Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 référés, 26 février 2021, n° 21/00002

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 1-11 réf., 26 févr. 2021, n° 21/00002
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 21/00002
Dispositif : Suspend l'exécution provisoire

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés

ORDONNANCE DE REFERE

du 26 Février 2021

N° 2021/0100

Rôle N° RG 21/00002 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BGXAH

S.C.P. GILLIBERT ET ASSOCIES

C/

S.A. DAILYMOTION

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Michel MOATTI

Me Grégory DAMY

Prononcée à la suite d’une assignation en référé en date du 16 Décembre 2020.

DEMANDERESSE

S.C.P. GILLIBERT ET ASSOCIES ES QUALITE D’ADMINISTRATEUR PROVISOIRE DE LA SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE, […]

Représentée par Me Michel MOATTI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Vincent CARADEC, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSE

S.A. DAILYMOTION, […]

Représentée par Me Grégory DAMY de la SELARL SOCIETE D’AVOCATS DAMY, avocat au barreau de NICE substitué par Me Florent DE FRANCESCHI de la SELARL SOCIETE D’AVOCATS DAMY, avocat au barreau de NICE

* * * *

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L’affaire a été débattue le 29 Janvier 2021 en audience publique devant Véronique NOCLAIN, Présidente, déléguée par ordonnance du premier président en application des articles 957 et 965 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mélissa NAIR.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Février 2021.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 26 Février 2021.

Signée par Véronique NOCLAIN, Présidente et Lydia HAMMACHE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par contrat de bail de droit commun à usage de bureaux en date du 7 janvier 2013, la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE a donné en location à la SA WATCHEVER GROUP, alors dénommée VIVENDI MOBILE ENTERTAINMENT, des locaux à usage de bureaux sis 29/[…]) avec effet au 1er juin 2013.

Ce contrat était établi pour une durée de neuf années, avec faculté pour le locataire de donner congé à l’expiration de chaque échéance triennale à condition d’en informer le bailleur par acte extrajudiciaire au moins six mois avant l’échéance. En outre, un dépôt de garantie était versé par le preneur, pour garantir notamment la remise en état des locaux lors de la restitution.

Par acte d’huissier en date du 16 novembre 2015, la SA WATCHEVER GROUP donnait à la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE son congé pour le 31 mai 2016. La SA WATCHEVER GROUP adressait en outre au bailleur une copie du congé par courrier recommandé en date du 25 novembre 2015.

Suite à la survenance d’un conflit quant à la fixation d’un état des lieux, la SA WATCHEVER GROUP faisait appel à un huissier de justice, lequel convoquait les parties et dressait un procès-verbal de constat d’état des lieux et de remise des clés en date du 29 juillet 2016, en présence de madame X Y, représentant la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE.

La SA WATCHEVER GROUP adressait à plusieurs reprises le procès-verbal par courriel au bailleur le 20 septembre 2016, le 12 octobre 2016 et le 21 novembre 2016. Ce dernier répondait par courrier recommandé en date du 15 décembre 2016 en précisant ne pas avoir précédemment eu connaissance de ce procès-verbal.

Le bailleur adressait le 6 janvier 2017 à la SA WATCHEVER GROUP des factures pour un montant total de 149 960, 93 € au titre d’ indemnités d’occupation pour les mois de juin à décembre 2016.

Par courrier recommandé en date du 24 janvier 2017, le preneur mettait le bailleur en demeure de restituer le dépot de garantie. Cette mise en demeure n’ayant pas été suivie d’effets, la SA WATCHEVER GROUP a saisi le tribunal de grande instance de Marseille par assignation en date du 4 avril 2017.

Parallèlement, par jugement en date du 28 mars 2017, le tribunal de grande instance de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE. Ce jugement a fait l’objet d’une publication au BODACC les 22 et 23 avril 2017, soit postérieurement à la signification de l’assignation du 4 avril 2017.

Toutefois, le preneur allègue qu’il n’a été informé de l’existence de la procédure de redressement judiciaire que le 11 mai 2018.

Par jugement en date du 9 octobre 2018, la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE a été placée en liquidation judiciaire. La cour d’appel de céans a infirmé l’ouverture de la liquidation judiciaire par un arrêt rendu le 11 juillet 2019.

Par jugement en date du 26 octobre 2020, le président du tribunal judiciaire de Marseille a :

— débouté la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

— condamné la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE à restituer à la SA DAILYMOTION, venue aux droits de la SA WATCHEVER GROUP, la somme de 53 750 € au titre du dépôt de garantie, outre les intérêts capitalisés calculés au taux légal, la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

— ordonné l’exécution provisoire dudit jugement

Le 16 décembre 2020, la SCP GILLIBERT & ASSOCIES, agissant en qualité d’administrateur provisoire de la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE, a assigné en référé la SA DAILY MOTION, venue aux droits de la SA WATCHEVER GROUP, devant le premier président de la cour d’appel de céans au visa de l’ancien article 524 du code de procédure civile afin, à titre principal, de suspendre l’exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Marseille le 26 octobre 2020 car cette exécution est interdite par la loi, à titre subsidiaire, de suspendre l’exécution provisoire au motif de l’existence d’un risque de conséquences manifestement excessives et en tout état de cause, de condamner la SA DAILY MOTION à lui verser une indemnité de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

En réponse, la SA DAILYMOTION a présenté ses conclusions en défense tendant au rejet des demandes de la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE, à la confirmation de l’exécution provisoire du jugement rendu le 26 octobre 2020 et la condamnation de la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE au paiement de la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Demanderesse et défenderesse ont soutenu leurs écritures, précédemment notifiées, lors de l’audience du 28 janvier 2021 à 8h30 ; ils ont confirmé leurs demandes initiales.

Il sera renvoyé aux écritures des parties pour un examen complet des moyens et prétentions présentés par ces dernières.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l’article 524 ancien du code de procédure civile, lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, par le premier président ou son délégataire statuant en référé, que si elle est interdite par la loi ou si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Celles-ci sont appréciées au regard de la situation du débiteur de l’obligation, compte tenu de ses facultés et au regard de celles de remboursement de la partie adverse.

En l’espèce, la SCP GILLIBERT ET ASSOCIES es qualités affirme que la condamnation à payer une créance antérieure à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE est 'manifestement interdite par la loi’ en application de l’article

L.622-21-1 du code de commerce, que la société DAILY MOTION n’a au surplus pas déclaré sa 'prétendue créance’ de restitution du dépôt de garantie à son passif , que sa demande en relevé de forclusion à ce titre a été jugée irrecevable, que cette créance lui est donc inopposable en application de l’article 622-26 alinéa 2 du code de commerce. Elle affirme n’avoir nullement manqué à son obligation de restitution du dépôt de garantie avant son placement en redressement judiciaire le 28 mars 2017 car elle a considéré qu’elle ne devait pas rendre ce dépôt, la société DAILY MOTION ayant supprimé des murs dans les lots loués et s’étant engagée à rétablir les lieux à son départ, ce qu’elle n’a pas exécuté ; elle affirme que la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE ne devait au surplus aucune somme ainsi que conclut au fond eu égard au devis de remise en état des lieux d’un montant de 67.963,75 euros.

La demanderesse expose ensuite que la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE a obtenu un plan de redressement le 11 juillet 2019, que depuis la crise sanitaire, la SCI n’a pas pu percevoir de nombreux loyers et est donc en situation financière fragile, que la situation de la défenderesse qui ne publie pas ses comptes depuis 2016 est des plus préoccupantes, que son chiffre d’affaires est ainsi tombé de 58 millions d’euros environ en 2016 à 22 millions d’euros en 2017, qu’il existe donc un risque de non-restitution en cas d’infirmation de la décision déférée.

En réplique, la SA DAILY MOTION affirme que l’exécution provisoire portant sur la restitution d’un dépôt de garantie et non sur une condamnation à payer une somme d’argent, elle n’est pas interdite et qu’au surplus, lorsque le jugement de redressement judiciaire a été prononcé le 28 mars 2017 à l’égard de la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE, cela faisait près de huit mois que la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE manquait à se sobligations de restitution du dépôt de garantie ; elle ajoute que la SCI LES HUILERES DE L’ETOILE n’a pas prévenu le mandataire judiciaire de l’existence de sa créance ni la société WATCHEVER GROUP de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; elle ajoute que l’article 524 ancien sus-visé ne prévoît que les cas dans lesquels l’exécution provisoire est interdite par la loi et non les cas dans lesquels la condamnation est interdite par la loi, qu’en l’espèce, s’agissant de la restitution d’un dépôt de garantie, l’exécution provisoire n’est nullement interdite et qu’il n’appartient pas au premier président de statuer sur une prétendue irrégularité de la décision déférée.

S’agissant de l’existence d’un risque de conséquences manifestement excessives, la SA DAILY MOTION précise qu’elle est une filiale du groupe VIVENDI dont le chiffre d’affaires s’élève à plus de 15,9 milliards d’euros et le bénéfice de 1,7 milliards d’euros, que le groupe VIVENDI est toujours venu au soutien de sa filiale, que le 19 janvier 2021, le groupe VIVENDI a produit une lettre de garantie en cas d’infirmation de la décision déférée et qu’il n’existe donc pas de risque de non-recouvrement ainsi que soutenu par la demanderesse. Elle ajoute que la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE possède un bien immobilier valant plusieurs millions d’euros, que le paiement des sommes litigieuses ne peut donc compromettre son équilibre, que le dépôt de garantie n’est pas un actif disponible pour le bailleur, que le sort de ce dépôt ne peut donc influer sur l’état de cessation des paiements de la demanderesse et sur la 'prétendue fragilité financière’ de cette dernière, qu’ il n’existe en réalité aucun risque de conséquences manifestement excessives à régler immédiatement les sommes dues.

Ainsi que soutenu en défense, le débat initié par la SCP GILLIBERT es qualités sur la nature de la créance de la SA DAILY MOTION, qui serait antérieure au prononcé du redressement judiciaire de la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE , relève du fond donc de la seule compétence de la cour d’appel et ne porte pas sur une interdiction de droit de prononcer une condamnation en restitution d’un dépôt de garantie avec exécution provisoire. En réalité, l’existence d’une d’interdiction juridique de prononcer cette condamnation avec exécution provisoire n’est pas rapportée. Le moyen soulevé par la demanderesse à ce titre sera donc rejeté.Il sera d’ailleurs souligné qu’en première instance, la SCP GILLIBERT ET ASSOCIES es qualités et la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE n’ont pas présenté d’observations sur l’exécution provisoire de la décision.

Quant au risque de conséquences manifestement excessives, à examiner au regard de la situation du débiteur de l’obligation, compte tenu de ses facultés et au regard de celles de remboursement de la partie adverse, il sera constaté que la SCI LES HUILERIES DE L’ETOILE est en situation de redressement judiciaire depuis avril 2017; la SCP GILLIBERTS ET ASSOCIES précise, sans être contredite, que depuis 2 ans, aucune offre sérieuse de rachat de ses actifs immobiliers n’a été présentée et qu’elle a accusé en 2020 des arriérés de loyers en raison de la crise sanitaire. Cette situation fragile caractérise suffisamment un risque de conséquences manifestement excessives au paiement immédiat de l’ensemble des sommes mises à sa charge, soit la somme de 53 750 € au titre du dépôt de garantie, outre les intérêts capitalisés calculés au taux légal, la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Il sera donc fait droit à l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision déférée.

Il n’est pas inéquitable de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties supportera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, après débats en audience publique, par décision contradictoire

-Ordonnons l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision déférée ;

— Ecartons les demandes des parties en application de l’article 700 du code de procédure civile;

- Laissons à chacune des parties la charge de ses dépens.

Ainsi prononcé par la mise à disposition de la présente décision au greffe de la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 26 février 2021, date dont les parties comparantes ont été avisées à l’issue des débats.

La Greffière La Présidente

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 référés, 26 février 2021, n° 21/00002