Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 19 mars 2019, n° 18/08517

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 19 mars 2019, n° 18/08517
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/08517
Sur renvoi de : Cour de cassation, 21 mars 2018
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 19 MARS 2019

N° 2019/241

N° RG 18/08517 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BCO3U

A Y

C/

[…]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me VECCHIONI

+ Notifications LRAR à toutes les parties

Décision déférée à la Cour :

Arrêt prononcé sur saisine de la Cour suite à l’arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 22 Mars 2018 qui a cassé et annulé l’arrêt rendu le 28 avril 2016 par la Cour d’appel d’Aix en Provence suite à l’appel du jugement du Tribunal d’Instance de Nice en date du 21 octobre 2014, statuant en matière de surendettement.

DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION

Monsieur A Y

né le […] à […]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/007991 du 24/08/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représenté par Me Veronica VECCHIONI de la SELARL ASTRA JURIS, avocat au barreau de NICE substituée par Me Badr ZERHDOUD, avocat au barreau de NICE

DEFENDEUR SUR RENVOI DE CASSATION

[…], demeurant […]

représentée par M. X (Salarié) en vertu d’un pouvoir général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

Conformément à l’article R332-1.2 devenu R331-9-2 du code de la consommation et à l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Février 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Evelyne THOMASSIN, Président, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame B C.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2019

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame B C, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 25 novembre 2011, Monsieur Y A a saisi la Commission de surendettement des particuliers des BOUCHES-DU-RHÔNE d’une demande tendant à l’ouverture d’un traitement de sa situation financière.

La Commission de surendettement des particuliers a déclaré recevable le dossier et le 22 décembre 2011 l’a orienté vers un rétablissement personne sans liquidation judiciaire.

Parallèlement, à la suite d’une plainte déposée par la caisse d’allocations familiales, selon un protocole constaté par le délégué du procureur de la république, le 17 février 2012, Monsieur Y s’est engagé à rembourser des sommes indues, dans le cadre d’une médiation pénale.

Par jugement du 28 août 2012, le juge du surendettement ordonnait effectivement au profit de l’intéressé, la clôture d’une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire en constatant l’insuffisance de son actif et rappelait que cette décision de clôture entraînait l’effacement des dettes existantes, hors celles visées par l’article L332-9 du code de la consommation ainsi que les réparations pécuniaires allouées aux victimes, et les amendes prononcées dans le cadre d’une condamnation pénale.

Monsieur A Y a saisi le juge du surendettement de Nice pour contester, à la suite du

rétablissement personnel dont il a bénéficié, que la caisse d’allocations familiales des Alpes-Maritimes ait opéré des prélèvements sur ses prestations pour se rembourser de créances alors qu’elles étaient concernées par l’effacement.

Dans un arrêt du 28 avril 2016, la cour d’appel de ce siège a confirmé la décision de première instance en date du 21 octobre 2014 qui avait écarté de l’effacement, les prélèvements effectués par la caisse d’allocations familiales sur des prestations de Monsieur A Y au motif qu’il s’agissait là de dettes 'classées pénales', issues d’une fraude aux prestations, reconnue devant le délégué du procureur de la république, de sorte que la dette demeurait en tant qu’obligation naturelle.

Sur un pourvoi formé par Monsieur Y, la Cour de cassation par un arrêt en date du 22 mars 2018 a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt prononcé par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 28 avril 2016 et a renvoyé les parties devant la même cour autrement composée, pour qu’il soit à nouveau statué en mettant à la charge de la caisse d’allocations familiales la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La juridiction suprême estimant qu’en statuant comme elle l’avait fait alors que le protocole accepté par Monsieur Y était antérieur au rétablissement personnel et à la clôture de la liquidation, aucune obligation naturelle n’était née à sa charge, de sorte que la cour avait violé les textes applicables.

Par déclaration du 18 mai 2018, Monsieur Y a saisi à nouveau la cour d’appel.

À l’audience du jeudi 20 septembre 2018, cette affaire a été évoquée et renvoyée à l’audience du 7 décembre 2018.

Par conclusions déposées et notifiées le 27 novembre 2018, Monsieur Y demande à la Cour de :

— appliquer les conséquences juridiques de l’arrêt rendu par la Cour de cassation du 22 mars 2018,

— infirmer le jugement rendu le 21 octobre 2014 par le Tribunal d’Instance de NICE,

— annuler les paiements que la CAF des Alpes ' Maritimes s’est faite à elle-même pour le montant de 3 200 euros par prélèvement sur les prestations qui lui étaient dues,

— condamner la CAF à lui restituer la somme de 3 200 euros, outres intérêts à taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir et leur capitalisation,

— condamner la CAF à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices, outre intérêt au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir et leur capitalisation.

— condamner la CAF à lui verser 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’appui de son appel, il invoque que la dette de la CAF n’a pas vocation à s’inscrire dans l’article L333-1 2° puisqu’aucune man’uvre frauduleuse n’est à l’origine de cette dette. Par ailleurs, une obligation naturelle ne peut faire l’objet d’une exécution forcée, à moins qu’elle ne se transforme en obligation civile. Ainsi le protocole accepté par Monsieur Y n’avait mis à sa charge aucune obligation naturelle.

En pratiquant des retenues injustifiées, alors qu’il lui a été ordonné de répéter les sommes qu’elle avait saisies, la CAF a abusé de sa position privilégiée à l’égard de son allocataire. Comme les

ressources de Monsieur Y viennent exclusivement de la CAF, chaque retenue a eu des conséquences dramatiques sur sa santé.

Par conclusions du 10 décembre 2018, la CAF des Alpes Maritimes demande à la Cour de :

— recevoir la CAF des Alpes Maritimes en ses conclusions et les déclarer fondées,

— confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal d’Instance de Nice le 21 octobre 2014,

— confirmer que les créances référencées IN6 001, IN6 002 et IN5 002 et IN5 004 sont exclues de l’effacement,

— débouter Monsieur Y de l’ensemble de ses demandes,

— condamner Monsieur Y au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La CAF fait valoir en substance que ses créances n’ont pas été effacées et que le débiteur est de mauvaise foi.

Elle déclare que la médiation pénale doit être assimilée à une condamnation pénale et que si l’effacement des dettes n’était pas acté, la CAF peut affirmer qu’il existe une obligation naturelle, celle-ci peut faire l’objet d’un engagement anticipé et par conséquent il n’existe pas de préjudice à l’égard du débiteur, et sa demande de réparation n’est pas justifiée. Par ailleurs les jugements de 2012 et 2016 avaient retenu que sa créance ne puisse faire l’objet d’un effacement,

Sur la mauvaise foi du débiteur : pour bénéficier de la médiation pénale et ainsi échapper à une condamnation pénale, le débiteur a omis de dire au Procureur de la République qu’il bénéficiait d’un rétablissement personnel. De plus, il persiste à ne pas déclarer sa rente d’invalidité de 526,83 euros par mois, une prestation qui s’ajoute à celle de la CAF (706,16 euros). Ainsi contrairement à ses allégations, son revenu n’est pas de 853,38 euros mais de 1 235,99 euros.

La CAF reconnaît avoir procédé par erreur à des retenues sur la seule créance catégorisée dette sociale et effacée par le jugement et a déjà procédé à ces remboursements.

Vu les convocations adressées à l’ensemble des créanciers, qui en ont tous accusé réception,

Vu la convocation de l’appelant dont l’avis de réception a été retourné avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ».

C’est en l’état que l’affaire a été évoquée à l’audience du vendredi 7 décembre 2018, mais un renvoi contradictoire a été prononcé afin que l’affaire soit traitée à l’audience du vendredi 22 février 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’appel, interjeté dans les formes et délai légaux, est recevable.

Il est rappelé dans la convocation adressée, que la procédure est orale et que les parties sont tenues de comparaître pour présenter leurs demandes, sauf autorisation contraire et dispense qui doivent être sollicitées au préalable avec organisation des échanges écrits entre les parties dans les termes de l’article 946 du code de procédure civile, dispenses qui n’ont pas été sollicitées en l’occurrence.

Il en résulte que, en l’absence de telles autorisation et dispense, la Cour n’est pas valablement saisie

d’une quelconque demande par la lettre qui lui a été adressée par le créancier.

*sur l’effacement des créances de la CAF et l’arrêt de cassation

Il convient de relever que le protocole d’accord inscrivant la créance litigieuse entre la CAF et Monsieur Y est intervenu le 17 février 2012, alors qu’une procédure de rétablissement personnel a été prononcée par jugement du 28 août 2012, donc postérieurement,

L’effacement des créances est par conséquent justifié par le fait que le protocole d’accord, par lequel monsieur Y a contracté une dette civile par son propre consentement, ne peut être assimilé à une « condamnation pénale » au sens strict. Par conséquent, les dettes déclarées au sein de ce protocole, antérieurement au prononcé du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire doivent faire l’objet d’un effacement.

Par conséquent, la CAF sera déboutée de ses demandes.

*la mauvaise foi du débiteur

En évitant des poursuites pénales et en acceptant une médiation pénale avec le Procureur de la République, il n’est pas suffisamment démontré que Monsieur Y ait sciemment tenté de se soustraire à ses obligations découlant de sa procédure de surendettement.

Dès le 22 décembre 2011, la Commission de surendettement a notifié l’orientation du dossier de surendettement de Monsieur Y vers une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, aux créanciers, dont la CAF, ainsi qu’au débiteur.

De plus, l’intention de se soustraire à ses engagements par Monsieur Y n’est pas rapportée dans la mesure où l’acceptation de ce protocole s’inscrivait dans le laps de temps qui a séparé la décision d’orientation de la Commission puis le jugement d’ouverture et clôture pour insuffisance d’actif.

Dans ces conditions, mauvaise foi n’est pas établie, et la CAF sera déboutée de ses demandes

*sur la restitution de sommes par la CAF

Il est constant et non démenti par Monsieur Y que la CAF a effectivement restitué les sommes retenues au titre de l’allocation logement (dettes sociales IN5 005 de 2137.85 €). Toutes les sommes perçues au titre des créances IN6 001, IN6 002, IN5 002 et IN5 004, après le prononcé du redressement personnel sans liquidation judiciaire devront également être restituées car effacées par cette décision.

*sur la demande de réparation en dommages et intérêts.

Eu égard à la nature du contentieux, en matière de surendettement il n’y a pas lieu à prononcer de dommages et intérêts pour l’une ou l’autre des parties, d’autant que le préjudice n’est pas caractérisé et que l’attitude de la CAF ne procéde pas d’une intention abusive ou de nuire.

Monsieur Y sera débouté de sa demande.

*Sur les frais tirés de l’article 700 code de procédure civile

Compte tenu de la nature de la procédure, il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de l’une ou l’autre des parties.

Les dépens seront laissés à la charge du Trésor Public.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare l’appel recevable,

Vu l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 mars 2018,

Infirme le jugement rendu le 21 octobre 2014 par le tribunal d’instance,

Statuant à nouveau,

Dit que les dettes contractées lors de la médiation pénale doivent être également effacées,

Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de dommages et intérêts de Monsieurs Y A,

Laisse les dépens au Trésor Public.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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