Cour d'appel d'Amiens, n° 12/05519

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, n° 12/05519
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 12/05519

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

X I J

C/

SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE

XXX

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : 12/05519

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL D’INSTANCE D’AMIENS DU VINGT QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE DOUZE

PARTIES EN CAUSE :

Madame C X I J

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Représentée par Me Virginie DE VILLENEUVE, avocat au barreau D’AMIENS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/014065 du 15/01/2013 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AMIENS)

APPELANTE

ET

SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE PICARDIE

XXX

XXX

Représentée par Me PILLOT substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE PAUWELS DERBISE, avocats au barreau D’AMIENS

INTIMEE

DEBATS :

A l’audience publique du 16 mai 2014, l’affaire est venue devant Madame Marie-Christine LORPHELIN, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 05 septembre 2014.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Lionel RINUY, président, Mme Marie-Christine LORPHELIN et Mme E F, conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L’ARRÊT :

Le 05 septembre 2014, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et le président étant empêché, la minute a été signée par Mme Marie-Christine LORPHELIN, conseiller le plus ancien, et Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

*

* *

DECISION :

Par un acte d’huissier du 7 mars 2011, Madame C X a fait assigner la Caisse d’Epargne de Picardie devant le juge d’instance d’AMIENS aux fins de la voir condamnée à lui régler la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant du manquement de cette banque à son devoir de mise en garde et à ses obligations d’information et de conseil à l’occasion de la souscription de trois emprunts souscrits les 14 avril 2009, 6 janvier 2010 et 27 mai 2010, des contrats d’assurance garantissant ces emprunts et d’un contrat d’assurance du 6 janvier 2010 garantissant les accidents de la vie, outre une indemnité de 1.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, et la voir condamnée aux dépens.

La Caisse d’Epargne a contesté sa responsabilité en faisant valoir que l’endettement résultant des engagements pris par Madame X n’était pas excessif en considération de ses revenus et que celle-ci ne subissait pas de préjudice dès lors que la commission de surendettement préconisait l’effacement des trois crédits accordés.

Par un jugement du 24 octobre 2012, le tribunal d’instance d’AMIENS, faisant droit à l’argumentation de la Caisse d’Epargne, a débouté Madame X de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée à payer à la Caisse d’Epargne de Picardie la somme de 300 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement en application de l’article 700 du code de procédure civile, a ordonné l’exécution provisoire du jugement et a condamné Madame X aux dépens.

Vu l’appel de ce jugement formé par Madame X par une déclaration d’appel du 10 décembre 2012 ;

Vu l’arrêt du 21 mars 2014 mettant d’office aux débats l’article 6-1 de la loi 2010-737 du 1er juillet 2010, invitant les parties à conclure sur l’application des articles L 311-8 à L 311-10-1 du code de la consommation au présent litige, ordonnant la réouverture des débats à l’audience du 16 mai 2014 et réservant les dépens ;

Vu les ultimes conclusions transmises par RPVA le 15 avril 2014, aux termes desquelles Madame X, au visa des articles L 311-8 et suivants du code de la consommation et 1147 du code civil, prie la Cour de :

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d’instance d’AMIENS le 24 octobre 2012 ;

— constater le manquement de la Caisse d’Epargne à son devoir de mise en garde ainsi qu’à ses obligations d’information et de conseil ;

— condamner la Caisse d’Epargne au paiement d’une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l’ensemble de ses préjudices et la somme de 845,48 euros au titre des frais bancaires ;

— condamner la Caisse d’Epargne au paiement d’une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la Caisse d’Epargne en tous les dépens dont distraction est requise au profit de la SCP de Villeneuve -Crépin – Herbault ;

Vu les ultimes conclusions transmises par RPVA le 7 avril 2014, aux termes desquelles la Caisse d’Epargne de Picardie, demande à la Cour de débouter Madame Z de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner Madame X à lui payer une somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SCP Lebègue – Pauwels – Derbise, avocats constitués.

CECI EXPOSE,

— Sur la loi applicable :

Dans le dernier état de ses conclusions, l’appelante précise que les articles L 311-6 et suivants du code de la consommation issus de la loi 2010-737 du 1er juillet 2010 ne sont pas applicables dès lors que les crédits litigieux ont été souscrits plusieurs mois avant leur entrée en vigueur et qu’elle a introduit son instance devant le premier juge par un acte d’huissier délivré le 7 mars 2011.

La Caisse d’Epargne a conclu dans le même sens.

Il convient en effet de faire application au présent litige des textes du code de la consommation en vigueur à la date de la souscription des emprunts litigieux, l’article 6-1 de la loi 2010-737 du 1er juillet 2010 prévoyant que les articles L 311-8 à L 311-10-1 entrent en vigueur le premier jour du dixième mois suivant celui de la publication de cette loi (JO du 2 juillet 2010) et qu’ils s’appliquent aux contrats dont l’offre a été émise après la date d’entrée en vigueur.

— Sur le manquement de la banque à ses obligations d’information et de conseil et à son devoir de mise en garde :

La Caisse d’Epargne de Picardie a accordé à Madame C X les prêts suivants :

— suivant une offre acceptée le 14 avril 2009, un prêt personnel d’un montant de 8.500 euros remboursable en 65 mensualités de 172,52 euros au taux de 9,21 % (TEG : 10,04 %) ;

— suivant une offre acceptée du 6 janvier 2010, un prêt personnel d’un montant de 8.000 euros remboursable en 65 mensualités de 158,20 euros au taux de 8,14 % (TEG : 8,88 %) ;

— suivant une offre acceptée le 27 mai 2010, un crédit renouvelable dénommé « IZICARTE » d’un montant de 1.000 euros remboursable à hauteur de 30 euros par mois, au taux variable compris entre 9,90 % et 18,29 %, hors assurance facultative, en fonction du montant des opérations.

Les deux premières opérations de crédit ont été accompagnées de l’adhésion de Madame X à l’assurance facultative au titre de la perte totale et irréversible d’autonomie et du décès, pour un coût de 386,75 euros pour le prêt personnel du 14 avril 2009 et de 364 euros pour le prêt personnel du 6 janvier 2010.

Le crédit renouvelable « IZICARTE » est assorti d’une assurance moyennant le règlement d’une cotisation mensuelle de 4,40 euros.

Par un contrat prenant effet au 6 janvier 2010, Madame X a en outre souscrit une assurance « Garantie Accidents de la Vie » proposée par la GCE Assurances dépendant du Groupe Caisse d’Epargne.

*****

Madame X soutient que la Caisse d’Epargne, dont elle est cliente depuis de nombreuses années, n’ignorait rien de la précarité de sa situation personnelle au moment où elle a souscrit les engagements litigieux, notamment le fait qu’elle est I, assume la charge d’une enfant, est invalide et ne peut plus exercer la moindre activité professionnelle depuis le 3 août 2007 et que ses ressources sont constituées d’une pension d’invalidité, de prestations sociales servies par la caisse d’allocations familiales et d’une pension alimentaire versée par son ex-conjoint au titre de sa part contributive à l’entretien et l’éducation de leur fille.

Elle fait valoir notamment que :

— A la date du prêt du 14 avril 2009 :

* elle devait assumer des mensualités de 160 euros au titre du remboursement d’un prêt contracté auprès de la société FINAREF, alors que ses ressources mensuelles s’élevaient à la somme de 1.322,04 euros et non à 1.606,26 euros, comme l’a retenu le premier juge en prenant en considération des prestations de chômage auxquelles elle n’ouvrait plus droit à cette date (ASS) ;

* les relevés de son compte courant ouvert à la Caisse d’Epargne démontrent qu’elle rencontrait des difficultés pour régler ses charges courantes ;

* son taux d’endettement a été porté à 27 % du fait de l’engagement pris auprès de la Caisse d’Epargne au titre du premier prêt personnel ;

— A la date du 6 janvier 2010 :

* elle percevait des ressources d’un montant mensuel de 1.415,35 euros ;

* elle assumait la charge d’un enfant, un loyer résiduel de 184,27 euros, le remboursement du premier prêt personnel souscrit auprès de la Caisse d’Epargne par mensualités de 172,52 euros et un prélèvement mensuel de 160 euros de la société FINAREF, charge parfaitement connue de la Caisse d’Epargne puisque cette somme était prélevée sur son compte courant ;

* en souscrivant une nouvelle charge d’emprunt à hauteur de 158,21 euros par mois, son taux d’endettement a été porté à 48 % ;

* en aucun cas, la Caisse d’Epargne n’aurait dû lui octroyer ce second prêt personnel, alors que le précédent qui lui avait été accordé à peine dix mois plus tôt n’avait pas suffi à solder complètement le prêt FINAREF, ni à assainir sa situation financière personnelle ;

— A la date du 27 mai 2010 :

* son compte bancaire présentait un solde constamment débiteur depuis le début de l’année 2010 et sa situation se trouvait complètement obérée puisque la somme de 16.500 euros prêtée par la banque n’avait pas suffit à équilibrer sa situation financière ;

* la Caisse d’Epargne, qui aurait dû l’enjoindre de déposer un dossier de surendettement, a aggravé son endettement en lui faisant souscrire un crédit renouvelable alors que ses revenus étaient en baisse, puisqu’elle a perçu 1.007, 74 euros en mars 2010, 958,94 euros en avril 2010 et 966,78 euros en mai 2010.

Elle ajoute, s’agissant des assurances souscrites au titre de la garantie des sommes empruntées, que la Caisse d’Epargne a ignoré sa situation médicale et ne lui a fait remplir aucun questionnaire de santé, alors qu’elle bénéficiait d’une pension d’invalidité à la suite d’un cancer. Elle soutient qu’en omettant de lui faire remplir un questionnaire spécifique destiné à l’assureur, la Caisse d’Epargne l’a conduite à faire de fausses déclarations et lui a fait perdre le bénéfice de l’assurance, puisqu’en cas de mise en 'uvre des garanties prévues au contrat d’assurance au titre de la perte totale et irréversible d’autonomie ou le décès, la compagnie d’assurance serait en droit de se prévaloir des dispositions de l’article L 311-8 du code des assurances et de s’opposer à toute indemnisation pour fausse déclaration ou réticence de l’assuré. Elle ajoute qu’elle n’avait aucun intérêt à souscrite un contrat d’assurance « Garantie Accidents de la Vie », alors que sa situation financière était tellement obérée au début de l’année 2010 qu’il n’était certainement pas utile de mettre encore à sa charge une charge de 8 euros par mois.

Elle précise avoir déposé un dossier de surendettement le 18 février 2011 et respecter les échéances du plan de remboursement élaboré par la commission de surendettement.

*****

La Caisse d’Epargne, qui poursuit la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté Madame X de ses prétentions, conteste tout manquement à son devoir de conseil et de mise en garde en faisant valoir que :

— Sur les conditions d’octroi du premier prêt personnel consenti le 14 avril 2009 :

* Madame X lui a fourni des éléments permettant de retenir qu’elle disposait de ressources mensuelles de 1.606 euros, en particulier une fiche de situation de Pôle Emploi faisant apparaître qu’elle percevait l’allocation spécifique de solidarité, et qu’elle supportait la charge d’un loyer résiduel de 184,27 euros ;

* Madame X ne peut prétendre sans mauvaise foi qu’elle supportait à l’époque le remboursement par échéances mensuelles de 160 euros d’un prêt contracté auprès de la société FINAREF, alors que le prêt personnel qu’elle lui a consenti le 14 avril 2009 a servi précisément à solder intégralement le remboursement de cet emprunt par le règlement d’une somme de 4.087,11 euros au moyen d’un chèque de banque ;

* le taux d’endettement résultant du premier prêt personnel, qui s’établit à 22,21 %, apparaît raisonnable ;

* même en excluant l’allocation spécifique de solidarité des revenus de Madame X, le taux d’endettement n’avait rien d’excessif, puisque, dans cette hypothèse, il conviendrait de retenir un revenu mensuel de 1.322 euros et un taux d’endettement de 27,22 % ;

— Sur les conditions d’octroi du prêt personnel du 6 janvier 2010 :

* Madame X justifiait de ressources d’un montant global mensuel de 1.415,35 euros et de charges mensuelles de 422,49 euros (250 euros au titre du loyer et 172,49 euros au titre du remboursement du premier prêt personnel consenti le 14 avril 2009) ;

* en incluant aux charges le montant de la mensualité du prêt projeté et finalement accordé, d’un montant de 158,20 euros par mois, les charges mensuelles devaient s’établir à 580,69 euros soit un taux d’endettement d’un peu plus de 40 %, qui n’apparaît pas manifestement excessif en considération du solde disponible après règlement des charges, soit plus de 990 euros ;

* Madame X n’a pas porté à sa connaissance qu’elle avait souscrit un nouveau prêt auprès de la société FINAREF ;

* au vu des renseignements connus de la banque et déclarés par l’emprunteur, il apparaît que Madame X était tout à fait à même de faire face au remboursement des crédits accordés et il n’existait pas, comme elle le soutient, un état patent de surendettement ;

— Sur les conditions d’octroi du crédit renouvelable « IZICARTE » :

* les mensualités d’un tel crédit sont peu importantes et n’ont pas conduit à un endettement excessif ;

— Sur les assurances souscrites par Madame X :

* Madame X n’établit pas avoir souscrit ces engagements contre son gré ;

* elle n’est pas fondée à soutenir que ces produits d’assurance, notamment le risque « décès », ne présentaient aucun intérêt au regard de sa situation ;

* l’intérêt d’une assurance décès et d’une assurance « Garantie Accidents de la Vie » est parfaitement évident dès lors qu’elle indique elle-même qu’elle a un enfant à charge.

*****

L’article 1147 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Le banquier est tenu à l’égard de l’emprunteur profane d’un devoir de vérification de ses capacités financières et de mise en garde sur les risques de surendettement né de l’octroi des prêts qu’il accorde.

La qualification d’emprunteur profane de Madame X n’est pas discutée et doit être retenue au cas d’espèce en considération de sa situation personnelle au moment de la situation des divers engagements litigieux.

La Cour relève que, si le premier juge a exactement retenu que les conditions d’octroi du premier prêt personnel du 14 avril 2009 n’engagent pas la responsabilité de la Caisse d’Epargne en ce que, d’une part, ce crédit a permis d’apurer intégralement les sommes dues à cette date à la société FINAREF, comme l’établissent la situation de compte du 14 avril 2009 faisant apparaître un solde de 4.087,11 euros et le chèque de banque d’un montant identique tiré par Madame X sur son compte courant ouvert à la Caisse d’Epargne de Picardie le 25 avril 2009, d’autre part, en considération des revenus et des charges déclarés par Madame X, le taux d’endettement en résultant était compatible avec ses capacités financières, en revanche, la banque a manifestement failli à son obligation de mise en garde à l’occasion de l’octroi du second prêt personnel du 6 janvier 2010 et du crédit renouvelable « IZICARTE » du 27 mai 2010, opérations qui ont aggravé la situation d’endettement de Madame X en portant son taux d’endettement de 22,21 % à 48 %.

En effet, la lecture des relevés du compte courant n° 18025 002000 04053319495 ouvert au nom de Madame X dans les livres de la Caisse d’Epargne de Picardie fait ressortir les éléments suivants :

— ce compte présentait au début de l’année 2010 une situation débitrice, étant relevé que, le 5 janvier 2010, la société FINAREF a prélevé une mensualité de 160 euros, ce qui démontre qu’à cette date, Madame X avait souscrit à l’égard de cet organisme de crédit de nouveaux engagements, qu’un examen attentif des mouvements enregistrés par son compte bancaire permettait à la Caisse d’Epargne de connaître ;

— cette situation débitrice n’a été résorbée temporairement que par le déblocage le 22 janvier 2010 de la somme de 7.920 euros empruntée le 6 janvier 2010 ;

— dès le 26 février 2010, le compte présentait à nouveau un solde débiteur ;

— Madame X a eu recours à un nouvel appel de fonds auprès de la société FINAREF le 15 mars 2010 en obtenant le déblocage d’une somme de 2.255 euros, puis de 200 euros le 11 mai 2010, sommes qui ont servi temporairement à apurer le découvert bancaire ;

— le compte s’est de nouveau trouvé débiteur à compter du 14 mai 2010 ;

— la Caisse d’Epargne a accordé une nouvelle facilité de trésorerie à Madame X le 27 mai 2010 en lui octroyant un crédit de 1.000 euros renouvelable permettant le paiement à crédit au moyen de la carte bancaire « IZICARTE ».

Il convient de constater que la Caisse d’Epargne, qui n’établit pas avoir mis sa cliente en garde contre le risque de surendettement, a manqué manifestement à ce devoir en lui accordant de nouvelles facilités de trésorerie à compter du 6 janvier 2010, alors que la situation de celle-ci était irrémédiablement compromise, puisque ses revenus avaient baissé, les renseignements fournis à la banque ne faisant plus apparaître de règlement au titre des prestations de chômage, qu’elle avait de nouveau recours à des moyens particulièrement ruineux pour régler ses charges courantes en s’endettant auprès de la société FINAREF, et qu’elle se trouvait manifestement hors d’état de rembourser le prêt personnel qui lui avait été consenti le 14 avril 2009, sans parvenir à apurer son endettement chronique, aggravé par les frais bancaires que la banque lui facturait.

En revanche, c’est vainement que Madame X recherche la responsabilité de la Caisse d’Epargne au titre d’un défaut de conseil lors de l’adhésion à l’assurance de groupe garantissant les deux prêts personnels et l’ouverture de crédit en compte courant, alors que la lecture des contrats de prêts qu’elle a signés ne fait nullement apparaître que ces garanties étaient soumises à une déclaration de santé ou à un questionnaire préalable sur l’état de santé du souscripteur, dès lors que l’assuré est âgé de moins de 61 ans et le prêt souscrit inférieur à 15.000 euros, ce qui est le cas en l’espèce puisque Madame X était âgée de 42 ans à la date de la souscription des deux premiers prêts d’un montant respectif de 8.500 euros et de 8.000 euros et de 43 ans à la date de l’ouverture de crédit en compte courant. Il n’est donc pas établi que la Caisse d’Epargne aurait fait perdre à Madame X toute chance d’être prise en charge par la CNP Assurances en cas de survenance d’un des risques garantis.

Il ne peut davantage être retenu que la banque aurait engagé sa responsabilité en faisant souscrire à Madame X une assurance la garantissant en cas d’accidents de la vie, aucun élément ne permettant d’établir que celle-ci se serait trouvée contrainte d’y souscrire, comme l’a exactement retenu le premier juge.

— Sur l’existence d’un préjudice :

Madame X, qui rappelle que la Cour de cassation considère que le manquement de la banque à son devoir de mise en garde génère un préjudice qui s’analyse en la perte de chance de ne pas contracter et qui fait valoir qu’elle ne se trouve pas exonérée de ses obligations dans le cadre du plan de surendettement élaboré par la Banque de France, que son préjudice est au moins équivalent au montant total des encours bancaires accordés en janvier et en mai 2010 et qu’elle subit en outre un important préjudice moral en raison lié à son enlisement financier et des soucis qui en ont résulté, réclame l’allocation de la somme de 20.000 euros en réparation de l’ensemble de ses préjudices, dont 10.000 euros pour préjudice moral.

Elle sollicite en outre la condamnation de la banque à lui rembourser la somme de 845,48 euros pour les frais bancaires facturés à compter du mois de janvier 2010, par application des dispositions de l’article L 312-1-1 alinéa 2 du code monétaire et financier, en faisant valoir que la Caisse d’Epargne ne rapporte pas la preuve d’une communication de la tarification applicable à l’ouverture du compte de dépôt, ni de la notification trois mois à l’avance de la modification de cette tarification.

*****

La Caisse d’Epargne fait valoir que Madame X n’est pas fondée à solliciter une réparation forfaitaire de ses préjudices sur le fondement de l’article 1147 du code civil et que la somme de 20.000 euros dont elle réclame l’allocation va bien au-delà du montant des crédits consentis. Elle prétend que Madame X est d’autant moins fondée en ses demandes d’indemnisation que la commission de surendettement a d’ores et déjà préconisé un effacement partiel de sa dette pour les trois crédits litigieux à hauteur de la somme globale de 11.326,68 euros. Elle souligne que, dans l’attente de cet effacement partiel de la dette, les remboursements se trouvent limités à 102 euros par mois répartis entre tous les créanciers et que les sommes dues ne produisent aucun intérêt.

Elle prétend que le préjudice dont se prévaut l’appelante n’est qu’une perte de chance de ne pas contracter et de ne pas avoir à rembourser l’emprunt contracté et que ses prétentions indemnitaires sont infondées puisque l’effacement de la dette aura pour effet de la dispenser du remboursement.

S’agissant des frais prélevés sur le compte courant, elle précise que ceux-ci ont été contractuellement prévus et qu’ils sont consécutifs à des incidents de fonctionnement. Elle offre surabondamment d’établir par un constat d’huissier qu’elle a satisfait à l’égard de ses clients à l’obligation prévue à l’article L 312-1-1 alinéa 2 du code monétaire et financier.

*****

La Cour rappelle que, comme en conviennent les parties à l’instance, le préjudice résultant pour Madame X du manquement de la banque à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde doit être réparé au titre d’une perte de chance de ne pas contracter et il appartient à l’appelante d’établir la réalité d’un préjudice en relation directe et certaine avec un tel manquement.

Or, par une ordonnance du 21 décembre 2011, le juge de l’exécution du tribunal d’instance d’Amiens a conféré force exécutoire aux recommandations de la Commission de surendettement des particuliers de la Somme, laquelle a prévu au bénéfice de Madame X un plan d’apurement de la dette à l’égard de la Caisse d’Epargne selon les modalités suivantes :

— prêt personnel n°4175 176 645 9001 accepté le 14 avril 2009 :

* somme restant due : 7.174 €

* règlement sans intérêts en 65 mensualités de 32,15 € = 2.089,75 €

* effacement partiel en fin de plan : 5.084,25 €

— prêt personnel n°4175 176 645 9002 accepté le 6 janvier 2009 :

* somme restant due : 7.665,81 €

* règlement sans intérêts en :

—  10 mensualités de 11,63 € = 116,30 €

—  13 mensualités de 27,44 € = 356,72 €

—  42 mensualités de 41,95 € = 1.761,90 € total général = 2.234,92 €

* effacement partiel en fin de plan : 5.430,89 €

— crédit renouvelable « IZICARTE n° 4175 176 645 1100 :

* somme restant due : 1.145,27 €

* règlement sans intérêts en 23 mensualités de 14.51 €

= 333,73 €

* effacement partiel en fin de plan : 811,54 €

Au total, du fait de l’effacement partiel des dettes, accepté par la Caisse d’Epargne dans le cadre du plan de surendettement, Madame X ne subit pas de préjudice en lien direct avec la perte de chance de ne pas contracter, étant considéré qu’elle a disposé du montant des capitaux empruntés, à savoir la somme globale de 17.500 euros (8.500 € + 8.000 € + 1.000 €), au remboursement desquels elle a déjà consacré la somme de 1.541,92 euros (17.500 € – 15.985,08 €) et devra verser la somme globale de 4.658,40 euros dans le cadre de l’exécution du plan de surendettement.

Dès lors, Madame X se trouve libérée non seulement du règlement des intérêts prévus contractuellement, mais également d’une grande partie des capitaux empruntés, les sommes conservées à sa charge au titre des prêts étant largement inférieures au montant des seuls capitaux empruntés dont elle a bénéficié pour régler les charges de la vie courante.

S’agissant du préjudice moral invoqué par l’appelante, la Cour relève que, d’après le certificat en date du 4 avril 2011 délivré par le Docteur B, médecin psychiatre, Madame X est traitée par anti-dépresseurs et anxiolytiques depuis l’année 2005. Ce médecin ne décrit aucune aggravation de cet état anxio-dépressif à l’époque des prêts litigieux.

Madame A ne rapporte donc pas la preuve d’un lien de causalité entre cet état dépressif, manifestement antérieur, et les facilités de crédit qui lui ont été accordées par la Caisse d’Epargne en janvier et en mai 2010, étant relevé que, selon ses propres écritures, avant d’y souscrire, elle avait vécu une situation personnelle extrêmement compliquée, marquée par un divorce, une maladie grave et la perte de toute perspective d’emploi et se trouvait déjà dans une situation financière difficile, ce que confirme le plan de surendettement élaboré le 8 novembre 2011.

En conséquence, mais par substitution de ces motifs à ceux du jugement, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame X de sa demande d’indemnisation au titre de la réparation d’une perte de chance.

— Sur les frais facturés par la banque à compter du mois de janvier 2010 :

Madame A n’apparaît pas fondée à réclamer le remboursement des frais bancaires facturés par la banque en raison de la situation débitrice du compte à compter du mois de janvier 2010, soit la somme de 845,48 euros, pour non respect par la banque des dispositions de l’article L 312-1-1 alinéa 2 du code monétaire et financier.

En effet, la Caisse d’Epargne établit avoir adressé à ses clients la tarification de ses frais bancaires pour l’année 2010 par l’envoi d’une notice explicative, entre le 3 et le 29 septembre 2009, comme l’a constaté Maître Y, huissier de justice associé à TOURCOING.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Madame X de cette demande.

— Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

En considération du sens du présent arrêt, notamment du rejet définitif des demandes indemnitaires formées par l’appelante, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Madame X aux dépens de première instance, de la condamner à supporter les dépens d’appel et de la débouter de sa demande d’indemnité fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aucun élément tiré de l’équité ou de la situation économique des parties ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la Caisse d’Epargne.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

— Confirme le jugement rendu le 24 octobre 2012 par le Tribunal d’Instance d’AMIENS en ce qu’il déboute Madame C X de l’ensemble de ses demandes et la condamne aux dépens ;

L’infirme en ce qu’il a condamné Madame C X sur le fondement de l’article 700 du code de prodédure civile.

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

— Déboute la Caisse d’Epargne de Picardie de sa demande d’indemnité fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Déboute Madame C X de sa demande d’indemnité fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamne Madame C X aux dépens d’appel ;

— Accorde à la SCP LEBEGUE PAUWELS DERBISE, avocats, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le Président,

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Cour d'appel d'Amiens, n° 12/05519