt mille) euros de dommages et intérêts afin de réparer le préjudice moral suivi par cette dernière du fait des actes de contrefaçon de marque et de contrefaçon de dessins et modèles, soit la somme de 10.000 (dix mille) euros au titre du droit de marque et 10.000 (dix mille) euros au titre du droit du modèle communautaire ;

- condamner Monsieur B à payer à la société DECKERS FRANCE la somme de 293.580 (deux cent quatre-vingt-treize mille cinq cent quatre-vingt) euros de dommages et intérêts afin de réparer le préjudice subi du fait de ses agissements déloyaux ;

- condamner Monsieur B à payer à la société DECKERS OUTDOOR CORPORATION la somme de 143.580 (cent quarante-trois mille cinq cent quatre-vingt) euros de dommages et intérêts afin de réparer le préjudice subi du fait de ses agissements déloyaux ;

- ordonner la publication aux frais solidaires et avancés de Monsieur B du jugement à intervenir, soit en entier soit par extraits avec éventuellement une ou plusieurs photographies des marques et modèle contrefaits, dans au plus cinq journaux ou magazines de leur choix sans que le coût global de ces insertions excède la somme de 50.000 (cinquante mille) euros HT à la charge du défendeur;

- condamner Monsieur B à verser à chacune d’elles la somme de 20.000 (vingt mille) euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- condamner Monsieur B aux entiers dépens de la présente instance, y compris les frais des saisies contrefaçon, qui pourront être recouvrés directement par la SCP NATAF FAJGENBAUM & ASSOCIES, avocats aux offres de droits, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures signifiées par voie électronique le 9 avril 2015, Monsieur Alain B I demande au tribunal de :

- dire et juger les sociétés DECKERS OUTDOOR CORPORATION et DECKERS FRANCE irrecevables en leurs demandes à son encontre;

- les en débouter en conséquence ;

- les condamner en outre à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2015. MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’irrecevabilité des demandes à l’encontre de Monsieur Alain B Monsieur Alain B fait valoir que l’action intentée à son encontre en sa qualité de liquidateur amiable ou de gérant de la société T.ET est irrecevable en ce qu’elle opère une confusion entre sa personne et celle de la société T.ET, personne morale, qui a commis les faits prétendument contrefaisants. Il fait valoir que les demanderesses auraient pu agir à rencontre de la société TET, préalablement à sa radiation, outre qu’elles avaient la possibilité postérieurement à la clôture des opérations de liquidation intervenue le 18 novembre 2012 de demander la nomination d’un mandataire chargé de reprendre les opérations de liquidation. Il ajoute que sa mise en cause devant le présent tribunal dans le cadre d’une action en contrefaçon qui aurait dû être dirigée le cas échéant à l’encontre de la société TET, est un contournement de procédure

Les société DECKERS opposent qu’un gérant de société engage sa responsabilité personnelle lorsqu’il commet une faute intentionnelle et d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions de gérant, et qu’en l’espèce, en créant une société avec le dessein de vendre des contrefaçons fournies sous couvert de documents contestables, puis en la liquidant après en avoir créé une autre identique pour tenter d’échapper à toute mise en cause, Monsieur Alain B a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, de sorte que leurs demandes sont recevables. Il est en effet établi qu’un gérant de société engage sa responsabilité personnelle lorsqu’il commet une faute intentionnelle et d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions de gérant. Les sociétés demanderesses prétendent que le fait que Monsieur Alain B ait créé une société fournissant des produits contrefaits accompagnés de documents contestables constitue une faute de nature à engager sa responsabilité personnelle.

Il est cependant constant que c’est la société T.E.T. qui a fourni à plusieurs autres sociétés des produits prétendument contrefaisants de la marque UGG, et ce en y joignant un document intitulé « comparatif entre deux boots » effectué pour la société T.E.T. par Monsieur Alain C, Expert près la Cour d’Appel de Paris en Chaussures, ainsi qu’une attestation d’un avocat au barreau de Lille, Maître Bertrand R, aux termes de laquelle il atteste, "Concernant le stock de chaussures de la marque UGG qui appartient à la société TET, en l’occurrence 4 786paires« … »avoir consulté la facture d’acquisition des chaussures émanant d’une société américaine distributeur des chaussures de la marque UGG, avoir examiné le rapport d’expertise qui indique que l’hologramme est bien présent sur la boite et sur l’étiquette à l’intérieur du pied" et rappelle que « l’expert mentionne également que les numéros de fabrication se situent bien aux endroits prévus » et que "/ 'expert conclut en indiquant que la boots TET est bien une boots UGG". Si ces documents sont contestables, et sont d’ailleurs contestés par les sociétés demanderesses, qui objectent notamment les conditions dans lesquelles les chaussures ont été remises à l’expert, ces dernières ne prétendent cependant pas qu’il s’agirait de faux grossiers n’émanant pas de l’expert agréé et de l’avocat sus-nommé, dont les papiers à entête sont utilisés. Dès lors en l’état de ces constatations, le fait pour Monsieur Alain B d’avoir en sa qualité de gérant de la société T.E.T. procédé à des ventes de produits accompagnés de documents tendant à prouver leur authenticité ne suffit pas à prouver une faute intentionnelle grave outrepassant les fonctions normales de gestion d’une société. De même, s’il peut paraître troublant qu’il ait été procédé à la dissolution de la société T.E.T. le 31 août 2012 soit quelques semaines après les mises en demeure adressées les 31 juillet et 10 août 2012 par les sociétés DECKERS aux clients de la société T.E.T., et que Monsieur Alain B ait également créé le 1er janvier 2012 une autre société STET, dissoute 10 jours après, la publication de cette liquidation n’étant effectuée que le 15 juillet 2013, cela ne peut davantage être suffisant pour caractériser une faute de Monsieur Alain B détachable de l’exercice de ses fonctions de gérant de nature à engager sa responsabilité personnelle, outre que les demanderesses ne démontrent pas le préjudice qu’elles auraient subi du fait de la création et de la liquidation de la société S.T.E.T. , à laquelle aucun fait de contrefaçon n’est reproché. Il est au contraire établi que les sociétés DECKERS, qui visent dans leurs écritures les dispositions du code de la propriété intellectuelle, exercent une action sur le fondement de la contrefaçon tant en matière de marque que de dessins et modèles, qui ont été prétendument commis par la société T.ET., et qu’elles sont en conséquence irrecevables à agir pour défaut de qualité à rencontre de Monsieur Alain B à titre personnel.

Sur les dépens et les demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile Il y a lieu de condamner les sociétés DECKERS, parties perdantes, aux dépens En revanche, compte tenu des faits de l’espèce, et de la non-exécution par Monsieur Alain B de l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 15 novembre 2013, il ne sera pas fait droit à sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Il n’y a pas davantage lieu d’ordonner l’exécution provisoire qui n’est pas demandée par le défendeur.

PAR CES MOTIFS I .e Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort.

- DECLARE irrecevables les sociétés DECKERS OUTDOOR CORPORATION et DECKERS FRANCE en leurs demandes à l’encontre de Monsieur Alain B ;

- DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE les sociétés DECKERS OUTDOOR CORPORATION et DECKERS FRANCE aux dépens.

- DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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