Tribunal de grande instance de Strasbourg, 1re chambre civile, 23 juin 2003

  • Atteinte à la dénomination sociale·
  • Élément caractéristique distinctif·
  • Atteinte au nom commercial·
  • Situation de concurrence·
  • Activités similaires·
  • Confusion avérée·
  • Connaissance·
  • Contrefaçon·
  • Imitation·
  • Tolérance

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Strasbourg, 1re ch. civ., 23 juin 2003
Juridiction : Tribunal de grande instance de Strasbourg
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : S SORELEC ; SORELEC ENERGIES NOUVELLES
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1221271 ; 92436661
Classification internationale des marques : CL09; CL11; CL19; CL42
Référence INPI : M20030358
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE Selon acte introductif d’instance signifié le 16.08.1999, la S.A SORELEC (Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique) a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG la S.A.R.L. SORELEC pour atteinte aux droits sur sa dénomination sociale, sur son nom commercial et contrefaçon de marques. Aux termes de ses conclusions récapitulatives, enregistrées au greffe le 28.01.2003, la S.A. SORELEC (Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique) demande au Tribunal de :

- dire que la société requérante bénéficie de la protection sur la dénomination « SORELEC » à titre de dénomination sociale et de nom commercial depuis 1968 ;

- dire que la société requérante a la propriété exclusive de la marque « SORELEC » n°1221271 pour désigner notamment « appareils et instruments… électriques… conseils et consultations pour… les installations électriques et tous travaux. » ;

- dire que la société requérante a la propriété exclusive de la marque « SORELEC » n°92/436661 pour désigner notamment : « appareils et instruments… électriques… conseils et consultations sans rapport avec la conduite des affaires pour… les installations et travaux d’électricité » ;

- dire que l’usage par la société défenderesse de la dénomination « SORELEC » constitue une atteinte aux droits de la requérante sur sa dénomination sociale et son nom commercial « SORELEC », ainsi qu’une contrefaçon des marques « SORELEC » n°1221271 et 92/436661 ;

- interdire à la société défenderesse l’usage de la dénomination « SORELEC » sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, et ce, sous astreinte définitive de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, à compter de la signification du Jugement à intervenir ;

- dire que la société défenderesse devra justifier, sous la même astreinte définitive, de l’inscription au Registre du Commerce, du changement de sa dénomination sociale ;

- condamner la société défenderesse au paiement de la somme de 30 500 euros à titre de dommages-intérêts, quitte à parfaire, en réparation du préjudice subi ;

- autoriser la société requérante à faire procéder à la publication du Jugement à intervenir dans 3 journaux ou revues de son choix, aux frais de la société défenderesse, le coût global des publications ne pouvant excéder la somme de 10 000 euros HT ;

- ordonner l’exécution provisoire ;

- condamner la société défenderesse aux dépens, avec application des dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, et au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle fonde ses prétentions sur les dispositions de l’article 8 de la Convention d’Union de Paris, des articles L. 711 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle et de l’article 1382 du Code civil. Suivant des conclusions récapitulatives notifiées le 05.12.2002, la S.A.R.L. SORELEC sollicite que le Tribunal :

- déboute la demanderesse de l’intégralité de ses prétentions ;

- dise n’y avoir lieu à astreinte ou à aucune mesure interdisant l’usage de la dénomination actuelle de la défenderesse ;

- condamne la SA SORELEC (Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique) aux entiers dépens et au paiement des sommes de :

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- ordonne l’exécution provisoire. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 30.01.2003.

DECISION MOTIFS DE LA DECISION : La Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique (SORELEC) fait valoir qu’elle bénéficie sur le terme « SORELEC » des droits tenant à son nom commercial, à sa dénomination sociale et aux marques complexes « SORELEC » n°122 1271 et 92/436661, rendant illicite l’usage par la défenderesse de la dénomination sociale « SORELEC », qui constituerait en outre une contrefaçon des deux marques précitées. Il convient de rappeler que les droits revendiqués s’acquièrent de la manière suivante : * pour la dénomination sociale : par la mention de celle-ci dans l’acte constitutif de la personne morale, c’est-à-dire dans ses statuts pour une société, et plus précisément, au jour de l’immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés, qui conditionne l’acquisition de la personnalité juridique. C’est à cette dernière date que le droit de propriété prend effet, le rendant indisponible pour les tiers, qui ne peuvent plus désormais l’adopter, que ce soit à titre de marque, de dénomination sociale, de nom commercial, voire d’enseigne. * pour le nom commercial : par l’usage public. Toutefois, si le nom commercial est protégé sans obligation de dépôt ou d’enregistrement, à défaut de mention, de publication légale au Registre du Commerce et des Sociétés, il ne

peut en revanche être invoqué à l’encontre d’un tiers qui n’en aurait pas personnellement eu connaissance. * pour la marque : par l’enregistrement qui en est fait. En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique (SORELEC) a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’ORLEANS le 13.08.1968 sous la dénomination sociale « Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique », sigle « SORELEC », et indication du nom commercial « SORELEC ». Elle s’est constituée à l’origine sous la forme d’une Société à responsabilité limitée, puis, selon décision d’une Assemblée Générale Extraordinaire en date du 30.10.1970, elle a pris la forme d’une Société Anonyme. Le 09.12.1981, elle a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS, suite à un transfert de siège social. Il est constant qu’en cas de transformation, la société bénéficie de l’antériorité sur la dénomination sociale de la société dont elle est issue. Dès lors que le nom commercial et la dénomination sociale sont mentionnés au Registre du Commerce et des Sociétés, ils sont opposables aux tiers. S’agissant des marques, elles ont été régulièrement enregistrées le 03.12.1982, pour le N°122 1271 et le 08.10.1992 pour le N°92/436661. L’enregistrement de la première marque a été renouvelé le 19.11.1992. La société défenderesse, S.A.R.L. SORELEC, a quant à elle, été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de STRASBOURG, sous la dénomination sociale « SORELEC », et l’enseigne « SORELEC », le 11.12.1979, soit postérieurement à la demanderesse. Encore faut-il, pour que la protection des droits afférents au nom commercial et à la dénomination sociale puisse s’appliquer, qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. En l’espèce, si la dénomination sociale de la demanderesse est « Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage », il résulte des mentions du RCS et des statuts que son abréviation est « SORELEC », sigle repris à titre de nom commercial. La société défenderesse a adopté exactement le même vocable, « SORELEC », à titre de dénomination sociale et d’enseigne.

Au surplus, il convient de rappeler que ces deux sociétés interviennent dans un même secteur d’activité, et exercent des activités similaires sinon très proches, à savoir :

- pour la demanderesse : entreprise d’électricité de bâtiment et de chauffage électrique, fabrication, achat, vente, importation, exportation de tout matériel électrique de bâtiment et de chauffage ;

- pour la défenderesse : installation électrique, entretien et dépannage, achat, revente de tout matériel électrique. Ces deux sociétés sont ainsi susceptibles d’avoir les même clients, d’entrer en concurrence. En raison de l’identité de vocable ainsi que d’un objet social portant sur un même secteur d’activité, il est indéniable qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public, un risque de rapprochement entre les deux sociétés, voire une possibilité de créer un lien entre elles, ou à tout le moins une ambiguïté sur leur identité respective. L’existence d’un risque de cette nature est suffisant pour assurer la protection du nom commercial et de la dénomination sociale de la première société à les avoir adopté. Il n’est pas nécessaire de justifier de la réalité d’une confusion. Néanmoins, la demanderesse verse aux débats deux bons de commande pour des chantiers distincts, qui lui ont été adressés par la société SPIE TRINDEL, en avril et septembre 2002, alors qu’ils étaient destinés à la société défenderesse. Il y a donc bien eu, en plus, une confusion avérée. S’agissant des marques, leur enregistrement confère à son titulaire un droit de propriété pour les produits et services désignés. Il est donc interdit, sauf autorisation de ce propriétaire, de reproduire, user ou apposer une marque, ainsi que d’user d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement, voire similaires, s’il existe, dans cette dernière hypothèse, un risque de confusion dans l’esprit du public. L’atteinte à la marque peut résulter d’un usage du signe comme dénomination sociale, nom commercial, enseigne… dès lors que les termes utilisés par celui qui est poursuivi en contrefaçon ont conservé leur pouvoir distinctif propre, ce qui est le cas en l’espèce. La défenderesse a repris l’élément distinctif essentiel de la marque, à savoir le vocable « SORELEC » et en fait usage à titre de dénomination sociale et d’enseigne dans son activité commerciale. Ces marques « SORELEC » présentent un caractère distinctif, et non descriptif et sont ainsi protégeables.

Un tel vocable n’est nullement incontournable, nécessaire pour désigner des sociétés exerçant leur activité dans le domaine de l’électricité. Le simple fait qu’il existe d’autres sociétés portant ce même nom, ne saurait suffire à établir le contraire, voire qu’il serait banalisé. Les produits ou services désignés lors de l’enregistrement, sont les suivants :

- pour la marque « SORELEC » n°1221271 : classes 9, 19, 42 : appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, électriques (y compris la T.S.F.), photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signification, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage), et d’enseignement, (…), installation de chauffage et de climatisation, pour les installations électriques, et tous travaux ;

-pour la marque « SORELEC » 92/436661 : classes 9, 11, 19, 42 : outre les produits et services indiqués ci-dessus au titre des classes 9, 19 et 42 : appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d’eau et installations sanitaires, installations de chauffage solaire. Les services proposés par la défenderesse (installation électrique, entretien et dépannage, achat, revente de tout matériel électrique), sont certes nettement moins étendus, mais sont néanmoins inclus dans ceux pour lesquels les marques en question sont protégées. La reprise du seul élément dénominatif de ces marques provoque nécessairement un risque de confusion, pour les produits ou services similaires, conformément à ce qui a été relevé sur ce point dans les développements qui précèdent. Quoi qu’il en soit, en raison de l’antériorité de la dénomination sociale et du nom commercial du propriétaire des deux marques, à aucun moment la défenderesse n’a pu avoir de droit sur la dénomination qu’elle a choisi, nonobstant le fait qu’elle soit postérieure à l’enregistrement des dites marques. Il convient de préciser en outre que l’usage, même prolongé, d’une dénomination sociale est insusceptible de faire naître un droit sur celle-ci. Quant à la tolérance invoquée, elle n’est aucunement démontrée, dans la mesure où il ne ressort d’aucune pièce de la procédure que la demanderesse aurait eu connaissance de l’existence de la S.A.R.L. SORELEC avant l’année 1996. A défaut d’établir que la Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique (SORELEC) aurait connu sans réagir l’existence et l’usage de ses marques, dénomination sociale et nom commercial à titre de dénomination sociale par la société défenderesse, aucune tolérance ne peut être invoquée. De même, il sera rappelé que la protection de ces droits s’étend sur l’ensemble du territoire, et donc également sur la région où la S.A.R.L. SORELEC exerce son activité,

mais au surplus il importe peu que cette dernière n’ait qu’un rayonnement local, en ce qu’elle n’a jamais eu aucun droit sur la dénomination « SORELEC ». Enfin, le fait qu’il existe d’autres sociétés portant la dénomination SORELEC ne saurait exonérer la défenderesse de sa responsabilité. Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que la Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique (SORELEC) bénéficie de droits de propriété donnant lieu à protection, sur la dénomination « SORELEC », et ce, à titre de dénomination sociale et de nom commercial, depuis 1968. Elle dispose également de la propriété exclusive sur les marques « SORELEC » n°1221271 et n°92/436661. En conséquence, l’usage par la S.A.R.L. SORELEC de la dénomination « SORELEC » constitue une atteinte aux droits de la Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique (SORELEC) sur sa dénomination sociale et son nom commercial « SORELEC », ainsi qu’une contrefaçon des marques « SORELEC » n°1221271 et n°92/436661. Il convient donc d’interdire à la S.A.R.L. SORELEC de faire usage de la dénomination « SORELEC » sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, et ce, sous astreinte de 250 euros par infraction constatée et par jour de retard au-delà du délai de deux mois suivant la signification de la présente décision. Par application des dispositions de l’article 34 de la loi du 09.07.1991, cette astreinte sera provisoire. En revanche, il n’y a pas lieu de condamner la société défenderesse à justifier sous la même astreinte, de l’inscription au RCS du changement de sa dénomination sociale, dès lors que le non respect de l’interdiction afférente à cette dénomination est sanctionné par une astreinte. Ces atteintes aux droits de propriété ont nécessairement occasionné à leur titulaire un préjudice moral, qui, au regard des éléments de l’espèce, peut être évalué à hauteur de la somme de 5 000 euros, au paiement de laquelle sera condamnée la S.A.R.L. SORELEC. La demanderesse ne justifie d’aucun autre préjudice et sera donc justement et intégralement indemnisée par l’allocation de la somme précitée. La nature de l’affaire est compatible avec l’exécution provisoire. Elle sera ordonnée eu égard à l’ancienneté des faits et aux circonstances particulières de la cause.

La Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique (SORELEC) a dû exposer des frais irrépétibles à l’occasion de la présente instance. Il apparaît équitable de ne pas les laisser intégralement à sa charge et de condamner en conséquence la S.A.R.L. SORELEC à lui verser une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Aux termes de l’article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile, la partie qui succombe supporte la charge des dépens. Par suite la S.A.R.L. SORELEC sera condamnée aux entiers dépens de l’instance. Le bénéfice de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ne sera pas accordé dès lors que cette disposition n’est pas applicable en ALSACE-MOSELLE. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ; DIT que l’usage par la S.A.R.L. SORELEC de la dénomination « SORELEC » constitue une atteinte aux droits de la Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique (SORELEC) sur sa dénomination sociale et son nom commercial « SORELEC », ainsi qu’une contrefaçon des marques « SORELEC » n° 1221271 et n°92/436661 ; FAIT INTERDICTION à la S.A.R.L. SORELEC de faire usage de la dénomination « SORELEC », sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, sous astreinte provisoire de DEUX CENT CINQUANTE EUROS (250 euros) par infraction constatée au-delà du délai de deux mois suivant la signification du présent Jugement ; CONDAMNE la S.A.R.L. SORELEC à payer à la Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique (SORELEC) la somme de CINQ MILLE EUROS (5 000 euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi ; AUTORISE la Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique (SORELEC) à faire publier le présent Jugement par extrait dans trois journaux ou revues de son choix, sans que le coût de chacune de ces insertions n’excède la somme de DEUX MILLE EUROS (2 000 euros) HORS TAXES ; ORDONNE l’exécution provisoire ; CONDAMNE la S.A.R.L. SORELEC à payer à la Société Orléanaise d’Electricité et de Chauffage Electrique (SORELEC) une indemnité de QUATRE MILLE EUROS (4 000 euros) sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; CONDAMNE la S.A.R.L. SORELEC aux entiers dépens de l’instance ;

REJETTE toutes demandes plus amples ou contraires ; .

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