Tribunal d'instance de Puteaux, 28 septembre 1999, n° 11-99-000151

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Sur la décision

Référence :
TI Puteaux, 28 sept. 1999, n° 11-99-000151
Juridiction : Tribunal d'instance de Puteaux
Numéro(s) : 11-99-000151

Texte intégral

Diffamation. Responsabilité éditoriale – Responsabilité de l’hébergeur (non). I PUTEAUX EXTRAIT DES MINUTES DU TRIBUNAL D’INSTANCE 291-11. 1881 – Gi du 29) 11. 1982 site internet. Compétence Lai du 29

TRIBUNAL D’INSTANCE DE JUGEMENT ridichionnelle -vie 131, Rue de la RépubliquUTEAUX DÉPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE presse (non) – compétence du TI (on') – solution implicite A l’audience publique du Tribunal d’Instance tenue le 28 Septembre 1999;92800 PUTEAUX : 01.47.73.02.12 fuct-infirmatif -de of a lan Sous la Présidence de Marie-José BOU, Juge d’Instance, assistée de

Laurence GARET, Greffier;

- d’appel de Versailles ܩܘ ܝܚܘ

- du 27 Aprés débats à l’audience du 29 juin 1999, le jugement suivant a été rendu;

RG N° 11-99-000151

ENTRE:

DEMANDEUR(S) :

Société AXA Conseil IARD, prise ne la personne de son représentant légal, M. P JUGEMENT PARIS, représenté(e) par Me DUPEUX Jean-Yves, avocat au barreau de PARIS

Société AXA Conseil Vie, prise en la personne de son représentant légal, M. P Du 28/09/1999

PARIS, représenté(e) par Me DUPEUX Jean-Yves, avocat au barreau de PARIS

Société AXA Conseil IARD ET: Société AXA Conseil Vie

DEFENDEUR(S) : C/
Monsieur C M représenté(e) par Me HAMEL Farid, avocat au barreau du RHONE C M

C , Président du Monsieur S
Monsieur S C Président du Conseil d’Administartion de la société X Conseil d’Administartion de la société

[…], […], représenté(e) par X

Me RYTERBAND Bruno, avocat au barreau de PARIS Société X

Société X Immeuble Kupka B 16 rue Hoche Quartier des Bouvets, […], représenté(e) par Me RYTERBAND Bruno, avocat au barreau de PARIS



EXPOSE DU LITIGE

Le 20 novembre 1998, les sociétés AXA-UAP et FINAXA ont fait constater par Maître Y, huissier de justice à Paris, le contenu d’un document intitulé

< Comment AXA prend les gens pour » accessible à l’adresse Internet

< http://perso.X.fr/guadian/ ».

Le 14 décembre 1998, les sociétés FINAXA, AXA-UAP, AXA Conseil IARD et AXA

Conseil Vie ont fait assigner en référé la société X afin d’obtenir une expertise destinée à sauvegarder les informations litigieuses et à recueillir toutes informations nécessaires à l’identification du ou des auteurs du document incriminé.

M. Z, expert désigné par une ordonnance de référé de ce Tribunal du 22 décembre 1998, a indiqué dans son rapport du 8 janvier 1999 que l’auteur du document litigieux était vraisemblablement M. C M demeurant 282 cours […].

Par deux actes d’huissier du 20 janvier 1999, les sociétés AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie ont fait assigner Monsieur C Monsieur CM

S , Président du Conseil d’administration de la société X, et la société

X SA afin de voir :

- dire et juger que les allégations contenues sur les pages personnelles intitulées

< Comment AXA prend les gens pour », diffusées sur l’internet par le serveur de la société X, constituent une diffamation publique envers les sociétés AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie telle que prévue par les articles 29 alinéa 1er 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881; Président du Conseil d’administration de la

- déclarer Monsieur C S 7 société X, coupable en sa qualité d’auteur principal, de diffamation publique envers particuliers en application des dispositions de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982;

- déclarer Monsieur C M auteur des propos attaqués, coupable en 1 sa qualité de complice, de diffamation publique envers particuliers en application des dispositions de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982;

- déclarer la société X civilement responsable de son Président ;

- condamner solidairement les défendeurs à payer à chacune des demanderesses la somme de 500000F en réparation du préjudice subi;

- dire et juger que la société X devra publier le jugement à intervenir 15 jours au plus tard à compter de sa signification sur la page d’accueil du site web X pendant une semaine à ses frais à l’adresse suivante « http://www.X.fr » dire et juger que le jugement à intervenir sera publié aux frais des défendeurs, dès sa signification, dans le quotidien Les Echos et dans le journal spécialisé Internet Professionnel et ce, sous astreinte de 10000F par jour de retard, sans que le coût de chaque publication excède 50000F HT; condamner solidairement les défendeurs au paiement de l’ensemble des frais

d’expertise ;

- ordonner l’exécution provisoire ;



- condamner solidairement les défendeurs à payer aux demanderesses la somme de 80000F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile;

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens.

Par acte d’huissier du 29 janvier 1999, les demanderesses ont dénoncé l’assignation à Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Nanterre et à Monsieur l’Officier du Ministère Public près le Tribunal d’instance de

Puteaux.

Après deux renvois sollicités par les parties, l’affaire a été plaidée à l’audience du 29 juillet 1999.

Les demanderesses soulignent qu’elles ont saisi le Tribunal d’instance de Puteaux en vertu de l’article R 321-8 du code de l’organisation judiciaire selon lequel le tribunal d’instance connaît des actions civiles en diffamation ou pour injures publiques ou non publiques, verbales ou écrites autrement que par voie de la presse.

Elles font valoir que le droit de la presse est applicable au réseau Internet et que la prestation d’hébergement de pages personnelles, service incriminé en l’espèce, constitue un service de communication audiovisuelle, les pages personnelles étant mises à la disposition du public.

Les demanderesses soutiennent que les propos de Monsieur M ont un caractère diffamatoire dès lors :

- qu’ils contiennent l’imputation de faits précis, accompagnés par l’auteur d’exemples démonstratifs, portant gravement atteinte à leur honneur et considération ;

- qu’elles sont nommément désignées par ces propos.

dontElles mettent tout d’abord en cause la responsabilité de Monsieur M elles observent qu’il n’a pas notifié d’offres de preuve dans les délais impartis par

l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881. Elles considèrent que sa mauvaise foi ne saurait être contestée, la violence de ses allégations excédant les limites de la critique admissible et ne reposant sur aucun élément d’enquête sérieux.

S’agissant de M. S elles arguent de l’article 93-3 de la loi de 1986 qui prévoit la responsabilité du directeur de la publication, l’auteur des propos n’étant que complice. Elles estiment que le fournisseur d’hébergement est assimilable au directeur de la publication, peu important à cet égard que l’auteur des propos soit identifiable ou non. Elles ajoutent que les pages des abonnés étant téléchargées sur le disque dur d’un des serveurs du fournisseur d’hébergement avant leur mise en ligne sur le réseau Internet, les pages personnelles font l’objet d’une fixation préalablement à leur mise à disposition du public. Elles en déduisent qu’il est parfaitement possible techniquement de procéder à un contrôle entre le


téléchargement des pages des abonnés sur le disque dur et leur mise en ligne sur le réseau Internet. En tout état de cause, elles relèvent que la responsabilité d’un producteur de service télématique a été retenue alors même que le message n’avait pas été fixé préalablement à sa communication au public.

Subsidiairement, les demanderesses demandent au Tribunal de constater au regard du droit commun de la responsabilité que la société X a manqué à son obligation de contrôle en ne relevant pas et en ne supprimant pas le contenu des pages personnelles de M. M alors qu’elle disposait de moyens techniques suffisants pour y procéder, notamment grâce à un moteur de recherches LOKACE.

En ce qui concerne leur préjudice, les demanderesses indiquent que les propos portés par M. M ont été accessibles à tous les internautes pendant plus

d’un mois.

La société X et M. S précisent à titre préalable que l’hébergement des pages personnelles des abonnés consiste en deux opérations complémentaires : la mise à disposition de l’abonné d’un espace informatique dédié au stockage desdites pages, le stockage étant opéré sur un serveur désigné par l’adresse

< perso.X.fr » ;

l’acheminement des pages personnelles vers l’ordinateur de tout utilisateur d’Internet qui en fait la demande.

La société X et M. S n’entendent pas se prononcer sur le bien-fondé de la demande en tant qu’elle qualifie de diffamatoires les propos publiés pat M.

MONNIER.

La société X et M. S contestent l’application de la loi du 30 septembre

1986 à la prestation d’hébergement de pages personnelles.

Ils soutiennent en premier lieu que la mise à disposition du public par voie de télécommunication de messages, définition de la communication audiovisuelle donnée par la loi précitée, suppose une démarche positive de diffusion et un contrôle du contenu desdits messages.

Or, ils prétendent que les pages personnelles sont réalisées et mises en ligne, et par voie de conséquence « mises à la disposition du public », par le seul abonné, le fournisseur n’ayant qu’un rôle technique de simple transport et de stockage.

En second lieu, ils dénient à M. S la qualité de directeur de publication des pages personnelles, estimant que seul l’abonné pourrait, le cas échéant, être considéré comme tel et ce, particulièrement dans le cas où la fourniture

d’hébergement n’a pas lieu de manière anonyme.



A titre subsidiaire, ils font valoir que la présomption de responsabilité du directeur de la publication, édictée par l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, repose sur la possibilité qu’a ce dernier d’exercer un contrôle éditorial avant communication des propos au public, lequel suppose une fixation préalable à l’acte de mise à disposition du public. Or, ils soulignent qu’il n’existe, pour les pages personnelles, aucun délai entre l’opération consistant, pour le responsable d’un site personnel, à transférer un fichier créé par lui et son accessibilité sur l’Internet.

La société X et M. S concluent à l’incompétence rationae materiae du

Tribunal d’instance pour statuer sur la demande subsidiaire fondée sur la responsabilité de droit commun. La société X conteste de surcroît avoir commis une quelconque faute ou un quelconque manquement à l’une de ses obligations.

Ils concluent donc au rejet de l’ensemble des demandes et sollicitent la somme de 40000F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

A titre préalable, M. M prétend que la société X a inscrit sans son accord son adresse (URL) dans un moteur de recherches LOCKACE qui a permis le référencement de la page litigieuse et qu’à défaut de diffusion sur ce moteur de recherches, son message aurait conservé un caractère confidentiel.

M. M engagé par l’UAP en 1992, précise que ce message a été rédigé le lendemain de l’intervention de la Direction Générale du groupe AXA à Lyon le 20 octobre 1998 et que, comme la quasi-totalité des salariés de l’ex UAP, il a eu le sentiment d’être totalement « broyé » par le groupe AXA dans le cadre de la réorganisation du « réseau S ».

Il demande au Tribunal de constater que les propos qu’il a employés concernant notamment « les pratiques de gangsters d’AXA » l’avaient été précédemment dans différentes éditions syndicales pour lesquelles aucune poursuite n’a été engagée. Il estime par ailleurs qu’il justifie des critiques faites sur les tarifications des sociétés

AXA.

Il considère par conséquent que ses propos n’ont pas de caractère diffamatoire.

A titre subsidiaire, il fait valoir que, licencié pour faute lourde, il a déjà été sanctionné par son employeur. Il considère au surplus que les demanderesses ne justifient pas du préjudice allégué ni de l’intérêt des publications qu’elles sollicitent.

Il conclut au rejet de l’ensemble des demandes.



MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande tendant à voir dire et juger que les allégations contenues sur les pages personnelles « Comment AXA prend les gens pour des constituent une diffamation publique telle que prévue par les articles 29 alinéa

1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881

La poursuite des délits prévus et punis par la loi du 29 juillet 1881 est subordonnée à l’existence d’un élément de publicité. L’article 23 de ladite loi, modifié par la loi du

1er juillet 1972, énumère les différents modes de publicité, la loi du 13 décembre 1985 y ayant ajouté « tout moyen de communication audiovisuelle ».

Il convient donc de rechercher, à titre préalable, si les écrits incriminés ont été diffusés par un moyen de communication audiovisuelle.

L’article 2 alinéa 2 de la loi du 30 septembre 1986 a défini la communication audiovisuelle comme « toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de

sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée ».

Il est établi que l’Internet, réseau sur lequel ont été diffusés les écrits émanant de M.

M est un procédé de télécommunication.

Il y a correspondance privée lorsque le message est exclusivement destiné à une ou plusieurs personnes, physiques ou morales, déterminées et individualisées. Or, en l’espèce, M. M n’a pas utilisé le courrier électronique, qui permet l’envoi

d’un message d’une adresse E-mail à une autre adresse E-mail, mais un service accessible à des personnes inconnues et imprévisibles de sorte que le message litigieux ne peut, en aucune façon, être considéré comme une correspondance privée.

Il se déduit de cette constatation et des explications de la société X selon lesquelles l’hébergement des pages personnelles consiste, après le stockage, à acheminer les pages personnelles vers l’ordinateur de tout utilisateur d’Internet qui en fait la demande que la condition relative à la mise à disposition du public ou d’une catégorie de publics est également remplie.



Le caractère public du message de M. M se trouve par conséquent établi.

La diffamation est l’allégation ou l’imputation d’un fait déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne déterminée, faite de mauvaise foi.

Le contenu du message rédigé par M. M est le suivant :

En titre : « Comment AXA prend les gens pour des

«

Ce texte est suivi du logo d’AXA Conseil, dans lequel la barre oblique prolongeant habituellement le X du mot AXA est remplacée par une épée, le terme < Conseil '> étant substitué par l’expression « Qu’on saigne ».

Le texte se poursuit ainsi :

«

«

«



Suivent deux exemples et « En conclusion '>

«

Figurent ensuite la clause de réduction-majoration (article A 121-1 du code des assurances) et des tableaux reprenant par extrait le tarif AXA Conseil.

Le titre du document et ses sous-titres ainsi que la deuxième phrase du texte, à connotation grossière, impute à AXA Conseil d’afficher le plus grand mépris à l’égard de ses salariés et de sa clientèle.

L’expression < pratiques de gangsters d’AXA» est une accusation d’une extrême gravité qui met en cause la probité d’AXA et laisse entendre que les sociétés AXA Conseil se livrent à des pratiques pénalement répréhensibles.

La suite du texte accuse AXA de tromper ses salariés de manière éhontée et de mener une politique pour le moins archaïque dans sa gestion de la réforme du réseau S.

Le document mentionne ensuite que AXA Conseil IARD ne respecte pas les dispositions du code des assurances et trompe ses clients, ces accusations étant portées dans un langage trivial, assimilant la pratique d’AXA Conseil IARD à de l’escroquerie.



L’attaque vise ensuite AXA Conseil Vie, laissant entendre une nouvelle fois de manière grossière que cette société trompe et abuse ses clients.

L’ensemble de ces propos contiennent manifestement l’imputation de faits précis qui portent directement atteinte à l’honneur et à la considération des demanderesses, qui y sont nommément visées.

En matière de diffamation, la mauvaise foi est présumée.

Cette présomption peut néanmoins être renversée si l’auteur des propos diffamatoires justifie d’un motif légitime d’information, d’une enquête sérieuse, de prudence dans l’expression et d’absence d’animosité personnelle.

La prudence dans l’expression et l’absence d’animosité personnelle ne caractérisent pas, pour le moins, les propos contenus dans le message litigieux.

M. M en ses seules qualités de salarié d’AXA et de citoyen, ne saurait véritablement se prévaloir d’un devoir d’informer à l’instar d’un journaliste et, s’il entendait poursuivre un but d’information, il aurait dû le faire avec plus de modération.

Le défendeur tente de se retrancher à cet égard derrière des éditions d’un bulletin syndical intitulé «Les Brèves du Syndicat National des Producteurs d’assurances et de capitalisation-Force Ouvrière » dans lesquels la réforme du « S » est violemment dénoncée. Ainsi, il y est imprimé : «

Cependant, le ton de ces écrits n’est jamais aussi grossier que celui employé sur l’Internet, étant observé que des critiques, même virulentes, sont davantage admises lorsqu’elles ont lieu dans un contexte socioprofessionnel, pour la défense de principes syndicaux. Par ailleurs, le Tribunal ignore les conditions dans lesquelles ces tracts ont été distribués ainsi que les personnes qui en étaient les destinataires de sorte qu’il existe un doute quant à la publicité de ces écrits. De plus, le fait qu’aucune poursuite n’ait été engagée à l’encontre des auteurs de ces tracts ne saurait empêcher les sociétés AXA Conseil d’intenter une action civile pour des propos en partie similaires émanant d’une autre source et diffusés par un autre moyen de communication.

Les défendeurs ne justifient pas non plus d’une enquête sérieuse. S’agissant des attaques à l’égard de la politique sociale d’AXA, aucune pièce n’est fournie à l’exception des tracts susvisés, lesquels ne sauraient constituer un élément


d’enquête personnel et objectif. En ce qui concerne les produits d’AXA, les défendeurs ne démontrent pas avoir réuni des informations susceptibles d’étayer les affirmations relatives au contrat d’assurance vie qualifié de « piège à ». Il en est de même s’agissant des contrats d’assurance automobile.

La mauvaise foi est par conséquent établie.

Par ailleurs, il convient de constater qu’aucune offre de preuve n’a été signifiée dans le délai prévu par l’article 55 de la loi du 29 juillet 1981.

Il y a donc lieu de dire et juger que les allégations et imputations contenues sur les pages personnelles intitulées « Comment AXA prend les gens pour des constituent une diffamation publique envers les sociétés AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie telle que prévue et réprimée par les articles 29 alinéa 1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881.

Sur la demande visant à voir déclarer M. C S Président du 3 conseil d’administration de la société X, coupable en qualité d’auteur principal de diffamation publique

Il résulte de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 qu’en cas de diffamation commise par un moyen de communication audiovisuelle, le directeur de la publication est poursuivi comme auteur principal lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public et qu’à défaut d’une telle fixation, l’auteur et, à défaut, le producteur est poursuivi comme auteur principal.

Il est d’ores et déjà acquis que l’édition de pages personnelles pouvant être consultées sur le réseau de l’Internet est un moyen de communication audiovisuelle.

Les demanderesses en déduisent que le fournisseur d’hébergement doit être assimilé au directeur de la publication.

Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 93-2 alinéa 1 de la loi de 1982,

< tout service de communication audiovisuelle est tenu d’avoir un directeur de la publication », qui est, « lorsque le service est fourni par une personne morale », « le président du directoire ou du conseil d’administration, le gérant ou le représentant légal, suivant la forme de la personne morale ».

L’hébergement consiste à conserver en mémoire des informations et à connecter un site à l’Internet.



Le fournisseur d’hébergement est donc généralement défini comme un fournisseur de service de stockage et de gestion de contenus permettant à un créateur de pages personnelles de rendre ces pages accessibles au public.

Dès lors, il apparaît bien que le fournisseur d’informations est le créateur de pages personnelles, le fournisseur d’hébergement ne faisant que participer à l’acte de diffusion par les moyens techniques qu’il met à disposition du créateur de pages personnelles.

Le directeur d’un service de communication audiovisuelle est celui qui peut exercer son contrôle avant la publication, celui qui a la maîtrise du contenu du service.

Or, il résulte des énonciations précédentes que le fournisseur de contenus informationnels, dans le cadre de l’hébergement de pages personnelles, est le créateur de la page personnelle. Le fournisseur d’hébergement n’intervient en aucune façon sur l’émission des données, il ne peut pas même en déterminer le thème ni le sujet. Il ne peut non plus ni sélectionner, ni modifier les informations avant leur accessibilité sur l’Internet.

Ce dernier point est mis en évidence par le procès-verbal de constat établi le 6 avril 1999 par Maître A, huissier de justice à Neuilly sur Seine, en présence de
M. B, expert en informatique et techniques associées agréé par la Cour de cassation. En effet, il ressort de ce constat que le transfert de la page personnelle créé par l’abonné à partir de son ordinateur vers le répertoire mis à sa disposition est effectué à une vitesse électronique extrêmement rapide, d’une durée de l’ordre de quelques centièmes de secondes ou dixièmes de seconde de sorte que le fichier transféré par l’abonné est accessible sur le réseau Internet immédiatement après la fin de son transfert par l’abonné.

Dans ces conditions, il apparaît que le fournisseur d’hébergement n’a aucune maîtrise sur le contenu des informations avant que celles-ci ne soient disponibles sur l’Internet. Il s’en déduit que le fournisseur d’hébergement de pages personnelles ne peut être considéré comme un directeur de publication.

De plus, la responsabilité du directeur de la publication ne peut, aux termes de l’article 93-3 susvisé de la loi du 29 juillet 1982, être recherchée que si le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public.

Cette condition rejoint l’aspect précédemment évoqué lié aux caractéristiques techniques du transfert du fichier créé par l’abonné et son accessibilité sur le réseau Internet.



S’il est vrai qu’X, dans son offre d’hébergement de pages personnelles, précise que la création d’un répertoire personnel peut prendre environ 24 heures, il est tout aussi clairement établi au vu du constat effectué par Maître A qu’une fois le traitement informatique d’ouverture du site personnel de l’abonné effectué, il n’existe aucun délai entre l’opération consistant pour l’abonné à transférer un fichier créé par lui et son accessibilité sur Internet. Ce transfert se produit de manière automatique. M. C précise que le fichier modifié ou ajouté sur le site de l’abonné n’est pas stocké ou fixé par X avant sa mise en ligne par l’abonné sur les pages personnelles.

Ce constat est conforme à celui fait dans un commentaire d’arrêt, versé aux débats par les demanderesses, selon lequel : « Il n’est ici qu’une seule certitude ; il n’est pas, pour l’heure, possible de contrôler en temps réel les contenus hébergés. »>

A défaut de fixation préalable, la responsabilité de M. S en tant que directeur de la publication, ne peut être engagée.

L’article 93-3 susvisé prévoit qu’en l’absence d’une telle fixation, « l’auteur et, à défaut, le producteur est poursuivi comme auteur principal. » Ce texte édicte donc une responsabilité alternative et non cumulative entre l’auteur et le producteur, laquelle privilégie la responsabilité de l’auteur, le producteur du service ne pouvant être poursuivi comme auteur principal qu’à défaut de poursuites contre l’auteur du message illicite.

Or, en l’espèce, l’auteur des propos diffamatoires est parfaitement identifié et se trouve attrait dans la cause de sorte que M. S à supposer qu’il ait la qualité de producteur, ne peut être considéré comme l’auteur principal de la diffamation.

Dès lors, il convient de débouter les requérantes de leur demande tendant à voir déclarer M. S Président du Conseil d’administration de la société X, coupable en sa qualité d’auteur principal, de diffamation publique envers particuliers.

Sur la demande visant à voir déclarer M. M coupable en sa qualité de complice de diffamation publique envers particuliers en application des dispositions de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982

La responsabilité de M. M n’est recherchée par les demanderesses qu’en sa qualité de complice et non comme auteur principal.


M. D n’ayant pas été jugé auteur principal de la diffamation, M. M ne peut être qualifié de complice de la diffamation.

Cette demande sera donc également rejetée.

Sur la demande en paiement de la somme de 500000F à titre de dommages et intérêts et de publication du jugement

Compte tenu du rejet des deux précédentes demandes, il ne peut être fait droit aux demandes de dommages et intérêts et de publication de la décision sur le fondement cumulé de la loi du 29 juillet 1881 et de la loi du 29 juillet 1982.

Les sociétés AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie sollicitent néanmoins le bénéfice de ces demandes en se plaçant sur le terrain de la responsabilité civile de droit commun.

Il résulte de l’article R 321-1 du code de l’organisation judiciaire que, sauf dispositions spéciales, le tribunal d’instance connaît en matière civile de toutes actions personnelles ou mobilières jusqu’à la valeur de 50000F.

Or, les demandes formées à titre subsidiaire sont fondées sur le droit commun de la responsabilité délictuelle et leur valeur excède 50000F ou n’est pas déterminée.

Il convient donc de se déclarer incompétent sur ces demandes formées à titres subsidiaire au profit du Tribunal de grande instance de Nanterre.

Sur les dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile

Les conditions d’application de ces dispositions ne sont pas réunies au bénéfice des demanderesses.

En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de M. S et de la société X les frais non compris dans les dépens qu’ils ont exposés à

l’occasion de la présente instance. Les demanderesses seront condamnées à leur verser à ce titre la somme de 10000F.



PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort :

Dit et juge que les allégations et imputations contenues sur les pages personnelles intitulées « Comment AXA prend les gens pour des » constituent une diffamation publique envers les sociétés AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie telle que prévue et réprimée par les articles 29 alinéa 1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Rejette la demande visant à voir déclarer M. S président du Conseil d’Administration de la société X, coupable en sa qualité d’auteur principal de diffamation publique envers particuliers en application de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982;

Rejette la demande visant à voir déclarer M. M coupable en sa qualité de complice de diffamation publique envers les particuliers en application de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982;

Déboute les sociétés AXA Conseil IARD et AXA Conseil Vie de leurs demandes de dommages et intérêts et de publication du jugement en ce que ces demandes sont fondées sur les dispositions cumulées de la loi du 29 juillet 1881 et de la loi du 29 juillet 1982;

Se déclare incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Nanterre sur

ces mêmes demandes en ce qu’elles sont fondées sur le droit commun de la responsabilité délictuelle;

Dit qu’à défaut de contredit dans le délai légal, le dossier de l’affaire sera transmis par les soins du greffe à la juridiction ainsi désignée ;

Condamne les sociétés AXA Conseil Vie et AXA Conseil IARD à payer à M. D

à la société X la somme de 10000F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile au bénéfice des sociétés AXA Conseil Vie et AXA Conseil IARD ;

Laisse les dépens à la charge des sociétés AXA Conseil Vie et AXA Conseil IARD.

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits. Pour expédition conforme à la minute Le Greffier du Tribunal d’Instance

de PuteauxLE JUGE LE GREFFIER

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GREFFIER

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