Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 19 novembre 2021, n° 18/10392

  • Employeur·
  • Objectif·
  • Démission·
  • Obligations de sécurité·
  • Licenciement·
  • Manquement·
  • Santé·
  • Contrat de travail·
  • Salariée·
  • Obligation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-2, 19 nov. 2021, n° 18/10392
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/10392
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, 23 mai 2018, N° 17/00305
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 19 NOVEMBRE 2021

N° 2021/354

Rôle N° RG 18/10392 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BCUR4

SARL CAPA

C/

A X

Copie exécutoire délivrée

le : 19 Novembre 2021

à :

Me Nathalie MINEO-REMAZEILLE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 142)

Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX EN PROVENCE en date du 24 Mai 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00305.

APPELANTE

SARL CAPA, demeurant […]

représentée par Me Nathalie MINEO-REMAZEILLE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame A X, demeurant […]

représentée par Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre suppléante, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean Yves MARTORANO, Président de chambre

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre suppléante

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre suppléante

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2021

Signé par Monsieur Jean Yves MARTORANO, Président de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE :

La société CAPA ,qui exerce une activité de centre d’accueil téléphonique , a engagé Mme X le 1 avril 2014 en qualité de Télésecrétaire confirmée Bureautique statut employé selon contrat de travail à durée indéterminée.

Dans le dernier état de la relation contractuelle son salaire était de 1.526 euros brut hors primes.

La convention collective nationale applicable est celle du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Mme X a été placée en arrêt maladie au mois de janvier 2017, puis une seconde fois le 10 février 2017, puis une troisième fois du 20 au 25 février 2017, cet arrêt ayant fait l’objet d’une prolongation, et enfin une quatrième fois du 28 au 31 mars 2017.

Par courrier du 22 mars 2017, Mme X faisait part à son employeur de sa volonté de démissionner en respectant un préavis d’un mois.

Le 27 mars 2017, Mme X exprimait auprès de son employeur les raisons l’ayant poussées à prendre l’initiative de la rupture de son contrat de travail.

Par courrier du 29 mars 2017, Mme X notifiait à son employeur une prise d’acte de rupture du contrat de travail et saisissait le conseil des prud’hommes d’Aix en provence le 24 avril 2017.

Par jugement en date du 24 mai 2018 le conseil des prud’hommes d’Aix en provence a requalifié la démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, dit et jugé que cette prise d’acte s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société

CAPA au paiement de :

—  10.000' à titre de dommages et intérêts pour rupture s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

912,89' nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

3.042,98' nets à titre d’indemnité de préavis

304,29' nets à titre d’incidence congés payés

2.352,50' nets à titre d’indemité de congés payés

—  5.000,00 ' au titre du non-respect de l’obligation de sécurité

—  1.000,00 ' au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaire à 1.521,49'.

Le conseil a rappellé l’exécution provisoire de droit en application de l’article R 1454-28 du Code du Travail, ordonné l’exécution provisoire sur les fondements de l’article 515 du code de procédure civile et condamné la société CAPA aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 21 juin 2018 la SARL CAPA interjetait appel et sollicitait l’infirmation du jugement en ce qu’il a qualifié la démission en prise d’acte , l’a condamnée à des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et aux indemnités en découlant outre 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 14 avril 2019 l’appelant demande à la cour de :

— Recevoir son appel et le dire bien fonde

Y faisant droit

— Reformer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de Prud’hommes section activites diverses, d’aix en provence en date du 24 mai 2018

— Constater que Mme X a démissionné par courrier en date du 22 mars 2017.

— Debouter Mme X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

— Condamner Mme X à payer à la SARL CAPA la somme de 5.000 ' sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile.

— Condamner Mme X aux entiers dépens

La SARL CAPA fait en substance valoir que :

— la salariée a exprimé une volonté claire et non équivoque de démissionner par courrier en date du

22 mars 2017 sans jamais se plaindre antérieurement ou concomitamment de ses conditions de

travail ;

— que ce n’est que postérieurement à sa démission qu’elle faisait état de faits inexacts afin de solliciter

une dispense de préavis par lettre du 27 mars 2017 provoquant la réaction immédiate de l’employeur

qui lui proposait de rencontrer la médecine du travail ;

— que la prise d’acte du 29 mars n’est étayée par aucun document démontrant que la salariée se

trouvait dans un état de santé dégradé au moment de sa démission alors qu’en revanche l’employeur a

dû rappeler sa salariée à ses obligations le 7 mars car elle avait donné un avis médical à un patient

ainsi qu’il ressort du constat d’huissier de la scp Duplaa

— que les conditions de la prise d’acte ne sont pas juridiquement réunies puisque les faits allégués par

la salariée sont anciens et n’ont pas empêché la poursuite du contrat de travail .

— qu’elle conteste les allégations de Mme X sur les cadences de travail estimant que le nombre

d’appels demandé par heure est de 26 ce qui est en deça de la moyenne de la profession , une prime

étant versée pour 30 appels par heure et aucune sanction n’étant prise en cas de non réalisation de

l’objectif.

— que de même elle conteste les allégations de Mme X sur les plannings qu’elle affirme diffuser 3

à 4 semaines à l’avance sauf urgence imprévue réduisant le délai à 3 jours et souligne que c’est en

raison d’une perte de documents par la salariée qu’elle a été amenée à rééditer 3 années de plannings

transmis par courriel en date du 30 mai 2017.

Elle fait oberver qu’il n’y a pas de travail les fins de semaines, à partir du samedi midi et que les

horaires correspondent aux horaires de bureaux

Concernant les pauses elle souligne que les horaires de travail ne dépassant jamais 6 heures d’affilé

les salariés ne peuvent prétendre à des pauses légales ou conventionnelles mais fait remarquer que

l’employeur a néamoins instauré contractuellement des pauses de 3 heures par mois pour chaque

salarié indépendamment de la possibilité de se rendre aux toilettes.Elle souligne que les attestations

versées par Mme X concerne la gérance précédente et sont contredites par celle de Mme Y

, déléguée du personnel.

Elle soutient qu’ainsi qu’elle a rempli son obligation légale de sécurité elle rappele qu’elle est une

société de secrétariat à distance et non un centre d’appel, qu’elle a rempli ses obligations en affichant

le document unique d’évaluation des risque professionnels qu’elle a dûment rempli, ce dont atteste la

déléguée du personnel .

Elle conteste le lien de causalité entre l’état de santé de Mme X et ses conditions de travail et

estime qu’elle favorise le bien être du salarié au travail car les salariés disposent d’un espace

individuel aménagé. (Miroir au dessus des ordinateurs, repose poignet, repose pieds, siège inclinable,

filtre d’écran, insonorisation,), que la société est équipée de climatisations réversibles, qu’elle a

instauré la possibilité du télétravail sur demande , des évenements conviviaux , des prêts d’honneur ,

et a organisé la possibilité de formations.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 24 aout 2020 , Mme X demande à la cour de :

— Confirmer le jugement entrepris

Et, statuant à nouveau de

— Dire et Juger que la démission de Mme X doit s’analyser en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la société CAPA

— Dire et Juger que cette prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause récllc et sérieuse

En conséquence, de:

— Condamner la société CAPA à verser à Mme X les sommes de

' 10 000 ' à titre de dommages et intérêts pour de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 912,89 ' correespondant à l’indemnité légale de licenciement

' 3 042,98 ' correspondant à l’indemnité de préavis

' 304,29 ' à titre d’incidence congés payés

' 2 352,5 ' correspondant à l’indemnité de congés payés

' 5000 euros de dommages intérêts correpsondant au non respect de l’obligation de sécurité

' 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel

Elle fait valoir :

— que le nombre d’appels à traiter a été considérablement augmenté en février 2017 les salariées du centre d’appel qui traitaient jusque là 24 appels d’une durée de 1,44' chacun en moyenne par heure se sont vu imposer 26 appels de 1'30 et en plus de cet objectif 3000 appels par mois pour un temps plein soit au total 43,77 appels par heure.

— que l’employeur surveillait les pauses phsysiologiques qu’il soumettait à autorisation les décomptant du temps de travail et de pause sous la rubrique « absence sans solde » ainsi qu’il ressort des attestations qu’elle verse aux débats et de l’attestation de Mme Z versée par l’employeur qui mentionne l’existence d’une liste d’attente pour la prise de pause ce qui conduisait les salariés à éviter de boire.

— que des mises en garde orales étaient régulièrement faites dans l’open space générant un stress supplémentaire, que la lettre de mise au point injustifiée qui lui a été adressée le 16 mars 2017 est en réalité un avertissement au regard d’une jurisprudence constante et illustre le comportement de l’employeur.

Elle estime que ces conditions de travail ont entrainé son épuisement ainsi qu’elle l’a fait savoir à l’employeur par SMS du 13 janvier 2017 puis une dégradation sérieuse de son état de santé conduisant à un arrêt du 10 février 2017 puis un nouvel arrêt du 20 au 25 février 2017 avant un dernier arrêt du 28 au 31 mars 2017 pour anxiété.

Elle considère que l’employeur à manqué à son obligation de sécurité édictée par l’article L 4121-1et R 4121-1 du code du travail et l’accord national interprofessionnel du 2 juillet 2018 et considère que le document relatif à la prévention des risques versé aux débats par l’employeur est un document de pure forme qui ne respecte pas les prescriptions de ces textes en ce qu’il n’évalue aucun des risques définis par l’INRS et notamment les risque de santé mentale concernant les contraintes en centre d’appel transposables au métiers exercés au sein des télésecrétariats, ne répertorie pas les facteurs de stress et n’établit aucun programme de prévention concret

Elle indique que devant cet état de fait elle a pris l’initiative de la rupture du contrat de travail d’abord dans une lettre de démission puis a adressé à son employeur un courriel en date du 27 mars 2017 dans lequel elle lui reprochait ses mutiples manquements à ses obligations ce suivi d’une lettre recommandée qui s’analyse en une prise d’acte

Elle rappelle que la cour de cassation a jugé qu’une démission était nécessairement équivoque lorsque celle ci trouvait sa cause dans les manquements antérieurs ou concomitants de l’employeur, même si celleci était émise sans réserve, ou lorsque le salarié se rétractait quelques jours plus tard en invoquant des griefs suffisamment graves.

L’ordonnance de cloture a été rendue le 1er septembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la lettre de démission

La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d’un licenciement nul si les manquements reprochés à l’employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d’une démission.

La prise d’acte ne produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu’à la condition que les faits invoqués, non seulement, soient établis, la charge de cette preuve incombant au salarié, mais constituent un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du

contrat de travail. S’il subsiste un doute, celui-ci profite à l’employeur

A l’appui de la prise d’acte, le salarié est admis à invoquer d’autres faits que ceux avancés dans le courrier de rupture.

Lorsque postérieurement à l’envoi d’une lettre de démission le salarié fait état de manquements de l’employeur antérieurs ou contemporains suceptibles de rendre la cause de la rupture équivoque le juge doit analyser si les comportements invoqués existent et dans l’affirmative si ils sont suceptibles de justifier une prise d’acte ou dans le cas contraire une démission.

En l’espèce l’intimée a adressé à son employeur une lettre de démission non motivée le 22 mars 2017 (pièce 12 de l’intimée) suivie d’un courriel en date du 27 mars évoquant expressément des " fautes et manquements aux obligations de l’employeur « et visant notamment des »pauses pipi" soumises à autorisation et heures supplémentaires sollicitées en dépit de problèmes de santé connus de l’employeur depuis début février (pièce 14) .

Ce courriel exprime in fine la volonté de la salariée de s’en remettre aux autorités compétentes.

Il a été directement suivi le 29 mars 2017 ( pièce 13 de l’intimée ) de la lettre recommandée de prise d’acte visant le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Ainsi le caractère équivoque de la lettre de démission est démontré et il convient en conséquence d’analyser si les manquements invoqués par la salariée sont réels et justifent la rupture du contrat de travail .

II Sur les manquements à l’obligation de sécurité invoqués par la salarié

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L’obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs .

L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; le pouvoir de direction de l’entreprise, qui passe par le droit pour l’employeur de donner des ordres et directives aux salariés pour le bon accomplissement de leur mission, celui de contrôler et de surveiller l’activité de ces derniers pendant le temps de travail, et celui d’évaluer leurs qualités professionnelles, s’exerce dans le cadre des normes susvisées dont il appartient au juge de la relation contractuelle de contrôler le respect et sanctionner la violation.

1- Les cadences de travail

Il ressort de la pièce 3 de l’intimée ( compte rendu de réunion du 9 février 2017 évaluant l’activité 2016 et fixant les objectifs 2017 ) qu’en 2016 les employés de CAPA ont traité en moyenne 24 appels par heure . Leur objectifs 2017 a été fixé à 26 appels par heure mais comprend également un nouvel objectif supplémentaire de 3000 appels par mois ( page 3/6) pour un temps plein ce qui correspond à 45,77 appels par heure.

L’employeur nie l’existence d’un tel objectif qu’il décrit comme irréalisable.

La cour note toutefois que l’objectif de 26 appels par heure dépasse largement les 3000 appels par mois, de même d’ailleurs que l’objectif 24 appels par heure. La mention d’un objectif supplémentaire de 3000 appels n’est donc pas un objectif mimimum mensuel.

Au regard de la pièce 45 de l’employeur fixant une prime maximum quand le temps moyen de traitement d’appel est inférieur à 1'30 l’objectif fixé correspond précisément à une durée en ligne de 59,50 minutes pour 45,77 appels par heure.

Ainsi la cour considère qu’à compter du mois de février 2017 l’objectif mensuel est passé de 24 appel à 45,77 appel par heure ;

Si cet objectif n’est effectivement pas sanctionné et la prime maximum acquise dès 30 appels traités par heure , il n’en demeure pas moins qu’il est suceptible de générer un stress au travail que l’organisation d’évènements festifs l’octroi de prêt, voire l’accord du télétravail (qui ne mofifie en rien les objectifs) ne peuvent faire disparaitre.

A cet égard la cour note que les témoignages produits par l’employeur (pièces 35 à 38) émanent d’un travailleur en CDD de trois mois, d’une superviseur qui n’est pas dans la même position que l’intimée au sein de l’entreprise et de deux salariées toujours employées qui ne font aucunement référence aux objectifs fixés et se bornent à souligner l’attitude positive de l’employeur à leur égard, ce qui n’est pas incompatible avec des objectifs stressants.

Le tableau d’évaluation des risque professionnels (pièce 51 de l’employeur) ne prend pas en considération le stress spécifique lié à l’instauration d’objectifs de production chiffrés et controlés alors que ce risque particulier est mis en évidence par la fiche INRS relative aux centres d’appel et transposable au travail d’un centre d’accueil téléphonique s’agissant dans les deux cas du traitement d’appels téléphoniques ; il convient d’ailleurs de remarquer que l’employeur était au fait de ce risque puisqu’il l’évoque dans la fiche de poste de télésecrétaire bureautique (pièce 3 de l’appelant) en rappelant l’exigence de résistance au stress.

En conséquence la cour considère que ce manquement à l’obligation de sécurité est établi.

[…]

L’intimée n’établit pas que les plannings de travail ne lui ont pas été remis en temps et heure , sa demande de réédition ne constitue en rien une preuve du gref invoqué à cet égard.

[…]

L’appelante indique n’avoir pu satisfaire normalement ses besoins physiologiques qui étaient soumis à l’autorisation de son superviseur en fonction du flux des appels y compris après son arrêt maladie dont il n’est pas contesté qu’il est en relations avec une pyélonéphrite (pièce 10).

Or il est admis que la prévention comme le traitement des pyélonéphrites et des cystites consiste dans une hydratation importante et des mictions fréquentes qui diminuent la charge bactérienne (pièce 34 de l’appelant et 17 de l’intimée).

Les attestations particulièrement circonstanciées versées aux débats par l’intimée (pièces 6, 7 et 8) établissent la réalité du reproche fait à l’employeur puisqu’il en ressort :

1/ qu’une salariée ayant des règles hémorragiques n’a pu se rendre aux toilettes et a souillé son fauteuil (pièce 6)

2/ qu’une liste d’attente était établie et les pauses chronométrées et archivées (donnant lieu à des retenues de salaires pour absence sans solde au delà d’un délai mensuel de pause de heures) pièce 7 de l’intimée)

3/ que les salariés évitaient de boire pour éviter les pauses ce qui occasionnait divers problemes de santé (cystite, baisse de tension)

Le compte rendu de la réunion du 9 février 2017 (pièce 3 de l’intimée) est à cet égard assez significatif puisqu’il aborde le problème de la gestion efficace des « pauses pipi ».

La cour retient par ailleurs que l’employeur ne fournit aucune explication aux « absences sans solde » comptabilisées pour des durées minimes ainsi qu’il ressort des bulletins de salaire de l’intimée alors qu’il affirme dans ses écritures que les retards ne sont pris en considération qu’au delà d’une demi
-heure de sorte que ces rtenues sur salaires ne correspondent pas à des retards.

Les attestations versées au débats par l’employeur mentionnent d’ailleurs un changement dans la gestion des pauses toilettes depuis février 2017 ; ainsi la pièce 35 de l’employeur mentionne "il nous laisse seules , depuis février 2017, gérer nos pauses toilette et cigarette « et pièce 38 »par exemple nous avions un système de pause perso ( pause pipi et cigarette) pour lequel nous devions nous inscrire sur une liste tenue par un superviseur «   » il arrivait au superviseur de nous demander d’attendre que le flux d’appel baisse avant d’y aller «   »le système des pauses a été remanié le 10 février 2017 ce qui nous permet q’y aller en toute autonomie «   » depuis tout se passe très bien ".

La cour relève que cette date correspond précisément au second arrêt maladie de l’intimée.

Ainsi il est établi que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de ce chef et il importe peu que la dégradation de l’état de santé de l’intimée soit la conséquence du système sus visé dès lors que cette organisation est en toute hypothèse un facteur aggravant quelle que soit l’origine de la pathologie et que l’obligation de sécurité vise égalemnt la prévention.

L’intimée reproche également à l’employeur l’absence de pause pour travail sur écran prévu à l’artcile R 4542-4 du code du travail ;

Il ressort des pièces produites et notamment du tableau d’évaluation des risque professionnels que ce risque particulier n’est pas pris en considération au travers d’un temps de pause spécifique répondant à une périodicité de travail déterminée fixée mais est inclus dans le temps de pause de 3 h par mois accordé à chaque salarié, ce qui apparait très insuffisant.

Ainsi les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité sont retenus. Leur importance, notamment s’agissant de la gestion des temps de pause, justifie la prise d’acte à l’origine de la rupture du contrat de travail ; le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point étant précisé qu’il n’apparait pas utile en l’espèce d’examiner la sanction disciplinaire intervenue le 16 mars 2017 dès lors que l’appelant comme l’intimée n’en tire aucune conséquence de droit.

III Sur les indemnités

a/ L’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l’article L 1235-3 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la prise d’acte , cette idemnité ne peut être inférieure au 6 dernier mois de salaires.

Au vu de l’ancienneté de l’intimée et de ses difficultés de santé la cour confirme la somme de 10 000 euros allouée en première instance.

b/ L’indemnité légale de licenciement

En application des articles L.1234-9 et R 1234-2 dans leur version en vigueur à la date du licenciement cette indemnité , qui peut se cumuler avec l’indemnité susvisée , est due au salarié cumulant un an d’ancienneté et ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaie par année d’ancienneté en deça de dix ans.

La somme de 912,89 euros allouée en première instance sera donc confirmée

c/ l’indemnité de préavis et indemnité compensatrice de congés payés préavis

En applicationd e l’article 1234-1 du code du travail l’intimée qui jusitifé de plus de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise peut prétendre à un prévais de deux mois soit 3042,98 euros outre 304,29 euros de congées payées afférent , le jugement sera donc confirmé sur ce point.

d/ paiement des congées payées

La cour retient le calcul effectué par les premiers juges et adopte leur motivation, l’indemnité accordée en première instance sera donc confirmée. e / demande de dommages intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

Ainsi que l’ont retenu à juste titre les juges de première instance , le fort turn over du personnel dans l’entreprise ainsi qu’il ressort du registre du personnel , les revendications de paiement des minutes de travail en sus de l’horaire fixé au contrat ( pv de réunion sus visé ) et les absences pour maladie outre les particularités de l’activité aurait dû attirer l’attention de l’entreprise sur la qualité réelle de la vie au travail pour ses salariés.L’intimée justifie d’un préjudice pour sa santé en lien avec ces conditions de travail mais également d’un préjudice moral lié aux conditions indignes de l’octroi des pauses physiologiques ce qui justifie les dommages intérêts alloués en premiere instance.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré sur le rapport du magistrat ayant entendu les plaidoiries,

Confirme le jugement rendu le 24 mai 2018 par le conseil des prud’hommes d’Aix en provence en toutes ses dispositions.

Deboute la SARL CAPA de sa demande au titre de l’article 700 du CPC

Condamne la sarl CAPA aux dépens .

Le greffier Le président

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 19 novembre 2021, n° 18/10392