Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 14 mars 2012, n° 11/01169

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 14e ch., 14 mars 2012, n° 11/01169
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 11/01169
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Var, 6 janvier 2011, N° 20901596

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2012

N°2012/305

Rôle N° 11/01169

M G H B épouse X

C/

CPAM DU VAR

DRJSCS

Grosse délivrée le :

à :

Me Jean Christophe MICHEL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAR en date du 07 Janvier 2011,enregistré au répertoire général sous le n° 20901596.

APPELANTE

Madame M G H B épouse X, demeurant Place de la Mairie – 83111 AMPUS

représentée par Me Jean Christophe MICHEL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

CPAM DU VAR, XXX

représenté par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Carole MAROCHI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

DRJSCS, demeurant 23-25 rue Borde – 13285 MARSEILLE CEDEX

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 08 Février 2012, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette AUGE, Président

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Madame Florence DELORD, Conseiller

Greffier faisant fonction lors des débats : Madame E F.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2012

Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame A B épouse X, gérante d’une entreprise de taxis avec son mari J K X, a obtenu de la Caisse Primaire d’assurance maladie du Var le remboursement de frais de transport de malades entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2005 en fraude à la réglementation applicable au transport de malades.

Le 4 décembre 2008, le tribunal correctionnel de Draguignan a condamné les époux X à une amende de 3500 euros chacun pour faux, usage de faux, fraude et exercice illégal d’activité de taxi, et les a condamnés solidairement à payer à la Caisse la somme de 17978,34 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que la somme correspondant à des transports de malades soit 6169,46 euros outre 700 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Le tribunal a ordonné la non inscription de leur condamnation aux bulletins n°2 de leur casier judiciaire.

Le jugement n’a pas été frappé d’appel.

Par courrier du 19 janvier 2009, Monsieur X a demandé à la caisse de conclure une convention de conventionnement afin de lui permettre de réaliser des transports de malades et d’en obtenir le remboursement.

La caisse lui a opposé un refus en se fondant sur la condamnation pénale et sur l’article 3 de la convention-type régissant les relations entre les entreprises de taxis et la caisse.

Monsieur X a contesté ce refus devant la commission de recours amiable, qui a confirmé les motifs et la décision de la caisse.

Monsieur et Madame X ont saisi le tribunal des Affaires de sécurité sociale du Var qui, par jugement du 7 janvier 2011, a rejeté le recours de Monsieur X.

Madame X a fait appel de ce jugement.

Parallèlement courant février 2010, Madame X a été placée en redressement judiciaire.

Elle a versé aux débats un jugement du tribunal de commerce de Draguignan en date du 8 mars 2011.

Ce jugement permet de constater que Madame X est gérante de plusieurs entreprises (Chez Nanou : taxis, transports publics, droguerie journaux bimbeloterie, bar secrétariat ; Transports MIP D ;à Ampus (83); de deux établissements secondaires à Gassin (83) et à Velaux (13), et d’une SCI Pat et Nanou à Ampus (83).

Elle est inscrite au registre du commerce pour l’activité « Chez Nanou » et c’est au titre de cette entreprise qu’elle a été placée en redressement judiciaire suite à sa déclaration de cessation de paiement du 28 janvier 2010.

Elle a prétendu devant les juges commerciaux qu’elle avait pas pu conclure de convention avec la Sécurité sociale pour le transport médicalisé, subissant ainsi une perte de 70% du chiffre d’affaire.

Le Tribunal de commerce a constaté qu’elle dégageait néanmoins un chiffre d’affaire prévisionnel suffisant et il a adopté son plan de redressement par le jugement précité du 8 mars 2011.

Le nom de Monsieur X n’apparaît pas en qualité de co-gérant des entreprises citées.

Devant la Cour, et par conclusions déposées et reprises à l’audience de plaidoirie du 8 février 2012, Madame X a demandé l’infirmation du jugement du Tribunal des Affaires de sécurité sociale du Var du 7 janvier 2011.

Elle a demandé à la Cour de dire que, du fait de la décision de non inscription au B2 de son casier judiciaire, la CPAM du Var ne pouvait opposer un refus de conventionnement à son mari et à elle-même, exerçant l’activité de taxis à Ampus sous la dénomination « Taxis B Monsieur I.P. D ».

Elle a demandé la condamnation de la Caisse au paiement de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et reprises à l’audience de plaidoirie, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie a soulevé l’irrecevabilité de l’appel du fait du redressement judiciaire de l’appelante agissant seule, et subsidiairement elle a demandé à la Cour de confirmer le jugement déféré, de rejeter les demandes de l’appelante et de la condamner au paiement du droit prévu à l’article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale et à 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Caisse a fait valoir qu’elle avait accordé aux époux X un échéancier pour apurer leur dettes, qu’ils n’avaient pas été au-delà de la troisième échéance et qu’une procédure contentieuse était en cours.

La DRSCJS régulièrement avisée n’a pas comparu.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre préalable, la Cour constate qu’aucune partie n’a relevé l’erreur matérielle du tribunal qui, saisi par les deux époux, a débouté Monsieur X de ses demandes mais pas son épouse, gérante en titre de l’entreprise ainsi que cela résulte du jugement du tribunal de commerce de Draguignan (cf.infra).

Sur la recevabilité de l’appel

Madame X a admis qu’elle était en situation de redressement judiciaire, Maître Y, mandataire judiciaire, lui ayant confirmé qu’elle gardait la pleine administration de son entreprise, seuls les actes de disposition devant être autorisés par le juge commissaire.

L’acte d’appel serait donc recevable.

La Caisse n’a pas contesté ce moyen.

La question de la recevabilité de l’appel formé à titre personnel par Madame X le 20 janvier 2011 ne se pose plus.

Sur le fond

Le Tribunal correctionnel est entré en voie de condamnation à l’encontre des époux X en retenant les infractions suivantes : faux, usage de faux en écriture; exercice illégal de l’activité de taxi : absence de carte professionnelle; et tromperie sur la nature, la qualité substantielle ou l’origine d’une prestation de services.

Le Tribunal des Affaires de sécurité sociale, faisant application de l’article 3 de la convention-type, a confirmé le refus d’adhésion opposé par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie puis par la Commission de recours amiable, au motif que, le 4 décembre 2008, soit dans les trois ans qui avaient précédé la demande du 19 janvier 2009, Madame X, gérante, et son mari, « conjoint collaborateur », avaient été condamnés par le tribunal correctionnel de Draguignan, pour faux et usage de faux, fraude et exercice illégal de l’activité de conducteur de taxi.

Devant la Cour, l’appelante fait valoir que la non-inscription de la condamnation au B2 du casier judiciaire a eu pour effet le relèvement de toutes les interdictions, déchéances et incapacités pouvant en résulter, que la hiérarchie des normes impose la supériorité de la loi (article 775-1 du code de procédure pénale) sur les conventions, si bien que la CPAM ne pouvait se prévaloir de la condamnation pénale pour lui opposer une interdiction ou une déchéance de son droit d’adhérer à la convention précitée.

La Caisse conteste ce moyen en rappelant que le seul effet de la non inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire est d’empêcher l’intéressé d’accéder à un emploi de la fonction publique, faute pour la condamnation prononcée de pouvoir entraîner de plein droit une quelconque incapacité, interdiction ou déchéance, ces peines accessoires étant formellement prohibées par l’article 132-17 du code pénal.

Elle a considéré que l’adhésion à un régime de sécurité sociale dérogatoire du droit commun repose sur la bonne foi et la probité des entreprises de taxi, qui facturent à l’assurance maladie les frais de transport des assurés sociaux à des fins sanitaires.

Elle a également ajouté qu’en vertu du principe de liberté contractuelle l’adhésion ne pouvait lui être imposée.

L’article 775-1 alinéa 2 du code de procédure pénale fixe les effets de la dispense d’inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire d’une condamnation pénale.

Il est ainsi indiqué : « L’exclusion de la mention d’une condamnation au bulletin n°2 emporte relèvement de toutes les interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu’elles soient résultant de cette condamnation ».

La convention de conventionnement prévue par la Convention Nationale du 8 septembre 2008 s’inscrit dans le cadre juridique de l’article L.322-5 du code de la sécurité sociale qui prévoit dans sa rédaction issue de l’article 38 de la loi du 19 décembre 2007 :

« Les frais d’un transport effectué par une entreprise de taxi ne peuvent donner lieu à remboursement que si cette entreprise a préalablement conclu une convention avec un organisme local d’assurance maladie. Cette convention, conclue pour une durée au plus égale à cinq ans, conforme à une convention type établie par décision du directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie après avis des organisations professionnelles nationales les plus représentatives du secteur, détermine, pour les prestations de transport par taxi, les tarifs de responsabilité qui ne peuvent excéder les tarifs des courses de taxis résultant de la réglementation des prix applicable à ce secteur et fixe les conditions dans lesquelles l’assuré peut être dispensé de l’avance des frais. Elle peut également prévoir la possibilité de subordonner le conventionnement à une durée d’existence préalable de l’autorisation de stationnement. »

La « convention-type entre les entreprises de taxis et les organismes locaux d’assurance maladie » pose en son article 3, les « conditions préalables au conventionnement », au nombre desquelles il est indiqué, in fine : « Aucune demande de conventionnement ne peut être acceptée par la caisse primaire d’assurance maladie si l’entreprise de taxis ou son gérant a fait l’objet, par les tribunaux, dans les trois ans qui précèdent, d’une condamnation définitive pour fraude (notamment au titre des articles L 114-13 et L 377-2 et suivants du code de la sécurité sociale) dans ses rapports avec l’assurance maladie. »

Nonobstant l’extrême maladresse de cette rédaction, il n’en demeure pas moins que, s’agissant d’une convention, l’intention de ses signataires, comme le rappelle la caisse intimée, a été d’interdire aux caisses de conclure un accord de remboursement avec des personnes physiques ou morales dont il aurait été établi de manière officielle et incontestable, qu’elles auraient perçu des remboursements de frais de transport d’assurés sociaux alors qu’elles n’étaient pas en règle avec les conditions réglementaires de l’exercice de l’activité de transport de malades.

Lorsque ce texte évoque une « condamnation définitive » par un « tribunal » il ne se limite pas à une condamnation pénale.

Ainsi, la condamnation à restituer des fonds indûment perçus, et à payer des dommages-intérêts à l’organisme social dans le cadre de l’action civile constitue bien une « condamnation définitive par un tribunal » pour fraude commise par l’entreprise de taxi ou par son gérant avec l’organisme social.

La dispense d’inscription au B2 ne concerne que la condamnation pénale et non pas la condamnation prononcée dans le cadre de l’action civile.

L’organisme social n’a pas le droit de faire appel des dispositions pénales du jugement, au nombre desquelles figure la dispense d’inscription au B2.

Dès lors, l’organisme social dont le tribunal a reconnu qu’il avait été victime de fraude ne saurait se voir opposer une mesure de relèvement d’une déchéance, interdiction ou incapacité de contracter.

Par ailleurs, il convient d’observer que l’article 3 précité prévoit que cette interdiction de contracter s’impose à la Caisse, qui n’a aucun pouvoir d’appréciation.

Une contrainte identique est prévue dans le cas où le contractant serait condamné pendant l’exécution du contrat de conventionnement : la Caisse est alors obligée d’engager la procédure de résiliation prévue à l’article 9 de la convention-type.

Dès lors, la Caisse était fondée à opposer un refus d’adhésion à la convention précitée et la Cour confirme le jugement déféré et fait droit aux demandes de l’intimée, y compris sur le fondement de l’article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale qui a prévu que le principe de la gratuité de la procédure devant les juridictions de sécurité sociale reçoit une exception si l’appelant est débouté.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant en matière de sécurité sociale,

Déclare l’appel recevable,

Confirme le jugement déféré,

Et y ajoutant,

Déboute l’appelante de ses demandes,

La condamne à payer à la Caisse Primaire d’assurance maladie du Var la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La condamne également au paiement du droit prévu par l’article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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