Tribunal de grande instance de Paris, 2e chambre 1re section, 21 mars 2016, n° 14/07836

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 2e ch. 1re sect., 21 mars 2016, n° 14/07836
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 14/07836

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

2e chambre 1re section

N° RG : 14/07836

N° MINUTE :

Assignation du :

07 Avril 2014

JUGEMENT

rendu le 21 Mars 2016

DEMANDEUR

Monsieur F Y

[…]

[…]

représenté par Me Alexandre SECK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0586

DÉFENDEURS

Madame Z B épouse X

[…]

[…]

Madame G X

[…]

[…]

Monsieur H B

[…]

[…]

représentés par Me Philippe POUX JALAGUIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0955

COMPOSITION DU TRIBUNAL

M. Renaud E, Premier Vice-Président Adjoint

Mme Martine SAUVAGE, Vice-Présidente

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Vice-Présidente

assistés de Mathilde D, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 15 Février 2016 tenue en audience publique devant M. Renaud E, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

Avis a été donné aux conseils des parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2016.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

En premier ressort

***********************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS

ET MOYENS DES PARTIES:

Monsieur F Y est né le […], d’un premier lit de R-S Y , ce dernier ayant vécu maritalement depuis l’année 1975, puis dans les liens du mariage, à compter de l’année 1993, avec O J.

En 1990, cette dernière a adopté simplement Monsieur F Y.

Par testament en date du 21 novembre 2008, O Y -J a modifié les bénéficiaires des contrats d’assurance-vie quelle possédait et légué à Mesdames Z et I A et Monsieur H B un ensemble immobilier situé dans le 15e arrondissement de PARIS.

O Y -J est décédée à Paris, le 8 juin 2013.

Par acte du 07 avril 2014, Monsieur F Y a assigné Mesdames Z et I A et Monsieur H B devant le tribunal de grande instance de PARIS en vue de contester le testament du 21 novembre 2008.

Par dernières conclusions, notifiées par voie électronique, le 14 décembre 2015, Monsieur F Y demande au tribunal de:

“Vu l’article 306 du Code de procédure civile,

Vu l’article 901 du code civil,

Vu les articles 973 et 1001 du Code civil,

Vu l’article 481 du même Code,

Vu la jurisprudence applicable,

Vu les pièces apportées par Monsieur F Y J,

- DIRE ET JUGER Monsieur F Y recevable et bien fondé dans ses demandes et par conséquent :

- CONSTATER que lors de la rédaction du testament du 19 juillet 2012, O Y J n’était pas saine d’esprit,

En conséquence :

- DIRE et JUGER que le testament de O Y J en date du 21 novembre 2008 est nul;

- DIRE et JUGER que Mesdames A et Monsieur B ne peuvent revendiquer le patrimoine de Madame Y-J,

- CONDAMNER Mesdames A et Monsieur B aux entiers dépens dont distraction sera faite au profit de Me C, outre la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC”.

Par dernières conclusions, notifiées par voie électronique, le 20 novembre 2015, Mesdames Z et I X et Monsieur H B demandent au tribunal de:

“Vu le code civil et notamment ses articles 971 et suivants, 1319 et 1382;

Vu le code de procédure civile et notamment ses articles 303 et suivants et 700;

- CONSTATER que le requérant ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’insanité d’esprit de la testatrice au moment de l’élaboration du testament;

- CONSTATER que le requérant ne prouve en aucune manière des manœuvres dolosives;

En conséquence,

- REJETER la demande d’annulation du testament présentée dans la présente instance et fondée sur des vices de fond REJETER toutes les autres demandes de Monsieur Y;

- CONSTATER que la contestation du testament par Monsieur Y a causé aux défendeurs un préjudice financier réel;

En conséquence,

- CONDAMNER Monsieur F Y à verser à Mesdames Z G X et M. B une somme de 19.200 € à parfaire, au titre des loyers non perçus;

- CONDAMNER Monsieur F Y à verser à Mesdames Z G X et Monsieur B une somme de 5133,33 € à parfaire, au titre des intérêts sur les contrats d’assurance vie non perçus;

- CONDAMNER Monsieur F Y à verser à Mmes Z G X et M. B une somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du C.MC.

- CONDAMNER Monsieur F Y aux entiers dépens

- REJETER la demande d’article 700 formée par Monsieur Y”.

L’ordonnance de clôture a été rendue, le 5 janvier 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I.- Sur la demande en nullité du testament en date du 21 novembre 2008:

Selon l’article 901 du code civil “pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence”.

L’article 414-1 du même code précise que “pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte”.

A cet égard, ratione personae, s’il ne résulte pas nécessairement du seul diagnostic de la maladie d’Alzheimer que les conditions de l’article 901 du code civil sont remplies (CA Paris, pôle 3 chambre 1, 1er juill. 2015, JurisData n° 2015-016253), l’insanité d’esprit requise par ce texte est en revanche retenue en présence d’un état révélateur de troubles psychologiques et amnésiques importants provoqués par cette maladie (CA Paris, 2e ch., 25 mars 1999, JurisData n° 1999-024029).

Par ailleurs, ratione temporis, l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte litigieux, exigée par l’article 414-1 du code civil, est démontrée, dès lors qu’il est établi que le testateur a été frappé d’insanité d’esprit pendant la période antérieure et celle postérieure à cet acte (Cass. civ., 1re, 12 févr. 1957: Bull. I, n° 69 .- Pour une application plus récente: CA Orléans, 19 avr. 1999, n° 97/00499, JurisData n° 1999-041095).

En l’espèce, il est constant que O Y -J a modifié par testament du 21 novembre 2008, les bénéficiaires des contrats d’assurance-vie quelle possédait et légué à Mesdames Z et I X et Monsieur H B un ensemble immobilier situé dans le 15e arrondissement de PARIS.

Or, il résulte en premier lieu d’un compte-rendu médical que, dès le 13 octobre 2008, soit un mois seulement avant l’établissement du testament litigieux, le docteur K L – praticien hospitalier relevant de la Fédération des malades du système nerveux de l’APHP – a décelé chez O Y J, malgré son autonomie dans la vie courante, une neuropathologie dégénérative de type DCB, manifestement ancienne (2 ou 3 ans), et a préconisé une hospitalisation dans l’attente de laquelle lui était prescrit un traitement par Donépézil, traitement donné aux patients atteints de la maladie d’Alzheimer (pièce n° 2 de Monsieur F Y).

En second lieu, un certificat médical circonstancié, établi, le 30 juillet 2010, par le Docteur P. N, psychiatre inscrit sur la liste des médecins spécialistes de Monsieur le Procureur de la République de Paris, a confirmé très clairement le diagnostic de maladie d’Alzheimer chez O Y -J.

Aux termes de ce document médial, “il est évident que nous nous trouvons face à une symptomatologie de type Alzheimer très évoluée, où parler de compréhension et de discernement possibles relève de l’utopie” (pièce n° 9 de Monsieur F Y).

Enfin, Monsieur P Q, dans une attestation circonstanciée, a fait état plus généralement d’un changement physique et psychique radical en 2008 et 2009 de O Y J, cette dernière ne le reconnaissant plus, alors qu’ils se connaissaient bien et se saluaient (Pièce n° 8 de Monsieur F Y).

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, tant antérieurs que postérieurs à la date de signature du testament que O Y J était atteinte d’un trouble mental au moment de la signature du testament litigieux au sens des dispositions combinées des articles 901 et 414-1 du code civil.

Les certificats médicaux produits par les défendeurs, émanant soit d’un médecin généraliste (pièce n° 4 des défendeurs), soit d’un médecin certes gérontologue, mais non spécialiste en neurologie (pièce n° 4 des défendeurs) de même que les attestations (pièce n° 19) ne sont pas de nature à remettre en cause le faisceau d’indices précis et concordants préétabli.

Il convient par conséquent de dire:

— que le testament de O Y J en date du 21 novembre 2008 est nul;

— que Mesdames Z et I X et Monsieur H B ne peuvent revendiquer les biens que leur a légué O Y-J.

II.- Sur les autres demandes:

L’accueil de la demande principale de Monsieur F Y commande de rejeter par voie de conséquence la demande reconventionnelle de Mesdames Z et I X et de Monsieur H B.

L’équité commande de condamner in solidum Mesdames Z et I X ainsi que Monsieur H B à payer à Monsieur F Y la somme globale de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, est nécessaire.

Il convient de condamner in solidum Mesdames Z et I X ainsi que Monsieur H B aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,

— Dit que le testament de O Y J en date du 21 novembre 2008 est nul ;

— Dit que Mesdames Z et I X et Monsieur H B ne peuvent revendiquer les biens que leur a légué O Y-J ;

— Rejette la demande reconventionnelle de Mesdames Z et I A et de Monsieur H B ;

— Condamne in solidum Mesdames Z et I X ainsi que Monsieur H B à payer à Monsieur F Y la somme globale de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision ;

— Condamne in solidum Mesdames Z et I X ainsi que Monsieur H B aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 21 Mars 2016

Le Greffier Le Président

Mme D M. E

FOOTNOTES

1:

- Expédition exécutoire délivrée

le :

—  Copies certifiées conformes délivrées

le : 21.03.2016 aux avocats

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