Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-10, 3 juin 2021, n° 19/00067

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 1-10, 3 juin 2021, n° 19/00067
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/00067
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bouches-du-Rhône, EXPRO, 23 juillet 2019, N° 19/9
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS

ARRÊT AU FOND

DU 03 JUIN 2021

N° 2021/ 0031

N° RG 19/00067 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFBSO

Etablissement L’ETAT

C/

B D X

Z A épouse X

LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Grosse délivrée :

à :

Me Fabrice DI FRENNA

Me Olivier BURTEZ-DOUCEDE

LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’expropriation de BOUCHES-DU-RHONE en date du 24 Juillet 2019, enregistré au répertoire général sous le n° 19/9.

APPELANTE

L’ETAT, pris en la personne de Monsieur le Directeur de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer, demeurant DDTM – Département des BOUCHES-DU-RHONE – 16 rue Antoine Zattara – 13332 MARSEILLE CEDEX 3

représentée par Me Fabrice DI FRENNA de la SCP SANGUINEDE- DI FRENNA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES

Monsieur B D X

demeurant […]

représenté par Me Olivier BURTEZ-DOUCEDE de la SCP CABINET BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame Z A épouse X

demeurant […]

représentée par Me Olivier BURTEZ-DOUCEDE de la SCP CABINET BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT, demeurant DRFP Pôle d’évaluation domaniale – […]

comparant en personne

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 01 Avril 2021 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Anne DUBOIS, Conseillère

désignée pour présider la Chambre des Expropriations, en qualité de titulaire, par ordonnance du Premier Président de la Cour d’Appel d’Aix en Provence.

Madame Laurence DEPARIS, Conseillère,

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère,

Greffier lors des débats : M. Frank GENIER Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2021.

Les avocats présents ont été entendus.

Le Commissaire du Gouvernement a été entendu en ses observations.

Après clôture des débats, la Cour a mis l’affaire en délibéré.

Puis les mêmes magistrats ont délibéré de l’affaire, conformément à la loi, hors la présence du Commissaire du Gouvernement et du greffier.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé publiquement le 03 Juin 2021 et signé par Madame Anne DUBOIS, Conseillère et Mme Mélissa NAIR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS :

B X et son épouse Z C sont propriétaires depuis 2000 d’une construction à usage d’habitation, cadastrée section […], située […], lieu-dit « Vallon de la Vesse et Niolon » à Rove.

Le 16 septembre 2009, suite à une chute de blocs de pierres provenant d’une falaise surplombant le bien, le maire de la commune de Rove a pris un arrêté de péril avec interdiction d’accès.

L’État a alors mis en 'uvre la procédure d’expropriation pour risques naturels majeurs codifiée aux articles L 561-1 et R 561-1 du code de l’environnement, portant sur les cabanons situés aux pieds de la falaise en vue de leur démolition.

Un arrêté préfectoral du 18 avril 2016 a déclaré l’opération de démolition des cabanons d’utilité publique et déclaré cessibles en urgence les terrains bâtis et non bâtis compris dans l’opération.

L’ordonnance d’expropriation est intervenue le 2 juin 2016.

Les époux X n’ayant pas accepté son offre, l’État a saisi le juge de l’expropriation des Bouches-du-Rhône selon la procédure d’urgence le 17 janvier 2019

Après s’être transporté sur les lieux le 25 février 2019, le juge a, par décision du 25 mars 2019 fixé l’indemnité provisionnelle due par l’État aux expropriés à la somme de 169.300 euros.

Par jugement du 24 juillet 2019, il a :

·fixé la date de référence au 20 octobre 2014,

·fixé le montant de l’indemnité principale due par l’État, aux époux X à 276.000 euros, et celui de l’indemnité de remploi à 28.600 euros,

·dit que le montant total de l’indemnité de dépossession sera versé déduction faite de l’indemnité provisionnelle déjà payée en application du jugement du 25 mars 2019,

·condamné l’Etat à payer aux époux X la somme de 40.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance découlant directement d’un manquement fautif dans la mise en oeuvre des opérations d’expropriation,

·condamné l’Etat à payer aux époux X la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

·laissé les dépens à la charge de l’État.

Ce dernier a interjeté appel selon déclarations des 22 et 24 octobre 2019 inscrites sous les numéros 19/68 et 19/77.

Les procédures ont fait l’objet d’une jonction par ordonnance du 21 janvier 2020.

Dans son mémoire reçu le 20 janvier 2020 puis dans celui du 4 janvier 2021 tenu pour intégralement repris et qui sera retenu en application de l’article 954 al 4 du code de procédure civile, il demande à la cour de :

·dire et juger son appel recevable et régulier,

·réformer le jugement attaqué en ce qui concerne les chefs de dispositifs critiqués,

·statuant à nouveau, à titre principal,

·dire et juger que la superficie est de 21 m² et le prix au m² de 3.166 euros,

·fixer le montant de dépossession à la somme de 66.500 euros,

·fixer le montant de l’indemnité de remploi à la somme de 7.150 euros,

·en tout état de cause, rejeter toute autre demande.

Dans leurs mémoires reçus les 1er avril 2020 puis 14 janvier 2021, tenus pour intégralement repris, les intimés demandent à la cour de :

·confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

·leur allouer 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Dans ses conclusions du 13 juillet 2020 reprises dans celles du 15 octobre 2020, le commissaire du gouvernement conclut à la réformation du jugement entrepris et à la fixation du montant de l’indemnité de dépossession à 210.000 euros et celle de l’indemnité de remploi à 26.000 euros.

Les mémoires des parties et du commissaire du gouvernement et toutes les pièces sur lesquelles ils s’appuient, ont été régulièrement notifiés conformément aux dispositions de l’article R 311-26 du code de l’expropriation.

Les parties ont été régulièrement convoquées par le greffe à l’audience du 7 janvier 2021 par lettres recommandées avec accusé de réception. A cette date, l’affaire a été renvoyée au 1er avril 2021.

***

*

SUR CE :

Sur la date de référence :

La date de référence fixée en première instance au 5 octobre 2014, un an avant l’ouverture de l’enquête préalable à la DUP, n’est pas discutée.

A cette date, le bien en cause est situé en zone NL, zone de protection de la nature soumise aux dispositions de la loi littorale. Y sont interdites toutes constructions ou activités hormis les exceptions prévues par les articles L146-6 et R 146-2 du code de l’urbanisme.

Sur la consistance et la qualification du bien :

Selon le procès-verbal de transport sur les lieux, le bien, qui est entièrement dévasté, consiste en un petit cabanon en front de mer, face à la rade de Marseille. Il est composé de :

·une petite terrasse en devanture,

·2 pièces, l’une avec fenêtre double vitrage, l’autre sans, et porte d’entrée avec grilles de protection,

·une salle d’eau (douche, lavabo et WC) avec fenestron et cumulus,

·les pièces sont équipées de carrelage au sol, murs et plafonds peints.

Selon le cadastre, il est d’une superficie de 21 m². Les expropriés ont produit un rapport dressé le 26 septembre 2014 par les évaluateurs Streit et Aznavour, qui a mis en évidence une surface de 35,46

m² correspondant à une surface pondérée de 30 m².

L’expropriant conteste cette nouvelle superficie au motif qu’elle n’a pas été réalisée par un géomètre-expert, ce qui peut induire certaines erreurs.

Cependant, il ne verse de son côté aucun métré qu’il aurait fait réaliser et qui viendrait démentir cette surface obtenue par les mesures effectuées par les experts précités.

En outre, cette superficie qui n’est pas discutée par le commissaire du gouvernement, a été constatée lors du transport sur les lieux par le juge qui a noté un étage en soupente et une dépendance extérieure.

Sur l’évaluation :

Aux termes de l’article L.321-1 du code de l’expropriation, l’indemnité de dépossession doit couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation, étant précisé qu’en vertu de l’article L.322-3 du dit code, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance.

=> concernant l’indemnité principale et de remploi :

Selon l’article L 561-1 du code de l’environnement applicable en l’espèce, pour la détermination du montant des indemnités qui doit permettre le remplacement des biens expropriés, il n’est pas tenu compte de l’existence du risque.

La méthode des termes de comparaison employée en première instance n’est pas discutée.

L’État conteste la valeur métrique de 9.200 euros retenue par le premier juge et propose celle de 3.166 euros en faisant valoir qu’elle est conforme à l’estimation réalisée par France Domaine, au prix médian de 2.400 euros ressortant des trois accords amiables intervenus en 2019 avec les propriétaires des immeubles sis au 24, 26 et […] et à celui de 2.328 €/m² provenant des mutations de 2015 et 2016 portant sur des habitations situées […], […].

Il reconnaît que les accords amiables qui ne portent pas sur la moitié des surfaces de la zone ni sur les deux tiers des propriétaires, ne permettent pas l’application de l’article L322-8 du code de l’expropriation, mais il considère néanmoins qu’ils illustrent le prix de marché de l’emprise et peuvent servir de termes de comparaison. Il dénie les allégations, non corroborées, selon lesquelles les signataires des accords ont renoncé à exercer un recours eu égard à l’extrême longueur de la procédure, ayant justifié l’exclusion de ces mutations en première instance.

Cependant, le premier juge a énoncé à bon droit que les conditions d’application de l’article L322-8 précité n’étant pas remplies, il n’était pas obligé de se référer aux accords amiables, d’autant que ceux des 25 février 2019 et 2 mars 2019 concernent des propriétés qui ont, pour la première, été incendiée et, pour la seconde, squattée et dévastée.

Par ailleurs, l’acte du 12 septembre 2016 invoqué par l’appelant ne constitue pas une donnée utile puisqu’il désigne le bien de 25 m² situé route de la Vesse, vendu 2.328 € le m², comme étant un cabanon en très mauvais état.

Pour apprécier la valeur de la construction, le juge de l’expropriation a considéré que celle-ci bénéficie d’une localisation particulière au sein de la calanque de la Vesse, s’intègre à un groupe d’une dizaine de pavillons ayant la particularité d’être les seuls à être situés en dehors du vallon de la Vesse, derrière l’aqueduc soutenant la voie ferrée, directement en bordure du littoral et séparés de quelques mètres seulement de la mer, avec accès direct à celle-ci et vue sur toute la rade de

Marseille.

Il est indéniable qu’en comparaison de l’ensemble du marché local de la commune de Rove dont ils dépendent, ces biens constituent un micro marché bénéficiant d’une plus-value du fait de leur rareté découlant de l’inconstructibilité de la zone.

Néanmoins, c’est seulement par rapport au prix moyen ressortant de l’étude du marché local élargi qui ne bénéficie pas d’une localisation aussi remarquable, que la valorisation de ces immeubles, retenue par le premier juge en raison de leur emplacement exceptionnel, peut être pratiquée.

C’est donc justement que le commissaire du gouvernement et l’expropriant veulent intégrer à l’étude comparative, la mutation relative à l’habitation du 8 allée des girelles, quand bien même elle est nettement moins bien située, et que le commissaire du gouvernement veut en exclure au contraire, la référence n°7 (9.500 €/m²) sise à la calanque du Niolon qui détient son propre micro marché et n’est pas conforme au secteur de la Vesse, et le terme n° 9, situé 1 place de la Vesse (2.328 €/m²) qui concerne un terrain comportant un cabanon en très mauvais état, écarté à juste titre en première instance.

Si le commissaire du gouvernement souligne avec pertinence que le micro marché retenu par le premier juge, jouit de spécificités particulières et démontre une stabilité des valeurs vénales de fin 2014 à fin 2017, il n’en reste pas moins qu’en vertu de l’article L.322-3 du code de l’expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance. Le premier juge a donc écarté pertinemment les termes de comparaison de 2014 et 2015 estimés trop anciens, d’autant que ceux postérieurs à 2015 sont en nombre suffisant.

La moyenne des prix des termes de comparaison n° 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 8 du commissaire du gouvernement qu’il convient donc de prendre en compte, compris dans une fourchette allant de 3.773,58 euros à 8.521,74 euros, s’élève à 5.651 euros arrondis à 5.600 euros.

Le juge de l’expropriation l’a justement majorée d’une plus-value de 40% concernant la construction des intimés qui était en bon état, avec une terrasse et une vue mer.

L’indemnité principale revenant aux époux X est donc de 235.200 euros [5.600 + (5.600 x 40 %) x 30 m²], et l’indemnité de remploi subséquente s’élève, selon le barème dégressif habituel à 24.520 euros.

L’État, appuyé par le commissaire du gouvernement, fait enfin grief au premier juge d’avoir alloué aux époux X une somme de 40.000 euros en retenant l’existence d’un préjudice de jouissance découlant d’un manquement fautif de l’appelant dans la mise en 'uvre des opérations d’expropriation.

Les intimés répondent qu’ils sont privés depuis plus de 10 ans de l’utilisation de leur bien, qu’ils ne peuvent le louer ni avoir immédiatement la contrepartie de sa valeur de sorte qu’ils doivent pouvoir être indemnisés de la privation de jouissance ou de la perte locative de leur habitation provoquées par la carence de l’État à lancer la procédure d’urgence.

Cependant, comme l’a souligné la juridiction administrative, l’impossibilité d’occuper le bien en cause trouve son origine directe, non dans le délai pris par l’État à engager la phase administrative de la procédure d’expropriation, mais dans l’arrêté du 16 septembre 2009 du maire de Rove ordonnant d’évacuer les logements se trouvant allée des Girelles dans les meilleurs délais et dont la légalité a au demeurant été confirmée par la cour administrative d’appel le 10 avril 2015. Ainsi, la prétendue lenteur de l’État à engager la procédure d’expropriation ne saurait être à l’origine directe et certaine du préjudice dont les époux X demandent réparation dès lors qu’à la supposer menée avec davantage de diligence, la procédure d’expropriation les aurait privés plus rapidement de la propriété et donc de la disposition de leur bien qu’ils n’auraient en tout état de cause pas pu occuper ou mettre

en location, n’en étant plus propriétaires.

Le jugement sera par conséquent infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

L’issue du litige conduit à laisser les dépens à la charge de l’État sans qu’il y ait lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

***

**

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition,

CONFIRME le jugement en ce qui concerne la date de référence, la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau,

FIXE l’indemnité principale due par l’État aux époux X à la somme de 235.200 euros et l’indemnité de remploi à celle de 24.520 euros,

DEBOUTE les époux X de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance,

DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE l’État aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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