Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 mai 2016, n° 13/18161

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 12 mai 2016, n° 13/18161
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 13/18161
Décision précédente : Tribunal de commerce de Marseille, 1er septembre 2013, N° 2012F/1482

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2016

N° 2016/ 225

Rôle N° 13/18161

XXX

C/

SAS J K

Grosse délivrée

le :

à :

Me JOURDAN

Me MOATTI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 02 Septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F/1482.

APPELANTE

XXX,

inscrite au RCS de GAP sous le n° B 353 570 757,

XXX – XXX

représentée par Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée et plaidant par Me Philippe GENIN de la SCP LAMY VERON REIBEYRE & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON,

INTIMEE

SAS J K,

XXX – XXX – XXX

représentée et plaidant par Me Michel MOATTI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Boris MANENTI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 21 Mars 2016 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, monsieur D, conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président

Monsieur Baudouin D, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2016,

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

F A I T S – P R O C E D U R E – D E M A N D E S :

Se sont immatriculées au Registre du Commerce et des Sociétés :

— le 16 février 1990 la S.A. gapençaise SOS NET EGOUTS ayant pour président Monsieur P Q;

— le 28 décembre 1995 la S.A.S. aixoise J K ayant pour président Monsieur N O.

Les salariés suivants, agents d’assainissement de la société SOS NET EGOUTS, ont démissionné :

— le 3 juillet 2009 à effet au 30 pour Monsieur F E, embauché le 24 février;

— le 17 août 2010 pour Monsieur L B, embauché le 1er juin 2009;

— le 25 juillet 2011 pour Monsieur H Z, embauché le 11 août 2009.

La société J K a employé :

— Monsieur E en qualité d’agent technicien K/chef de secteur du 1er août 2009 au 22 juin 2012;

— Monsieur B à compter du 13 août 2010 en qualité d’agent qualifié conducteur K;

— Monsieur Z à compter du 19 juillet 2011 en qualité d’agent qualifié conducteur K.

Le 11 janvier 2012 la société SOS NET EGOUTS a fait assigner la société J K en concurrence déloyale et autre devant le Tribunal de Commerce de MARSEILLE, qui par jugement du 2 septembre 2013 a :

* débouté la société SOS NET EGOUTS de l’ensemble de ses demandes;

* débouté la société J K de sa demande de dommages et intérêts;

* condamné la société SOS NET EGOUTS à payer à la société J K la somme de 3 000 € 00 au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile;

* condamné la société SOS NET EGOUTS aux dépens;

* rejeté toutes autres demandes.

La S.A. SOS NET EGOUTS a régulièrement interjeté appel le 11-12 septembre 2013. Par conclusions du 10 mars 2014 elle soutient notamment que :

— en moins d'1 an elle a subi 2 débauchages (Messieurs B et Z, mais pas Monsieur E qui est parti de son propre chef) et 3 tentatives (Messieurs Y, A et X), les premiers intervenant très rapidement après les embauches, avec propositions d’augmentations beaucoup plus élevées que la pratique; son personnel productif ne comprend que 8 salariés ce qui est faible;

— Monsieur E est entré chez la société J K le surlendemain de la fin de son préavis chez elle-même, et a démissionné après avoir postulé avec succès à l’offre d’embauche de cette société, ce qui rend cette démission abusive, la société J K étant intervenue dans celle-ci; par la suite Monsieur E s’est fait rabatteur pour cette société;

— chaque fois qu’elle a recruté quelqu’un il était approché ultérieurement par la société J K; elle-même a été désorganisée d’autant que la main d’oeuvre qualifiée est rare dans le secteur géographique concerné (Hautes-Alpes); la société J K recherche des profils similaires aux siens; l’action en concurrence déloyale n’exige pas la preuve du caractère intentionnel de la désorganisation;

— le salaire de Monsieur B a augmenté de 85 € 55 lors de son changement d’employeur; elle a dû augmenter Monsieur X de 50 % pour le conserver à son service, ainsi que Messieurs Y et A;

— ses salariés ont été embauchés pour exercer sur le même secteur (où la société J K n’était auparavant pas implantée) et dans la même branche d’activité;

— la société J K pratique un dumping sur les prestations offertes aux consommateurs du marché; elle ne respecte pas les conditions très précises de la possibilité de prévoir une activité en mono-opérateur de pompage et/ou de curage de fosses, et en utilisant ce dernier réalise un économie sur les prix; le 14 décembre 2011 Monsieur Z a seul pompé et nettoyé la cuve d’une station d’épuration, opération dangereuse par la présence de gaz, et de tuyaux flexibles pour l’eau sous pression; le non-respect des règles de sécurité caractérise la concurrence déloyale;

— cette dernière entraîne nécessairement l’existence d’un préjudice; les débauchages et tentatives ont à l’évidence désorganisé elle-même (retards dans l’exécution des chantiers, frais pour recruter et former des remplaçants).

L’appelante demande à la Cour de :

— réformer le jugement;

— dire et juger que la société J s’est rendue coupable de concurrence déloyale à l’encontre de la société SOS NET EGOUTS par débauchage et non-respect des normes de sécurité en vigueur;

— la condamner à payer à la société SOS NET EGOUTS la somme de 50 000 € 00 de dommages et intérêts pour déstabilisation et désorganisation de ses équipes ainsi que pour trouble commercial;

— enjoindre à la société J de respecter les normes de la profession, et ce sous astreinte de 10 000 € 00 par infraction constatée:

— ordonner la publication de la décision à intervenir dans 3 journaux dont au moins un journal professionnel, et ce dans la limite de 5 000 € 00 par insertion;

— condamner la société J à payer à la société SOS NET EGOUTS la somme de

5 000 € 00 au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Concluant le 31 janvier 2014 la S.A.S. J K répond notamment que :

— basé à AIX EN PROVENCE elle a en 2009 décidé de se développer sur les départements 04 et 05, ce qui a nécessité l’embauche de personnel qualifié;

— le transfert de salariés d’une entreprise vers une autre n’est pas un acte de concurrence déloyale en l’absence d’incitation et de concertation, de savoir-faire ou d’information confidentielle, et de désorganisation;

— son embauche d’ex-salariés de la société SOS NET EGOUTS s’est déroulée sur une période supérieure à 2 ans, ce qui n’est pas déloyal; cette société ne justifie pas de sa désorganisation; cette embauche respecte la liberté du travail et de libre établissement du salarié; Messieurs E, B et Z ont été recrutés après réponse à une annonce et formation; le premier était en conflit avec la société SOS NET EGOUTS; le montant du salaire est librement fixé par l’employeur;

— la société SOS NET EGOUTS ne prouve pas les approches de Messieurs Y et A, que n’a pas connus Monsieur E, par la société J K; cette dernière n’a pas accepté les prétentions salariales de Monsieur X;

— son débauchage n’est pas fautif;

— la violation des normes de sécurité n’entre pas dans le champ d’application de l’action en concurrence déloyale, faute d’activité réglementée; l’activité en mono-opérateur est conforme aux règles professionnelles sous réserve de précautions; les faits constatés le 14 décembre 2011 sont une opération isolée de pompage et nettoyage de la cuve, mais pas de curage ce qui exclut la descente d’un ouvrier; elle-même dispose de matériels certifiés spécifiquement adaptés à des interventions en mode mono-opérateur;

— la pratique de prix très largement inférieurs n’est pas en elle-même répréhensible, et n’est pas démontré par la société SOS NET EGOUTS;

— le préjudice invoqué par celle-ci n’est pas démontré.

L’intimée demande à la Cour, vu les articles 1382 et 1383 du Code Civil, de :

— constater que la société SOS NET EGOUTS ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, d’une quelconque faute en lien avec les faits de débauchage et de violation aux règles de sécurité, allégués à1'appui de son action en concurrence déloyale;

— constater que la société SOS NET EGOUTS n’apporte aucun élément de preuve sur la réalité du principe et du quantum de son préjudice, ni d’un quelconque lien de causalité;

— en conséquence, débouter la société SOS NET EGOUTS de toutes ses demandes;

— surabondamment constater que :

. l’embauche des 4 salariés s’est faite sur une période supérieure à 2 ans, dans des conditions normales, conformes au principe de libre concurrence et de liberté du travail;

. la preuve de prétendues tentatives de débauchages fautives n’est pas démontrée;

. le grief tiré du non respect des recommandations de la FNSA, lors de l’intervention du 14 décembre 2011 n’est aucunement justifié ni démontré;

. les accusations réitérées de violations habituelles des normes de sécurité y compris auprès de la profession sont constitutives d’un acte de dénigrement;

. l’action de la société SOS NET EGOUTS a pour seul but d’intimider un concurrent;

— en conséquence :

. débouter de plus fort la société SOS NET EGOUTS de toutes ses demandes;

. condamner la société SOS NET EGOUTS à lui payer la somme de 20 000 € 00 à titre de dommages et intérêts pour acte de dénigrement auprès de la profession;

. condamner la société SOS NET EGOUTS à lui payer la somme de 10 000 € 00 pour procédure abusive et vexatoire;

. condamner la société SOS NET EGOUTS à lui payer la somme de 5 000 € 00 en application des dispositions de l’artic1e 700 du Code de Procédure Civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2016.


M O T I F S D E L ' A R R E T :

Monsieur C était salarié de la société NERA PROPRETE et non de la société SOS NET EGOUTS, peu important que celle-ci soit filiale à 100 % de celle-là; son cas ne peut donc être reproché par la société SOS NET EGOUTS à la société J K.

Monsieur E en conflit avec la société SOS NET EGOUTS a quitté celle-ci le 30 juillet 2009, soit bien avant l’arrivée de Messieurs A le 10 février 2011 et Y le 11 avril.

Le principe de la liberté du travail permet à un salarié de changer d’employeur même en étant toujours chez celui-ci lorsqu’il est approché par le nouveau, à condition que celui-ci n’utilise pas de procédés déloyaux et ne désorganise pas son prédécesseur. La société SOS NET EGOUTS ne démontre pas avoir augmenté le salaire de Monsieur X uniquement pour pouvoir le conserver à son service et l’empêcher de rejoindre la société J K. Et les salaires de base consentis par cette dernière (car les heures supplémentaires, primes et indemnités ne permettent pas de comparaisons utiles) sont très voisins de ceux réglés par la société SOS NET EGOUTS soit respectivement :

—  1 440 € 86 et 1 343 € 80 pour Monsieur B,

—  1 456 € 03 et 1 457 € 09 pour Monsieur Z.

Même si l’effectif de la société SOS NET EGOUTS est modeste (8 salariés), les départs de Messieurs E; B et Z vers la société J K se sont échelonnés dans le temps (1er août 2009, 13 août 2010 et 19 juillet 2011) et n’ont donc pas été massifs, ce qui exclut que la première société ait été désorganisée par la seconde.

Le document établi le 1er avril 2010 par la Fédération Nationale des Syndicats de l’Assainissement et de la Maintenance Industrielle (la F.N.S.A.) considère comme incompatibles en mono opérateur les 'travaux nécessitant la descente dans un regard, vide sanitaire, égouts / espaces confinés'. La cuve de la station d’épuration de LA BATIE NEUVE (05), dans laquelle est intervenu seul le 14 décembre 2011 Monsieur Z de la société J K, est assimilable à ces lieux, mais cette anomalie par son caractère unique et le fait que ce salarié ne descend dans la fosse que pour positionner les tuyaux et non pour travailler lui-même ne caractérise pas la concurrence déloyale reprochée par la société SOS NET EGOUTS.

C’est donc à bon droit que le Tribunal a débouté cette dernière de l’ensemble de ses demandes, et le jugement est confirmé.

Les informations sur la société J K communiquées par la société SOS NET EGOUTS à la F.N.S.A. sont négatives, mais la première ne démontre pas le préjudice qu’elle en aurait subi, ce qui exclut sa demande de dommages et intérêts pour acte de dénigrement auprès de la profession.

Si la procédure de la société SOS NET EGOUTS était injustifiée, son caractère abusif et vexatoire n’est pas démontré, non plus que le préjudice spécifique qu’en aurait subi la société J K; par suite la Cour déboutera cette dernière de sa demande de dommages et intérêts.


D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Confirme le jugement du 2 septembre 2013.

Vu l’article 700 du Code de Procédure Civile condamne la S.A. SOS NET EGOUTS à payer à la S.A.S. J K une indemnité de 5 000 € 00 au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne la S.A. SOS NET EGOUTS aux dépens d’appel, avec application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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