Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 25 avril 2019, n° 16/01624

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, 1re ch. sect. b, 25 avr. 2019, n° 16/01624
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 16/01624
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Laval, 17 avril 2016, N° 15/00196
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B

ONG/IM

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 16/01624 – N° Portalis DBVP-V-B7A-D5MK

Jugement du 18 Avril 2016

Tribunal de Grande Instance de E

n° d’inscription au RG de première instance : 15/00196

ARRÊT DU 25 AVRIL 2019

APPELANT :

M. G B

né le […] à […]

[…]

53400 C

Représenté par Me Romain BOULIOU de la SCP DESBOIS-BOULIOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de E – N° du dossier 150169

INTIMES :

Mme H B épouse X

née le […] à […]

[…]

[…]

Mme I B veuve Y

née le […] à […]

[…]

53400 C

M. J B

né le […] à […]

Frezel

49220 GREZ-NEUVILLE

M. AF-AG B

né le […] à […]

Monternault

[…]

M. K B

né le […] à […]

La Gorjuère

[…]

Mme L B épouse Z

née le […] à […]

[…]

[…]

M. M B

né le […] à […]

La Grande Rouette

[…]

Représentés par Me Alexandre BEAUMIER, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et Me Ivan JURASINOVIC, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 17 Janvier 2019 à 13 H 45, Mme N’GUYEN, Conseiller, ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

M. LAURENT, Président de chambre

Mme MICHELOD, Présidente de chambre

Mme N’GUYEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme A

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 25 avril 2019 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Benoît LAURENT, Président, et par Florence A, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[…]

FAITS ET PROCEDURE

M. N B et Mme O F se sont mariés le […] sans contrat préalable, de sorte qu’ils étaient soumis à l’ancien régime légal de la communauté de meubles et acquêts.

M. N B est décédé le […], laissant pour lui succéder son épouse et leurs 9 enfants :

— H B épouse X

— I B veuve Y

— J B

— AF-AG B

— K B

— L B épouse Z

— M B

— G B

— R B

R B est décédé le […], laissant pour lui succéder sa mère O F veuve B et ses 8 frères et soeurs. Sa succession a été liquidée.

Mme O F est décédée le […] laissant pour lui succéder ses 8 enfants survivants.

Maître P Q, notaire à C, a rencontré des difficultés dans la conduite des opérations de succession qui lui ont été confiées.

Saisi par M. G B suivant acte d’huissier du 16 avril 2015, le tribunal de grande instance de E, par jugement du 18 avril 2016, a notamment :

• ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. N B et Mme O F, successivement décédés le […] et le […], et le partage de leurs successions respectives ;

• commis à cet effet Maître D, notaire à E ;

• condamné M. G B à rapporter à la succession de sa mère la somme de 11 290 €, avec intérêts au taux légal à compter du […] ;

• dit que sur cette somme, recelée, M. G B serait privé de tous droits ;

• débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

• ordonné à l’ASSOCIATION POUR LA GESTION DES INFORMATIONS SUR LE RISQUE EN ASSURANCE (AGIRA), de faire connaître au notaire commis si M. et Mme B avaient souscrit un contrat d’assurance-vie ;

• ordonné l’exécution provisoire ;

• ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage et rejeté toute demande au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration déposée au greffe de la Cour le 8 juin 2016, M. G B a relevé appel partiel du jugement.

L’appel est limité aux dispositions du jugement l’ayant condamné à rapporter à la succession de sa mère la somme de 11 290 € avec intérêts au taux légal à compter du […] et ayant dit que sur cette somme, recelée, M. G B serait privé de tous droits et ayant débouté les parties du surplus de leurs demandes.

POSITION DES PARTIES

Dans ses dernières écritures du 6 janvier 2017, M. G B demande à la Cour de :

• Constater que M. G B n’a recelé aucune somme au sens de l’article 778 du code civil ;

• Réformer en conséquence le jugement en ce qu’il a condamné M. G B à rapporter à la succession de sa mère la somme de 11 290 € avec intérêts au taux légal à compter du […] et dit que l’intéressé sera privé de droits sur cette somme ;

• Confirmer pour le surplus la décision entreprise ;

• Débouter les consorts B de leurs demandes ;

• Condamner les consorts B à payer solidairement à M. G B la somme de 4 800 € TTC (4 000 € HT) au titre des frais irrépétibles

• Condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans le dernier état de ses conclusions en réponse déposées le 7 novembre 2016, les consorts B sollicitent pour leur part que la Cour :

• Dise que M. G B s’est rendu coupable de recel successoral en dissimulant le bénéfice de dons manuels qui lui ont été consentis par la défunte, pour une somme totale de 21 790,17 € ;

• Condamne M. G B à rapporter à la succession le montant total des dons manuels en question, soit 21 790,17 €, sans pouvoir y prétendre à aucune part ;

• Condamne M. G B à rapporter les intérêts au taux légal depuis la date de l’ouverture de la succession sur la somme de 21 790,17 € ;

• Condamne M. G B à verser aux consorts B une somme de 3 500 € HT, soit 4 200 € TTC, au titre des frais irrépétibles ;

• Condamne M. G B aux dépens, lesquels, à défaut, seront employés en frais privilégiés de partage et recouvrés sous le bénéfice de distraction.

La clôture a été prononcée le 16 octobre 2017 et suivant arrêt du 2 octobre 2018, la Cour a ordonné la réouverture des débats, renvoyé l’affaire et réservé les dépens.

Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’existence des dons manuels

Le tribunal a condamné M. G B à rapporter à la succession de Mme O F veuve B, sa mère, la somme de 11 290 € avec intérêts au taux légal à compter du […] au motif qu’il avait bénéficié entre janvier 2012 et décembre 2013 de la remise de 21 chèques établis à son nom ou au nom de ses proches par sa mère et reçu trois chèques de la part de celle-ci en paiement de factures au nom de M. G B, sans pouvoir démontrer que les achats par lui effectués avaient profité à Mme F ; que s’il justifiait que celle-ci avait entrepris des travaux au cours de l’année 2013 dont elle avait informé ses enfants par un courrier du 4 décembre 2012, M. G B ne produisait pas d’éléments de preuve suffisants quant aux travaux qu’il semblait avoir réalisés avec son épouse et ses enfants qui auraient permis d’apprécier si cette aide d’un fils à sa mère excédait l’assistance qu’un enfant doit à ses parents.

Au soutien de son appel, M. G B affirme qu’une partie des différents chèques émis par Mme O F, à son profit et au profit de sa famille, ont correspondu au remboursement ou au paiement de matériaux achetés par lui aux fins de réaliser les travaux destinés à l’amélioration du confort du pavillon de sa mère, celle-ci souhaitant continuer rester vivre chez elle ; que face au désaccord de ses enfants sur ce projet, elle a fait constater le 9 janvier 2013, par acte d’huissier, l’état de l’immeuble et les travaux qu’elle estimait nécessaires.

M. G B indique que les travaux ont été réalisés en partie par des entreprises et en partie par lui-même pour le gros oeuvre et que sa mère lui a demandé d’avancer l’achat des matériaux qu’il chiffre à 7 877,73 €, montant dont il a été remboursé à hauteur de 7 614,43 €.

Il fait par ailleurs valoir que les factures BREILLON / BERTRON émises au nom de G B pour l’achat de matériels et ne démontrent pas qu’il a conservé les matériaux achetés.

Subsidiairement, M G B invoque l’absence d’intention frauduleuse et explique ne pas avoir déclaré au notaire les sommes perçues car elles correspondaient aux avances faites par lui pour acquérir les matériaux et matériels nécessaires à la réalisation des travaux souhaités par sa mère.

Il estime n’avoir été gratifié d’aucun avantage par rapport aux autres enfants.

Les consorts B poursuivent la confirmation du jugement en ce qu’il a été considéré que M. G B avait recélé des biens au préjudice de la succession ; ils forment appel incident sur le montant de ce recel qu’ils estiment établi à hauteur de 21 790,17 € ; ils font valoir que M. G B ne rapporte pas la preuve de ce que les achats effectués par lui ont effectivement et de façon exclusive profité à Mme F, au vu notamment de l’achat d’un motoculteur, ni que la défunte avait l’obligation de rembourser les achats ainsi effectués ; qu’à cet égard, il n’établit pas que les services qu’il a rendu à sa mère aient excédé 'les exigences de la piété filiale', soulignant qu’eux mêmes, en différentes occasions, ont porté aide et assistance à Mme F sans demander compensation.

Ils relèvent que les dons manuels dont l’appelant a bénéficié sont intervenus en 2012 et 2013, soit dans une période où Mme O F avait reçu d’importantes sommes d’argent, dont deux provenant de ses droits dans la succession de son fils R B pré-décédé.

Ils considèrent que l’intention frauduleuse constitutive du recel est caractérisée et rappellent que la sanction du recel successoral est applicable, même dans le cas où la fraude est l’oeuvre du défunt.

En l’espèce, il est avéré qu’entre le 11/01/2012 et le 17/12/2013, Mme O F a établi 19 chèques au profit de M. G B et de membres de sa famille pour un montant de 7 617 €, a

réglé 2 factures émises par la Sté BREILLON BERTON au nom de M. G B pour des montants de 399 € (le 18/05/2012) et 1 886,74 € (le 18/10/2014), par la Sté SOCRAMA (le 17/12/2013) pour un montant de 800 €, qu’elle a effectué deux virements sur le compte de M. G B les 11 janvier 2012 et le 8 cotobre 2013 pour les sommes de 107,05 € et 500 €.

Par ailleurs, Mme F a effectué deux retraits de 3 500 € et 7 000 € les 4 juin 2013 et le 15 octobre 2013.

M. G B justifie avoir effectué des achats entre le 21 juin 2012 et le 13 décembre 2013 auprès de différents fournisseurs pour un montant de 7 877,73 €, en adéquation avec le montant des chèques émis par Mme F.

Il est également établi que des travaux ont été réalisés dans la maison de Mme O F conformément à l’intention dont elle a avisé ses enfants dans le courrier qu’elle leur a adressé le 4 décembre 2012, qu’elle a fait établir un constat d’huissier le 9 janvier 2013 pour lister les travaux qu’elle estimait nécessaires à l’amélioration de son habitation, notamment l’aménagement de l’accès à la maison et le remplacement de la clôture extérieure ; qu’à cet égard, M. G B verse des photographies montrant les travaux entrepris pour l’édification d’un mur sur la partie donnant sur la voie publique et les attestations de plusieurs voisins et amis proches qui font état de la forte implication de celui-ci dans la réalisation des travaux (M. S T, M. U V, M. W AA, M. J AB), avec la participation de son épouse et ses enfants ; M. AC AD témoigne en outre du caractère volontaire de la défunte et de sa capacité à décider.

Par ailleurs, il résulte de l’examen des comptes de Mme F qu’entre janvier 2012 et novembre 2012, le solde de son compte au Crédit Agricole a été créditeur pour des montants compris entre 2 000 € et 4 500 €, qu’en décembre 2012, Mme F a reçu deux versements provenant d’un contrat d’assurances vie, le solde de son compte s’établissant à cette date à 23 963,62 € pour descendre à 5 233 € fin mars 2013, puis atteindre 34 764 € en avril 2013, après deux virements de 10 000 € et 19 436,61 € reçus du notaire en mai 2013, le montant variant ensuite entre 7000 € et 12 000 € jusqu’en octobre 2013 et redescendant à 3 900 € en novembre 2013.

Sur l’année 2013, le montant du livret A a atteint son montant maximum (22 950 €) et le livret d’épargne populaire est resté constant (7 819 €).

Il se déduit de l’examen des relevés de comptes de Mme O F qu’en raison de ses capacités financières, elle pouvait financer des travaux qu’elle a eu à coeur de réaliser.

M. G B a manifestement effectué un certain nombre de travaux dans la maison de sa mère, qu’il a commencé avec le redressement de la charpente et l’isolation des combles ainsi qu’il résulte de la lettre écrite par Mme F le 4 décembre 2012 et des propos tenus à l’huissier dans le procès-verbal de constat faisant état des travaux envisagés pour l’amélioration du confort de vie de Mme F.

Ces travaux, qui ont nécessité du matériel et un investissement physique important et ont représenté un coût, ne peuvent être assimilés à des services rendus entre parents et enfants, leur envergure excédant manifestement 'les exigences de la piété filiale’ dont relèvent les actes d’entretien ou d’assistance qu’assurent les enfants au profit de leurs parents et il n’est pas anormal qu’ils aient donné lieu à une contrepartie financière, Mme F manifestant toute sa confiance à son fils G selon les attestations de ses voisins.

Les consorts B qui disent avoir découvert les manoeuvres de leur frère G lors de l’ouverture de la succession de Mme F semblent avoir été absents de la vie de la défunte dans ses dernières années d’existence, ses voisins et amis témoignant de sa tristesse de ne plus voir ses enfants et ses petits enfants, hors son fils G (attestation de M. AE J).

Dans cette période de vie difficile pour Mme O F, il peut être admis que M. G B ait souhaité voir améliorer les conditions d’existence de sa mère dont il se sentait responsable et ait entrepris des travaux à cette fin, sa préoccupation n’étant pas alors d’établir un décompte précis des dépenses faites à ce titre ; les factures de la Société BREILLON BERTON qui correspondent à des achats de matériels s’inscrivant dans ce contexte, sans qu’il soit besoin de rechercher à quelle réalisation ils ont précisément été affectés.

L’article 778 du code civil dispose que «… l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens les droits détournés ou recelés…»

La preuve de l’intention frauduleuse constitutive du délit de recel doit être rapportée.

En l’espèce, cette preuve n’est pas rapportée par les consorts B puisque des travaux d’importance ont été exécutés par M. G B dans la maison de Mme O F, dont le coût peut correspondre au montant des chèques émis et au fruit de son travail, la preuve n’étant pas non plus rapportée que les retraits de 3 500 € et 7 000 € ont bénéficié à M. G B.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles d’instance

Les consorts B qui succombent dans la présente instance seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel.

Pour ce même motif, ils seront condamnés à verser à M. G B la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Vu l’article 778 du code civil,

CONFIRME le jugement du 18 avril 2016 du tribunal de grande instance de E hormis en ses dispositions concernant la somme de 11 290 € à rapporter à la succession par M. G B et les dépens ;

Et statuant à nouveau de ces seuls chefs,

DIT que M. G B n’a recelé aucune somme ;

DIT n’y avoir lieu pour M. G B à rapporter la somme de 11 290 € à la succession ;

CONDAMNE Mme H B épouse X, Mme I B veuve Y, M. J B, M. AF-AG B, M. K B, Mme L B épouse Z et M. M B à payer à M G B la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les consorts B aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

F. A B. LAURENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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