Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre a, 11 janvier 2018, n° 16/09589

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 4e ch. a, 11 janv. 2018, n° 16/09589
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 16/09589
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, 9 mai 2016, N° 14/01024
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 1 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 11 JANVIER 2018

SL

N° 2018/ 10

Rôle N° 16/09589

[R] [P]

C/

Syndicat des copropriétaires [Adresse 1]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP FRANCOIS-CARREAU FRANCOIS TRAMIER DUFLOT

SCP TROEGELER GOUGOT BREDEAU TROEGELER MONCHAUZOU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d’AIX-EN-PROVENCE en date du 10 Mai 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/01024.

APPELANTE

Madame [R] [P]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI de la SCP FRANCOIS-CARREAU FRANCOIS TRAMIER DUFLOT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure BARATHON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Syndicat des copropriétaires [Adresse 1], sis [Adresse 1] pris en la personne de son Syndic en exercice, la Société IMMOBILIER GESTION CONSULTANT, dont le siège social est [Adresse 2], elle-même prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

représenté par Me Michel GOUGOT de la SCP TROEGELER GOUGOT BREDEAU TROEGELER MONCHAUZOU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Novembre 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie LEONARDI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Madame Sophie LEONARDI, Conseiller

Monsieur Luc BRIAND, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Janvier 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Janvier 2018

Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCÉDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [R] [P] est propriétaire d’un appartement dans un immeuble situé [Adresse 1].

Par acte d’huissier délivré le 11 février 2014, elle a fait assigner le syndicat des copropriétaires [Adresse 1] devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de voir :

— dire que le syndicat ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification de la destination de ses parties privatives et aux modalités de jouissance telles qu’elles résultent du règlement de copropriété ;

— annuler la résolution n° 8 et par conséquent la résolution n° 9 de l’assemblée générale en date du 22 janvier 2014 ;

— annuler pour abus de majorité la résolution n° 10 de cette assemblée ;

— condamner le syndicat des copropriétaires à effectuer, sous astreinte de 100 € par jour commençant à courir deux mois après la notification du jugement et dans un délai de six mois, les travaux nécessaires pour la mise en conformité du conduit de cheminée, de telle sorte qu’elle puisse jouir normalement de ses parties privatives ;

— condamner le syndicat à lui payer une indemnité pour le préjudice immatériel subi du fait de l’impossibilité d’user de son bien à hauteur de 2500 € pour la période écoulée et 1000 € par an jusqu’à exécution des travaux nécessaires conformes aux règles de l’art ;

— le condamner aux dépens ainsi qu’à payer la somme de 2000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonner l’exécution provisoire.

Par jugement rendu le 10 mai 2016, le tribunal :

— a débouté Mme [P] de l’ensemble de ses demandes ;

— lui a fait interdiction, sous astreinte de 10000 € par infraction constatée, d’utiliser sa cheminée et d’y faire du feu ;

— l’a condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [P] a régulièrement relevé appel, le 6 janvier 2017, de ce jugement en vue de sa réformation.

Dans ses conclusions déposées le 2 mai 2017 par le RPVA, elle réitère ses prétentions initiales et sollicite de voir :

— dire que si le syndicat des copropriétaires peut interdire, compte tenu de son état de dangerosité liée à un défaut d’entretien, l’utilisation d’un équipement commun, il ne peut à quelque majorité que ce soit en décider la suppression pour l’avenir ;

— en toute hypothèse réformer le jugement s’agissant de la condamnation sous astreinte à ne plus utiliser la cheminée et réduire l’indemnité allouée au syndicat au titre des frais irrépétibles ;

— condamner celui-ci à régler la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires [Adresse 1] sollicite de voir, suivant conclusions déposées par le RPVA le 5 octobre 2017 :

— confirmer le jugement entrepris ;

— condamner Mme [P] à payer la somme de 4000 € au titre des frais irrépétibles.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 24 octobre 2017.

MOTIFS de LA DÉCISION

Sur le litige relatif à la cheminée

La résolution n° 8 adoptée par l’assemblée du 22 janvier 2014 à la majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 est rédigée comme suit :

' L’assemblée générale des copropriétaires prend connaissance du fait : – que certains copropriétaires et notamment Mme [P] ont continué à utiliser leur cheminée pour faire du feu malgré le rapport d’ Atre et Clim du 30 avril 2008 interdisant expressément la poursuite de l’utilisation des cheminées sans remise aux normes nécessitant de gros travaux – que l’utilisation récente de sa cheminée par Mme [P] a conduit à un démarrage d’incendie qui a pu être éteint grâce à l’intervention rapide des pompiers appelés par des voisins qui se sont alarmés mais qui aurait pu être dramatique si les pompiers n’étaient pas intervenus aussi vite – que cette interdiction d’utiliser les cheminées a été rappelée par le syndic aux termes de différents courriers recommandés simples adressés à tous les copropriétaires pour les informer du rapport d’Atre et Clim et leur notifier l’interdiction absolue du faire du feu dans les cheminées – que Mme [P] continue de faire ramoner tous les ans le conduit de sa cheminée alors qu’il est depuis 2008 interdit de faire du feu – Ceci exposé, l’assemblée générale des copropriétaires décide : – de ne pas procéder aux travaux très lourds de remise aux normes des conduits de cheminées qui sont aux termes du règlement de copropriété des parties communes – d’interdire de façon absolue l’utilisation des cheminées pour y faire du feu – de faire modifier en conséquence, le règlement de copropriété pour y faire ajouter cette interdiction formelle de faire du feu dans les cheminées qui ne sont plus aux normes pour des raisons de sécurité des occupants de l’immeuble et de préservation de l’immeuble – mandater le syndic pour signer tous actes relatifs à cette modification auprès du notaire de son choix, et plus généralement de faire le nécessaire – de voter un budget de 1000 € pour financer le coût des frais notariés relatifs à la rédaction et la publication de cet acte qui fera l’objet d’un appel de fonds au 1er février 2014 – que cette décision d’interdire l’utilisation des cheminées pour y faire du feu est d’application immédiate.'

Mme [P] prétend que l’unanimité était requise dans la mesure où il est porté atteinte à la jouissance des parties privatives.

Il est constant que la cheminée présente dans l’appartement de Mme [P] n’est pas mentionnée comme élément constitutif de son lot.

Le règlement de copropriété pour sa part impose aux copropriétaires de 'faire ramoner par un fumiste les cheminées, poêles et fourneaux en état de fonctionnement dépendant des lieux qu’ils occupent toutes les fois qu’il sera nécessaire et en tout cas au moins une fois par an.'

Toutefois comme le souligne le syndicat des copropriétaires, il convient de relever que ce document remonte à 1957 et que les modes de chauffage n’étaient pas les mêmes qu’actuellement.

Ainsi, le fait de ne plus permettre l’utilisation des cheminées au sein de l’immeuble ne restreint pas les modalités de jouissance par Mme [P] de ses parties privatives dés lors qu’il n’est pas discuté qu’elle conserve un chauffage adapté et qu’ainsi l’usage d’habitation de son lot n’est pas compromis.

Ce premier moyen doit en conséquence être écarté.

Mme [P] fait valoir subsidiairement qu’il y a abus de majorité.

La charge de la preuve lui incombe et un tel abus est caractérisé lorsqu’il est établi que la décision de l’assemblée est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou qu’elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires.

En l’occurrence, il ressort du rapport de la société Atre et Clim en date du 30 avril 2008 faisant suite à un premier rapport du 17 mars 2005 que les conduits de fumée de l’immeuble :

— ne sont ni des boisseaux ni des conduits métalliques, seuls matériaux utilisables pour l’évacuation des fumées de cheminées, et de plus, traversent des planchers en bois sans isolation particulière, ne respectant pas les distances de feu sécuritaires ;

— ne sont pas conformes aux préconisations du DTU en vigueur ;

— ne permettent pas, sans gros travaux de remise aux normes, l’utilisation des cheminées aux différents étages qui doit donc être interdite.

Même s’il n’est pas versé pas aux débats de chiffrage, il est évident que de tels travaux sont coûteux pour une petite copropriété qu’est le syndicat [Adresse 1] .

Le devis de la société Ambiance Feu fourni par Mme [P] ne démentit pas les constatations faites par Atre et Clim et ne permet pas, en l’absence d’étude technique, de retenir que les travaux qui y sont décrits permettrait un usage sans risque par l’intéressée de sa cheminée.

Ainsi, le refus par le syndicat, bien que tenu d’une obligation d’entretien de l’immeuble, d’exécuter les travaux de mise aux normes, n’est pas dénué de motifs et de tel travaux n’apparaissent pas indispensables à la destination et à l’usage des parties commune et privatives.

Par ailleurs, la seule circonstance que la décision litigieuse soit prise par des copropriétaires majoritaires ne souhaitant pas utiliser leurs cheminées à la différence de Mme [P] minoritaire est insuffisante.

Au surplus, les juridictions ne peuvent apprécier l’opportunité des décisions prises par les assemblées de sorte que c’est à tort que Mme [P] fait valoir qu’il ne peut être préjugé de l’avenir en prévoyant une interdiction absolue inscrite dans le règlement de copropriété.

Aucun abus de majorité n’est donc caractérisé.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la demande en nullité de la résolution n° 8 doit être rejetée, de même que les demandes subséquentes tendant d’une part à l’annulation de la résolution n°9 autorisant le syndic à poursuivre Mme [P] en justice aux fins d’obtenir qu’elle cesse d’utiliser sa cheminée pour y faire du feu, d’autre part à la condamnation du syndicat à réaliser les travaux de mise aux normes et enfin à l’indemnisation d’un préjudice de jouissance.

Le jugement sera de ce fait confirmé y compris concernant la condamnation sous astreinte de Mme [P] à ne pas user de sa cheminée dans la mesure où bien qu’avisée des dangers y afférents, elle ne conteste pas avoir continué de l’utiliser au moins jusqu’à la présente instance et a même provoqué un incendie.

Sur le litige relatif aux nuisances sonores

L’ assemblée du 22 janvier 2014 a adopté la résolution n°10 dans les termes qui suivent :

' L’assemblée générale des copropriétaires prend acte des nuisances de bruit dont se plaint Mme [P] et dont elle a déjà été informée par le syndic lors d’une précédente assemblée générale. Elle prend connaissance du rapport de mesurage de bruits de voisinage effectué par le cabinet Polyexpert à la demande de Mme [P] dans son appartement et les différents échanges de courriers entre le conseil de Mme [P], le syndic et Me [X] [D], représentant les intérêts de la copropriété. – Elle décide, en conséquence de ce qui précède, d’autoriser Mme [P] à mandater le cabinet Polyexpert à étendre le mesurage de bruits aux appartements et parties communes voisines pour déterminer plus précisément la source du bruit constaté, à la condition expresse qu’elle en assume seule le coût quelque soit le résultat obtenu.Il est effectivement précisé que le bruit mesuré par le cabinet Polyexpert ne peut être considéré comme un bruit illicite au regard de la règlementation.'

Le rapport de ce cabinet en date du 19 août 2013 mentionne en effet l’existence d’une source de bruit importante hors du champ réglementaire à 50Hz, mais d’origine inconnue et dont il convient de rechercher la source.

Depuis lors, Mme [P] a obtenu, suivant ordonnance de référé rendue le 3 juin 2014, la désignation d’un expert judiciaire qui a établi son rapport le 18 mai 2015 et conclu, sans que cela soit contredit, que c’est le compresseur du réfrigérateur de Mme [P] qui était à l’origine de la nuisance sonore.

Il n’empêche que l’abus de majorité s’apprécie au moment où l’assemblée statue.

Or, imposer à Mme [P] d’assumer les frais d’expertise amiable quel que soit le résultat des investigations était abusif en ce que Mme [P] se trouvait empêchée d’en solliciter le remboursement auprès du syndicat dans le cas où les nuisances provenaient de parties communes, rompant ainsi à son détriment l’égalité des copropriétaires devant les charges communes.

Le jugement entrepris sera donc réformé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Mme [P] qui demeure partie succombante même pour partie doit être condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour par l’intimé, sans qu’il soit besoin de statuer à nouveau sur ce qui a été tranché de ces chefs par le tribunal.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Réforme le jugement du tribunal de grande instance d’Aix en Provence en date du 10 mai 2016, mais seulement en ce qu’il a débouté Mme [P] de sa demande en annulation de la résolution n°10 de l’assemblée qui s’est tenue le 22 janvier 2014,

Statuant à nouveau de ce chef,

Prononce la nullité de la résolution n°10 prise par l’assemblée générale du 22 janvier 2014,

Confirme le jugement dans le surplus de ses dispositions,

Condamne Mme [R] [P] aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 1] la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d’appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

LE GREFFIERLE PRESIDENT



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