Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 15 décembre 2020, n° 19/04203

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 1re ch. civ., 15 déc. 2020, n° 19/04203
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 19/04203
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

X

E

C/

Y

FD/VB

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 19/04203 – N° Portalis DBV4-V-B7D-HK5S

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’AMIENS DU VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF

PARTIES EN CAUSE :

Madame B H I X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

80850 BERTEAUCOURT-LES-DAMES

Madame D F E

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

80850 BERTEAUCOURT-LES-DAMES

Représentés par Me CHRISTIAN substituant Me Christian LUSSON de la SCP LUSSON ET CATILLION, avocats au barreau d’AMIENS

APPELANTES

ET

Monsieur Z Y

né le […] à […]

de nationalité Française

5 résidence Christian

[…]

Représenté par Me Philippe BRIOT de la SCP BRIOT, avocat au barreau d’AMIENS

INTIME

DEBATS :

A l’audience publique du 13 octobre 2020, l’affaire est venue devant M. Fabrice DELBANO, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Fabrice DELBANO, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L’ARRET :

Le 15 décembre 2020, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Fabrice DELBANO, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

*

* *

DECISION :

B X et D E (les acquéreurs) ont, par acte du 8 juillet 2015, acquis de M. Y (le vendeur) un immeuble à usage d’habitation dans lequel celui-ci avait réalisé lui-même des travaux d’agrandissement.

Se plaignant de la présence d’infiltrations, de l’apparition de traces de moisissures, ainsi que de décollements de papiers peints et d’une surconsommation d’énergie, elles ont, après expertise judiciaire, recherché la responsabilité du vendeur qu’elles ont assigné devant le tribunal de grande instance d’Amiens par acte du 30 mai 2018.

Par jugement du 25 avril 2019, le tribunal les a déboutées de leur demande fondée sur la garantie des vices cachés, a condamné le vendeur, au titre de la garantie décennale, à leur payer la somme de 4 000 euros, outre 900 euros en réparation de leur préjudice de jouissance et a rejeté leurs autres demandes.

Par déclaration du 23 mai 2019, les acquéreurs ont fait appel.

L’instruction a été clôturée le 31 janvier 2020 et l’affaire a été fixée à l’audience des débats du 13 octobre 2020.

Vu les dernières conclusions :

— du 26 juin 2019 pour les acquéreurs, appelants,

— du 6 août 2019 pour le vendeur, intimé et appelant incident ;

SUR CE

Les acquéreurs demandent l’infirmation du jugement et la condamnation du vendeur au paiement des sommes de 27 992,50 euros et de 15 000 euros respectivement en réparation de leurs préjudices matériel et de jouissance.

Elles exposent que les désordres relevés par l’expert judiciaire constituent des vices cachés, puisque même apparents à la vente ils ne pouvaient être décelés par des novices, et que les travaux ayant été réalisés par le vendeur, celui-ci a la qualité de constructeur ou est réputé constructeur, ce qui l’exclut du bénéfice de la clause exonératoire de garantie stipulée.

Le vendeur conclut à la confirmation du jugement du chef de la garantie des vices cachés.

L’article 1641 du code civil énonce :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. ».

En outre, l’article 1642 de ce code précise que le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même, l’article 1643 ajoutant qu’il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.

En l’espèce, l’acte authentique de vente comporte une clause exonératoire de garantie des vices cachés au bénéfice du vendeur, ainsi limitée :

« S’agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s’applique pas :

— si le vendeur a la qualité de professionnel de l’immobilier ou de la construction, ou s’il est réputé ou s’est comporté comme tel,

— s’il est prouvé par l’acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur. ».

Le même acte décrit comme suit les travaux réalisés par le vendeur lui-même : « Agrandissement : construction d’une salle de bains, WC et buanderie au rez-de-chaussée » étant relevé que dans ses dernières conclusions, le vendeur indique avoir réalisé une extension de 17m² environ.

Il s’ensuit que le vendeur s’est comporté comme un constructeur pour les travaux concernés (admettant du reste qu’il a bien cette qualité au titre de la responsabilité décennale), ce qui l’exclut du bénéfice de l’exonération de garantie des vices cachés à laquelle il est tenu, quand bien même les vices n’auraient pas été décelables par des profanes.

Il résulte du rapport de l’expert judiciaire que l’immeuble vendu est affecté des vices suivants (à l’exception de la non-conformité électrique, signalée aux acquéreurs et non concernée par le litige et de l’absence d’isolation des combles, elle aussi apparente même à des profanes) :

— humidité dans la salle de bains et dans les toilettes du couloir,

— humidité dans le séjour côté cour, papier peint décollé,

— défauts de pose de la couverture, absence de sous-toiture,

— sur la toiture, absence de sortie de ventilation de chute, tuiles faîtières non fixées, non-conformité des jonctions de toiture n’assurant pas l’étanchéité, descentes d’eaux pluviales en pvc non conformes aux règles de l’art,

— raccordement des eaux usées de la partie salle de bains à l’égout non conforme,

— VMC de la salle de bains non raccordée au groupe présent dans les combles l’empêchant de fonctionner, VMC dans la cave sans arrivée d’air neuf,

— épaisseur du mur extérieur de l’extension inférieur à 20 cm, non enduit, dont l’étanchéité n’est pas conforme aux règles de l’art,

— humidité dans l’angle du mur mitoyen,

— mur en parpaings non terminé côté voisin, sans étanchéité supérieure ni protection d’étanchéité et manquant d’isolation,

— présence d’un vide à l’air libre sans isolation ni étanchéité sur le mur latéral de l’extension.

L’expert conclut que les désordres constatés sont dus à la non-conformité des travaux réalisés par le vendeur aux règles de l’art, et préexistaient avant la vente et étaient connus du vendeur, les infiltrations d’eau dans les murs et cloisons risquant de rendre l’habitation insalubre.

Les vices cachés aux acquéreurs étant connus du vendeur par ailleurs réputé constructeur, ce dernier est tenu à garantie sans pouvoir se prévaloir de la clause d’exclusion à son profit, dès lors que les vices sont tels que si les acquéreurs les avaient connus, ils auraient nécessairement payé un moindre prix ou n’auraient pas acquis l’immeuble.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a débouté les acquéreurs de leurs demandes fondées sur l’action en garantie des vices cachés.

Le vendeur doit ainsi être condamné au titre de la garantie des vices cachés (excluant la non-conformité de l’installation électrique mentionnée dans l’acte de vente et l’absence d’isolation des combles, visible même pour des profanes, ainsi que les vices affectant l’ancienne grange dès lors que rien n’établit que le vendeur aurait lui-même construit cette partie, puisqu’il conteste aujourd’hui avoir dit le contraire à l’expert et que ces désordres concernent le défaut de pose de la couverture sans que rien ne permette d’affirmer qu’ils étaient connus du vendeur ou décelables par lui) au paiement du coût des travaux de reprise.

En l’absence de production par les parties du moindre devis relatif aux seuls vices concernés (la pièce n° 3 produites par les acquéreurs, qui porte sur des travaux de rénovation énergétique étant sans lien avec les vices cachés retenus en ce qu’elle porte notamment sur l’isolation de fenêtres non concernées par le litige, alors que le devis Brailly Dany évoqué par le vendeur n’a pas été retenu par l’expert), il y a lieu de prendre pour base l’estimation des travaux de reprise faite par l’expert judiciaire au vu d’un

devis qu’il a lui-même sollicité et soumis aux parties qui ont pu le contester au moyen de dires dont il a été tenu compte.

L’expert a ainsi retenu un coût de 27 992,50 euros, toutes taxes comprises, dont il faut déduire la somme de 4 295 euros hors taxes (soit 4 724,50 euros toutes taxes comprises) correspondant à la réfection de la toiture.

Il y a donc lieu de condamner le vendeur à payer aux acquéreurs la somme de 23 268 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des vices cachés, le jugement devant être infirmé en ce qu’il a mis à la charge du vendeur le paiement de la somme de 4 000 euros.

Les acquéreurs réclament une somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance futur lié aux travaux de reprise et en raison de la surconsommation énergétique qu’elles supportent et des problèmes d’humidité, exposant encore que leur enfant en bas-âge présente de graves lacunes respiratoires en raison de cette humidité et doit régulièrement subir des séances de kinésithérapie.

Il n’est pas contestable que les acquéreurs subissent un trouble de jouissance en raison des vices affectant l’immeuble et se traduisant par une importante humidité, l’expert ayant à cet égard précisé que le logement était à la limite de l’insalubrité, comme ils subiront les perturbations liées aux travaux de reprise.

Toutefois, ni l’expert ni le devis sur le lequel il a chiffré le coût des travaux ne donnent la durée prévisible des travaux, pas plus que ne le font les appelantes, de sorte que la cour n’est pas en mesure de déterminer l’étendue du préjudice de jouissance qui résultera des travaux de reprise et, n’ayant pas à suppléer la carence probatoire des appelantes, ne peut prendre en compte ce préjudice qu’à hauteur de 2 000 euros compte tenu de son caractère certain.

Doit y être ajoutée une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice de jouissance antérieur à la reprise des vices, prenant en compte les conséquences de la vie en milieu humide pour les occupants, en l’absence d’élément permettant à la cour d’apprécier autrement l’étendue de ce poste, étant relevé que l’étude de faisabilité technique et financière pour la rénovation énergétique ne permet pas d’imputer la part de surconsommation alléguée par les acquéreurs aux seuls vices litigieux, dans la mesure où elle prend en compte l’absence d’isolation dues aux huisseries.

Le trouble de jouissance sera donc au total indemnisé par le versement par le vendeur d’une somme de 5 000 euros, le jugement étant infirmé en ce qu’il a condamné le vendeur au paiement d’une somme de 900 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

— Infirme, dans les limites de l’effet dévolutif de l’appel, le jugement rendu le 25 avril 2019 par le tribunal de grande instance d’Amiens (RG n° 18/1779) ;

— Statuant à nouveau des chefs infirmés :

— Condamne Z Y à payer à B X et D E les sommes globales de :

—  23 268 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des vices cachés, outre les intérêts aux taux légal à partir du 30 mai 2018,

—  5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance, outre les intérêts

au taux légal à partir du 30 mai 2018 ;

— Déboute Z Y de ses demandes ;

— Le condamne aux dépens de première instance et d’appel, qui comprendront le coût de l’expertise judiciaire ;

— Vu l’article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à B X et D E la somme globale de 3 500 euros et rejette sa demande de ce chef.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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