Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 24 novembre 2017, n° 15/08279

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 9e ch. b, 24 nov. 2017, n° 15/08279
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 15/08279
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, 30 mars 2015, N° 13/1466
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 24 NOVEMBRE 2017

N°2017/

Rôle N° 15/08279

SAS Z A

C/

B C

Grosse délivrée le :

à :

Me Florence GOUMARD, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE – section C – en date du 31 Mars 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/1466.

APPELANTE

SAS Z A, demeurant […]

représentée par Me Florence GOUMARD, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIME

Monsieur B C, demeurant […]

représenté par Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 04 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2017

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Z-A FRANCE (anciennement LR SERVICES jusqu’au 19 octobre 2013) est une entreprise de transport de produits frais qui a pour clients les restaurants MAC DONALD. Elle possède 9 sites, celui d’Aix-en-Provence compte 103 salariés.

M. B C a été embauché par la société LR SERVICES en qualité d’agent polyvalent d’entrepôt dans le cadre d’un contrat d’intérim du 21 octobre 2002 puis suivant contrat de travail à durée indéterminée du 20 janvier 2003, toujours en qualité d’agent polyvalent d’entrepôt à temps complet.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 1 700 € pour un horaire de 151,67 heures.

Les rapports contractuels des parties sont régis par les dispositions de la convention collective des transports routiers.

Le salarié a fait l’objet des sanctions disciplinaires suivantes ainsi rédigées :

avertissement du 22 octobre 2010 : « Vous étiez convoqué le jeudi 14 octobre 2010 dans le cadre d’un entretien préalable à une sanction. À cette occasion vous avez eu la possibilité de vous expliquer sur les faits qui vous sont reprochés, à savoir : En date du 1er septembre 2009, vous avez oublié 20 pains royal sur la tournée NICE TNL. À cette même date, vous avez également oublié le chargement de 40 pains royal et 52 pains Mac sur la tournée Toulon centre. Durant cet entretien, vous avez expliqué ne pas vous souvenir de votre oubli des pains des deux restaurants et vous avez indiqué ne pas connaître suffisamment le chargement pour remplacer la personne absente. Nous vous rappelons qu’il est essentiel que vous vous conformiez à vos consignes de travail et notamment la vérification de vos chargements. Comme vous le savez le site et l’entreprise sont directement impactés par les erreurs qui peuvent survenir dans la réalisation de votre mission. De plus le chargement figure dans votre fiche de poste, vous disposez donc de toutes les connaissances nécessaires afin de mener à bien votre mission. Compte tenu de ces éléments et de vos explications, nous sommes amenés à vous notifier un avertissement qui sera porté dans votre dossier personnel. Nous comptons désormais sur votre professionnalisme et votre implication pour que cet incident ne se reproduise plus. »

• mise à pied disciplinaire du 20 juin 2011 : « Vous étiez convoqué le mardi 31 mai 2011 dans le cadre d’un entretien préalable à une sanction. Pour mémoire vous étiez initialement convoqué le 22 février 2011 puis le 9 mai 2011 toutefois en raison de votre indisponibilité à ces dates nous avons été amenés à reporter l’entretien. À cette occasion vous avez eu la possibilité de vous expliquer sur les faits qui vous sont reprochés, à savoir : En date du 5 janvier 2011 vous n’avez pas respecté les consignes de chargement et vous avez oublié une palette de surgelés pour le restaurant Marseille Sainte Barbe. Durant l’entretien vous avez reconnu ne pas avoir compté les colis de la palette. Vous avez également expliqué que la commande était conséquente et que le préparateur avait fait deux palettes pour un support. Nous vous rappelons que la bonne exécution de votre mission suppose que vous soyez attentif au respect des consignes de travail. Dans le cas présent vous auriez dû compter le nombre de colis présents sur la palette afin de vous assurer qu’elle soit complète comme cela est prévu pour cette opération. Comme vous le savez le site et l’entreprise sont directement impactés par les erreurs qui peuvent survenir dans la réalisation de votre mission et les actions correctives restent à la charge de l’entreprise. Pour mémoire vous avez fait l’objet d’un rappel à l’ordre en date du 23 juillet 2010 puis un avertissement en date du 22 octobre 2010 pour le non-respect des procédures. Force est de constater que vous n’avez pas tenu compte de notre alerte et que vous n’entendez toujours pas vous conformer aux règles de l’entreprise. Dans ces conditions nous vous informons de notre décision de vous notifier une mise à pied disciplinaire d’une journée, le 29 juin 2011. À cette date vous ne viendrez pas travailler et vous ne serez pas rémunéré. À l’avenir nous vous demandons de vous conformer aux attentes de votre mission et de veiller à la qualité de votre travail. De nouveau nous comptons sur votre professionnalisme et votre implication pour que cet incident ne se reproduise plus. »

• mise à pied disciplinaire du 13 janvier 2012 : « Vous étiez convoqué le mercredi 4 janvier 2012 dans le cadre d’un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. À cette occasion vous avez eu la possibilité de vous expliquer sur les faits qui vous sont reprochés, à savoir : En date du 15 novembre 2011 vous avez oublié de chargé un méga bib pour le restaurant de Claira (tour 219). En date du 13 décembre 2011 vous avez oublié de chargé une palette pour le restaurant de Beaucaire (tour 203). Durant l’entretien vous avez reconnu les faits du 15 novembre 2011 et vous avez indiqué ne pas vous rappeler les faits du 13 décembre 2011. Vous vous êtes également engagé à respecter les procédures de chargement. Nous vous rappelons que la bonne exécution de votre mission suppose que vous soyez attentif au respect des procédures et notamment la vérification de vos chargements. Pour mémoire vous avez fait l’objet d’un rappel à l’ordre le 23 juillet 2010, d(un avertissement le 22 octobre 2010, d’une mise à pied le 20 juin 2011 et d’un courrier le 14 novembre 2011 pour des faits similaires or nous constatons que vous ne vous conformez toujours pas aux consignes de travail. Dans ces conditions nous sommes donc amenés à vous notifier une mise à pied disciplinaire de trois jours, le 30 et 31 janvier et le 1er février 2012. À ces dates vous ne viendrez pas travailler et vous ne serez pas rémunéré. Vous êtes de nouveau alerté sur la gravité de la situation, il s’entend que si nous avions à déplorer un nouvel incident de cet ordre nous serions contraints de reconsidérer sérieusement notre collaboration. À l’avenir nous vous demandons d’être attentif au respect des procédures de travail et nous comptons sur votre professionnalisme afin que ces incidents ne se reproduisent plus. »

mise à pied disciplinaire du 23 octobre 2012 : « Vous étiez convoqué le mardi 2 octobre 2012 dans le cadre d’un entretien préalable à une sanction. À cette occasion vous avez eu la possibilité de vous expliquer sur les faits qui vous sont reprochés, à savoir : Nous déplorons qu’en date du 24 août 2012 lors du chargement du véhicule du transporteur Le NJS sur le quai n°7 vous n’ayez pas respecté une procédure essentielle de sécurité. II s’avère précisément que vous n’avez pas accroché les clefs au mousqueton lors du chargement du véhicule. En dépit du fait que je vous ai rappelé la règle visant à ce que les clefs du camion soient accrochées au mousqueton vous avez de nouveau chargé un camion le 6 septembre 2012 sans vous conformer à cette consigne. Durant l’entretien vous avez indiqué que vous faisiez confiance aux conducteurs du camion pour qu’ils ne partent pas sans vous avertir et vous vous êtes engagé à ce que cela ne se reproduise plus. Comme vous le savez l’entreprise se doit de garantir la sécurité de ses collaborateurs or en ne vérifiant pas que les clefs soient accrochées au mousqueton lors du chargement d’un véhicule vous vous exposez à un accident grave. Par conséquent vous ne nous permettez pas de remplir nos obligations en matière de sécurité. Pour mémoire vous avez fait l’objet d’un rappel à l’ordre le 2 août 2012 pour des faits identiques. Dans ces conditions nous sommes donc amenés à vous notifier une mise à pied disciplinaire d’une journée, le 7 novembre 2012. À cette date vous ne viendrez pas travailler et vous ne serez pas rémunéré. À l’avenir nous vous demandons de respecter les règles de sécurité et nous comptons désormais sur votre professionnalisme afin que ces incidents ne se

reproduisent plus. »

• mise à pied disciplinaire du 22 mai 2013 : « Vous étiez convoqué le mardi 7 mai 2013 dans le cadre d’un entretien préalable à une sanction. À cette occasion, assisté de M. F D E, Représentant du personnel, vous avez eu la possibilité de vous expliquer sur les faits qui vous sont reprochés, à savoir : En date du 1er avril 2013 vous avez décroché votre téléphone en salle de charge. Durant l’entretien vous avez reconnu les faits en indiquant qu’il s’agissait d’un appel concernant votre fille. Nous vous rappelons que l’entreprise se doit de garantir la sécurité de ses collaborateurs. À ce titre il est strictement interdit d’utiliser son téléphone portable au sein de l’entrepôt et de surcroît en salle de charge afin d’éviter tout risque d’explosion. Pour mémoire vous avez fait l’objet d’un rappel à l’ordre le 2 août 2012 et d’une mise à pied le 23 octobre 2012 suite au non-respect de règles de sécurité. Dans ces conditions nous sommes donc amenés à vous notifier une mise à pied disciplinaire le 11 juin 2013. À cette date vous ne viendrez pas travailler et vous ne serez pas rémunéré. Il s’avère que si nous avions à déplorer un nouvel incident vous concernant nous serions contraints de reconsidérer sérieusement la poursuite de votre collaboration. À l’avenir nous vous demandons d’être attentif aux règles de sécurité et nous comptons désormais sur votre professionnalisme afin que cet incident ne reproduise plus. »

Le salarié a été licencié pour faute grave suivant lettre du 16 septembre 2013 ainsi rédigée : « Vous étiez convoqué le lundi 9 septembre 2013 dans le cadre d’un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. Vous étiez assisté par M. D E, représentant du personnel, et, à ma demande, M. X, Responsable Juridique et relations sociales, était également présent. À cette occasion vous avez eu la possibilité de vous expliquer sur les faits qui vous sont reprochés, à savoir : En date du 8 juillet 2013 vous avez oublié de charger 3 panières de pains (ref. 3359.03) pour le restaurant de Brignoles (Tour 246). Le 30 juillet 2013 vous avez inversé le chargement des produits « frais » et « sec » pour les restaurants d’Avignon Real Panier et Orange (Tour 322). Dans ces conditions le conducteur a été contraint de décharger l’ensemble des marchandises hors du véhicule afin d’accéder aux produits destinés à notre client en dépit de la température extérieure élevée. Au cours de l’entretien vous avez nié en totalité les griefs qui vous ont été exposés. Vous avez indiqué ne pas vous souvenir des 3 panières de pains pour le restaurant de Brignoles. Par ailleurs vous avez affirmé que vous n’aviez pu charger le véhicule à l’envers et vous avez formellement contesté toute erreur de votre part. Néanmoins vos déclarations sont contredites par nos constatations. D’une part les panières de pains qui ont été oubliées relevaient de vos missions. L’incident a par ailleurs nécessité une action corrective. Ces faits peuvent donc être valablement vérifiés et vous être reprochés. D’autre part nous avons approfondi nos vérifications quant à l’inversement du chargement or il apparaît que vous avez bien pris en charge le véhicule du tour 322. Cette anomalie a fait l’objet d’un signalement immédiat auprès de notre exploitation transport et, conformément aux procédures de l’entreprise, le conducteur a fait état de l’incident rencontré durant sa livraison. Nous avons donc pu recueillir l’ensemble des éléments qui permettent de confirmer votre implication dans cet incident. En l’espèce vos explications n’ont pas modifié notre appréciation des faits. Il ressort en effet de nos observations et des vérifications menées que vous êtes bien à l’origine des irrégularités dans le chargement. Dans les deux cas il ressort que vous n’avez pas respecté les procédures de travail de l’entreprise, s’agissant notamment du contrôle de la marchandise. Cet incident n’est pas isolé. En effet à ce stade il apparaît que vous ne respectez toujours pas les consignes de travail et les règles de l’entreprise. Pour mémoire vous avez fait l’objet de plusieurs mesures disciplinaires en considération de multiples manquements à vos obligations professionnelles et au non-respect des règles de l’entreprise. Nous avons tenté de vous ramener à un niveau de collaboration qui réponde à nos attentes mais force est de constater que vous n’apportez toujours pas satis faction. En effet vous ne remplissez pas votre mission tel que nous vous l’avons demandé et rien ne permet de présumer d’une amélioration de cette situation. Dans ces conditions nous vous informons de notre décision de procéder à votre licenciement pour faute grave. Cette décision prend effet immédiatement et vous cesserez de faire partie de notre personnel à la date de première présentation de cette lettre. Nous vous précisons que la faute grave est privative du préavis ainsi que de l’indemnité de licenciement. Vous pourrez vous présenter au service du personnel du site d’Aix-en-Provence pour percevoir les sommes vous restant dues au titre de salaire et d’indemnité de congés payés, et retirer votre certificat de travail ainsi que votre attestation Pôle-Emploi. Pour des raisons d’organisation de service nous vous remercions de contacter préalablement Mme Y, Gestionnaire RH, au 04 42 90 75 02 pour fixer un rendez-vous. Dans le cadre de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle nous vous informons qu’au titre du droit individuel à la formation (DIF), vous bénéficiez d’un crédit de 72 heures de formation sous forme d’allocation forfaitaire, lesquelles vous permettent d’effectuer un stage de formation professionnelle, une validation des acquis de l’expérience ou un bilan de compétences, à condition de nous faire part de votre décision par écrit et dans un délai d’un mois à compter de la première présentation de cette lettre. »

Contestant son licenciement, M. B C a saisi le 28 novembre 2013 le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, section commerce, lequel, par jugement rendu le 31 mars 2015, a :

• dit que le licenciement pour faute grave s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

• fixé la moyenne des 12 derniers mois à 2 908,80 € ;

• condamné l’employeur à payer au salarié les sommes suivantes :

• 5 817,60 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

• 581,76 € au titre des congés payés y afférents ;

• 9 043,58 € à titre d’indemnité de licenciement ;

• 30 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

• 1 080,00 € au titre des frais irrépétibles ;

• ordonné l’exécution provisoire en application des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile ;

• condamné l’employeur aux dépens ;

• débouté l’employeur de toutes ses demandes.

Cette décision a été notifiée le 9 avril 2015 à la SAS Z-A FRANCE qui en a interjeté appel suivant déclaration du 28 avril 2015.

Vu les écritures déposées à l’audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles la SAS Z-BOWER FRANCE demande à la cour de :

• dire l’appel recevable et bien fondé :

• infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

• dire que le licenciement repose sur une faute grave ;

• débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes ;

• condamner le salarié au paiement de la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.

Vu les écritures déposées à l’audience et reprises par son conseil selon lesquelles M. B C demande à la cour de :

• dire l’employeur mal fondé en son appel ;

• confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

• dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

• condamner l’employeur au paiement des sommes suivantes :

' 5 817,60 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

' 581,76 € au titre des congés payés y afférents ;

' 9 043,58 € à titre d’indemnité de licenciement ;

'30 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail ;

' 2 500,00 € au titre des frais irrépétibles ;

• condamner l’employeur aux dépens ;

• le débouter de l’ensemble de ses demandes.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel, qui n’est pas discutée par les parties, est acquise.

1/ Sur les activités syndicales du salarié

Le salarié fait valoir qu’il a commencé à faire l’objet de mesures disciplinaires à compter de sa candidature aux élections des représentants du personnel pour la CGT en 2009 et que, plus encore, il a été licencié en réponse à sa volonté de se présenter à l’élection des délégués du personnel de septembre 2013 pour le FNCR.

La cour relève que le salarié ne tire pas les conséquences de ses affirmations dès lors qu’il ne demande l’annulation ni des sanctions disciplinaires précédant le licenciement ni de ce dernier. Surabondamment, il convient de noter que le salarié n’établit pas que l’employeur était informé de l’imminence de sa candidature quand il a entamé la procédure de licenciement par la convocation à l’entretien préalable du 19 août 2013.

2/ Sur la faute grave

L’employeur qui invoque une faute grave doit rapporter la preuve de faits qui rendent impossibles la poursuite du contrat de travail ainsi que le maintien du salarié dans l’entreprise durant le préavis.

En l’espèce, l’employeur reproche au salarié d’avoir oublié de charger trois panières de pains le 8 juillet 2013 et d’avoir inversé un chargement le 30 juillet 2013.

À les supposer établis, ces deux faits, même pris en combinaison, ne sont pas de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise durant le préavis. En effet, l’oubli de trois panières, qui n’était certes pas le premier, les précédents ayant déjà donné lieu à des sanctions disciplinaires, n’était pas pour autant d’une gravité suffisante en l’absence de démonstration du préjudice réel causé à l’entreprise. De plus, le grief de chargement inversé n’avait jamais été formulé avant la procédure de licenciement alors même que le salarié procédait à des chargements comparables depuis 10 ans.

Si le juge ne peut ajouter d’autres faits à ceux invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour un motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l’employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

3/ Sur la cause réelle et sérieuse

La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou à l’autre partie.

L’employeur produit à l’appui de ses griefs l’affichage du chargement du 8 juillet 2013 ainsi que le bon de livraison mentionnant l’absence de trois panières de pains, concernant le chargement inversé, il produit l’affichage du chargement pour le 30 juillet 2013 ainsi que l’attestation du chauffeur qui déclare avoir dû sortir l’ensemble des marchandises pour livrer un restaurant.

Le salarié conteste avoir oublié les trois panières de pain, mais il n’apporte aucun élément en ce sens. Concernant le chargement inversé, il fait valoir que le chauffeur ne l’a pas indiqué sur le bon de livraison et que cet incident ne peut lui être imputé.

La cour retient que les faits sont suffisamment établis au regard des documents produits par l’employeur qui apparaissent conformes aux procédures internes dont il est justifié par ailleurs et qui ne sont contredits par aucun élément précis.

Le salarié ajoute que les faits qui lui sont reprochés ne doivent pas être mis en perspective au regard de son passé disciplinaire, ce dernier relevant d’une construction habituelle à l’employeur et qui se trouve invalidée par ses notations annuelles alors même que les méthodes de chargement de l’entreprise ne sont pas fiables. Le salarié fait enfin valoir que les manquements qui lui sont reprochés entrent dans une grille de sanction édictée par l’employeur laquelle exclut le licenciement.

Il sera relevé que le salarié n’a pas contesté les sanctions disciplinaires qui ont été rapportées et qui ne sont pas si rapprochées qu’elles puissent témoigner d’une certaine désorganisation de l’entreprise. À l’inverse, elles manifestent l’existence de procédures précises et vérifiées. Enfin, la grille de sanction que vise le salarié ne prévoit nullement une répétition de manquements comparable à celle relevée à son encontre. Elle ne saurait donc s’appliquer en l’espèce.

La combinaison des deux manquements reprochés au salarié, intervenant après un avertissement et quatre mises à pied disciplinaires, constitue bien une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Les parties ne discutant pas l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents ainsi que l’indemnité de licenciement retenus par les premiers juges, leur décision sera confirmée de ces chefs.

4/ Sur les autres demandes

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu’elles ont exposés en appel. En conséquence, elles seront déboutées de leurs demandes formées à ce stade en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’employeur supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare l’appel recevable.

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

• condamné la SAS Z-BOWER FRANCE à payer à M. B C les sommes suivantes :

'5 817,60 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

' 581,76 € au titre des congés payés y afférents ;

'9 043,58 € à titre d’indemnité de licenciement ;

'1 080,00 € au titre des frais irrépétibles ;

• condamné la SAS Z-BOWER FRANCE aux dépens.

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Déboute M. B C de sa demande de dommages et intérêts.

Déboute les parties de leurs demandes concernant les frais irrépétibles d’appel.

Condamne la SAS Z-BOWER FRANCE aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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