Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 28 mai 2019, n° 18/17596

  • Société de participation·
  • Vente·
  • Hôtel·
  • Offre·
  • Exploitation·
  • Locataire·
  • Notification·
  • Prix·
  • Droit de préférence·
  • Préemption

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.cabinetbrault-avocat.com

COMMENTAIRES A LA GAZETTE DU PALAIS, NUMERO SPECIAL DROIT DES BAUX COMMERCIAUX, NOVEMBRE 2021 : APPLICATION DANS LE TEMPS DES NOUVELLES REGLES RELATIVES AUX CHARGES DECOULANT DE LA LOI DITE PINEL (Cass. 3e civ., 17 juin 2021, n° 20-12844, FS-B) : Selon l'article 8 alinéa 2 du décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014, les dispositions des articles R. 145-35 à R. 145-37 du code de commerce sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du décret, soit le 5 novembre 2014. Un contrat est renouvelé à la date d'effet du bail renouvelé. Ayant constaté que le …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 28 mai 2019, n° 18/17596
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/17596
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Grasse, 24 octobre 2018, N° 18/03288
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 28 MAI 2019

L.V

N° 2019/

Rôle N° RG 18/17596 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJUY

SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA

C/

Z X

SARL ALEXANIAN ET CIE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me

G H-I

Me Agnès ERMENEUX

— CHAMPLY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 25 Octobre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 18/03288.

APPELANTE

SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant […]

représentée par Me G H-I de la SCP BADIE H-I JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Philippe MARIA, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

INTIMES

Monsieur Z X

né le […] à […]

représenté par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Julie ABRASSART, avocat au barreau de PARIS, plaidant

SARL ALEXANIAN ET CIE

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis […]

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Julie ABRASSART, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 02 Avril 2019 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Madame VIGNON, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame A B.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2019,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame A B, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 04 juillet 1988, Mme C X a consenti à la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA un bail commercial d’une duré de neuf ans sur l’immeuble sis […] à […]

Ledit bail a fait l’objet d’un renouvellement pour une nouvelle durée de neuf années, par acte sous seing privé en date du 1er juillet 1997 pour se terminer le 30 juin 2006.

A l’issue d’une procédure devant le tribunal de grande instance de Grasse en fixation d’un nouveau loyer à l’initiative de M. Z X, venant aux droits de Mme C X, le bail a été renouvelé pour une durée de neuf années expirant le 30 juin 2015, pour un montant annuel de 60.850 €.

Par acte extra judiciaire en date du 13 avril 2015, le preneur a sollicité le renouvellement du bail, le bailleur a fait connaître son accord provisoire pour un loyer identique et une expertise judiciaire a été ordonnée par le juge des référés, à la requête de la SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA afin de déterminer notamment la valeur locative des locaux.

Par lettre du 1er mars 2017 reçue le 10 mars 2017, M. Z X a adressé à la SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA une notification de cession du bien immobilier en application de l’article L 145-46-1 du code de commerce.

Le 22 juin 2017, M. X et la SARL ALEXANIAN ET CIE ont signé un compromis de vente portant sur l’immeuble litigieux, réitéré par acte authentique en date du 17 octobre 2017.

Soutenant que la notification de droit de préférence reçue le 10 mars 2017 était entachée d’irrégularités, la SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA a fait assigner à jour fixe, par acte du 19 juin 2018, M. Z X et la SARL ALEXANIAN ET CIE devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins notamment de dire et juger nulle l’offre de vente du 1er mars 2017 et de prononcer la nullité de la vente intervenue le 17 octobre 2017.

Par jugement contradictoire en date du 25 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Grasse a:

— déclaré recevable en ses demandes la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA,

— débouté la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA de l’intégralité de ses demandes,

— ordonné la mainlevée de toute mesure de publicité effectuée en application des dispositions du décret n°55-22 du 4 janvier 1955,

— rejeté la demande reconventionnelle de paiement de dommages et intérêts,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA à payer à M. Z X et la SARL ALEXANIAN ET CIE la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par déclaration en date du 07 novembre 2018, la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 15 mars 2019, la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA demande à la cour de:

— débouter M. Z X et la SARL ALEXANIAN ET CIE de leurs demandes, fins et conclusions,

— recevoir la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA en son appel,

— dire et juger que l’offre de vente du 1er mars 2017 est nulle en ce qu’elle prévoit une commission d’intermédiaire à la charge du locataire,

— constater que le propriétaire, M. X, n’a pas régularisé de nouvelle notification de l’offre de vente au locataire, la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA, malgré la sommation en date du 16 janvier 2018,

— dire et juger que la vente entre M. Z X et la SARL ALEXANIAN ET CIE du 17 octobre 2017 est intervenue en fraude du droit de préférence du locataire, la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA, tel que prévu à l’article L 145-46-1 du code de commerce,

Par conséquent,

— prononcer la nullité de la vente entre M. Z X et la SARL ALEXANIAN ET CIE du 17 octobre 2017,

— dire et juger que le jugement devra être publié aux services de la publicité foncière compétente, était précisé que le bien est ainsi désigné à l’acte:

' A CANNES ( Alpes Maritimes, […], un immeuble à usage d’habitation dénommé ' HOTEL REGINA’ comprenant trois étages sur rez-de-jardin avec terrain autour à usage de jardin et de parking.

Figurant ainsi au cadastre: Section BX n°66, […], surface: […]

L’adresse postale est la suivante: […], […]

Un extrait de plan cadastral à l’échelle 1/650 est demeuré ci-annexé. Précision étant ici faite que ladite parcelle était anciennement cadastrée section E numéro 278p pour une superficie d’environ 600 mètres carrés, tel qu’il résulte du titre antérieur de propriété reçu par Me D E, notaire à CANNES, le 11 août 1962.'

— prononcer à l’encontre de M. Z X une injonction de notifier la vente des murs au prix de 1.430.000 € outre frais d’actes notariés à son locataire commercial, la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA, sous quinzaine à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 1.500 € par jour de retard,

— donner acte à la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA de son intention d’acquérir au prix de 1.430.000 € outre frais d’actes notariés,

— condamner conjointement et solidairement M. Z X et la SARL ALEXANIAN ET CIE à la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que le courrier de M. X du 1er mars 2017 faisant offre de vente à son profit ne remplit pas les conditions de forme requises par les textes et la jurisprudence concernant :

— la nécessaire description du bien, objet de l’offre de vente :

* l’objet de la vente doit être suffisamment décrit dans le cadre de la notification au locataire pour permettre à ce dernier de disposer d’un consentement libre et éclairé,

* lorsque l’objet de l’offre est insuffisamment décrit, la lettre de purge est entachée d’une irrégularité de forme pouvant entraîner la nullité de l’acte,

* en l’espèce, l’offre de vente est plus qu’imprécise en ce qu’elle fait uniquement référence à 'l’immeuble sis à CANNES, […]' sans aucune description, même minimale du bien,

— la nécessaire précision du prix de vente :

* l’offre fait état d’un prix de vente de 1.430.000€ auquel il convient d’ajouter les sommes de 100.500 € de frais d’acte et de 70.000 € de commission d’agence,

* la purge du droit de préemption devant intervenir avant toute vente, dès lors que le propriétaire envisage de céder son local, il n’y a donc aucune recherche d’acquéreur pour l’agent immobilier qui justifierait le paiement par le locataire d’une commission d’agence,

* la commission d’agence ne peut donc lui être imputée et la notification de la vente aurait dû être effectuée au prix réel, à savoir la somme de 1.430.000 € sans faire état d’une commission d’agence que ne doit pas le locataire ou de frais d’actes dès lors que ces derniers ne sont pas justifiés.

Elle considère que dès lors que l’offre incluait les honoraires d’intermédiaire pour 70.000 € à la charge du preneur, elle a été faite à tort à un prix supérieur, avec pour conséquence qu’il appartient à M. X de lui notifier une offre conforme à la réalité, l’article L 146-46-1, d’ordre public, prévoyant expressément cette obligation d’adresser une nouvelle notification au prix réel, et ce, à peine de nullité de la vente.

Elle en conclut que la notification du 1er mars 2017 étant nulle, il y a lieu de considérer qu’aucune notification de l’offre de vente n’a été effectuée en faveur du locataire et que la vente entre les parties intimées est donc intervenue en fraude de son droit de préemption, de sorte que la nullité de la vente ne pourra qu’être constatée.

Elle rappelle que son gérant, M. Y, avait interrogé le bailleur sur ses intentions de vendre les murs, que celui-ci avait répondu ne pas être opposé sur le principe, de sorte que M. Y a formalisé une offre en novembre 2016 au prix de 1.300.000 €.

Elle expose que le propriétaire n’a même pas essayé de le contacter pour obtenir une offre supérieure, préférant lui adresser une offre de vente le 1er mars 2017 ne respectant pas les textes, qu’elle aurait acquis le bien au prix de 1.430.000 € mais a uniquement refusé l’offre car elle comprenait une commission d’agence de 70.000 €, de sorte que le cap des 1.500.000 € était atteint, ce qui était trop élevé.

Elle estime que son préjudice est donc réel, puisqu’alors qu’elle avait la possibilité d’acquérir au prix de 1.430.000 € , elle se retrouve locataire à titre désormais précaire du fait de l’exercice du droit de repentir et contrainte à suivre des contentieux ainsi qu’ à continuer à procéder au paiement du loyer.

M. Z X et la SARL ALEXANIAN ET CIE, dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 25 mars 2019, demandent à la cour de :

A titre principal,

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse en date du 25 octobre 2018 en ce qu’il a débouté la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE

L’HOTEL REGINA de l’ensemble de ses demandes,

— constater que la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA n’a pas exercé son droit de préemption dans le délai légal,

— dire et juger l’absence de grief de la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA en relation avec la notification du droit de préemption par M. X par courrier en date du 1er mars 2017,

— dire et juger la régularité de la notification du droit de préemption par M. X par courrier en date du 1er mars 2017,

— dire et juger la régularité de la vente par M. Z X à la SARL ALEXANIAN ET CIE par acte authentique en date du 17 octobre 2017,

— dire et juger qu’il n’y a pas lieu à enjoindre une nouvelle notification du droit de préemption,

A titre incident,

— infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse en date du 25 octobre 2018 en ce qu’il a débouté M. Z X à la SARL ALEXANIAN ET CIE de leur demande de condamnation à des dommages-intérêts pour procédure abusive,

— condamner la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA à verser 10.000 € à répartir entre M. Z X à la SARL ALEXANIAN ET CIE à titre de dommages-intérêts au titre de la combinaison des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

— débouter la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA de l’ensemble de ses demandes,

— ordonner la mainlevée de toute mesure de publicité effectuée en application des dispositions du décret n°55-22 du 4 janvier 1955,

— condamner la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA à verser 10.000 € à répartir entre M. Z X à la SARL ALEXANIAN ET CIE au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soulignent qu’il a fallu dix mois à la société appelante pour envoyer une sommation au titre de la prétendue irrégularité de notification du droit de préférence reçue le 10 mars 2017, les raisons d’une telle sommation étant d’autant plus difficiles à comprendre que son gérant, M. Y, écrivait dès le 18 avril 2017 que la société n’entendait pas acheter les murs, invoquant des raisons fiscales.

Ils concluent, à titre principal, à la parfaite validité de la notification du droit de préférence:

— sur la régulière indication du bien dont la vente est envisagée:

* c’est la désignation sans ambiguïté des locaux offerts à la vente qui doit figurer dans l’offre et non la description de ces locaux,

* la société appelante avait parfaitement connaissance des droits résultant de cette offre de vente dans la mesure où le droit de propriété qui aurait pu en découler n’est en concurrence avec aucun

autre droit et que la pleine jouissance du bien , objet de l’offre, n’était soumise à aucune condition particulière nécessitant des précisions, de sorte qu’il n’y avait aucune ambiguïté possible s’agissant d’un seul immeuble,

— sur la régulière indication du prix et des conditions de la vente envisagée:

* le prix de vente (1.430.000 €) est clairement exprimé dans cette notification,

* il importe que la notification identifie bien les différents postes de proposition du bien à la vente, le montant et la charge de la commission d’agence constituant incontestablement des conditions de la vente envisagée au sens de l’article L 146-45-1 du code de commerce,

* l’offre d’achat faite par un acquéreur potentiel est sans incidence sur la validité et la régularité de la notification faite au locataire,

* inclure la commission dans le prix de vente aurait été trompeur et en l’espèce l’offre est régulière en ce que précisément elle a identifié les frais d’agence séparément du prix.

* il est parfaitement normal que soit indiquée l’existence de frais d’agence et de frais de notaire, d’autant que M. Y a envisagé d’acquérir en son nom propre ou via la SCI SOPHIA et que si tel avait été le cas, la commission aurait été supportée par M. Y ou la SCI SOPHIA, lesquels n’avaient ni l’un, ni l’autre la qualité de preneur à bail et donc ne bénéficiaient pas du droit de préférence,

* dès lors que la commission d’agence n’apparaît pas comme faisant partie du prix, la notification est parfaitement régulière.

Ils en tirent pour conséquence que la société locataire disposait de l’ensemble des informations prescrites par la loi et était en mesure d’exercer de manière libre et éclairée son droit de préférence.

Ils font valoir que l’appelante a manifesté de manière expresse son refus d’acquérir le bien, que le droit de préemption bénéficie exclusivement à la personne ayant la qualité de locataire, laquelle est seule habilitée à accepter ou non l’offre et non pas M. Y ou encore moins une SCI créée pour la cause. Elle relève que la SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA n’a pas davantage demandé à disposer d’un délai complémentaire, comme les dispositions légales le permettent dans le cadre d’une demande de prêt, que les droits du preneur ont été parfaitement respectés et que celle-ci est mal fondée à venir contester la forme d’une notification alors même qu’elle n’a pas exercé son droit dans le délai légal et qu’elle avait manifesté son intention de ne pas acheter le bien.

Ils rappellent que selon une jurisprudence constante, le locataire doit mettre en avant l’existence d’un grief s’il souhaite demander la nullité de la notification au visa du non respect des mentions obligatoires. Or, ils considèrent que dès lors que la société appelante ne démontre pas avoir jamais été intéressée par l’acquisition des murs, elle ne justifie en tout état de cause d’aucun grief, comme l’indiquait son gérant dans un mail le 18 avril 2017, que les pièces qu’elle communique pour tenter de justifier du contraire ne la concernent pas directement puisque le bien aurait été acquis par M. Y ou par une SCI SOPHIA, étant précisé que la question de la valorisation des parts sociales du preneur ne peut en aucun cas être opposée au bailleur.

Ils relèvent que seul M. Y, à titre personnel, a marqué l’intérêt d’acquérir les locaux et non la SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA ,que l’offre à hauteur de 1.300.000 € dont il est fait état émane de M. Y à titre personnel, qui n’ a aucun droit à bénéficier de la préemption prévue par l’article L 145-46-1 du code de commerce.

Ils estiment qu’il ne peut être fait droit à la demande d’injonction de la société appelante qui sollicite que M. X lui adresse une nouvelle notification du droit de préférence, alors que ce dernier n’est plus propriétaire des locaux litigieux depuis le mois d’octobre 2017, que la SARL ALEXANIAN ET CIE est également dans l’impossibilité de le faire puisqu’elle vient d’acquérir les locaux et qu’elle n’a nullement l’intention de vendre. Ils ajoutent que si la nullité de la vente était prononcée, cette demande d’injonction ne pourrait pas davantage être accueillie à l’encontre de M. X, celui-ci recouvrant alors son entière liberté de propriétaire, à savoir de céder ou non son bien, au prix choisi par lui.

Ils contestent que la vente litigieuse se soit réalisée à des conditions plus avantageuses, les frais et émoluments ayant été évalués dans la notification et n’ayant jamais été considérés comme participant d’un prix de vente, de sorte que la nullité de la vente du 17 octobre 2017 sur le fondement de l’article L 145-46-1 alinéa 3 du code de commerce ne peut qu’être rejetée.

Ils insistent sur leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive compte tenu de la mauvaise foi de l’appelante.

MOTIFS

La recevabilité des demandes de la SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA ne fait l’objet d’aucune discussion en appel par les parties, de sorte que les dispositions du jugement sur ce point seront purement et simplement confirmées.

L’article L 145-46-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dispose : ' Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d’acceptation, le locataire dispose d’un délai d’un mois pour la réalisation de la vente. Si dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt , l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est sans effet.

Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n’y a pas préalablement procédé, notifier au locataire dans les formes prévues au premier alinéa, à peine de nullité de la vente, ces conditions et ce prix. Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre de vente est valable pendant une durée d’un mois à compter de sa réception. L’offre qui n’a pas été acceptée dans ce délai est caduque.

Le locataire qui accepte l’offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est sans effet.

Les dispositions des autres premiers aliénas du présent article sont reproduites, à peine de nullité dans chaque notification (…)'

Par acte sous seing privé en date du 04 juillet 1988, Mme C X a consenti à la SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA un bail commercial d’une durée de neuf ans sur ' un immeuble sis à Cannes, […]' suivi d’une description particulièrement précise des locaux loués ( nombre d’étages, nombre et type de pièces par étage ainsi que leur superficie, éléments d’équipements et dépendances).

Par avenant en date du 1er juillet 1997, ce bail a fait l’objet d’un renouvellement pour une nouvelle durée de neuf années, l’acte comprenant sous la rubrique ' désignation des lieux loués', exactement la même description, tout aussi précise, que celle contenue dans le bail commercial du 04 juillet 1988.

Enfin, ledit bail a été renouvelé à compter du 1er juillet 2006, par jugement du tribunal de grande instance de Grasse, avec un loyer annuel fixé à 60.850 € hors taxes et hors charges.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er mars 2017, M. Z X a adressé à la SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA une notification de cession du bien immobilier, objet du bail en cours de renouvellement, en application de l’article L 145-46-1 du code de commerce.

Ce courrier a été reçu par la société appelante le 10 mars 2017 et il n’est pas contesté que celle-ci n’a pas manifesté, dans le délai de trente jours qui lui était imparti, son intention d’acquérir l’immeuble litigieux, qui a été cédé, par acte authentique en date du 17 octobre 2017, à la SARL ALEXANIAN ET CIE.

La SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA soutient que la notification de cession en date du 1er mars 2017 est nulle, invoquant à ce titre deux motifs:

— l’absence de description du bien, objet de l’offre de vente,

— l’absence de précision du prix de vente.

Sur le premier point, elle fait grief à M. X de ne pas avoir suffisamment décrit le bien vendu.

Dans sa lettre de notification du 1er mars 2017 , M. X expose : ' Je vous informe que j’entends procéder à la vente du local à usage commercial que vous louez à […], dans le cadre du bail en cours de renouvellement (…) Sans reprendre la consistance de ce bien que votre société connaît pour l’exploiter et l’occuper, je vous notifie donc que cet immeuble sis […] est à céder (…)'.

Aux termes de l’article L 145-46-1 du code de commerce, ce n’est pas la description des locaux qui doit figurer à peine de nullité dans l’offre de vente, mais la désignation sans ambiguïté du bien offert à la vente.

En l’occurrence, il ne pouvait pas y avoir d’ambiguïté en ce qui concerne les locaux offerts à la cession puisqu’il s’agit d’un seul immeuble et que la société appelante les connaît parfaitement pour les occuper depuis le 04 juillet 1988, dans le cadre d’un bail qui décrit très précisément le bien et auquel il est fait référence dans le courrier litigieux.

Il apparaît ainsi que le preneur était parfaitement en mesure de donner un consentement éclairé au regard de la consistance du bien, mis en vente, sans erreur ou confusion possible.

Ce premier moyen de nullité sera en conséquence rejeté.

Sur le second point, la SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA reproche au bailleur d’avoir fait état d’un prix de vente ( 1.430.000 €) , auquel il convient de rajouter les frais d’acte ( 100.500 € ) et la commission d’agence ( 70.000 €).

La notification de la cession est ainsi rédigée ' cet immeuble (…) est à céder au prix de UN MILLION QUATRE CENTE TRENTE MILLE EUROS ( 1.430.000 €) , prix payable le jour de la signature de l’acte authentique de vente, en l’état et sans condition particulière, sauf celle légale et donc de préemption de la commune de Cannes et de celle du locataire commerçant.

Prix auquel il y a lieu d’ajouter le paiement des frais, droits et émoluments de l’acte authentique de vente évalués à la somme de CENTMILLE CINQ CENTS EUROS ( 100.500 €) , en ce non compris les frais de prêt éventuels.

A ce prix , il convient d’ajouter une commission d’intermédiaire de SOIXANTE DIX MILLE EUROS ( 70.000 €) à la charge de l’acquéreur.'

En l’espèce le prix de vente stricto sensu ( 1.430.000 €) est ainsi distingué des frais, droits et émoluments d’une part et de la commission d’agence d’autre part. Il ne peut être fait grief à M. X d’avoir indiqué les frais de l’acte authentique, l’article L 145-46-1 prescrivant au bailleur d’indiquer le prix de vente et les conditions de la vente envisagée, l’absence de mention de tels frais étant, au contraire, de nature à empêcher le preneur d’exercer de manière éclairée son droit de préférence en ce qu’il n’aurait pas disposé de toutes les informations utiles.

S’agissant de la mention de la commission d’agence, il n’est pas contesté que le locataire qui se porte acquéreur de l’immeuble sur le fondement de l’article susvisé n’est pas tenu au règlement des honoraires d’agence, puisque titulaire d’un droit de préemption légal, il n’a pas à être recherché par l’agent immobilier qui n’accomplit aucune prestation de recherche et de présentation.

En revanche, s’il est constant que le locataire titulaire d’un droit de préemption qui souhaite accepte d’acquérir local, objet du bail commercial dont il est titulaire, ne peut se voir imposer le paiement d’une commission d’intermédiaire immobilier, le prononcé de la nullité de la notification de cession qui fait cependant mention de tels honoraires suppose, en application de l’article 114 du code de procédure civile et s’agissant d’un acte de procédure, la preuve d’un grief.

Or, force est de constater que la société appelante n’a apporté aucune réponse à l’offre de vente dans le délai de trente jours, et qu’interrogée sur ses intentions par le bailleur à l’expiration de ce délai, elle a répondu par mail en date du 18 avril 2017 qu’elle ne souhaitait pas acquérir les locaux pour des raisons fiscales, sans invoquer à aucun moment un problème relatif au prix de vente qui serait trop élevé ou tenant à la mention, dans les conditions de la vente projetée, d’une commission d’agence à la charge de l’acquéreur.

Compte tenu de cette manifestation expresse de la SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA, seule titulaire du droit de préférence institué par l’article L 145-46-1 du code de commerce, il sera retenu que la mention de la commission d’agence dans l’offre de cession n’a eu aucune incidence sur son choix de ne pas acquérir les locaux litigieux pour des raisons étrangères à la forme et au contenu du courrier du 1er mars 2017, de sorte qu’elle n’a subi aucun préjudice.

Ce n’est d’ailleurs que par sommation en date du 16 janvier 2018, soit dix mois après, que la SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA va faire état, pour la première fois, d’irrégularités dans la notification de la cession du 1er mars 2017.

Dans ces conditions, ni la nullité de la notification de la cession du bien immobilier intervenue le 1er mars 2017, ni par voie de conséquence la nullité de la vente en date du 17 octobre 2017, ne sont encourues.

La SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA doit donc être déboutée de l’ensemble de ses demandes.

C’est également à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par les parties intimées, qui ne justifient pas de la part de la société appelante d’une erreur grossière équipollente au dol, ni de l’existence d’une volonté de nuire.

En définitive, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA à payer à M. Z F et à la SARL ALEXANIAN ET CIE ensemble la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL SOCIETE DE PARTICIPATION ET D’EXPLOITATION DE L’HOTEL REGINA aux dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 28 mai 2019, n° 18/17596