Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 30 janvier 2020, n° 18/06115

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 30 janv. 2020, n° 18/06115
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/06115
Décision précédente : Tribunal de commerce de Draguignan, 5 mars 2018, N° 2016/1002
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 30 JANVIER 2020

N° 2020/38

Rôle N° RG 18/06115 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BCH5B

Z X

A D B épouse X

F-G H

SARL JPR OPTIQUE

C/

Société DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D’AZUR E COTE D’AZUR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me DELSAD BATTESTI

Me SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 06 Mars 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2016/1002.

APPELANTS

Monsieur Z X

né le […] à METZ,

demeurant […]

représenté par Me Fabrice DELSAD BATTESTI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Madame A D B épouse X

née le […] à […],

demeurant […]

représentée par Me Fabrice DELSAD BATTESTI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Maître F-G H, es qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SARL JPR OPTIQUE, désigné suivant jugement du Tribunal de commerce de DRAGUIGNAN du 11 juillet 2017,

demeurant […]

représenté par Me Fabrice DELSAD BATTESTI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

SARL JPR OPTIQUE, prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est sis […], […]

représentée par Me Fabrice DELSAD BATTESTI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D’AZUR, prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est […]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 19 Novembre 2019 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre, magistrat rapporteur

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2020,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique de Me Michel, notaire à Trans en Provence du 12 mars 2007, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d’Azur (le Crédit agricole) a consenti à la SARL JPR Optique, dont Z X et A B sont associés et cogérants, un prêt d’un montant de 600 000 euros remboursable en 96 mois au taux conventionnel de 4,60 %, destiné à financer le droit au bail cédé dans le même acte par la SARL PA.SY.FA dans un immeuble situé […].

Le prêt était notamment garanti par le cautionnement solidaire de Z X et A B à hauteur de 780 000 euros.

Par arrêt du 10 septembre 2009, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a notamment prononcé la nullité de la cession de droit au bail et ordonné à la SARL PA.SY.FA de restituer le prix de vente à la SARL JPR Optique.

Les échéances du prêt n’étant plus réglées, le Crédit agricole a prononcé la déchéance du terme le 14 janvier 2014.

Il a fait assigner en paiement la SARL JR Optique et les cautions devant le tribunal de commerce de Draguignan.

La SARL JPR Optique a été placée sous le régime de la sauvegarde par jugement du tribunal de commerce de Draguignan du 28 juin 2016 et Me F-G H a été désigné en qualité de mandataire.

Le Crédit agricole a déclaré sa créance et fait appeler en cause Me H.

Par jugement du 6 mars 2018, le tribunal de commerce de Draguignan a :

— fixé la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d’Azur au passif de la procédure de sauvegarde de la SARL JPR Optique à la somme chirographaire de 491 247,26 euros augmentée des intérêts contractuels à compter du 28/06/2016,

— condamné M. Z X et Mme A B, en leur qualité de cautions dans la limite de leurs engagements, à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d’Azur la somme de 491 247,26 euros augmentée des intérêts contractuels à compter du 28/06/2016,

— dit et jugé que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d’Azur ne pourra pas mettre en oeuvre l’exécution de cette condamnation à l’encontre de M. Z X et Mme A B tant que le plan de sauvegarde de la SARL JPR Optique est respecté,

— dit et jugé que si la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d’Azur venait à exécuter la dite condamnation, M. Z X et Mme A B pourraient se libérer de leurs dettes par le versement de 24 mensualités égales, la première devant intervenir le quinzième jour qui suivra une demande de règlement envoyée par lettre recommandée avec avis de réception,

— dit et jugé qu’en cas de non-paiement d’une seule échéance, la totalité de la somme deviendrait immédiatement exigible,

— débouté M. Z X et Mme A B du surplus de leurs demandes,

— invité le greffier de ce tribunal à porter en marge de l’état des créances de la SARL JPR Optique la présente décision en ce qu’elle admet la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d’Azur au passif de la procédure de sauvegarde de la SARL JPR Optique,

— condamné solidairement M. Z X et Mme A B à payer au Crédit Agricole la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné solidairement M. Z X et Mme A B aux entiers dépens,

— ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

La SARL JPR Optique, Me H, Z X et A B ont interjeté appel le 6 avril 2018.

Par conclusions du 6 juillet 2018, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SARL JPR Optique, Me H, Z X et A B demandent à la cour de :

— réformer le jugement rendu le 6 mars 2018 par le tribunal de commerce de Draguignan,

et statuant à nouveau,

— dire et juger que la nullité du contrat de cession de droit au bail constitue pour les époux X une exception inhérente à la dette,

— dire et juger qu’une telle exception leur permet de solliciter la décharge de l’engagement,

— débouter le Crédit Agricole de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

subsidiairement :

— dire et juger que l’impossibilité d’exploiter le local cédé constitue un cas de force majeure qui a empêché la Société JPR Optique de procéder au remboursement du Crédit Agricole,

— dire et juger qu’en raison du caractère accessoire du cautionnement, les époux X sont tout aussi légitimes à opposer la force majeure au Crédit Agricole,

— débouter le Crédit Agricole de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

très subsidiairement :

— dire et juger que l’engagement de caution souscrit par les époux X est disproportionné et que ceux-ci doivent être déchargés de cet engagement,

à titre infiniment subsidiaire :

— dire et juger que le Crédit Agricole a manqué à son obligation de mise en garde envers la Société JPR Optique et les époux X,

— dire et juger qu’ils ont subi un préjudice du fait de l’inexécution de cette obligation de mise en garde,

— condamner le Crédit Agricole à payer à la Société JPR Optique et aux époux X la somme de 600.000 € à ce titre,

— ordonner la compensation judiciaire entre cette somme et celle éventuellement due au Crédit Agricole,

encore plus subsidiairement :

— ordonner la nullité de l’intérêt conventionnel stipulé dans l’acte de prêt litigieux,

— condamner le Crédit Agricole, avant dire droit, à fournir un tableau d’amortissement tenant compte de la nullité de l’intérêt conventionnel et de sa substitution par le taux légal en tenant compte des modifications successives que la loi lui apporte,

toujours plus subsidiairement :

— ordonner, dans les rapports avec les époux X, la déchéance des intérêts depuis la conclusion du contrat de prêt litigieux,

— dire et juger que le Crédit Agricole est déchu de droit aux intérêts depuis la date du premier incident de paiement, soit depuis la conclusion du contrat, par la société JPR Optique,

à titre extrêmement subsidiaire :

— dire et juger que les époux X pourront s’acquitter de leur dette en 23 mensualités de 1.000 € et le solde au 24e mois,

en tout état de cause :

— condamner le Crédit Agricole à leur payer la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— le condamner aux entiers dépens.

Par conclusions du 5 octobre 2018, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d’Azur demande à la cour de :

— confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,

— débouter les cautions de leur demande de nullité de l’engagement,

— débouter les cautions de leur demande de nullité du taux effectif global,

— juger prescrites les demandes de nullité d’engagement des cautions et de nullité du taux effectif global,

— débouter les cautions,

— juger que la nullité de l’acte de cession n’est pas une exception personnelle de la caution.

— débouter les cautions et la Société JPR Optique de leur action en responsabilité de la Banque pour faute dans l’octroi du crédit,

— débouter les cautions de leur action en disproportion,

— débouter les appelants de leur demande d’exonération au titre de la force majeure,

— débouter les époux X de leur demande de déchéance du droit aux intérêts,

— fixer au passif de la SARL JPR Optique à la somme de 491.247,26 € outre intérêts pour mémoire, conformément à la déclaration de créance les sommes dues au Crédit Agricole,

— condamner M. Z X et Mme A B, solidairement au paiement de la somme de 491.247,26 € outre intérêts pour mémoire, conformément à la déclaration de créance les sommes dues au Crédit Agricole,

— dire et juger que cette condamnation sera exécutoire en cas de non respect du plan de sauvegarde par la société JPR Optique,

— condamner les appelants à la somme de 2.000 € au visa de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner les appelants aux entiers dépens de l’instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les demandes et moyens des appelants sont examinés dans l’ordre où ils figurent dans le dispositif de leurs conclusions.

— La demande de décharge de l’engagement de caution à raison de la nullité de la cession du droit au bail :

A B et Z X font valoir que la nullité de la cession de droit au bail constitue une exception inhérente à la dette qu’ils sont en droit d’opposer au Crédit agricole pour obtenir la décharge de leurs engagements de caution respectifs.

La banque réplique que les cautionnements des époux B-X ne garantissent pas la cession de droit au bail, mais le prêt lequel est resté valide malgré le prononcé de la nullité de ladite cession et que les appelants n’ont engagé aucune action à l’encontre de la banque. Elle soulève la prescription de la demande de nullité des engagements de caution, qu’elle soit formée par voie d’exception ou de demande reconventionnelle.

Il est d’abord observé que dans le dispositif de leurs conclusions, qui seul lie la cour, les époux B-X ne demandent pas le prononcé de la nullité de leurs engagements de caution, mais leur décharge, en application de l’article 2313 du code civil, à raison d’une exception inhérente à la dette. Il ne sera donc pas répondu aux moyens inopérants tirés de la nullité des engagements de cautions.

Les époux B-X, qui ont négocié des avenants au contrat de prêt postérieurement à la délivrance de leur assignation en nullité de la cession de droit au bail, n’ont pas appelé le prêteur en la cause et la décision prononçant la nullité lui est par conséquent inopposable.

Leur cautionnement est un accessoire du seul contrat de prêt dont la nullité ou la caducité n’a jamais été sollicitée par le débiteur principal, pas même en l’espèce, et la nullité de la cession de droit au bail, même financée par le contrat de prêt litigieux, ne constitue donc pas une exception inhérente à la dette que pourraient opposer les cautions au prêteur.

— Sur la force majeure :

La SARL JPR Optique fait valoir que la non-restitution du prix par la SARL PA.SY.FA constitue un cas de force majeure l’empêchant de rembourser le prêt. Elle précise que les man’uvres de la SARL PA.SY.FA et l’insuffisance du notaire instrumentaire constituaient un événement irrésistible et que

l’impossibilité d’effectuer les travaux prévus lui permettant d’exercer son activité dans les lieux loués présentait un caractère imprévisible et nécessairement extérieur à la volonté de la SARL JPR Optique.

Les époux B-X entendent se prévaloir également de la force majeure ainsi caractérisée.

Mais le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure.

Par ailleurs, il n’est démontré en l’espèce aucune impossibilité totale d’exécuter l’obligation et le caractère plus onéreux de celle-ci ne constitue pas plus un cas de force majeure susceptible d’exonérer l’emprunteur de son obligation de rembourser le prêt.

Le moyen tiré de la force majeure invoqué tant par la débitrice principale que les cautions est rejeté.

— Sur la disproportion :

Les époux B-X soutiennent que, pour que le principe de proportionnalité édicté à l’article L341-4 du code de la consommation soit respecté, ils auraient dû bénéficier d’un revenu mensuel leur permettant « d’absorber immédiatement le prêt de 600 000 euros » et que tel n’est pas le cas en l’espèce puisque le fonds de commerce situé au Muy est « loin de leur fournir un revenu si important » et que « leur patrimoine constitué par ce fonds de commerce est loin d’atteindre cette valeur ».

En application des dispositions de l’article L 341-4, devenu L 332-1, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Pour l’application de ces dispositions, c’est à la caution qu’il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle allègue et au créancier qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné d’établir qu’au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s’apprécie au regard, d’une part, de l’ensemble des engagements souscrits par la caution, d’autre part de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l’opération garantie.

Les époux B-X n’ont produit aucune pièce permettant d’établir le montant de leurs revenus et patrimoine au jour de la souscription des cautionnements.

La banque a produit quant à elle un document intitulé « dossier de renseignements caution », dont les époux B-X ont certifié sincères et véritables les renseignements qui y étaient portés et auxquels la banque était donc en droit de se fier, aux termes duquel :

— ils percevaient des revenus d’un montant de 30 000 euros annuels, chacun,

— ils étaient titulaires d’un portefeuille d’actions évalué à 22 000 euros et d’une épargne d’un montant de 18 000 euros,

— ils étaient propriétaires d’un bien immobilier situé aux Arcs d’une valeur nette de de 265 000 euros déduction faite du capital restant dû du prêt contracté pour son acquisition,

— ils étaient propriétaires d’un bien immobilier situé à La Londe d’une valeur nette de 111 000 euros déduction faite du capital restant dû du prêt contracté pour son acquisition,

Il est également démontré par la banque que les époux B-X sont co-gérants et associés d’une SARL Arc Optic dont ils n’ont pas évalué les revenus qu’ils en tiraient ni la valeur des parts sociales.

Il n’est ainsi démontré aucune disproportion entre les revenus et patrimoine des époux B-X et leur engagement de caution d’un montant respectif de 780 000 euros.

— Le manquement au devoir de mise en garde :

La SARL JPR Optique et les époux B-X soutiennent que la banque a manqué à leur égard à son devoir de mise en garde puisqu’elle n’a exigé ni étude de marché, ni prévisionnel, que le prix du droit au bail était particulièrement élevé pour une ville comme Draguignan, que les frais d’acte étaient excessifs, qu’il existait un magasin d’optique concurrent dans la rue où se situe le local dont le droit au bail a été cédé, que les résultats des sociétés concurrentes de la ville ne permettaient même pas d’envisager que la SARL JPR puisse réaliser un bénéfice suffisant pour permettre le règlement du prêt et que les appelants ne peuvent être qualifiés d’avertis.

La banque réplique qu’elle a fait preuve de vigilance et que Z X était un emprunteur averti.

L’obligation de mise en garde à laquelle est tenu le banquier dispensateur de crédit est subordonnée à deux conditions, la qualité d’emprunteur non averti, et l’existence, au regard des capacités financières de celui-ci, d’un risque d’endettement né de l’octroi du prêt. À l’égard d’une caution non avertie, la banque est tenue à un devoir de mise en garde lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou qu’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, la banque a procédé à une étude de la demande de prêt formée par la SARL JPR Optique réalisée par ses propres services (pièce 20) et examiné le prévisionnel (pièce 26) de l’exploitation du fonds de commerce qu’ils conservaient à Draguignan sous une autre enseigne.

Selon ces documents, Z X, qui exploitait donc déjà un fonds de commerce d’optique à Draguignan et au Muy sous la même franchise, a souhaité créer un autre fonds de commerce avec une surface plus importante et dans une rue qualifiée « d’emplacement de 1er ordre » par transfert de la franchise « Krys » sur ce nouveau fonds de commerce et la transformation du fonds de commerce existant à Draguignan.

Les époux B-X, qui s’abstiennent de produire tout élément comptable et se contentent de généralités sur l’activité commerciale de leurs concurrents, omettent ainsi de rappeler qu’ils avaient par là même une parfaite connaissance du marché local et des possibilités d’exploitation du fonds de commerce qu’ils entendaient créer.

L’analyse du prévisionnel effectuée par la banque montre d’ailleurs que le chiffre d’affaires prévisionnel était de 550 000 euros, la marge prévue de 66 %, des charges externes en légère augmentation par rapport à l’exploitation du magasin situé boulevard Leclerc à raison de l’augmentation de surface louée, mais restant dans les normes de la profession, des charges de personnel légèrement supérieures à la norme, un excédent brut d’exploitation prévisible de 135 000 euros soit 25 % du chiffre d’affaires et une capacité d’autofinancement suffisante par des apports personnels.

Ainsi, indépendamment du caractère averti ou non de ses dirigeants, il n’existait pas de risque d’endettement né de l’octroi du prêt pour la SARL JPR et le Crédit agricole n’était tenu à son égard d’aucun devoir de mise en garde.

S’agissant de Z X, pris en sa qualité de caution, il était, au moment de la souscription de son engagement, déjà propriétaire de deux fonds de commerce d’optique et bénéficiait à ce titre, d’une particulière compétence dans le domaine commercial et financier lui permettant d’apprécier les risques de son engagement de caution. Il doit être considéré comme une caution avertie.

À défaut de démontrer que la banque disposait d’éléments que Z X lui-même ignorait, le Crédit agricole n’était débiteur à son égard d’aucun devoir de mise en garde.

Il n’est pas établi par la banque que A B disposait d’une compétence et d’une expérience en matière économique et financière lui permettant de mesurer les risques attachés à ses engagements. Elle doit être considérée comme une caution non avertie.

En l’absence de tout risque d’endettement né de l’octroi du prêt à la débitrice principale et, au regard des éléments de revenus et de patrimoine rappelés ci-dessus, en l’absence de démonstration du caractère inadapté de l’engagement de caution à ses capacités financières, le Crédit agricole n’était débiteur d’aucun devoir de mise en garde à l’égard de A B.

Le moyen est rejeté.

— Sur la nullité du taux d’intérêt conventionnel :

A B et Z C sollicitent la nullité du taux d’intérêt conventionnel et sollicitent la substitution du taux d’intérêt légal à raison d’une erreur affectant le taux effectif global du prêt consenti à la SARL JPR Optique qui ne tient pas compte des frais d’assurance invalidité, des frais de garantie ni des intérêts intercalaires.

La banque soulève la prescription de cette demande reconventionnelle.

La demande des époux B-X, qui tend à la restitution des intérêts en trop perçus, est une demande reconventionnelle et est donc soumise à la prescription.

Le point de départ de la prescription quinquennale de l’action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel formée à raison de l’inexactitude du taux effectif global court, s’agissant d’un professionnel, à compter du jour de la convention.

La demande formée par les cautions devant les premiers juges, postérieurement au 12 mars 2012 est par conséquent irrecevable comme prescrite.

— Sur le défaut d’information des cautions :

Les époux B-X invoquent les dispositions des articles L313-22 du code monétaire et financier, L341-1 et L341-6 du code de la consommation pour se voir décharger de tout intérêt, pénalités et intérêts de retard, faute pour la banque de justifier de l’envoi aux cautions des lettres d’information prévues à ces textes.

La banque se borne à produire la copie de lettres d’information sans justifier de leur envoi aux cautions qui dénient les avoir reçues.

Le crédit Agricole est par conséquent déchu, dans ses rapports avec les cautions, en application de l’article L313-22 du code monétaire et financier, des intérêts échus depuis le 31 mars 2008, ainsi que

des intérêts et pénalités de retard depuis cette même date en application de l’article L341-6 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige.

La décision est infirmée sur ce point.

— Sur la demande de délais de paiement :

Les époux B-X demandent que les délais accordés par le premier juge soient modifiés et proposent de régler leur dette en 23 versements mensuels d’un montant de 1 000 euros, le 24e et dernier versement devant solder la dette.

Cette demande ne peut qu’être rejetée en l’absence de toute justification de la situation financière et patrimoniale actuelle des époux B-X et le jugement est confirmé de ce chef.

Le jugement est par ailleurs confirmé en ce qu’il a exactement rappelé que la condamnation à paiement de A B et Z X ne pouvait être mise en 'uvre tant que le plan de sauvegarde de la SARL JPR Optique est respecté.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Draguignan du 6 mars 2018 en ce qu’il a condamné M. Z X et Mme A B, en leur qualité de cautions dans la limite de leurs engagements, à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d’Azur la somme de 491 247,26 euros augmentée des intérêts contractuels compter du 28/06/2016,

Statuant à nouveau,

Condamne A B et Z X, en leurs qualités de cautions, à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d’Azur la somme de 491 247,26 euros sous déduction des intérêts échus, des intérêts et pénalités de retard depuis le 31 mars 2008,

Rappelle que dans les rapports entre les cautions et l’établissement de crédit, les paiements faits par la débitrice principale sont affectés prioritairement au règlement du principal de la dette,

Dit que préalablement à toute mise en 'uvre de cette condamnation, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Alpes Côte d’Azur devra fournir à chacune des cautions un décompte expurgé des intérêts échus, intérêts et pénalités de retard,

Rappelle qu’en application de l’article L626-11 du code de commerce, les cautions peuvent se prévaloir du plan de sauvegarde,

Confirme pour le surplus le jugement déféré,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum Z X et A B à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Alpes Côte d’Azur la somme de deux mille euros,

Dit n’y avoir lieu à condamner la SARL JPR Optique sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Z X et A B aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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