Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 3 juin 2020, n° 17/01565

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Agen, ch. civ., 3 juin 2020, n° 17/01565
Juridiction : Cour d'appel d'Agen
Numéro(s) : 17/01565
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Agen, 13 novembre 2017, N° 16/00183
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

03 Juin 2020

CG* / CB


N° RG 17/01565

N° Portalis DBVO-V-B7B-CQUA


S.A.R.L. KM GOUDRONNAGE

C/

X Y-A


GROSSES le

à

ARRÊT n° 217-20

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1re chambre dans l’affaire,

ENTRE :

S.A.R.L. KM GOUDRONNAGE

[…]

[…]

Représentée par Me Vincent DUPOUY, SCPA DUPOUY, avocat au barreau d’AGEN

APPELANTE d’un Jugement du Tribunal de Grande Instance d’Agen en date du 14 Novembre 2017, RG 16/00183

D’une part,

ET :

Monsieur X Y-A

né le […] à […]

de nationalité Française

Pech de Plat

[…]

Représenté par Me Catherine JOFFROY, SELARL CATHERINE JOFFROY, avocat au barreau d’AGEN

INTIMÉ

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 05 Février 2020 devant la cour composée de :

Présidente : E F, Présidente de Chambre, qui a fait un rapport oral à l’audience

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Conseiller

Greffière : C D

Les parties ont été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

' '

'

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant devis du 14 mai 2012, X Y-A a confié à la SARL KM Goudronnage les travaux de goudronnage du chemin d’accès à sa maison d’habitation située […] pour un coût de 10 500 € TTC.

Les travaux ont été réalisés au mois de juillet 2012 et la SARL KM Goudronnage a établi une facture de 10 300 € TTC le 16 juillet 2012 qui a été réglée par X Y-A.

Se plaignant de désordres, par acte du 11 janvier 2016, X Y-A a fait assigner la SARL KM Goudronnage devant le tribunal de grande instance d’Agen aux fins de la voir condamner notamment, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil et sous le bénéfice de l’exécution provisoire, à lui payer la somme de 16 050 € au titre des travaux de réfection et, à titre subsidiaire, de voir ordonner une expertise judiciaire.

Le 7 septembre 2016, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d’expertise aux frais avancés de la SARL KM Goudronnage.

Par ordonnance du 4 novembre 2016, le juge chargé du contrôle de l’expertise a constaté la caducité de la désignation de l’expert pour défaut de consignation.

Par jugement du 14 novembre 2017, le tribunal a :

— dit que les désordres survenus lors de la réalisation d’un goudronnage sur la propriété de X Y-A sont imputables à la SARL KM Goudronnage,

— condamné la SARL KM Goudronnage à payer à X Y-A la somme de 16 050 € TTC à titre de dommages et intérêts pour les travaux de reprise avec actualisation en fonction de l’indice BT 01 du mois de septembre 2015 et celui en vigueur au jour du paiement effectif,

— rejeté la demande de la SARL KM Goudronnage fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SARL KM Goudronnage à payer à X Y-A la somme de 1 200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SARL KM Goudronnage aux dépens de la présente instance en ce non compris le coût du procès verbal de constat d’huissier de justice du 15 septembre 2015,

— rejeté le surplus des demandes,

— ordonné l’exécution provisoire.

Le tribunal a notamment retenu la responsabilité de la SARL KM Goudronnage dans la survenance des désordres affectant le chemin d’accès de X Y-A au vu d’une lettre de ce dernier du 30 août 2012 justifiant des désordres affectant les pavés et de leur reprise, du procès-verbal de constat d’huissier dressé le 15 septembre 2015 mentionnant à nouveau des désordres, de l’attestation de la SAS Colas Sud Ouest (Macovi) du 18 décembre 2015 indiquant que la couche de finition de l’enrobé se dégrade et qu’il existe un défaut de support, et des devis de reprise des désordres établis les 15 et 29 septembre 2015, à hauteur de 13 589,90 € et 18 507,60 € préconisant la reprise intégrale de l’enrobé et des pavés. Ces désordres caractérisent selon le tribunal une mauvaise exécution des travaux de réalisation de l’enrobé et de pose des pavés constituant un manquement contractuel du maître de l’ouvrage qui n’avance aucune cause étrangère.

Par déclaration du 24 décembre 2017, la SARL KM Goudronnage a relevé appel total de la décision.

Par conclusions d’incident du 1er février 2018, X Y-A a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de radiation de l’affaire du rôle faute d’exécution par l’appelante du jugement dont appel.

Par conclusions du 22 mai 2018, X Y-A a déclaré se désister de son incident en indiquant que la société appelante a réglé les causes du jugement, ce dont il a été donné acte par ordonnance du 4 juillet 2018.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Aux termes de son unique jeu de conclusions du 23 mars 2018, la SARL KM Goudronnage demande à la Cour de :

— réformer le jugement,

— débouter X Y-A de l’ensemble de ses demandes,

— le condamner à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’appui de son appel, elle fait valoir que les travaux de pose d’enrobé, même sur une dalle en béton existante, relèvent de la garantie décennale. Or, elle soutient que X Y-A reconnaît que les désordres n’ont qu’un caractère esthétique de sorte que la société ne peut voir sa responsabilité engagée que sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires.

Elle poursuit en indiquant que cela impose de démontrer une faute de l’entrepreneur ce qui n’est pas le cas en l’espèce dès lors que le constat d’huissier est sans intérêt s’agissant de questions techniques sur lesquelles il n’a ni qualification ni compétence,

et que l’entreprise Macovi est le concurrent le plus direct de la SARL KM Goudronnage, de sorte qu’elle a tout intérêt à relever des désordres et gonfler le coût des travaux.

Elle ajoute que le tribunal a inversé la charge de la preuve en retenant que la SARL KM Goudronnage ne démontre pas une cause étrangère. Elle a sollicité l’avis d’un expert qui n’a constaté aucun désordre imputable à la SARL KM Goudronnage, ajoutant que les micro-fissures peuvent avoir été causées par le recollage du goudron fait par X Y-A.

X Y-A, par unique jeu de conclusions du 24 avril 2018, demande à la Cour de :

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 novembre 2017 par le

tribunal de grande instance d’Agen,

— condamner la SARL KM Goudronnage à payer à X Y-A la somme de 2 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

Si par extraordinaire, la Cour venait à réformer et ne s’estimait pas suffisamment informée,

— ordonner avant dire droit une mesure d’expertise avec pour mission de :

— décrire les travaux réalisés par la SARL KM Goudronnage,

— indiquer s’ils ont été réalisés conformément aux règles de l’art,

— dans la négative, décrire les désordres, indiquer leur nature et en rechercher la cause,

— décrire les travaux à réaliser pour qu’il y soit remédié et chiffrer le coût,

— donner tous les éléments permettant d’apprécier le préjudice éventuellement subi par X Y-A ou tout occupant de l’immeuble du fait des désordres,

— dire que cette expertise sera réalisée à frais avancés par la SARL KM Goudronnage.

Il soutient que le tribunal, à bon droit et conformément aux demandes qui lui ont été soumises, a fondé sa décision sur la responsabilité contractuelle de la SARL KM Goudronnage à laquelle il a attribué les désordres constatés tant par l’huissier de justice que par différentes entreprises et non seulement la société Macovi.

Il soutient que le décollement des pavés ainsi que l’apparition de fissures importantes dans un délai très rapide après la réalisation des travaux, ce qui a motivé ses démarches dès le mois d’août 2012, démontrent que ceux-ci n’ont pas été réalisés dans les règles de l’art.

Il souligne le manque d’objectivité et d’analyse du rapport non contradictoire de l’expert mandaté par l’appelante. Il conteste enfin être à l’origine de ces désordres.

La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2020 et l’affaire fixée au 5 février 2020.

MOTIFS

Conformément aux dispositions de l’article 6 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder.

L’article 9 du même code dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il est de jurisprudence constante que des désordres, non apparents à la réception, qui ne compromettent ni la solidité ni la destination de l’ouvrage, comme c’est le cas en l’espèce de l’avis même des deux parties, ne sont pas soumis à la garantie décennale mais relèvent de la responsabilité de droit commun pour faute prouvée.

En application de l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l’espèce, si X Y-A justifie de l’existence de désordres, à savoir selon le constat d’huissier 'de longues fissures parallèles aux pavés' qui 'apparaissent sur presque toute la longueur de l’ouvrage' ainsi que 'sur la fondation béton entre les pavés', des photographies de ces fissures étant jointes au procès-verbal, appuyé en cela par l’attestation de la société Macovi, il ne démontre pas la cause de ces désordres ni une quelconque faute de la société KM Goudronnage.

En effet, le seul constat de ces désordres ne peut permettre de présumer un manquement de cette dernière aux règles de l’art qui doit être prouvé. Or, la simple attestation de la société Macovi, qui certifie 'avoir constaté visiblement un état de dégradation au niveau de la couche de finition des enrobés ainsi qu’un défaut de support' est inopérante à démontrer un tel manquement, tout comme les courriers de X Y-A qui, outre le fait que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, ne justifie d’aucune compétence en la matière. Il en va de même de l’huissier de justice qui se contente, à justes raisons, d’un simple constat des désordres sans procéder à une quelconque analyse de leur cause et des responsabilités engagées.

Ainsi, c’est à tort que le tribunal s’est fondé sur ces seuls éléments pour retenir une faute de la SARL KM Goudronnage, qu’il ne caractérise d’ailleurs pas et pour cause, le refus de cette dernière de consigner la somme nécessaire à la mise en oeuvre d’une expertise judiciaire étant en outre inopérante dès lors que ce n’est pas sur elle que repose la charge de la preuve, mais bien sur le demandeur en dommages et intérêts.

Or, X Y-A est défaillant dans cette démonstration.

Alors que les premiers désordres sont apparus peu de temps après l’intervention de la SARL KM Goudronnage selon les dires de X Y-A, s’agissant du décollement des pavés, il n’a entrepris aucune démarche et a au contraire choisi de procéder seul à des réparations, alors même qu’il mettait en cause 'les fondations de ces bordures pavées' et 'la mauvaise qualité du béton réalisé' comme 'cause principale du désordre' aux termes de son courrier du 28 août 2012.

Lorsqu’en 2015 il a constaté une aggravation de ces désordres, soit plus de trois ans après ce courrier,

il va uniquement faire procéder à un constat d’huissier, qui atteste simplement des dits désordres, et à l’établissement de devis par deux entreprises, qui ne font que chiffrer les travaux qu’il a lui-même sollicité, pour assigner au fond et solliciter la somme de 16 050 € au titre des travaux de réfection, sans pouvoir ignorer qu’aucun de ces documents ne démontre une quelconque faute de la société KM Goudronnage puisqu’aucun ne procède à la moindre analyse des désordres constatés.

En l’absence d’un quelconque commencement de preuve d’une faute commise par la SARL KM Goudronnage, et a fortiori d’un préjudice en découlant, il n’appartient pas à la Cour de combler la carence des parties dans l’administration de la preuve qui leur incombe.

Par conséquent, X Y-A sera débouté de l’ensemble de ses demandes et le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

X Y-A, partie perdante succombant en son appel, sera condamné aux entiers dépens de la procédure.

Par ailleurs, l’équité commande de faire droit à la demande de la SARL KM Goudronnage formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et, en conséquence, X Y-A sera condamné à lui verser la somme de 2.000 €.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,

Vu l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale en application de la loi 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 modifiée ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 novembre 2017 par le tribunal de grande instance d’Agen,

STATUANT A NOUVEAU,

Déboute X Y-A de l’ensemble de ses demandes,

Le condamne à payer à la SARL KM Goudronnage la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Le condamne aux entiers dépens de la présente procédure.

Le présent arrêt a été signé par E F, présidente de chambre, et par C D, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

C D E F

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