CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 13PA02239

  • Redevance·
  • Aéroport·
  • Service·
  • Aérodrome·
  • Aéronef·
  • Activité·
  • Aviation civile·
  • Transporteur·
  • Public·
  • Ciel unique européen

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : 15 mars 1999, Mme X c/ ADP, n° 03027
2005-513 DC du 14 avril 2005
CE, 25 avril 2007, Fédération nationale de l' aviation marchande et autres, n° 291976, 291977 et 292040
TAP 10 février 2011, n° 0904393
TAP 10 juillet 2009, n° 0818322
TAP 28 avril 2011, n° 0919528
TAP, 28 juin 2012, n° 1019302/7-1
TC, 10 juin 2002, Mme Y, n° 322
TC, 13 décembre 1976, Epoux Zaoui, n° 02038
TC, 19 janvier 2004, Société CLPK Aircraft Funding c/ ADP, n° 3386
TC, 24 février 1992, Miotto, p. 478
TC, 8 juillet 1963, Société entreprise Peyrot, n° 1804
Tribunal des conflits du 15 janvier 2007, Société Alpha Flight Services c/ Aéroports de Paris, n° 3568

Texte intégral

13PA02239
Aéroports de Paris
Séance du 2 février 2015
Lecture du 9 mars 2015
CONCLUSIONS de Mme Vrignon, rapporteur public
Dans le cadre d’un litige l’opposant à la société Cameroon Airlines Corporation pour le paiement des redevances visées à l’article R. 224-2 du code de l’aviation civile, la société Aéroports de Paris (ADP) a saisi le tribunal administratif de Paris d’une demande tendant à la condamnation de cette société à lui verser une somme de 329 657,52 euros.
Par un jugement en date du 9 avril 2013, le tribunal, après avoir considéré que cette demande avait trait au défaut de paiement par une compagnie aérienne de redevances aéroportuaires recouvrées en rémunération de services à caractère industriel et commercial, a rejetée cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
La société ADP relève appel de ce jugement.
Nous vous invitons à confirmer le jugement, par lequel le tribunal administratif de Paris revient sur une jurisprudence antérieure à l’occasion de laquelle il s’était implicitement estimé compétent pour juger d’affaires similaires (TAP 10 juillet 2009, n°0818322 ; TAP 10 février 2011, n°0904393, TAP 28 avril 2011, n°0919528 ; et TAP, 28 juin 2012, n° 1019302/7-1, le tribunal n’ayant finalement pas soulevé le MOP dont il avait informé les parties).
Jusqu’à l’intervention de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, ADP était un Etablissement public industriel et commercial (EPIC). A cette date, il a été décidé, afin de permettre à ADP de prendre toute sa place dans le « ciel unique européen », de transformer cet établissement public en société anonyme, dont le capital doit être majoritairement détenu par l’Etat. ADP, qui a été introduit en bourse le 15 juin 2006, est aujourd’hui le deuxième groupe aéroportuaire européen en ce qui concerne le chiffre d’affaire après Bristish Airports Authority, avec plus de 2,5 milliards d’euros en 2011, et l’un des premiers groupes européens pour le transport de fret et de courrier. Son financement est assuré, d’une part par des redevances aéroportuaires ou domaniales et des taxes d’aéroport, d’autre part, par des ressources commerciales issues de la gestion des boutiques et parkings, la rémunération des services rendus et les recettes d’assistance aéroportuaires. La moitié des redevances est acquittée par la compagnie Air France KLM, qui a fait de Roissy sa plate-forme de correspondance.
Si ce changement de statut souligne, si besoin est, le caractère profondément commercial de l’activité d’ADP, cela n’a rien changé au fait qu’elle présente toujours le « double visage » qui lui avait été reconnu par la jurisprudence alors qu’elle était encore un EPIC. Autrement dit, dans le cadre de la mission de service public dont elle est chargée, la société ADP exerce des activités administratives et des activités industrielles et commerciales.
Ce qui fait que, comme l’explique Isabelle de Silva dans ses conclusions sous l’arrêt du Tribunal des conflits du 15 janvier 2007, Société Alpha Flight Services c/ Aéroports de Paris, n° 3568, « pour chacun des litiges mettant en cause ADP et plus généralement les aérodromes ouverts au public, la compétence juridictionnelle est déterminée en fonction de l’activité en cause (administrative ou industrielle et commerciale), de l’exercice de prérogatives de puissance publique, et de la mise en cause éventuelle de la légalité d’un acte administratif ».
D’emblée, cela vous conduit à écarter l’approche « globalisante » d’ADP consistant à essayer de vous faire dire que parce qu’elle est parfois amenée à exercer des prérogatives de puissance publique, toutes ses activités sont de nature administrative, même celles dans lesquelles ces prérogatives ne trouvent pas à s’appliquer.
C’est précisément cette approche « activité par activité » qui a conduit le tribunal des conflits à juger, dans un arrêt du 19 janvier 2004, s’agissant des mesures de rétention d’avions qu’ADP peut décider en cas de non paiement des redevances, qu’alors même que la décision de recourir à une telle mesure avait pour origine le défaut de paiement, par l’exploitant de l’aéronef, des redevances aéroportuaires recouvrées par ADP en rémunération de services à caractère industriel et commercial, le litige qui opposait le propriétaire des avions immobilisés à ADP n’était pas de ceux qui relèvent de la compétence judiciaire au titre d’un établissement public industriel et commercial et ses usagers (TC, 19 janvier 2004, Société CLPK Aircraft Funding c/ ADP, n° 3386).
L’immobilisation des avions implique l’exercice de prérogatives de puissance publique, c’est une activité administrative. Le paiement des redevances, au contraire, comme l’indique expressément le tribunal des conflits, n’implique pas un tel exercice et relève de l’activité industrielle et commerciale de l’aéroport.
Cela tient au fait que, selon les mots d’Isabelle de Silva dans ses conclusions précitées, « l’activité même de transport, effectuée par les transporteurs, ne participe pas du SPA mais du SPIC (de même que le transport ferroviaire est un SPIC et non un SPA) ». Dans l’Union européenne, le transport aérien figure ainsi dans la liste des services économiques d’intérêt général (SEIG). Nous sommes donc bien loin de la situation, très particulière, des sociétés concessionnaires d’autoroutes pour lesquelles il a été jugé, dans la droite ligne de la jurisprudence Peyrot (TC, 8 juillet 1963, Société entreprise Peyrot, n° 1804, A), qu’elles avaient pour activité l’exécution d’une mission de service public administratif. Les références qui sont faites à la situation, également particulière, de Voies navigables de France (VNF) ne sont pas non plus pertinentes.
Ainsi, les activités dont la mise en œuvre est indispensable à l’activité de transport ont un caractère industriel et commercial. C’est le cas pour les services d’assistance aéroportuaire aux aéronefs en escale (TC, 24 février 1992, Miotto, p. 478). Cela doit a fortiori être le cas pour des services aéroportuaires dont l’article R. 224-1 du code de l’aviation civile lui-même précise qu’ils sont des «services rendus aux exploitants d’aéronefs et à leurs prestataires de service à l’occasion de l’usage de terrains, d’infrastructures, d’installations, de locaux et d’équipements aéroportuaires fournis par l’exploitant d’aérodrome, dans la mesure où cet usage est directement nécessaire, sur l’aérodrome, à l’exploitation des aéronefs ou à celle d’un service de transport aérien ». Ou encore, pour reprendre les termes du premier considérant de la directive 2009/12/CE du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires, précisément, « Les aéroports ont pour mission et pour activité commerciale principales d’assurer la prise en charge des aéronefs, depuis l’atterrissage jusqu’au décollage, ainsi que des passagers et du fret, afin de permettre aux transporteurs aériens de fournir des services de transport aérien. À cet effet, les aéroports proposent diverses installations et services en rapport avec l’exploitation des aéronefs et la prise en charge des passagers et du fret, dont ils recouvrent généralement le coût au moyen des redevances ». Le niveau de ces redevances est d’ailleurs, au moins pour ceux des aéroports qui ne sont pas des « portes d’entrée » dans la zone géographique correspondante, un des éléments sur lesquels les différents gestionnaires d’aéroport jouent, dans le cadre de la concurrence parfois effrénée qu’ils se livrent, afin d’attirer les usagers que sont les transporteurs aériens. Contrairement à la fourniture des services de navigation aérienne, pour lesquels le considérant 5 du règlement n° 550/2004 du 10 mars 2004 relatif à la fourniture de tels services dans le ciel unique européen indique expressément qu’elle se rattache à l’exercice de prérogatives de puissance publique, ces services présentent un caractère économique justifiant l’application des règles de concurrence du traité.
L’article R. 221-7 du code de l’aviation aérienne dispose à ce titre que le gestionnaire d’un aérodrome destiné à la circulation aérienne publique doit assurer l’équipement et l’entretien des ouvrages d’infrastructure, ainsi que des bâtiments, installations et outillages nécessaires à l’exploitation commerciale de ces équipements et infrastructures.
La circonstance que les installations en cause soient des ouvrages publics, si elle implique notamment la compétence du juge administratif en cas d’accident survenu à des passager sur un escalier roulant (TC, 13 décembre 1976, Epoux Zaoui, n° 02038, A ; 15 mars 1999, Mme X c/ ADP, n° 03027, A), est sans incidence sur la nature industrielle et commerciale du service rendu par ADP aux exploitants d’aéronefs, avec lesquels elle est liée par un contrat de droit privé, en leur en permettant l’usage.
Par ailleurs, autre indice de l’existence d’une activité de nature industrielle et commerciale, les redevances aéroportuaires constituent bien des redevances pour service rendu, au sens de la jurisprudence du Conseil d’Etat, selon laquelle constitue une telle redevance pour service rendu, toute redevance demandée à des usagers en vue de couvrir les charges d’un service public déterminé ou les frais d’établissement et d’entretien d’un ouvrage public et qui trouve sa contrepartie directe dans les prestations fournies par le service ou dans l’utilisation de l’ouvrage.
Dans sa décision n° 2005-513 DC du 14 avril 2005, le Conseil constitutionnel a déduit du fait que, conformément à ce qui est prévu à l’article L. 6325-2 du code des transports (ancien article L. 224-2 du code de l’aviation civile), le montant des redevances aéroportuaires, qui tient compte de la rémunération des capitaux investis, ne peut excéder le coût des services rendus sur l’aérodrome ou sur le système d’aérodromes desservant la même ville ou agglomération urbaine concerné, qu’il se trouvait bien là en présence d’une redevance pur service rendu, et on pas d’une imposition de toute nature. Et ce alors même que ces redevances incorporent « des dépenses, y compris futures, liées à la construction d’infrastructures et d’installations nouvelles », que leur montant peut être modulé dans le temps, dans des proportions limitées et pour un motif d’intérêt général, pour « tenir compte des atteintes à l’environnement, améliorer l’utilisation des infrastructures, favoriser la création de nouvelles liaisons ou répondre à des impératifs de continuité ou d’aménagement du territoire » et qu’elle peuvent être compensées entre elles dans des proportions limitées.
Ces redevances pour service rendu se distinguent des redevances domaniales que l’exploitant d’un aérodrome établi sur le domaine public peut percevoir auprès de tiers autorisés à occuper ou utiliser ce domaine pour d’autres objets que les services publics aéroportuaires et au-delà du droit d’usage qui appartient à tous, comme indiqué à l’article L. 6325-3 du code des transports.
Certes, ces redevances sont, s’agissant notamment d’ADP, réglementées, au sens du 2e alinéa de l’article L. 410-2 du code du commerce. Plus précisément, les conditions de leur évolution sont déterminées dans les contrats pluriannuels conclus avec l’Etat, conformément à ce qui est prévu à l’article L. 6325-2 du code des transports. Il s’agissait là, en réponse notamment aux critiques formulées par la Cour des comptes et par la Section du rapport et des études du Conseil d’Etat, dans deux rapports de 2002, d’assurer plus de sécurité et de prévisibilité économiques tant pour ADP que pour les transporteurs aériens.
Les clauses de la convention qui déterminent les conditions de l’évolution des tarifs des redevances aéroportuaires ont une nature réglementaire. De ce fait, les usagers peuvent en demander l’annulation devant le juge administratif (CE, 25 avril 2007, Fédération nationale de l’aviation marchande et autres, n° 291976, 291977 et 292040, A).
En revanche, cela n’a aucune incidence sur le fait que lorsqu’elle réclame à un usager le paiement des redevances aéroportuaires, la société ADP est avec cet usager dans un rapport exclusivement commercial et ne met en œuvre aucune prérogative de puissance publique. Rappelons que les prérogatives de puissance publique consistent essentiellement dans le pouvoir d’imposer des obligations aux administrés. Le fait pour un transporteur aérien qui souhaite, librement, utiliser les installations d’un aéroport, de ne pas pouvoir négocier le montant des redevances aéroportuaires qu’il devra verser, ce qui pourrait d’ailleurs être le cas en l’absence même de clauses réglementaires encadrant l’évolution des tarifs, ne traduit pas l’exercice d’un tel pouvoir (voir en ce sens, pour les redevances de l’article R. 224-3 du code de l’aviation civile dans sa version en vigueur à l’époque, TC, 10 juin 2002, Mme Y, n° 322).
Au demeurant, le droit de l’Union impose non seulement que ces redevances soient fixées dans le respect du principe de transparence et selon des règles communes sur l’ensemble du territoire de l’Union, mais également qu’une procédure obligatoire de consultation régulière des usagers des aéroports ou de leurs représentants ou associations soit mise en place par l’entité gestionnaire de l’aéroport, en ce qui concerne l’application du système de redevances aéroportuaires, le niveau de ces redevances et, s’il y a lieu, la qualité du service fourni (article 6 de la directive du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires précitée).
Vous êtes donc en présence d’une personne privée, qui exerce une activité de nature industrielle et commerciale qui n’implique pas l’exercice de prérogatives de puissance publique. Comme l’a jugé à bon droit le tribunal, le juge administratif n’est pas compétent pour connaître du litige qui oppose, s’agissant du paiement des redevances aéroportuaires, ADP et la société Cameroon Airlines Corporation.
PCMNC au rejet de la requête.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 13PA02239