Tribunal de grande instance de Paris, 9e chambre 1re section, 14 mars 2017, n° 15/06716

  • Opposition·
  • Société anonyme·
  • Original·
  • Assureur·
  • Contrats·
  • Tiers·
  • Lettre·
  • Réception·
  • Avis·
  • Paiement

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 9e ch. 1re sect., 14 mars 2017, n° 15/06716
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 15/06716

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

9e chambre

1re section

N° RG :

15/06716

N° MINUTE :

Assignation du :

04 Mai 2015

JUGEMENT

rendu le 14 Mars 2017

DEMANDEUR

Monsieur X Y

[…]

[…]

représenté par Me Hélène-camille HAZIZA, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, avocat postulant, vestiaire #PC382

DÉFENDERESSE

S.A. ANTARIUS

[…]

[…]

représentée par Me C-F G, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B1101

COMPOSITION DU TRIBUNAL

[…], Vice-Présidente

Vincent BRAUD, Vice-Président

Véronique PITE, Vice-Présidente

assistés de Marie BOUNAIX, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 31 Janvier 2017 tenue en audience publique devant Mme PITE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

En premier ressort

*****************

Madame Z A avait acquis 7 bons de capitalisation au porteur numérotés S8633241 à S8633247 auprès de la société anonyme Antarius.

Le 7 janvier 2001, aux termes d’un testament olographe, elle avait institué en qualité de légataire universel monsieur X Y.

Placée sous tutelle le 22 mai 2007, elle décéda le 25 juin 2010.

Le notaire chargé de sa succession intégra à son actif ces bons, quoique les originaux n’aient pas été retrouvés, à la valeur indiquée par l’assureur, qui sollicitait la justification de l’identité du nouveau titulaire du contrat.

Le 2 mai 2012, par l’intermédiaire de l’étude notariale, monsieur X Y formait en sa qualité déclarée d’héritier une demande de paiement auprès de l’assureur, portant sur ces titres mais aussi sur le bénéfice d’un capital décès issu d’un autre contrat, que seul la société anonyme Antarius lui régla le 27 août.

Le 22 septembre 2012, il formait opposition auprès de la compagnie, sur un formulaire pré-imprimé dont il oubliait de renseigner ses nom et prénom, suite à quoi cette dernière lui renvoyait pour complément un second formulaire.

Aux termes d’une lettre recommandée avec avis de réception du 4 octobre 2014, il sollicita paiement des bons auprès de la société anonyme Antarius. Elle lui opposait un refus, faute d’enregistrement de l’opposition, incomplète.

Le 22 janvier 2015, suite à sa demande faite le 21 avril 2014, la société anonyme Antarius réglait à monsieur C-D E, qui présentait les originaux des bons de capitalisation au porteur numérotés S8633241 à S8633247, leur contrevaleur.

Monsieur X Y la mettait en demeure de le régler de la même somme par lettre recommandée avec avis de réception du 12 février 2015, restée vaine.

C’est dans ces conditions qu’il l’assigna devant ce tribunal par exploit du 4 mai 2015.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par la voie électronique et visées par le greffe le 17 juin 2016, il demande de :

— condamner la société anonyme Antarius à lui payer 30.748,76 euros représentant la contrevaleur des 7 bons au porteur numérotés S8633241 à S8633247, augmentés des intérêts moratoires,

— la condamner au paiement de 5.000 euros de dommages-intérêts, en réparation de ses préjudices moral et matériel,

— la condamner outre aux dépens à lui payer 4.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il exprime être le seul titulaire de ces bons, à raison du legs universel, s’être ainsi déclaré auprès de l’assureur, via son notaire, si bien que les contrats furent ainsi modifiés. Il ajoute avoir formé opposition valable les 22 septembre et 2 octobre 2012, ayant envoyé une première lettre complétée d’une seconde, les 2 recommandées, cette dernière complétant l’état civil omis. Il souligne, au visa de l’article 1134 du code civil, qu’ainsi l’assureur devait exécuter son ordre de paiement, sa créance étant exigible.

Pour dire la responsabilité de la société engagée, monsieur X Y relève qu’elle a commis une faute à refuser d’enregistrer son opposition, et qu’elle a ainsi pris le risque de régler un tiers du montant querellé. Il voit son préjudice dans la privation subséquente de trésorerie et dans le report de ses projets.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par la voie électronique et visées par le greffe le 26 septembre 2016, la société anonyme Antarius demande au tribunal de :

— débouter son contradicteur de ses prétentions,

— le condamner aux dépens, qui seront distraits au profit de maître C-F G, ainsi qu’à lui payer 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— à titre subsidiaire, réduire l’indemnisation réclamée et débouter monsieur X Y de sa demande en réparation de son préjudice moral et financier, ainsi que de celle formée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle explique ainsi le mécanisme de ces bons qu’ils sont payables sur présentation de l’original, rappelle que monsieur X Y ne les détenait pas, au contraire du tiers à qui elle en régla la valeur. Elle se prévaut d’ailleurs de la règle qui veut que possession vaille titre, en fait de meubles.

Pour ce qui concerne sa responsabilité, elle réfute avoir reçu l’opposition complétée, en sorte qu’elle était en droit de ne pas l’enregistrer. Au reste, elle souligne qu’au cas de conflit entre une opposition et des originaux produits par un tiers, il aurait dû être statué par justice, en sorte que le préjudice ne tient qu’en une perte de chance d’avoir pu se voir reconnaitre la propriété sur ces titres. Elle rappelle qu’au surplus, ces titres se transmettent valablement par tradition, et que monsieur C-D E était cousin issu de germain de madame Z A. Elle estime ainsi cette perte de chance symbolique, puisque monsieur X Y n’était pas le souscripteur des bons et qu’il ne fut jamais en leur possession.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2016.

EXPOSE DES MOTIFS

Aux termes de l’article L.160-1 du code des assurances, quiconque prétend avoir été dépossédé par perte, destruction ou vol d’un contrat ou police d’assurance sur la vie, ou d’un bon ou contrat de capitalisation ou d’épargne, lorsque le titre est à ordre ou au porteur, doit en faire la déclaration à l’entreprise d’assurance, de capitalisation ou d’épargne, à son siège social, par lettre recommandée avec avis de réception ; l’entreprise destinataire en accuse réception à l’envoyeur, en la même forme, dans les huit jours au plus tard de la remise ; elle lui notifie en même temps qu’il doit, à titre conservatoire et tous droits des parties réservés, acquitter à leur échéance les primes ou cotisations prévues, dans le cas où le tiers porteur ne les acquitterait pas, afin de conserver au contrat frappé d’opposition son plein et entier effet ; La déclaration mentionnée à l’alinéa précédent emporte opposition au paiement du capital ainsi que de tous accessoires.

L’article L.160-2 du même code ajoute que si le contrat frappé d’opposition vient à être présenté à l’entreprise, elle s’en saisit et en demeure séquestre jusqu’à ce qu’il ait été statué par décision de justice sur la propriété du titre ou que l’opposition soit levée ; qu’il est délivré récépissé du contrat saisi au tiers porteur s’il justifie de son identité et de son domicile et qu’à défaut de cette justification, le contrat est restitué sans formalité à l’opposant.

L’article R160-4 précise alors que s’il se manifeste un tiers porteur du contrat frappé d’opposition, l’entreprise en avise l’opposant dans le mois, par lettre recommandée avec avis de réception ; qu’elle doit également en aviser, dans la même forme, le souscripteur originel du contrat, s’il est autre que l’opposant ; que cet avis mentionne l’obligation d’introduire dans le mois une action en revendication, à peine de mainlevée de l’opposition.

L’article R.160-5 spécifie que dans ce délai, l’opposant doit saisir de son action la juridiction compétente et notifier, par lettre recommandée avec avis de réception, à l’entreprise, l’introduction de cette demande en spécifiant la date de l’assignation et le nom de l’huissier qui l’a délivrée ; que faute par l’opposant d’avoir introduit et notifié son action dans ledit délai, l’opposition est levée de plein droit et mention de cette mainlevée est faite sur le registre des oppositions ; que toutefois, si l’opposant justifie d’une cause légitime l’ayant empêché d’agir ou en cas de fraude, il peut exercer son recours contre le tiers porteur et toute personne responsable de la fraude.

L’article R.160-6 indique que lorsque se sont écoulées deux années à compter du jour de l’opposition sans qu’un tiers porteur se soit révélé, l’opposant peut, sur production d’une simple lettre de l’entreprise attestant que l’opposition n’a pas été contredite, demander au président du tribunal de grande instance ou du tribunal d’instance, s’il s’agit d’un titre de capitalisation ou d’épargne, l’autorisation de se faire délivrer, à ses frais, un duplicata du contrat et exercer les droits qu’il comporte ; qu’au regard de l’entreprise, le duplicata est substitué à l’original qui ne lui est plus opposable, le porteur dépossédé conservant à l’égard de tous autres les recours du droit commun.

En l’occurrence, il est acquis aux débats que monsieur X Y, qui n’a jamais détenu les bons litigieux, s’est rapproché de la société anonyme Antarius pour en avoir paiement, dès l’année 2012, et que celle-ci l’invitait à former opposition au sens de l’article L.160-1 précité.

Il est encore constant qu’il adressait le 24 septembre 2012 à l’assureur cette opposition, sans renseigner ses nom et prénom, et que par lettre datée du lendemain, l’assureur lui renvoyait un nouveau formulaire pour renseignements complets.

Pour établir l’envoi de cette nouvelle opposition, monsieur X Y produit, sans la lettre, la preuve de dépôt et l’avis de réception postal parvenu à la société anonyme Antarius le 3 octobre 2012.

Ceci dit, quoique la copie de la lettre ne soit jointe, les circonstances qu’elle ait été adressée dans le même trait de temps que la première opposition et que la réponse du 25 septembre de l’assureur, invitant le titulaire des bons à lui ré-adresser sous la forme d’une lettre recommandée avec avis de réception une nouvelle opposition, et qu’encore cet envoi fut fait sous cette forme, qu’exige l’article L.160-1 précité, laissent suffisamment présumer que tel fut son contenu. Or, la société anonyme Antarius, qui ne s’explique pas sur le courrier qu’elle a nécessairement reçu et qui ne verse aux débats aucune autre missive émanée de monsieur X Y, ne renverse pas cette présomption, en sorte qu’il doit être tenu pour acquis que l’opposition a été régularisée par le titulaire.

Il n’est ensuite pas contesté que la société anonyme Antarius n’a jamais enregistré l’opposition, en sorte que le délai prévu à l’article R.160-6 précité n’a pas pu courir.

Or, pour obtenir paiement, celui qui affirme être le bénéficiaire d’un contrat de capitalisation souscrit au porteur doit être en mesure de fournir l’original du titre le représentant, ou à défaut, doit engager la procédure d’opposition prévue à l’article L.160-1 du code des assurances, qui se conclut, sauf incident, par l’autorisation du juge d’instance de se faire délivrer duplicata des bons perdus.

Ici, monsieur C-D E, dont il est acquis qu’il détenait en original les bons, a sollicité leur paiement par lettre datée du 21 avril 2014, frappée du tampon de l’assureur avec mention de la réception du 13 janvier 2015.

Parallèlement, monsieur X Y réclamait paiement des mêmes bons dès le 4 octobre 2014.

Pour autant, parce que monsieur X Y n’allègue ni ne démontre avoir été porteur des originaux des bons, ou avoir eu l’autorisation judiciaire de se faire délivrer des duplicata, il n’est habile à réclamer le paiement desdits bons. Ses prétentions, formées en droit en application de l’article 1134 ancien du code civil et en fait sur l’ordre de règlement donné le 4 octobre 2014, réitéré le 26 décembre suivant, ne peuvent prospérer.

Aux termes de l’article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné s’il y a lieu au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Parce que la société anonyme Antarius a commis une faute en n’enregistrant pas l’opposition de monsieur X Y, présumée faite en due forme, dès le mois d’octobre 2012, et en payant, nonobstant cette démarche, un tiers de la contrevaleur desdits bons, alors qu’aux termes des articles R.160-4 et suivants du code des assurances, elle eut dû aviser l’opposant pour qu’il puisse entreprendre l’action en revendication et elle eût dû séquestrer le contrat dans les délais prévus par la loi, elle a nécessairement engagé sa responsabilité dans la production du dommage née de la perte de chance de monsieur X Y de se voir allouer judiciairement ce droit de créance, que ce dernier qualifie au reste improprement de « préjudice matériel et moral de ce manque à gagner ».

Etant précisé qu’en présence d’une opposition rendant la possession du titre équivoque, cette perte de chance n’était pas symbolique, comme le prétend l’assureur, il en sera indemnisé à concurrence de 5.000 euros.

La société anonyme Antarius, qui succombe, sera tenue des dépens et au paiement de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle verra par suite rejeter ses prétentions tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et publiquement par mise à disposition au greffe ;

Condamne la société anonyme Antarius à payer à monsieur X Y 5.000 euros au titre de sa perte de chance de se voir régler la contrevaleur des bons de capitalisation n° S8633241 à S8633247 ;

Rejette la demande en exécution forcée des contrats ;

Déboute la société anonyme Antarius de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société anonyme Antarius à payer à monsieur X Y 1.800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société anonyme Antarius aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 14 Mars 2017

Le Greffier La Présidente

FOOTNOTES

1:

Expéditions

exécutoires

délivrées le:

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Paris, 9e chambre 1re section, 14 mars 2017, n° 15/06716