Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 22 septembre 2017, n° 15/16642

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 9e ch. c, 22 sept. 2017, n° 15/16642
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 15/16642
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 1er septembre 2015, N° 14/2477
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2017

N° 2017/ 618

Rôle N° 15/16642

SA CMA GCM

C/

Y X

Grosse délivrée le :

à :

-Me Séléna TRUONG, avocat au barreau de PARIS

- Me Nicolas FALQUE, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE – section EN – en date du 02 Septembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/2477.

APPELANTE

SA CMA GCM, demeurant Tour CMA – 4 quai d’Arenc – […]

représentée par Me Séléna TRUONG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0107

INTIME

Monsieur Y X, demeurant […]

représenté par Me Nicolas FALQUE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 20 Juin 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller qui a rapporté

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Z A-B.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2017.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2017.

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Z A-B, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée, Y X a été engagé par la Compagnie Maritime d’Affrètement ( CMA) en qualité de contrôleur de gestion à compter du 2 mai 1995.

Suivant contrat à durée indéterminée du 2 octobre 2012, il était engagé par la société CMA CGM , avec reprise de son ancienneté en qualité de responsable commercial au sein de la direction Lignes courtes NAF, statut cadre, niveau VIII, échelon A, coefficient 550.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale du personnel sédentaire des entreprises de navigation libre.

Après mise à pied à titre conservatoire le 12 août 2014,et entretien préalable le 2 septembre 2014 Y X a été licencié pour faute grave par la société CMA CGM par lettre recommandée avec accusé réception en date du 5 septembre 2014 dans les termes suivants:

' Envisageant de prendre à votre égard une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute lourde, nous vous avons convoqué, par courrier remis en main propre contre décharge du 12 août 2014, pour un entretien préalable portant sur cette éventuelle mesure le mardi 02 septembre 2014 à 10 heures.

Cette convocation précisait également que vous aviez la possibilité de demander la consultation pour avis d’une commission de discipline, conformément aux dispositions conventionnelles.

Vous n’avez pas demandé la réunion de cette commission et vous êtes présenté seul à cet entretien au cours duquel nous vous avons exposé les motifs qui nous amènent à envisager votre licenciement:

Vous avez successivement occupé plusieurs postes commerciaux au sein de la Direction Lignes Courtes NAF (Nord Afrique) de notre Société et occupez actuellement celui de Responsable Commercial de Ligne au sein de la Direction Med Lines / Lybia Desk.

Dans le cadre de ces différents postes, vous avez été et êtes toujours en charge du suivi et du développement de l’activité commerciale de la Société en Libye.

Votre positionnement au sein de notre Société est donc central puisque vous définissez une politique commerciale et tarifaire dont vous assurez la mise en 'uvre dans une zone géographique stratégique pour le Groupe auquel nous appartenons.

A ce titre, vous entretenez depuis plusieurs années des relations privilégiées avec notre principal client en Libye, la Société North Africa Shipping Company (NASHCO/NASCO), qui représente deux tiers de notre activité dans ce pays (environ 40 000 Tues sur 60 000).

Or, nous avons appris le 11 août 2014 que parallèlement à votre activité salariée au sein de notre entreprise, vous représentez à titre personnel la Société WINNY INTERNATIONAL Cette dernière a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés en France et a définitivement cessé son activité (import-export de tous produits exceptés produits dits sensibles (sauf produits réglementées)) le 31 décembre 2005 mais poursuit une activité économique.

En effet, le 11 août 2014, nous avons été informés que:

* La Société WINNY INTERNATIONAL a reçu de la banque STB TUNIS un virement de

172 025 euros le 23 juillet 2013 ;

* Le 28 avril 2014, la Société WINNY INTERNATIONAL a réclamé à la Société NASHCO la somme de 64875 dollars provenant d’une commission de 25 dollars sur 2595 containers.

Lors de l’entretien préalable du 02 septembre 2014, vous avez reconnu exercer actuellement et à titre personnel, par l’intermédiaire de la Société WINNY INTERNATIONAL, une activité commerciale et financière notamment avec la Société NASHCO tout en précisant que cette activité ne concurrence pas la Société CMA CGM.

En représentant à titre personnel une Société ayant notamment des liens financiers et commerciaux directs avec l’un de nos principaux clients, celui-ci étant par ailleurs votre interlocuteur privilégié dans le cadre de l’exercice professionnel de votre activité quotidienne au sein de notre Société, vous avez commis des faits fautifs totalement inacceptables.

En effet, de par vos agissements, vous avez manqué à l’obligation de loyauté inhérente à votre contrat de travail en utilisant et détournant la relation commerciale que nous avions établie avec la Société NASHCO pour faire des profits. Vous vous êtes ainsi placé volontairement dans une situation de conflit d’intérêt qui est absolument incompatible avec un exercice sérieux de votre prestation de travail.

Votre attitude est d’autant plus inconcevable qu’elle va à l’encontre de l’article 13, « Conflit d’intérêt»de votre contrat de travail du 02 octobre 2012 qui stipule que « le Salarié doit vérifier qu’il ne se trouve pas dans une situation de conflit d’intérêt portant atteinte à l’objectivité et l’indépendance avec laquelle il doit prendre ses décisions et exercer ses fonctions. En cas de conflit d’intérêt potentiel, le Salarié s’engage à dénoncer à sa hiérarchie tout lien notamment familial, financier ou capitalistique qu’il posséderait avec un des partenaires professionnels de la société. Il s’engage par ailleurs à s’abstenir de tout acte qui favoriserait son intérêt personnel ».

Nous ne saurions accepter une telle attitude chez nos salariés que nous voulons professionnels et de confiance d’autant que vous connaissiez les risques inhérents à un conflit d’intérêt avéré, l’article 13 susvisé ajoutant que «Le non-respect du présent orticle serait susceptible de remettre en cause les

présentes relations contractuelles »,

Par ailleurs, nous vous rappelons que du fait des fonctions que vous exercez et notamment afin de protéger les intérêts légitimes de la Société, le contrat de travail qui nous lie comporte en son article

12 une clause d’exclusivité de service.

Celle-ci stipule que « pendant toute la durée du contrat le Salarié ne devra pas exercer une autre activité professionnelle à quelque titre que ce soit, par lui-même ou par personne physique ou morale interposée pour une entreprise concurrente ou non de la Société, sauf autorisation écrite et préalable de la Société ». Or, nous ne pouvons que constater que vous n’avez jamais sollicité notre autorisation pour exercer votre autre activité professionnelle et que vous ne nous avez pas même informés de celle-ci, la dissimulant de manière volontaire.

Vous n’étiez pourtant pas sans ignorer les risques relatifs à la dissimulation de cette information et au non-respect de l’exclusivité de services, l’article 12 susvisé précisant que « Le non-respect du présent article par le Salarié serait susceptible de remettre en cause les présentes relations contractuelles ».

Enfin, la Société WINNY INTERNATIONAL, dont vous étiez le représentant, a débuté son activité en France (Import-export de tous produits exceptés produits dits sensibles (sauf produits réglementés) le 20 mars 2003 et a cessé celle-ci le 31 décembre 2005.

Or, à l’époque de l’exercice de cette activité, le contrat de travail du 02 mai 1995 régissant nos rapports stipulait en son article 3 que « Pendant la durée du présent contrat Monsieur X Y devra réserver à la Compagnie l’exclusivité de son temps et ne pourra avoir aucune autre activité professionnelle même non concurrente, sauf autorisation écrite préalable de la CMA ».

Ce n’est malheureusement pas la première fois que vous êtes sanctionné pour un comportement fautif. En effet, par courrier du 20 juin 2014, remis en main propre le 27 juin 2014, nous vous avons notifié un avertissement pour vous être absenté de manière irrégulière, sans autorisation et information préalables de votre supérieur hiérarchique.

L’ensemble de ces faits et votre comportement constituent des manquements graves à vos obligations professionnelles et contractuelles que nous ne pouvons tolérer. Une telle conduite rend impossible toute collaboration et les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 02 septembre 2014, bien qu’écartant la faute lourde, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Par conséquent, nous vous informons que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave, justifié par les motifs réels et sérieux exposés précédemment.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible; votre licenciement prendra donc effet immédiatement à la date d’envoi de la présente lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans préavis, ni indemnité de licenciement.

Nous vous signalons à cet égard qu’en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé.

Nous vous indiquons par ailleurs que vous pouvez, sous réserve d’en formuler la demande avant l’expiration de la durée théorique de votre préavis, soit durant trois mois, bénéficier du financement de tout ou partie d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation dans limite d’une somme de 1098 euros correspondant à vos droits acquis au titre du DIF (120 heures) à ce jour. Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai imparti, le versement de cette somme interviendrait à réception du justificatif de suivi de l’une des actions susvisées. A défaut, vos droits acquis au titre du DIF ou leur reliquat pourront être utilisés, conformément aux dispositions de l’article l.6323-18 du Code du Travail, chez votre nouvel employeur ou en accord avec votre référent Pôle emploi si vous vous inscrivez comme demandeur d’emploi.

Nous vous rappelons qu’à compter de la cessation de votre contrat de travail, si vous en remplissez les conditions:

- vous conserverez pour une durée déterminée le bénéfice du régime de couverture des frais de santé en vigueur au sein de notre entreprise;

- vous pourrez conserver pour une durée déterminée le bénéfice du régime de prévoyance en vigueur au sein de notre entreprise.

Vous recevrez par pli séparé les documents afférents à la rupture de votre contrat de travail auxquels seront jointes les informations relatives à la portabilité des régimes des frais de santé et de prévoyance en vigueur au sein de notre entreprise.

Nous vous précisons que votre contrat de travail comporte une clause de non concurrence à laquelle nous renonçons expressément par la présente. En conséquence, aucune contrepartie pécuniaire ne vous est due du fait de cette renonciation.

Enfin, nous vous remercions de bien vouloir nous restituer l’ensemble des documents et matériels appartenant à la Société.'

La société CMA CGM employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, Y X a saisi le 15 septembre 2014 le conseil de prud’hommes de Marseille qui par jugement du 2 septembre 2015 a:

— dit que le licenciement de Monsieur X repose sur une cause réelle et sérieuse,

— condamné la CMA CGM à payer à Monsieur Y X les sommes suivantes:

* 4 275.80 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied entre le 12 août 2014 et le 5 septembre 2014,

* 427 € de congés payés y afférents,

* 78 567 € à titre d’indemnités conventionnelles de licenciement,

* 16 034.25 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 603 € à titre de congés payés afférents au préavis,

* 700 € sur le fondement de l’article 700 du CPC,

— condamné le défendeur aux dépens,

— débouté Monsieur X de ses autres demandes.

Le 14 septembre 2015 la société CMA CGM a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société CMA CGM demande de :

— infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

— dire et juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur X est parfaitement fondé,

En conséquence,

— ordonner le remboursement des sommes versés à Monsieur X au titre de l’exécution provisoire du jugement rendu en première instance, soit la somme totale de 48.102,75 euros,

— débouter Monsieur X de l’ensemble de ses demandes à ce titre.

A titre subsidiaire,

— limiter sa demande à 6 mois de salaire en l’absence de la démonstration de tout préjudice.

En tout état de cause,

— condamner Monsieur X à verser à la société CMA CGM la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— débouter Monsieur X de sa demande formulée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

— condamner Monsieur X aux entiers dépens.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Y X demande de :

Vu les articles L1332-4 et L 1235-3 du Code du travail

Vu la convention collective du personnel sédentaire des entreprises de navigation libre.

— fixer le salaire mensuel moyen de Monsieur X à la somme de 5344,75 €

— confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la CMA CGM à payer à Monsieur Y X les sommes suivantes:

* 4275,80 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied entre le 12 août 2014 et le 5 septembre 2014

* 427 € de congés payés y afférents

* 78.567,82 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

* 16.034,25 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 1603 € à titre de congés payés afférents au prévis

* 700 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.

— pour le surplus le réformer et condamner la CMA CGM à payer à Monsieur X 150 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC

— ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

MOTIFS DE LA DECISION

sur le licenciement

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l’employeur d’alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier, et tel est le cas en l’espèce, doit en rapporter la preuve.

Les griefs formulés au salarié sont d’avoir violé les règles applicables dans l’entreprise en matière de conflit d’intérêt ( article 13 de son contrat de travail ) et celles portant sur l’obligation d’exclusivité

( article 12 du contrat de travail ) en ce que le salarié exerce une activité économique et financière , au sein d’une société WINNY INTERNATIONAL qu’il dirige, société radiée le 31 décembre 2005 et qui poursuit une activité, ainsi qu’en témoignent les faits suivants : perception d’un virement le 23 juillet 2013 et demande de commissions à la société NASHCO le 28 avril 2014.

La société CMA CGM soutient que manifestement le salarié a tiré profit de la relation qu’il entretenait dans le cadre de ses fonctions de responsable commercial de la société CMA CGM avec la société NASHCO pour des intérêts personnels, et qu’au regard de ces faits , ayant des raisons de penser que Monsieur X a perçu des rétro-commissions de la part de la société NASHCO elle a déposé une plainte pénale afin qu’une enquête soit diligentée , plainte ayant donné lieu à la mise en examen du salarié.

Monsieur X oppose la prescription de faits fautifs, observant que la procédure de licenciement a été engagée le 12 août 2014 , et que les faits fautifs reprochés sont datés de 2003 à 2005, pour ce qui est de l’existence juridique de la société WINNY INTERNATIONAL, radiée au 31 décembre 2005, et du 23 juillet 2013 et 28 avril 2014 s’agissant des prétendus faits d’activité commerciale par le salarié au sein de cette société .

La société CMA CGM conteste toute prescription, soutenant n’avoir pris connaissance des faits fautifs qu’à l’occasion d’un courrier anonyme qui lui a été adressé le 11 août 2014, lequel comportait les documents suivants:

— un ordre de virement de 172 025 € concernant la société WINNY INTERNATIONAL en date du 23 juillet 2013

— un document concernant une demande de virement effectuée à la société NASHCO pour le compte de la société WINNY INTERNATIONAL en date du 28 avril 2014

— un courrier de la banque CREDIT AGRICOLE confirmant l’existence du compte de la société WINNY INTERNATIONAL en date du 23 mars 2014.

Elle ajoute avoir pu vérifier , au moyen d’un avis du répertoire SIRENE délivré le 20 août 2014 que Monsieur X était le représentant de la société WINNY INTERNATIONAL.

L’article L 1232-4 du code du travail dispose: aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

La plainte pénale évoquée par l’employeur est une plainte pour escroquerie, sur la base des faits reprochés, déposée auprès des services de la gendarmerie le 18 décembre 2014. La cour observe que les allégations de mise en examen de monsieur X , vivement contestées par ce dernier, ne sont corroborées par aucun élément; au contraire les pièces produites par l’employeur ( attestations de salariés et notamment d’un responsable protection des informations et d’un responsable sûreté sécurité) , font ressortir que ces deux témoins, le 30 mars 2015, mentionnent la seule enquête n° 285/2014 diligentée par la gendarmerie, suivie par le vice procureur, ce qui de toute évidence, ne permet pas de justifier de l’existence d’une instruction préparatoire et donc d’une mise en examen.

En tout état de cause, le salarié ayant été convoqué à un entretien préalable le 12 août 2014, cette plainte déposée le 18 décembre 2014 est sans effet sur la prescription encourue.

Force est de constater que l’employeur ne produit pas aux débats, comme très justement relevé par le salarié, le courrier anonyme du 11 août 2014, par lequel il aurait eu connaissance des faits fautifs. Les documents qu’il affirme être joints à ce courrier sont datés du 23 juillet 2013 , du 23 mars 2014 et du 28 avril 2014 , de sorte qu’en l’absence de ce courrier anonyme, la société CMA CGM n’établit pas avoir eu connaissance de ces faits dans un temps non couvert par la prescription.

La production d’un avis du répertoire SIRENE délivré le 20 août 2014 est donc dans ces conditions, insuffisante pour justifier que l’employeur n’a eu connaissance de l’activité de M. X au sein de la société WINNY INTERNATIONAL , que le 11 août 2014 , comme il le soutient, un tel avis ayant pu être demandé précisément à cette date pour les besoins de la cause.

En conséquence, la cour constate , en l’état d’une procédure de licenciement engagée le 12 août 2014 , que sont prescrits les faits fautifs , tant s’agissant de l’activité de Monsieur X au sein de la société WINNY INTERNATIONAL entre 2003 et 2005 que l’activité prétendue du salarié au sein de cette société, aux dates de juillet 2013, mars ou avril 2014, constitutives selon l’employeur de violations des clauses contractuelles applicables au salarié.

Il s’en suit que le licenciement de Y X est sans cause réelle et sérieuse . Il convient d’infirmer le jugement de ce chef.

Sur les demandes indemnitaires

La société CMA CGM ne formule aucune observation sur le quantum des sommes allouées par le conseil de prud’hommes au titre des rappels de salaires avec congés payés afférents pour la période de mise à pied, d’indemnité conventionnelle de licenciement , d’indemnité compensatrice de congés payés avec incidence de congés payés.

En l’état d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse , la cour confirme les condamnations prononcées parfaitement évaluées par les premiers juges au regard des droits du salarié.

Monsieur X sollicite des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse . Le salarié engagé le 2 mai 1995 justifiait d’une ancienneté de 19 ans au moment de son licenciement . Il peut prétendre à des dommages et intérêts conformément à l’article L 1235-3 du code du travail.

La rémunération mensuelle moyenne de l’intéressé au dernier état de la relation contractuelle n’est pas de 4571,65 € comme prétendu par l’employeur, cette somme correspondant au seul salaire de base , auquel doivent s’ajouter les autres éléments de rémunérations telles que les différentes primes perçues par M. X. Ce dernier invoque un salaire moyen de 5344, 72 € qui sera donc retenu par la cour.

Le salarié verse aux débats pour justifier sa situation postérieure au licenciement , un courrier de pôle emploi du 6 juin 2017 attestant de son inscription en qualité de demandeur d’emploi longue durée du 16 septembre 2014 au 31 janvier 2017. Au vu de ces éléments, il sera alloué à M. X une somme de 80 000 € de dommages et intérêts .

Sur les autres demandes

La cour confirme le jugement s’agissant de la condamnation prononcée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamne en outre l’employeur à payer à M. X une somme de 1500 € pour les frais irrépétibles exposés par lui en cause d’appel.

La société CMA CGM supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Confirme le jugement du 2 septembre 2015 sauf en ce qu’il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit prescrits les faits fautifs reprochés et le licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

Condamne la société CMA CGM à payer à Y X une somme de 80 000 € à titre de dommages et intérêts ,

Condamne la société CMA CGM à payer à Y X une somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société CMA CGM aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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