Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 24 juin 2016, n° 15/01020

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 24 juin 2016, n° 15/01020
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 15/01020
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Paris, 9 octobre 2020, 2018/19758
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : DIESEL ; D ; DIESEL ONLY THE BRAVE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 608499 ; 881767 ; 608500 ; 583708
Classification internationale des marques : CL03 ; CL09 ; CL14 ; CL16 ; CL18 ; CL24 ; CL25
Référence INPI : M20160377
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 24 juin 2016

3e chambre 2e section N° RG : 15/01020

Assignation du 15 janvier 2015

INCIDENT

DEMANDERESSES Société DIESEL FRANCE […] 75002 PARIS

Société DIESEL SPA Dell’Industria 4/6 36042 BREGANZE (ITALIE) représentées par Me Franck VEISSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0419

DEFENDERESSES Société SALESLUTION S.L. Cl Juan de la Cierva 23 Elche parque empresarial – 03203 ELCHE – ALICANTE ESPAGNE représentée par Maître Marie PASQUIER de la SFLARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #K0028

Société BESSON CHAUSSURES, SAS […] 63170 AUBIERE représentée par Maître Augustin PFIRSCH de l’AARPI DARKANIAN & PFIRSCH, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B1038

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Françoise A, 1er Vice-Président adjoint assisté de Jeanine R, faisant fonction de Greffier

DEBATS À l’audience du 02 juin 2016, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 24 juin 2016.

ORDONNANCE Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les sociétés DIESEL S.p.A. et DIESEL France ont notamment pour activité la création, la fabrication et la commercialisation d’articles de prêt-à-porter, d’accessoires et de chaussures pour femmes, hommes et enfants, sous la marque « DIESEL ». La société DIESEL S.p.A. exerce son activité en Italie et la société DIESEL France intervient dans l’ensemble du territoire français au travers notamment d’un réseau de détaillants multimarques et de ses divers magasins sous l’enseigne « DIESEL ».

La société DIESEL S.p.A. est titulaire des marques suivantes enregistrées en classe 25, « vêtements, chaussures, chapellerie » couvrant notamment le territoire français :

- la marque internationale DIESEL n°608499
- la marque internationale « D » n°881767
- la marque internationale figurative n°608500
- la marque communautaire « D » n°000583708

Ayant constaté que la société BESSON CHAUSSURES qui exerce une activité de vente en gros et au détail d’articles chaussants de diverses marques, à travers un réseau de 108 boutiques sous enseigne « BESSON CHAUSSURES » dans l’ensemble du territoire national, proposait dans diverses magasins de son réseau, à la vente des chaussures sur lesquelles sont reproduites selon elles à l’identique les quatre marques DIESEL précitées et ce sans autorisation du titulaire de ces marques, et après avoir été autorisées à faire pratiquer à une saisie-contrefaçon, par ordonnance du 3 décembre 2014, qui a été réalisée selon procès-verbal du 17 décembre 2014 dans le magasin BESSON CHAUSSURES de TORCY, les sociétés DIESEL France et DIESEL S.p.A, ci-dessous désignées « les sociétés DIESEL » ont été fait citer la société BESSON devant le tribunal de grande instance de PARIS en contrefaçon de ses marques.

La société BESSON CHAUSSURES a appelé en garantie son fournisseur la société de droit espagnol SALESLUTION SL, faisant valoir que celle-ci lui avait affirmé que les produits litigieux avaient été fabriqués et commercialisés par la société COSMOS WORLD SL bénéficiaire d’une licence de fabrication et de commercialisation des produits litigieux octroyée par la société DIESEL SPA. La société espagnole SALESLUTION S.L se présente comme ayant pour activité le commerce de produits de marque qu’elle vend en Espagne et en Europe et qui s’agissant de produits chaussants portant la marque DIESEL, se fournit exclusivement auprès de la société espagnole COSMOS WORLD S.L. qui lui a indiqué être autorisée à vendre ces produits sous cette marque DIESEL par le biais d’un contrat de licence couvrant notamment l’Espagne.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2016, la société BESSON CHAUSSURES a formé un incident aux fins de voir ordonner un sursis à statuer. Aux termes de ses dernières conclusions sur indicent, notifiées par voie électronique le 23 mai 2016, la société BESSON CHAUSSURES a sollicité du juge de la mise en état le sursis à statuer jusqu’à ce qu’une décision définitive intervienne en Espagne dans la procédure n°000804/2012 ayant donné lieu au jugement de première instance du Tribunal de commerce n°2 d’Alicante en date du 28 avril 2015, et dont la procédure d’appel est enregistrée sous le N°746/2015. Au soutien de cet incident, la société BESSON CHAUSSURES fait valoir que la question de la durée de la licence dont bénéficie la société COSMOS WORLD SL et donc de savoir si les produits litigieux ont été fabriqués et commercialisés avec l’autorisation de la société DIESEL SPA, est déterminante quant à l’issue de la procédure pendante devant le Tribunal et que la licence de fabrication et de commercialisation discutée s’inscrit dans un ensemble contractuel particulièrement complexe soumis à la loi espagnole si bien que les magistrats espagnols, dans le cadre de la procédure en Espagne, pourront notamment recueillir les explications des principaux intéressés au contrat de licence (à savoir les sociétés FLEXIC ASUAL, COSMOS WORLD et Monsieur Manuel G R) qui sont parties à la procédure en Espagne et ne le sont pas dans la présente procédure ainsi que de nombreux documents/éléments (en langue espagnole) auxquels les défenderesses à la présente procédure n’ont pas accès, afin d’apprécier la portée et la durée de la licence litigieuse. Elle considère que les constatations des juges espagnols et la motivation de leur décision définitive permettront nécessairement d’éclairer le Tribunal et d’influencer son appréciation, ce qui constitue une raison suffisante pour justifier le sursis à statuer. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2016, la société SALESLUTION demande au juge de la mise en état, au visa des articles 9, 378, 699 et 700 du code de procédure civile de :

- DECLARER la société SALESLUTION recevable et bien fondée en ses demandes EN CONSEQUENCE :

- ORDONNER le sursis à statuer jusqu’à ce qu’une décision définitive intervienne en Espagne dans la procédure n°000804/2012 ayant donné lieu au jugement de première instance du Tribunal de commerce n°2 d’Alicante en date du 28 avril 2015, et dont la procédure d’appel est enregistrée sous le N°746/2015, et contre laquelle un pourvoi a été formé début mai 2016,
- SE RESERVER de répondre au fond, sur les points évoqués dans l’assignation et ses suites.

La société SALESLUTION expose qu’en mai 2014 elle a noué des relations commerciales avec la société française BESSON, s’agissant d’articles chaussants créés, et fabriqués sous licence par la société COSMOS, sous la marque « DIESEL », pour une commercialisation en France, par la société BESSON et qu’elle a été appelée en garantie par la société BESSON, elle-même assignée par les sociétés DIESEL. Elle rappelle que le caractère non suspensif du pourvoi en cassation n’interdit pas au juge de surseoir à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice lorsqu’il estime que la solution du pourvoi est de nature à avoir une incidence directe sur la solution du litige et qu’en l’espèce non seulement les droits invoqués par les sociétés DIESEL semblent contestables mais de plus, aucune décision définitive n’est intervenue à cette date s’agissant de la validité ou non des accords passés entre les sociétés DIESEL SpA et COSMOS WORLD le 29 septembre et le 11 novembre 1994 de telle sorte qu’il est d’autant plus légitime et d’une bonne administration de la justice de prononcer le sursis à statuer de la présente instance au fond, quant aux actions en contrefaçon et en concurrence déloyale fondées sur les marques DIESEL revendiquées, en application de l’article 378 du Code de procédure civile, jusqu’à ce qu’une décision définitive intervienne en Espagne dans la procédure ayant donné lieu au jugement de première instance du Tribunal de commerce n°2 d’Alicante invoqué par les sociétés DIESEL et à l’encontre duquel il a été interjeté appel, puis formé un pourvoi en cassation début mai 2016. Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 mai 2016, les sociétés DIESEL FRANCE et DIESEL SPA, au visa de l’article 378 du code de procédure civile, demandent au juge de la mise en état de :

— PRENDRE ACTE que la « sentence » du Tribunal des marques communautaires d’Alicante en date du 18 mars 2016, a confirmé en toutes ces dispositions, la « sentence » du Tribunal de Commerce n°2 d’Alicante en date du 28 avril 2015 ;

- PRENDRE ACTE que la « sentence » du Tribunal de Commerce n°2 d’Alicante en date du 28 avril 2015 a jugé que la société COSMOS WORLD SL n’avait plus le droit, et ce depuis 2005, de commercialiser, et a fortiori d’exporter, des chaussures sous les marques DIESEL;

- PRENDRE ACTE que la société COSMOS WORLD SL a formé, le 28 avril et le 4 mai 2016, un recours extraordinaire pour violation de la procédure et un pourvoi en cassation partielle, à l’encontre de la « sentence » du Tribunal des marques communautaires d’Alicante en date du 18 mars 2016;

- PRENDRE ACTE que le recours extraordinaire pour violation de la procédure et le pourvoi en cassation partielle formés par la société COSMOS WORLD SL, à l’encontre de la « sentence » du Tribunal des marques communautaires d’Alicante en date du 18 mars 2016, ne

suspendent pas l’exécution provisoire de la « sentence » du Tribunal de Commerce n°2 d’Alicante en date du 28 avril 2015 ;

- DIRE ET JUGER qu’il n’est donc pas dans l’intérêt de l’administration d’une bonne justice d’attendre la décision de cassation qui sera rendue à la demande de la société COSMOS WORLD SL à l’encontre de la « sentence » du Tribunal de Commerce n°2 d’Alicante en date du 28 avril2015, En conséquence :

- Débouter la société BESSON CHAUSSURES de sa demande de sursis à statuer ;

— Condamner la société BESSON CHAUSSURES aux entiers dépens de l’incident; Condamner la société BESSON CHAUSSURES à verser à chacune des sociétés DIESEL France et DIESEL S.p.A., la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile. Les sociétés DIESEL rappellent que la société COSMOS WORLD SL a approvisionné en produits litigieux la société SALESLUTION SL, qui les a importés en France en les vendant à la société BESSON CHAUSSURES et que s’il existe effectivement un litige entre la société DIESEL S.p. A. et son ancien partenaire, la société espagnole COSMOS WORLD SL, fabriquant des produits litigieux, la société BESSON omet de communiquer les dernières décisions judiciaires espagnoles qui ont reconnu la révocation de la licence de marque de la société COSMOS WORLD SL avec effet rétroactif à compter de l’année 2005 de telle sorte que la société COSMOS WORLD SL n’avait plus le droit de fabriquer et de commercialiser des produits sous les quatre marques « DIESEL » en cause, au moment où les produits litigieux ont été vendus. Elles précisent en effet que par une « sentence » rendue par le Tribunal de Commerce n°2 d’Alicante en date du 28 avril 2015, celui-ci a jugé que la société S.p.A. était seule propriétaire des marques en cause, que la société COSMOS WORLD SL n’avait pas le droit d’utiliser ces marques, et que toute autorisation et/ou consentement que la société DIESEL S.p.A. aurait pu accorder par le passé à COSMOS WORLD SL au titre des marques en cause, a été révoquée à effet au plus tard en 2005. Elles considèrent ainsi que la société COSMOS WORLD SL n’avait plus l’autorisation de fabriquer et de commercialiser les produits en cause au moment de leur vente à la société SALESLUTION SL et que la théorie de l’épuisement des droits ne peut donc pas recevoir application en l’espèce de telle sorte que la société DIESEL S.p.A. n’ayant pas consenti à cette fabrication et cette commercialisation, les produits en cause vendus à la société DIESEL S.p.A. par l’intermédiaire de la société SALESLUTION SL en France, sont des

contrefaçons. Elles ajoutent que cette « sentence » était pourvue de l’exécution provisoire et que si un appel a été interjeté à l’encontre de la « sentence » rendue par le Tribunal de Commerce n°2 d’Alicante en date du 28 avril 2015, la décision d’appel rendue le 18 mars 2016 a confirmé la « sentence » et que si des recours ont été engagés, ils constituent des recours extraordinaires pour violation de la procédure et un pourvoi en cassation qui ne sont nullement suspensifs. Les sociétés DIESEL font valoir en outre que ces instances concernent la révocation par la société DIESEL S.p.A. de l’autorisation et/ou consentement que cette dernière aurait pu accorder par le passé à la société COSMOS WORLD SL au titre des marques en cause dans la présente instance de telle sorte que la question posée est particulièrement factuelle, s’agissant de juger si la société DIESEL S.p.A a effectivement révoqué un droit et que ces recours de la société COSMOS WORLD SL en Espagne ont ainsi très peu de chances de prospérer et n’ont été formés que dans un objectif dilatoire, afin d’obtenir un sursis à statuer dans la présente instance et ainsi de repousser la condamnation des défenderesses. Elles estiment en conséquence que rien ne justifie qu’il serait dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de Cassation espagnole.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de sursis à statuer : Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, il appartient au tribunal d’apprécier, si dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il est opportun d’ordonner un sursis à statuer. En l’espèce, la demande de sursis statuer est motivée par le pourvoi en cassation qui a été engagé par la société COSMOS WORLD SL dans le cadre du litige qui l’oppose à la société DIESEL SPA portant sur la validité d’une licence d’exploitation que cette dernière lui avait consentie et ce dès lors qu’il n’est pas contesté que la société BESSON CHAUSSURES a acquis les produits litigieux de la société SALESLUTION qui les avait, elle-même, acquis de la société COSMOS WORLD SL laquelle se prévaut du droit de commercialiser de telles chaussures comportant la marque DIESEL en vertu de ladite licence.

Cependant, il ressort du jugement n°76/15 du 28 avril 2015 que dans le litige opposant la société DIESEL SPA et la société COSMOS WORLD SL, le tribunal de commerce n°2 d’ALICANTE a jugé que la société DIESEL SPA était l’unique propriétaire des marques internationales DIESEL n°608499, « D » n°881767, figurative n°608500 et de la marque communautaire « D » n°000583708 et que toute autorisation et/ou consentement que DIESEL SPA aurait pu accorder par le passé à la société COSMOS WORLD SL au titre de l’usage et/ou la réalisation d’actes de disposition sur ses marques a été

révoquée, toute licence d’utilisation les concernant devant être considérée éteinte. Il est en outre établi que par décision du 15 octobre 2015, le tribunal de commerce n°2 d’ALICANTE a accordé le bénéfice de l’exécution provisoire audit jugement et que par une décision rendue le 18 mars 2016, sur l’appel interjeté à rencontre de la décision du 28 avril 2015, celle dernière décision a été confirmée devant la juridiction statuant en appel. Quand bien même un pourvoi a été engagé devant les juridictions espagnoles, celui-ci n’étant au demeurant pas suspensif, les sociétés DIESEL peuvent ainsi se prévaloir de deux décisions de juridictions du fond, exécutoires, qui reconnaissent leurs droits et qui rejettent les arguments de la société COSMOS WORLD SL dont se prévalent les sociétés BESSON CHAUSSURES et SALESLUTION dans la présente instance. Il convient dès lors de considérer qu’il est précisément de bonne administration de la justice, respectueuse des décisions rendues en première et deuxième instance par les juridictions espagnoles, de ne pas ordonner un sursis à statuer qui n’apparaît en l’espèce nullement justifié au regard des décisions précitées. Sur les dépens et les frais irrépétibles Il y a lieu de condamner la société BESSON CHAUSSURES à verser aux sociétés DIESEL, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 2 000 euros. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe, non susceptible de recours ;
- REJETONS la demande de sursis à statuer ;

- ORDONNONS le renvoi de l’affaire à l’audience du juge de la mise en état du 6 octobre 2016 à I lh30 ;

— CONDAMNONS la société BESSON Cl IAUSSURES à verser aux sociétés DIF.SKL SPA et DIFSEL FRANCE la somme globale de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

— RESERVONS les dépens.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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