Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 21 juin 2019, n° 18/09027

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-7, 21 juin 2019, n° 18/09027
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/09027
Décision précédente : Tribunal d'instance de Marseille, 6 mai 2018, N° 1117-2989
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2019

N° 2019/ 564

Rôle N° RG 18/09027 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BCQO4

Y X

C/

Etablissement Public SYNDICAT MIXTE DES TRAVERSEES DU […]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Nathalie CAMPAGNOLO de la SELARL NCAMPAGNOLO, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d’Instance de MARSEILLE en date du 07 Mai 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 1117-2989.

APPELANT

Monsieur Y X

de nationalité Française, demeurant […]

représenté par Me Nathalie CAMPAGNOLO de la SELARL NCAMPAGNOLO, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Justine LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Etablissement Public SYNDICAT MIXTE DES TRAVERSEES DU […] pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant […]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Guillaume BROS, avocat au barreau de NIMES

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 10 Mai 2019 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code

de procédure civile,Yann CATTIN, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Corinne HERMEREL, Président

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2019,

Signé par Madame Corinne HERMEREL, Président et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits

Le Syndicat Mixte des Traversées du Delta du Rhône (ci-après SMTDR), établissement public territorial, dispose d’une compétence déléguée par le département pour l’organisation et la gestion des traversées du delta du Rhône entre Salin-de-Giraud et Port-Saint-Louis-du-Rhône et exerce une mission de service public, avec vocation d’assurer la continuité de territoire en deux points de franchissement, le bac du Sauvage et les bacs de Barcarin.

Les bacs de Barcarin assurent les traversées de 4 heures 20 à 2 heures la journée suivante, avec une organisation de travail par bordées sur la base de quarts de huit heures pour 35 heures par semaine avec des équipes constituées d’un capitaine, d’un chef mécanicien et de matelots.

Le SMTDR emploie du personnel maritime avec statut de droit privé embarqué sur les bacs de Barcarin à Salin-de-Giraud et applique la Convention Collective Nationale Groupement des armateurs de service de passages d’eau complétée par des accords d’entreprise et avenants (dits protocoles d’accord), dont un protocole d’accord officier du 18 juin 2003 complété par trois avenants des 13/12/2005, 02/03/2011 et 18/12/2015, portant notamment sur l’organisation du travail et la rémunération.

Par lettre recommandée du 14 avril 2016, le SMTDR a dénoncé dans leur totalité le protocole d’accord susvisé et le protocole d’accord du personnel d’exécution dans les termes suivants :

'Les protocoles actuels seront toujours en vigueur pendant toute la durée du préavis de 2 mois, puis pendant toute la période de négociation de 12 mois…'

Par courrier du 15 avril 2016, le président du SMTDR informait les salariés qu’à 'compter du 2 mai 2016, le Syndicat… appliquera les dispositions… du protocole du 18 juin 2003 et de ses différents avenants…' et précisait : 'fin du planning à 8 équipes et organisation du service en fonction des effectifs présents, dans le cadre de la loi'.

Selon procès verbal du 18 mai 2016, le SMTDR et les organisations syndicales s’accordaient pour remettre en place 'un planning basé sur 8 équipes’ jusqu’au mois de septembre.

Par ordonnance de référé du 21 juillet 2016, le tribunal d’instance de Marseille ordonnait au Syndicat Mixte des Traversées du Delta du Rhône :

— de rétablir le principe de répartition des jours de congé tel que pratiqué avant le mois de mai 2016, jusqu’à l’aboutissement d’un nouvel accord, et pour une durée maximale de 14 mois à compter du 15 avril 2016,

— de rétablir l’alternance travail/repos selon la pratique antérieure au mois de mai 2016, jusqu’à l’aboutissement d’un nouvel accord, et pour une durée maximale de 14 mois à compter du 15 avril 2016,

— de prévoir une pause de 20 minutes pour chaque tranche de travail consécutive de 6 heures.

M. X a été embauché par le SMTDR en qualité de chef mécanicien selon contrat d’engagement maritime à durée déterminée pour la période du 20 juin 2016 au 30 septembre 2016 prolongé par avenant jusqu’au 31 décembre 2016, à temps plein, soit 151,67 heures par mois, avec un salaire de base de 3 923,33 euros brut, outre une indemnité d’embarquement et de débarquement et une indemnité représentative de nourriture.

Après saisine de la direction départementale des territoires et de la mer par courrier du 9 décembre 2016 et après absence de conciliation, M. X a assigné le 7 août 2017 le SMTDR devant le tribunal d’instance de Marseille aux fins, d’une part, d’obtenir la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée et la condamnation du SMTDR à lui payer diverses sommes à titre d’indemnité de requalification, d’indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d’indemnité de préavis et congés payés afférents, et d’autre part, de faire déclarer illicites l’article 5.3.2 et les dispositions relatives aux cycles de travail au sein de l’annexe 1 au protocole d’accord 'personnel officier’ du 18 juin 2003 et de condamner le syndicat mixte à lui payer des sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, pour non-respect du temps de pause obligatoire, des dommages et intérêts, outre une somme pour les frais irrépétibles.

Par jugement du 20 avril 2018, le tribunal d’instance a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 29 mai 2019, M. X a interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions notifiées le 23 août 2018 par M. X ;

Vu les conclusions notifiées le 20 novembre 2018 par le Syndicat Mixte des Traversées du Delta du Rhône ;

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 2 mai 2019.

Prétentions des parties

Dans ses dernières écritures, M. X concluant à l’infirmation du jugement déféré, demande à la

cour de :

— prononcer la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

— dire et juger que la fin du contrat de travail à durée déterminée constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— dire et juger illicites l’article 5.3.2 et les dispositions relatives aux cycles de travail au sein de l’annexe 1 au protocole d’accord 'personnel officier’ du 18 juin 2003 et donc inopposables,

— condamner le SMTDR à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts légaux :

• 4 750,45 euros à titre d’indemnité de requalification,

• 1 422,96 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

• 28 459,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

• 4 743,20 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 474,32 euros de congés payés afférents,

• 6 382,99 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées au cours des trois dernières années, outre 638,30 euros à titre de congés payés afférents,

• 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice issu de la violation du principe du repos hebdomadaire,

• 351,41 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la pause légale quotidienne de 20 minutes,

• 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la 1re instance,

• 1 500 euros sur ce même fondement pour la procédure d’appel, outre paiement des dépens.

Dans ces dernières écritures, le Syndicat Mixte des Traversées du Delta du Rhône conclut à la confirmation du jugement et par la voie d’un appel incident demande à la cour

de:

— dire recevable et bien-fondée la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel 'nul ne peut se contredire au détriment d’autrui’ et, en conséquence, juger irrecevables les demandes relatives à l’illicéité des dispositions conventionnelles sur l’organisation du temps de travail et toutes les demandes subséquentes,

à titre subsidiaire,

— juger prescrites les demandes du salarié notamment concernant l’action en nullité,

— rejeter les demandes de M. X ne se rapportant pas aux périodes d’exécution de son contrat de travail,

— rejeter la demande d’intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de la saisine et opérer distinction suivant la nature des sommes allouées,

— juger que les calculs des heures supplémentaires sont erronés et imprécis en ce qu’ils ne tiennent pas compte des heures déjà payées,

— juger que les condamnations seront compensées en tout ou partie par les heures supplémentaires déjà payées sur la période non prescrites,

— réduire à de plus justes proportions les condamnations prononcées,

en tout état de cause, condamner M. X à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la 1re instance, et celle de 2 500 euros sur ce même fondement en cause d’appel, outre paiement des entiers dépens de l’ensemble de la procédure.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée

M. X qui a été embauché par le SMTDR en qualité de chef mécanicien selon contrat d’engagement maritime à durée déterminée pour la période du 20 juin 2016 au 30 septembre 2016 prolongé par avenant jusqu’au 31 décembre 2016, au motif 'd’un surcroît temporaire d’activité résultant d’une réorganisation en cours des services dans le cadre d’une adaptation de l’effectif au juste besoin', soutient qu’il appartient à son employeur de justifier du motif du recours à ce contrat à durée déterminée et qu’en outre, il ne peut être fait recours à ce type de contrat pour un double motif, ses feuilles de paye portant mention du statut de 'remplaçant'.

Les articles L. 5542-1 et suivants du code du transport résultant de l’ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 codifiant la partie législative du code des transports, définissent et fixent les conditions de conclusion des contrats d’engagement maritime qui peuvent être conclus à durée indéterminée, déterminée ou pour un voyage et l’article L. 5542-7 dudit code exclut expressément l’application des dispositions des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail limitant les cas de recours au contrat à durée déterminée aux engagements maritimes.

Si jusqu’à l’entrée en vigueur de ladite ordonnance 2010-1307, les relations de travail entre le marin et l’armateur employeur étaient régies par le code du travail maritime et le code du travail pour les points non prévus par le code du travail maritime, les contrats d’engagement maritime à durée déterminée, quel que soit leur motif, ne pouvaient avoir pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, par application du code du travail, désormais et à compter de la date d’abrogation le 1er décembre 2010 des articles 10-1 et suivants du code maritime relatif aux conditions de recours au contrat d’engagement à durée déterminée de marins, les nouvelles dispositions excluent expressément l’application des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail, lesquels prohibent le recours à ce type de contrats pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et prévoient les cas limités de recours à ce type de contrat.

En l’espèce, si l’employeur a certes mentionné le motif d’engagement maritime de M. X en qualité de chef mécanicien pour un 'surcroît d’activité', il n’en demeure pas moins que les dispositions du code du transport restent applicables à la relation de travail liant les parties, ainsi que cela résulte expressément du contrat et de la nature de l’activité, peu important, par ailleurs, la mention de 'remplaçant’ portée sur le bulletin de salaire qui ne constitue pas le motif du recours mais caractérise le 'statut’ du salarié dans son emploi.

En conséquence, M. X est mal fondé à se prévaloir des dispositions du code du travail, non applicables au contrat l’ayant lié à son employeur, pour demander à la cour de requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée et c’est donc à juste titre et pour des motifs pertinents que le tribunal d’instance l’a débouté de sa demande de ce chef et des demandes subséquentes d’indemnités de requalification, de licenciement et de préavis et de dommages et intérêts pour rupture abusive. Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la recevabilité des autres demandes du salarié

Le salarié a dans un premier temps saisi le juge des référés, tandis que l’employeur avait modifié l’organisation du travail, pour que soit ordonnée la poursuite des termes du protocole d’accord en date du 18 juin 2003 et de ses avenants, et ce pendant la période de préavis et de survie de l’accord après sa dénonciation par l’employeur.

Dans la présente instance, le salarié demande à la juridiction des rappels de salaires et des dommages et intérêts en se fondant sur une prétendue illicéité de certaines dispositions de ce même protocole.

Ces deux demandes ne sont pas incohérentes entre elles ou incompatibles et ne traduisent pas un comportement procédural constitutif d’un changement de position de nature à induire l’adversaire en erreur sur ses intentions.

Les demandes formées par le salarié, fondées sur l’illiceité alléguée du protocole d’accord sont donc recevables et le jugement sera encore confirmé sur ce point.

Sur la prescription des demandes du salarié

Le SMTDR soulève une fin de non recevoir tirées de la prescription de l’action en nullité de l’annexe 1 du protocole d’accord de juin 2003.

Le SMTDR considère que les demandes du salarié sont prescrites au motif que le protocole date de juin 2003 et que le salarié disposait de 5 années pour demander l’annulation des dispositions qu’il contient.

Cependant la cour observe que le salarié demande non pas la nullité dudit protocole mais sollicite la prévalence de la norme légale sur certaines dispositions conventionnelles de l’accord qu’il considère illicites.

Aucune irrecevabilité ne saurait donc être tirée de la prescription d’une demande de nullité qui n’est pas formulée par le salarié.

Sur la demande de rappel d’heures supplémentaires

Le salarié expose que la loi du 20 août 2008 qui instaure un dispositif unique d’aménagement du temps de travail a laissé subsister les accords conclus antérieurement qui portaient sur l’organisation de la durée de travail sous la forme de cycles. Il soutient que ces cycles doivent nécessairement couvrir des périodes brèves, multiples de la semaine.

En l’espèce, le protocole d’accord qu’il critique avait mis en place un cycle de travail par multiples de jours et non de semaine.

Or, selon le salarié, c’est seulement dans le cadre de l’exception prévue à l’article L. 5544-4 du code des transports qu’un tel cycle aurait pu être mis en oeuvre, à savoir quand il existe la nécessité d’une continuité du service, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Il en conclut que l’organisation du travail prévue par le protocole n’est pas licite et réclame en conséquence un rappel de paiement des heures accomplies au-delà de la durée légale du travail au cours de la semaine qu’il assimile à des heures supplémentaires, des sommes à titre de dommages et intérêts pour violation du principe de repos hebdomadaire et pour violation de la pause légale quotidienne de 20 minutes.

L’article L. 5544-1 du code des transports dispose que sauf mention contraire, sont inapplicables aux marins différents articles du code du travail expressément listés et notamment les articles L. 3121-1 et suivants, L. 3121-16, L. 3121-27, L. 3121-29, L. 3121-48, L. 3122-1 et suivants, qui définissent ou

encadrent, respectivement : la durée du travail effectif et les astreintes, la durée maximale du travail quotidien et les temps de pause, la durée légale hebdomadaire du travail (35 heures), le décompte par semaine des heures supplémentaires, les horaires individualisés, les heures perdues et récupérées, les reports d’heure, le travail de nuit.

L’article L. 5544-4 du code des transports dispose en son paragraphe I que 'les limites dans lesquelles des heures de travail peuvent être effectuées à bord d’un navire autre qu’un navire de pêche sont fixées à quatorze heures par période de vingt-quatre heures et à soixante-douze heures par période de sept jours’ et ajoute en son paragraphe II qu’il peut être dérogé aux dispositions ci-dessus et être ainsi prévu un aménagement dans une période autre que la semaine pour tenir compte de la continuité de l’activité du navire, des contraintes portuaires ou de la sauvegarde du navire en mer.

Cet article renvoie au décret pour déterminer les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux durées maximales de travail.

Le décret 2005-305 du 31 mars 2005 relatif à la durée du travail des gens de mer, transposant la directive 1999/63/CE du 21 juin 1999, définit les temps effectifs et de repos, prévoit que le travail à bord des navires est organisé sur la base de huit heures par jour, fixe à douze heures la durée maximale quotidienne de travail effectif à bord des navires autres que de pêche et à 72 heures par période de 7 jours, sauf cas dérogatoires (articles 3 à 7 du décret) et prévoit l’organisation du travail sous forme de cycles (articles 4 et 13), les modalités d’attribution des repos compensateurs, les astreintes, les prises de repos et dispose qu’une convention collective ou un accord de branche ou un accord d’entreprise peut prévoir notamment le dépassement de la durée quotidienne ou hebdomadaire maximale de travail (articles 4, 6 et 7), des modalités spécifiques de prises de repos (articles 11 et 16), le décompte de la durée hebdomadaire et des heures supplémentaires sur des cycles de 2 à 6 semaines, etc.(article 13).

La convention collective nationale du groupement des armateurs de services publics maritimes de passages d’eau signée le 30 juillet 2015 (GASPE), qui régit la relation de travail des parties fait référence expresse aux dispositions légales et règlementaires et s’inscrit parfaitement dans les dispositions sus visées en prévoyant diverses dérogations, notamment en ses articles 15 sur l’organisation du travail, 16 sur le temps de travail effectif, 17 sur la durée maximale de travail et les temps de repos, 18 sur les congés payés, les repos hebdomadaires et complémentaires.

Le protocole d’accord signé le 18 juin 2003 entre le SMTDR, les syndicats représentatifs des officiers de la marine marchande et le personnel officier des bacs de Barcarin, prévoit la mise en oeuvre de cycles de travail par multiples de jours et non de semaines, ainsi que l’autorisent les dispositions législatives et règlementaires et ce protocole reprend à cet égard les dispositions de la convention collective nationale sus-citée.

Le salarié soutient que la relation de travail ne se situe pas dans le cadre de la dérogation prévue à l’article L. 5544-4 II du code des transports qui permet un aménagement du travail sur une période autre que sur la semaine. Selon lui, aucune nécessité d’assurer la continuité de l’activité du navire ne s’impose dans l’activité de transport des passagers sur le bac de Barcarin, les dispositions résultant du protocole d’accord seraient illicites et il revendique en conséquence une durée hebdomadaire de travail de 35 heures par semaine au-delà desquelles il demande à être réglé en heures supplémentaires.

Cependant, outre qu’il n’appartient pas au salarié de contester, dans le cadre de la présente instance, le principe de continuité territoriale dont la collectivité assume la mission de service public, laquelle mission implique d’assurer en continu le transport des passagers et véhicules entre Salin-de-Giraud et Port-Saint-Louis-du-Rhône, 365 jours par an, ce qui entre bien dans le cadre de la situation dérogatoire prévue à l’article L. 5544-4 II et L. 5544-5 du code des transports, cette activité de traversée du Rhône par bacs présente d’évidentes particularités (spécificité du navire, horaires de jour

et de nuit, de 2h 30 à 4 heures le jour suivant, cadences des rotations d’embarquements et débarquements) qui justifient pleinement de prévoir, par un accord collectif, un aménagement et une répartition du temps de travail adaptés à l’activité que ceux fixés par le décret du 31 mars 2005.

L’article L. 5544-4 du code des transports n’impose pas que l’armement se trouve empêché d’organiser le travail selon un cycle d’une semaine pour pouvoir déroger aux dispositions de l’article L. 5544-I en organisant le travail selon un cycle autre, par accord collectif ou d’entreprise. Le texte stipule seulement que l’accord collectif peut, pour tenir compte de la continuité de l’activité du navire, déroger à ces dispositions.

En conséquence, les dispositions du protocole d’accord du 18 juin 2003 sont licites et les demandes de rappels d’heures supplémentaires fondées sur l’illicéité alléguée mais non retenue de l’article 5.3.2 et annexe 1 du protocole doivent être rejetées.

Le jugement ayant débouté le salarié de sa demande à ce titre sera confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du non respect du repos hebdomadaire

Si l’article L. 3132-1 du code du travail est applicable et que les articles 15 et 18 de la convention collective nationale GASPE prévoient que la durée normale du travail des gens de mer est de 8 heures par jour avec un jour de repos par semaine soit 48 heures par semaine de travail, l’article L. 5548-8 du code des transports prévoit la possibilité de différer le repos hebdomadaire par accord collectif pour tenir compte des contraintes propres aux activités maritimes, ce que l’article 18 de la convention GASPE a pris en compte en stipulant que lorsque la prise de repos hebdomadaire est différée, le repos doit être pris dans un délai de 6 semaines à compter de son acquisition.

Le salarié soutient que ce report ne peut être prévu que pour les voyages au long cours. Ce faisant, le salarié ajoute au texte qui évoque seulement la possibilité de tenir compte des contraintes liées à l’exploitation, sans référence autre.

Ainsi que cela a été analysé plus haut, les particularités de l’activité du bac du Barcarin et les contraintes inhérentes à l’exploitation de cette 'ligne’ de transport justifient les dispositions du protocole relatives aux cycles de travail et les modalités de prise de repos différé qu’elles impliquent et qui figurent en annexe 1 du protocole.

Le jugement sera encore confirmé sur ce chef de demande.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre des temps de pause

Contrairement à l’article L. 3121-16 du code du travail, non applicable aux marins, qui dispose que 'dès que le travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes consécutives', l’article L. 5544-11 du code des transports, seul applicable aux gens de mer, dispose que 'l’organisation du travail à bord prévoit que le marin bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes par tranche de six heures de travail effectif'.

Dans le même sens, l’article 17 de la convention collective nationale stipule 'aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre 6 heures continues sans que l’officier bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 mn comptée dans le travail effectif, sauf si elle se situe en fin de période de travail. Compte tenu de contraintes particulières de la navigation et de l’exploitation, le capitaine peut reporter ce temps de pause et l’accorder dès que c’est réalisable'.

Il résulte ainsi de la convention collective nationale applicable et de l’article L. 5544-11 du code des transports que la prise de 20 minutes de temps de pause par tranche de 6 heures de travail effectif n’est pas nécessairement consécutive.

Le salarié fait état d’un courrier d’un responsable d’armement qui indiquait dans un mail du 20 mai 2016 qu’il conviendrait de définir lors d’une rencontre 'une modification dans les plaquettes horaires des traversées afin de mettre en place la pause de 20 minutes'. Ce message électronique intervenu dans un contexte de grève et de dénonciation du protocole ne peut être interprété de manière univoque.

Le salarié affirme que le caractère continu des traversées rendait matériellement impossible la moindre pause.

Pourtant, il ressort des constats d’huissiers produits par les deux parties que s’il existe des heures de pointe et d’activité intense, les périodes d’inactivité d’une durée variable de 9, 13, 21 ou 26 minutes, notamment d’attente entre deux traversées, une fois cumulées, dépassent en tous cas largement la durée de 20 minutes de pause par tranche de 6 heures. Par ailleurs, toute bordée qui comporte des plages horaires de haute fréquentation, notamment entre 6h45 et 8h30, contient également des périodes de faible affluence, durant lesquelles les rotations de traversées, qui ne font que 400 mètres, sont espacées de dizaines de minutes ou plus.

Il résulte de cette analyse et de ces pièces que si des pauses de 20 minutes consécutives ne sont pas toujours prises par tranche de 6 heures, ce sont plusieurs pauses de plus de dix minutes chacune qui sont prises dans cette même tranche, ainsi que le permet la convention collective nationale GASPE.

En l’état des constats d’huissier produits, M. X ne peut donc pas soutenir qu’il a été privé de temps de pause et, au surplus, il ne produit aucun justificatif du dommage qu’il subirait sur son état de santé en raison de la privation alléguée de ces repos quotidiens.

Il sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre et le jugement sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

En équité, M. X qui succombe en son appel sera condamné à payer au Syndicat Mixte des Traversées du Delta du Rhône la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et les entiers dépens de première instance et d’appel seront laissés à sa charge.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, en matière prud’homale et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. Y X à payer au Syndicat Mixte des Traversées du Delta du Rhône la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. Y X aux entiers dépens de l’instance.

Le greffier Le président

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