Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 1er juillet 2020, n° 19/08688

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 1er juill. 2020, n° 19/08688
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/08688
Décision précédente : Tribunal de commerce de Toulon, 14 mai 2019, N° 2019R00024
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUILLET 2020

N° 2020/80

N° RG 19/08688 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BELAT

SARL ENNOVIA

SAS A

C/

S.A.S. OVALIE TECH

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Joseph MAGNAN

Me E-François JOURDAN

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 15 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2019R00024.

APPELANTES

SARL ENNOVIA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, sis […]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Cendrine CLAVIEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

SAS A prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, sis […]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Cendrine CLAVIEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.S. OVALIE TECH Société par actions simplifiée, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis […]

représentée par Me E-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET

ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Stanley CLAISSE, avocat au barreau de TOULOUSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Statuant selon la procédure sans audience en application des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2020-595 du 20 mai 2020, sans opposition des parties, après avis adressé le 30 avril 2020 précisant que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2020,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société ENNOVIA, créée le 19 novembre 2007, a pour objet selon les énonciations du registre du commerce le ' conseil en D, production, gestion d’entreprise, ressources humaines, marketing et développement commercial, gestion informatique des données'. E-F X a créé en 2010 pour le compte de la société ENNOVIA un logiciel d’aide à la gestion documentaire et à la gestion de maintenance d’installations industrielles dénommé QUICKBRAIN.

Suivant acte en date du 30 juillet 2015, la société ENNOVIA a cédé à la société A créée par monsieur X la licence d’exploitation du logiciel QUICKBRAIN.

Suivant contrat en date du 13 juillet 2011, la société ENNOVIA a embauché B Y en qualité de responsable de son agence de TARBES. Elle a licencié monsieur Y pour le 1er août 2014 pour motif économique avec l’ensemble du personnel de l’agence.

Monsieur Y a créé le 9 avril 2015 la société OVALIE TECH, spécialisée dans les services d’études, conseils et d’assistance technique dans les domaines de l’ingénierie de maintenance et la mise en service industrielle.

Considérant que la société OVALIE TECH commettait des actes de concurrence déloyale à leur encontre, notamment en s’appropriant son savoir-faire et en commettant des aces de dénigrement, les sociétés ENNOVIA et QUICKBRAIN ont saisi le président du tribunal de commerce de TOULON par requête en date du 31 octobre 2018 afin de faire ordonner une mesure de saisie au sein des locaux

de la société OVALIE TECH concernant différents fichiers et documents relatifs aux clients CANDIA, LEROUX&LOTZ et C D, et plus généralement 'tous fichiers, documents et pièces susceptibles d’établir l’étendue et l’origine des agissements D’OVALIE TECH constitutifs d’actes de concurrence déloyale au préjudice d’ENNOVIA et de A'.

Une ordonnance conforme à la requête a été rendue le 13 novembre 2018, puis modifiée par ordonnance en date du 20 novembre 2018.

Maître MAZOUE, huissier de justice à Z, a procédé à la saisie le 14 janvier 2019.

Par acte en date du 21 février 2019, la société OVALIE TECH a fait assigner les sociétés ENNOVIA et QUICKBRAIN devant le juge des référés du tribunal de commerce de TOULON en rétractation des ordonnances en date des 13 et 20 novembre 2018.

Suivant ordonnance en date du 15 mai 2019, le juge des référés a prononcé la rétractation des deux ordonnances, a ordonné la restitution des procès verbaux et des pièces saisies ainsi que la destruction des copies sous astreinte de 200 € par jour de retard, a interdit aux sociétés ENNOVIA et A de rendre public le procès verbal de saisie sous astreinte de 1 000 € et a condamné les sociétés ENNOVIA et A au paiement d’une somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés ENNOVIA et A ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 28 mai 2019.

Par ordonnance en date du 17 février 2020, le président de la chambre a ordonné la clôture de l’instruction et a ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience du 19 mars 2020.

Les sociétés ENNOVIA et A, par conclusions déposées au greffe le 25 février 2020 demandent à la cour de révoquer l’ordonnance de clôture afin de pouvoir répliquer aux conclusions déposées par la société OVALIE TECH le 14 février 2020.

Sur le fond, les sociétés ENNOVIA et A invoquent différents actes de concurrence déloyale qu’ils imputent à la société OVALIE TECH et qui constitueraient un motif légitime permettant de faire droit à la mesure de saisie. Ils citent la reproduction du logiciel QUICKBRAIN pour l’outil DOMMS, l’imitation des plaquettes de présentation commerciale, et de la documentation technique, l’appropriation du fichier client mais aussi des informations commerciales concernant les prix et prestations proposées.

Sur la nécessité de ne pas respecter le principe du contradictoire, elles invoquent la nature même des faits allégués, faits de concurrence déloyale, et la mauvaise foi de la partie adverse qui induiraient un nécessaire effet de surprise. Elles soutiennent que les mesures demandées étaient circonscrites et nécessaires à la solution du litige et rappellent qu’elles étaient limitées à trois clients parfaitement définis. Elle conteste le caractère général des mesures tel que retenu par le premier juge. Selon elles enfin, la demande en garantie présentée à titre subsidiaire ne ferait que démontrer la mauvaise foi de la partie adverse. Elles demandent en conséquence à la cour de :

PRONONCER le rabat de l’ordonnance de clôture intervenue le lundi 17 février 2020 compte tenu de la communication tardive des écritures d’OVALIE TECH transmises le vendredi 14 février à 14h09 et de l’impossibilité matérielle pour A et ENNOVIA d’en prendre connaissance afin d’organiser utilement leur réplique ;

ACCUEILLIR les conclusions récapitulatives n°3 des sociétés A et ENNOVIA

ainsi que les pièces n°23 à 27.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

REJETER les conclusions et pièces signifiées le 14 février 2020, soit trois jours avant le prononcé de l’ordonnance de clôture du 17 février 2020 par OVALIE TECH en raison de l’atteinte manifeste au principe du contradictoire.

AU FOND :

CONSTATER la régularité de l’ordonnance rendue sur requête le 13 novembre 2018 et de l’ordonnance rectificative rendue le 20 novembre 2018 dès lors que A et ENNOVIA étaient fondées à ne pas appeler la société OVALIE TECH pour les besoins de l’efficacité de la mesure d’instruction ;

CONSTATER l’existence d’un motif légitime fondant la mesure d’instruction ordonnées ;

En conséquence,

REFORMER L’ordonnance du 15 mai 2019 en toutes ses dispositions ;

DEBOUTER la société OVALIE TECH de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions

CONDAMNER la société OVALIE TECH à 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER la société OVALIE TECH aux entiers dépens sur le fondement de l’article 696 du Code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître MAGNAN.

La société OVALIE TECH, par conclusions déposées le 14 février 2020, conteste les allégations adverses concernant la propriété du logiciel QUICKBRAIN et relève les contradictions dans les écritures successives sur ce point. Elle conteste de même la version adverse concernant le licenciement de monsieur Y et les conditions de la création de la société OVALIE TECH. Elle insiste par ailleurs sur le caractère agressif de l’huissier ayant procédé à la saisie du 14 janvier 2019.

Sur le fond, la société OVALIE TECH conclut à la confirmation de l’ordonnance de rétractation en relevant le caractère général de la mission, donnant selon eux à l’huissier le caractère d’une perquisition privée violant le nécessaire secret des affaires. Elle invoque ensuite l’absence de motifs légitimes permettant de porter atteinte au principe du contradictoire, faisant observer que l’ordonnance rétractée ne comportait sur ce point aucune motivation, que les requérants ont dissimulé volontairement une partie des informations lors de la saisine du juge et que les allégations pouvaient être débattues contradictoirement, soit par voie d’expertise, soit en cours de procédure, notamment en ce qui concerne le logiciel QUICKBRAIN ou le détournement de clientèle. La société OVALIE TECH conteste au fond toute reproduction de logiciel ou de documents techniques ou commerciaux et affirme là encore que ces éléments pouvaient être débattus contradictoirement. Elle conclut en conséquence à la confirmation de l’ordonnance déférée. Subsidiairement, elle demande à la cour d’ordonner une garantie bancaire d’un montant de 50 000 € à la charge des appelantes afin d’assurer le paiement d’éventuelles demandes en dommages intérêts reconventionnelles. Au terme de ses conclusions, elle demande à la cour de :

A titre principal :

— CONFIRMER l’ordonnance du 15 mai 2019 du Juge des référés du Tribunal de commerce de Toulon

En tout état de cause :

— PRONONCER LA RÉTRACTATION de l’ordonnance du 13 novembre 2018 et de l’ordonnance du 20 novembre 2018 du Tribunal de commerce de Toulon,

— ORDONNER la restitution immédiate des procès-verbaux de saisie et de l’ensemble des pièces saisies dans les locaux de la société OVALIE TECH, qu’ils soient en possession de l’huissier instrumentaire, de la société ENNOVIA, de la société A et/ou de leurs conseils, ainsi que la destruction immédiate de l’ensemble des copies de ces procès-verbaux et pièces ;

— ASSORTIR l’obligation de restitution d’une astreinte de deux mille euros (2000 €) par jour de retard passée la signification de l’ordonnance à intervenir ;

— INTERDIRE à la société ENNOVIA et la société A d’utiliser ou de rendre publics, notamment dans une quelconque procédure judiciaire, le procès-verbal de la saisie menée en application des ordonnances du 13 novembre 2018 et 20 novembre 2018 du Tribunal de commerce de Toulon et les pièces saisies ;

— ASSORTIR cette interdiction d’une astreinte de deux mille euros (2000 €) par infraction constatée, le refus de se conformer à l’interdiction après mise en demeure constituant, pour chaque jour suivant ladite mise en demeure, une infraction distincte,

Subsidiairement :

— ORDONNER à la société ENNOVIA et à la société A de constituer chacune une garantie bancaire de 50.000 euros dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de mille euros par jour de retard ;

En toutes hypothèses :

— CONDAMNER solidairement la société ENNOVIA et la société A à verser à la société OVALIE TECH la somme de 8.000 euros pour la procédure d’appel par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

— CONDAMNER la société ENNOVIA et la société A aux entiers dépens d’appel.

Suivant conclusions déposées le 26 février 2020, la société OVALIE TECH a demandé à la cour de déclarer irrecevables comme tardives les conclusions et pièces notifiées par la partie adverse le 25 février 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des conclusions déposées par voie électronique le 14 février 2020 et des pièces communiquées le 25 février 2020

Les conclusions déposées le 14 février 2020, soit trois jours avant l’ordonnance de clôture, par la société OVALIE TECH ne contiennent par rapport aux écritures antérieures notifiées le 23 juillet 2019 que des développements de moyens déjà évoqués et auxquels la partie adverse avait déjà répondu ; en conséquence, ces conclusions ne peuvent être considérées comme violant les dispositions de l’article 15 du code de procédure civile, le principe du contradictoire, ou celui de la loyauté des débats ; il ne sera dès lors pas fait droit à la demande tendant à faire écarter ces ultimes conclusions, ni à la demande de révocation de l’ordonnance ; il y a lieu en revanche d’écarter des débats les pièces communiquées le 23 février 2020, soit postérieurement à l’ordonnance de clôture, et ce alors qu’aucune cause dûment justifiée n’est établie pour expliquer une communication postérieure

à la clôture de l’instruction.

Sur le fond

L’article 145 du code de procédure civile subordonne le prononcé d’une mesure d’instruction judiciaire à la preuve par le requérant d’un motif légitime ; cette mesure ne peut être ordonnée que si la partie requérante ne dispose pas d’éléments suffisant pour prouver les faits allégués à l’appui de ses prétentions comme le rappelle l’article 145 du code de procédure civile ; enfin, cette mesure doit être proportionnée, notamment au regard du secret des affaires, et ne peut violer le principe du contradictoire que pour des raisons explicitées.

En l’espèce, la société ENNOVIA et la société A soutiennent être victime d’actes de concurrences déloyales de la part de la société OVALIE TECH du fait de la reproduction d’une application et de la documentation technique et commerciale y afférent ; force est de constater que les mesures d’investigations sollicitées du juge du tribunal de commerce de TOULON ne sont pas de nature à établir l’existence de ces faits, et qu’au demeurant la requérante produit divers documents pour établir ceux ci ; de même, les faits d’appropriation de fichiers clients sont fondés sur une liste déjà en possession des requérantes et les écritures des parties démontrent que la discussion ne porte pas sur l’existence d’une clientèle commune, mais sur les modalités de constitution des fichiers ; par ailleurs et enfin, comme l’a relevé le premier juge, la mesure d’instruction telle que sollicitée est des plus générale, puisque permettant la copie de 'tous fichiers, documents et pièces susceptibles d’établir l’étendue et l’origine des agissements D’OVALIE TECH constitutifs d’actes de concurrence déloyale au préjudice D’OVALIE TECH’ ; c’est dès lors à bon droit que le premier juge a ordonné la rétraction de l’ordonnance en date du 13 novembre 2018 en l’absence de motif légitime caractérisé, du caractère disproportionné d’une partie des mesures et de l’absence de motivation concernant la violation du respect du contradictoire ; cette décision sera en conséquence confirmée, et ce y compris en ce qu’elle a ordonné la restitution des pièces et a interdit leur utilisation sous peine d’astreinte.

Sur les demandes accessoires

Les sociétés ENNOVIA et A succombant en son appel, elles devront verser une somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

— DIT n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture et déclare recevables les conclusions déposées le 14 février 2020.

— REJETTE les pièces communiquées le 23 février 2020.

— CONFIRME l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de TOULON en date du 15 mai 2019 dans l’intégralité de ses dispositions.

Ajoutant à la décision déférée,

— CONDAMNE la société ENNOVIA et la société A in solidum à verser à la société OVALIE TECH la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

— MET les dépens à la charge de sociétés ENNOVIA et A.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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