Tribunal Judiciaire de Marseille, 25 avril 2022, n° 21/08703

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Marseille, 25 avr. 2022, n° 21/08703
Numéro(s) : 21/08703

Texte intégral

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

------- 1ère Chambre Cab3

--------

ORDONNANCE D’INCIDENT AUDIENCE DE PLAIDOIRIE DU Lundi 14 Mars 2022 DÉLIBÉRÉ DU 25 Avril 2022

NE: N° RG 21/08703 – N° Portalis DBW3-W-B7F-ZG2Y

AFFAIRE :Z X/S.A.R.L. OLYDRI

Nous, Madame BOYER, Vice-Présidente chargé de la Mise en Etat de la procédure suivie devant le Tribunal judiciaire de Marseille, assistée de Madame SETTOUTI, greffier dans l’affaire entre :

DEMANDEUR AU PRINCIPAL ET DEFENDEUR A L’INCIDENT

Monsieur Z X né le […] à […], demeurant […]

représenté par Maître Gilles MATHIEU de la SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIES, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

DEFENDERESSE AU PRINCIPAL ET DEMANDERESSE A L’INCIDENT

S.A.R.L. OLYDRI, dont le siège social est sis […]

représentée par Me Chloé HEFTMAN, avocat postulant au barreau de MARSEILLE

et par Me Michaël PIQUET-FRAYSSE assisté de Me Ilyes GHARBI, avocat plaidant inscrit au bareau de PARIS

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Exposé du litige

Après lui avoir adressé deux mises en demeure les 21 octobre 2016 et 11 mai 2021, par acte d’huissier de justice du 29 septembre 2021, Monsieur X a fait assigner la SARL OLYDRI devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins d’obtenir réparation des préjudices résultant de la contrefaçon de quatre morceaux de musique dont il serait l’auteur, par atteinte à la paternité de l’oeuvre, atteinte à son monopole d’exploitation et à son droit de distribution.

Par conclusions sur incident communiquées le 23 décembre 2021, la société OLYDRI demande l’annulation de l’assignation et soulève des exceptions d’irrecevabilité de l’action de Monsieur X pour défaut de qualité à agir et prescription. Elle réclame la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure outre les dépens de l’instance. A l’appui de la demande d’annulation, elle soutient que l’assignation ne contient pas d’éléments suffisamment précis pour identifier les oeuvres objets de l’action en ce qu’il n’est pas précisé si le demandeur revendique des droits sur les titres des morceaux de musique, qui sont seuls indiqués, ou sur les morceaux eux-mêmes, paroles, musique, harmonie, rythmes. Elle ajoute que le demandeur ne reproduit pas les paroles, ni la mélodie des morceaux qu’il nomme. Elle soutient que le contenu de l’assignation ne permet pas de savoir si il se prétend titulaire de droits sur une oeuvre globale ou sur plusieurs oeuvres. Elle indique que les titres auxquels il était fait référence dans l’assignation ne sont pas identiques à ceux visés dans les mises en demeure. A l’appui de l’exception d’irrecevabilité, elle soutient que le demandeur ne rapporte pas la preuve qu’il est l’unique auteur des morceaux de musique visés dans l’assignation. Elle rappelle que ces derniers sont le fruit du travail des quatre membres du groupe “les Mokotz” dont le processus créatif impliquait tous les membres du groupe ainsi qu’ils l’indiquaient eux-mêmes. Elle soutient que l’action ne peut être exercée par un seul des co-auteur dans le cas d’une oeuvre de collaboration. En ce qui concerne la prescription, elle soutient que les morceaux de musique visés dans l’assignation ont été divulgués en 2008, 2009 et 2011 ce que le demandeur ne pouvait ignorer puisqu’il a joué un rôle dans la saison 2 de la série et a eu connaissance que les deux premiers morceaux servaient de génériques à plusieurs épisodes. Elle indique que Monsieur X et son groupe de musiciens ont profité, au début de la diffusion de la web série NOOB produite par la société OLYDRI, de la notoriété qu’elle a acquise très rapidement en enregistrant en 2009 quatre morceux pour illustrer la série et qu’il a souhaité obtenir une rémunération non prévue à l’origine lorsque la notoriété de la web série a atteint son apogée en 2016. Elle invoque la mauvaise foi du demandeur.

Par conclusions d’incident du 25 février 2022, Monsieur X conclut au rejet de la demande d’annulation de l’assignation et demande que le juge de la mise en état renvoie les parties devant la formation de jugement pour qu’il soit statué sur les questions de fond et les fins de non recevoir. A défaut, il conclut au rejet des exceptions d’irrecevabilité et à la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. Il réclame la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure . Il soutient qu’au sein du groupe “Les Mokotz”, il était parolier, compositeur et interprète chant guitare tandis que les trois autres membres n’étaient qu’interprètes musiciens. Il reproduit, dans ses conclusions sur incident, les paroles des quatre morceaux revendiqués et les liens vers les vidéos de ces morceaux sur la plate-forme YouTube. Il indique qu’il a déposé ces morceaux en ses trois qualités auprès du SNAC les 28 septembre 2009, pour “Je suis un noob” et le 4 mai 2010 pour 'La complainte de Nolife” et “ROXXOR théme Omega Zell Roxxor”, dépôts qui ont été renouvelés. Il conteste toute cession de droits d’auteur sur ces morceaux au profit de monsieur Y ou de la société OLYRDI qui les a exploités sans verser de contrepartie financière. Il précise qu’il a seulement autorisé verbalement l’utilisation du morceau “Je suis un noob” comme générique de début de la web série (saisons 2 à 8) et leur exploitation sur internet en accès libre. Il fait valoir que la société OLYDRI reproduit et commercialise sur supports CD et DVD et sous forme numérique les morceaux litigieux sans autorisation et sans contrat écrit. Il soutient que, pour que soit tranchée l’exception d’irrecevabilité concernant la titularité, il est nécessaire de statuer sur la question de savoir si les oeuvres sont des oeuvres de collaboration, ce qui

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constitue une question de fond. Il soutient qu’il définit précisément les oeuvres dont il sollicite la protection dont la combinaison de la mélodie, de l’harmonie et du rythme démontre des choix libres et arbitraires et surtout un effort créatif de la part de leur auteur. Il invoque la même originalité s’agissant des paroles des chansons qui sont protégées en tant qu’oeuvre musicale. A titre subsidiaire, il invoque des preuves résultant des interviews données à l’époque de la composition des oeuvres et les témoignages des autres membres du groupe et les dépôts réalisés auprès de la SNAC sur trois des oeuvres pour renverser la présomption simple de titularité des oeuvres au profit du groupe “Les Mokotz”. Il ajoute qu’il n’est pas démontré une concertation de tous les membres du groupes en vue de la composition des oeuvres. Il se prévaut de la violation de son droit de reproduction, de représentation et de paternité. Il s’oppose à la prescription au motif que les actes de contrefaçon n’ont pas cessé car les morceaux sont toujours offerts à la vente, de sorte que le préjudice qu’il subit est toujours actuel. Il réplique que le juge de la mise en état ne possède pas le pouvoir de prononcer une condamnation pour procédure abusive. Il conteste toute mauvaise foi de sa part, rappelant que Monsieur Y et la société OLYDRI ont exploité ses oeuvres sans aucune contrepartie financière, leur participation bénévole s’arrêtant à “Je suis un noob” et non aux autres morceaux.

Motifs de la décision

Sur la demande d’annulation de l’assignation pour défaut de caractérisation des oeuvres revendiquées

L’article 6 du code de procédure civile prévoit qu’il appartient à la partie qui émet une prétention de prouver les faits qu’elle allègue à l’appui de cette prétention. L’article 56 du même code dispose que : “L’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 : 2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;(…).” L’article 54 du même code prévoit que l’assignation doit contenir, à peine de nullité,l’objet de la demande. En matière de contrefaçon, ce texte est strictement appliqué en ce que l’objet de la protection revendiquée doit être précisément déterminé dans l’acte introductif afin de permettre au défendeur et au juge de connaître le périmètre de cette protection. Cette précision est d’autant plus nécessaire en matière de droit d’auteur que ce dernier naît du seul fait de l’existence d’une oeuvre, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une déclaration ou un dépôt et que l’oeuvre se définit essentiellement par son caractère original. Dès lors, l’assignation doit comporter, pour satisfaire à l’exigence prévue par les textes précités, la caractérisation des oeuvres qui seraient protégées ainsi que des éléments dont il peut être déduit qu’elles portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur. La nullité d’une assignation grevée d’une absence ou insuffisance de détermination du périmètre de la protection revendiquée peut être couverte par des conclusions ultérieures au fond qui ne laissent pas subsister le grief en cause.

En l’espèce, dans le dispositif de l’assignation il était demandé au tribunal de juger que Monsieur X est l’auteur des “ morceaux de musique intitulés “Je suis un noob”, “Roxxor”, “Gaea” et “La complainte du Nolife”.” et de juger que la société OLYDRI a contrefait ces morceaux musicaux et porté atteinte “au droit à la paternité de l’oeuvre de Monsieur Z X”, son monopole d’exploitation et à son droit de distribution. Il est sollicité aussi que la société OLYDRI soit interdite de poursuivre l’exploitation commerciale illicite des titres musicaux intitulés “Je suis un noob”,

“Roxxor”, “Gaea” et “La complainte du Nolife” et que soit ordonnée la saisie des DVD ou CD constituant une reproduction illicite de ces titres musicaux. Dans le corps de l’assignation, Monsieur X précise être “l’auteur, le compositeur, l’interprète ainsi que le producteur des morceaux de musique intitulés Je suis un noob, Roxxor, Gaea,

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La complainte du Nolife.” Il fait état du dépôt de ces “morceaux” auprès du SNAC en 2010 et de l’enregistrement de ces “morcaux de musique” sur CD. Par la suite, il invoque l’exploitation sans son autorisation par la société OLYDRI de la musique dont il se réclame l’auteur. Il fait ensuite état d’une mise en demeure de cesser l’utilisation d’ “extraits musicaux”. Dans le paragraphe concernant la protection par le droit d’auteur des oeuvres créées, il argue de la caractérisation d’oeuvres de l’esprit pour des compositions musicales. Il invoque l’existence d’une oeuvre composée des quatres morceaux de musique dont il rappelle les intitulés. Il indique que ces “morceaux de musique” sont “Nés de la créativité Monsieur X, musicien'. En pages 8 et 9 de l’assignation, il invoque également la fixation sur supports DVD “des extraits de morceaux de musique dont il est l’auteur à savoir (…)” les quatre titres rappelés plus haut et la commercialisation “d’extraits de son oeuvre musicale”. Les demandes d’interdiction portent sur l’exploitation de “ses morceaux de musique”. Il résulte de ces éléments une confusion sur le périmètre des oeuvres dont la protection est revendiquée en ce que la première phrase de l’assignation tend à la faire porter à la fois sur les paroles, les musiques, les enregistrements sonores et les supports de ces enregistrements mais que les développements suivants portent uniquement sur les “morceaux de musique”, la musique, les compositions musicales et sa création en tant que musicien.

Les conclusions sur incident n’ont pas eu pour effet de régulariser l’assignation de ce chef puisqu’en l’état, les prétentions sur lesquelles devra se prononcer le tribunal sont celles contenues dans le dispositif (“Par ces motifs”) de l’acte introductif. En revanche, elles ont accentué la confusion relativement au périmètre de la protection revendiquée par le droit d’auteur. En effet, y sont reproduites les paroles de chansons “Je suis un noob”, “La complainte du Nolife”, “Thème sparadrap”, “Thème Omega Zell Roxxor”. Monsieur X n’en revendique pas directement la paternité puisqu’il introduit la reproduction de ces paroles par la phrase : “Dans le cadre du groupe “Les Mokotz” plusieurs compositions musicales ont été enregistrées dont : (…).” Dans le dispositif de ses conclusions sur incidents, il sollicite le rejet de la demande de nullité de l’assignation portant sur les quatre oeuvres musicales “Je suis un Noob”, “La complainte du Nolife”, Thème Sparadrap” et “Théme Omega Zell Roxxor”, soit des titres différents de ceux visés dans l’assignation pour deux des morceaux revendiqués. Il est indiqué que les morceaux revendiqués sont accessibles par des liens YouTube sans qu’il soit précisé qu’il s’agit de diffusions par la société OLYDRI, Monsieur X ou des tiers. Il n’est pas précisé si les paroles ont été reproduites à partir des vidéos auxquelles doivent mener les liens reproduits ou à partir des écrits réalisés et conservés par Monsieur X qui semble invoquer en être l’auteur. En outre, le constat d’huissier de justice produit n’est qu’un projet non signé par un officier minitériel donc sans aucune valeur probante. Monsieur X précise aussi les modalités des dépôts auprès du SNAC concernant deux de ces morceaux soit “Je suis un Noob” et “La complainte du Nolife” et “Roxxor”. Les récépissés produits portent les dates du 21 février 2020 et 27 juillet 2020. Le premier est le second renouvellement d’un dépôt du 29 septembre 2009 portant sur une chanson, paroles et musique, dont le titre est “Noob”. Ce titre ne correspond à aucun de ceux cités dans l’assignation et le contenu du CD déposé n’est pas produit aux débats. Le second concerne le deuxième renouvellement d’un dépôt du 4 mai 2010 portant sur 4 chansons , paroles et musique, intitulées “Roxxor” “Gaea” “La complainte du Nolife” “Dans ma tête”. Ici encore, le contenu du CD déposé n’est pas produit aux débats. En outre, trois des titres mentionnés sont visés dans l’assignation et un seul dans les conclusions d’incident destinées par lesquelles le demandeur a entendu préciser ses prétentions. Il ne peut donc être vérifié que les paroles déposées sont celles reproduites dans les conclusions d’incident et il n’est fourni aucune précision (partition, enregistrement sonore…) sur les musiques sur lesquelles la protection est revendiquée.

Il convient de déduire de ces éléments que le contenu de l’assignation sur laquelle le tribunal doit se

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prononcer ne permet pas de déterminer le périmètre de l’oeuvre ou des oeuvres de l’esprit sur laquelle la protection est revendiquée. Il n’est pas précisé s’il s’agit des titres, paroles, musique, harmonie, rythme, mélodie, arrangement, support matériel d’enregistrement, matrice, maquette, totalité ou extraits déterminés et tous ces éléments sont évoqués sans que soit défini avec précision lesquels seraient le résultat de la création de Monsieur X. La désignation de ces oeuvres par les

morceaux de musique” n’est pas suffisamment précise pour détermimer les limites du débat qui devra nécessairement se nouer concernant l’originalité de l’oeuvre ou des oeuvres et leur titularité. Il convient, en conséquence ,d’annuler l’assignation qui ne contient pas de fondement en fait et en droit.

Sur les demandes accessoires

Les pouvoirs du juge de la mise en état sont strictement délimités par les articles 780 à 790 du code de procédure civile. N’en fait pas partie celui d’allouer à l’une des parties des dommages-intérêts pour procédure abusive. Il n’y a donc pas lieu pour le juge de la mise en état à statuer sur la demande reconventionnelle de la société OLYDRI qui sera donc rejetée.

Il sera alloué à la société OLYDRI la somme de 2000 euros qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge au titre des frais de procédure non compris dans les dépens.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X qui succombe, les frais de procédure non compris dans les dépens.

La présente décision mettant fin à l’instance, Monsieur X en supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Nous, juge de la mise en état , statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort :

Annulons l’assignation délivrée à la demande de Monsieur X à la SARL OLYDRI le 29 septembre 2021 ;

Disons n’y avoir lieu pour le juge de la mise en état de statuer sur la demande de paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive de la société OLYDRI ;

Condamnons Monsieur Z X à payer à la SARL OLYDRI la somme de deux mille euros (2000 euros) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Rejetons la demande de Monsieur X au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamnons Monsieur Z X aux dépens ;

Disons n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la décision ;

AINSI ORDONNE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA 1ère Chambre Cab3 CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 25 Avril 2022

LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ETAT

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Me Chloé HEFTMAN Maître Gilles MATHIEU de la SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIES

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  1. Code de procédure civile
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