Cour d'appel d'Angers, Troisième chambre, 29 avril 2021, n° 18/00315

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, troisième ch., 29 avr. 2021, n° 18/00315
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 18/00315
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Le Mans, 19 avril 2018, N° 17/253
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/00315 – N° Portalis DBVP-V-B7C-EKFI.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 20 Avril 2018, enregistrée sous le n° 17/253

ARRÊT DU 29 Avril 2021

APPELANT :

Monsieur D X

[…]

[…]

représenté par Monsieur DECARPES, défenseur syndical, muni d’un pouvoir

INTIMEE :

L’Association MAISONS FAMILIALES RURALES

Mangé

[…]

représentée par Me Luc LALANNE de la SCP LALANNE – GODARD – HERON – BOUTARD – SIMON, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 20170733

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Février 2021 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame H, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame G H

Conseiller : Monsieur Yannick BRISQUET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Greffier lors des débats : Madame E F

ARRÊT : prononcé le 29 Avril 2021, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame H, conseiller, faisant fonction de président, et par Madame E F, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

L’association Maison Familiale Rurale (MFR) située à Verneil Le Chetif (72) applique la convention collective nationale des Maisons Familiales Rurales et emploie habituellement plus de 10 salariés.

La MFR a embauché M. D X, né le […], aux fonctions de moniteur catégorie D 1er échelon, selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 juillet 1993.

Par plusieurs autres avenants signés entre 2002 et 2011, M. X a été chargé de diverses missions liées soit à la revalorisation de la filière horticole soit à la formation continue, en contrepartie du versement d’une indemnité mensuelle supplémentaire.

Dans le dernier état de ses fonctions, M. X s’était vu reconnaître le coefficient 395, grille M II, échelon 7, et bénéficiait d’une rémunération de base de 2 879,55 euros brut pour 151,50 heures de travail.

Le 20 mai 2016, M. X a été placé en arrêt de travail pour maladie jusqu’au 31 août suivant.

Lors de sa visite médicale de reprise, le 15 septembre 2016, M. X a été déclaré apte à son poste sans aucune réserve.

A la fin du mois de novembre 2016, M. X a, de nouveau, été placé en arrêt de travail pour maladie. Le médecin du travail a rendu, le 5 décembre 2016, l’avis suivant : 'à l’issue de son arrêt de travail, M. X ne pourra vraisemblablement pas reprendre à son poste de travail. Un reclassement est possible dans un autre environnement. Je le reverrai à sa reprise, à la demande de l’employeur pour statuer définitivement sur son aptitude à son poste'.

Lors de la visite de reprise, qui a eu lieu le 21 décembre 2016, le médecin du travail l’a déclaré inapte en ces termes : 'inapte à tout poste dans l’entreprise dans l’état actuel de l’organisation du travail'.

Par courrier en date du 11 janvier 2017, la MFR a convoqué M. X à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 19 janvier suivant. Puis, par courrier du 24 janvier 2017, elle lui a notifié son licenciement pour impossibilité de reclassement consécutive à l’inaptitude au poste médicalement constatée.

M. X a, selon requête en date du 26 mai 2017, saisi le conseil de prud’hommes du Mans de demandes tendant à faire déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de la MFR à lui verser :

— une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;

— un rappel de salaire de mai 2014 à décembre 2016 et les congés payés afférents ;

— des dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Subsidiairement, il sollicitait des dommages et intérêts pour non respect de l’article L.1226-2 du code du travail.

Et en tout état de cause, il demandait au conseil de condamner l’employeur à lui verser une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 20 avril 2018, le conseil de prud’hommes a :

— dit que l’association MFR a satisfait à son obligation de reclassement ;

— dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

— dit que M. X avait été rempli de ses droits ;

— débouté M. X de l’ensemble de ses demandes ;

— condamné M. X au paiement d’une somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour statuer en ce sens, le conseil de prud’hommes a notamment estimé que la demande de rappel de salaire n’est pas justifiée dans la mesure où M. X ne démontre pas avoir poursuivi les missions prévues dans son dernier avenant à l’expiration de celui-ci. Les premiers juges ont également considéré en substance que l’obligation de reclassement a été respectée par la MFR et que l’inaptitude n’est pas en lien avec le travail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 17 mai 2018, M. X a interjeté appel de cette décision.

L’instruction de ce dossier a été clôturée le 24 février 2020. Le dossier a été initialement fixé à l’audience du 10 mars 2020. Puis il a été renvoyé à l’audience du 12 octobre 2020. Cette audience a été annulée en raison de difficultés dans les effectifs de la chambre sociale. Le dossier a été, à nouveau, convoqué à l’audience du conseiller rapporteur du 11 février 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. D X, dans ses conclusions adressées au greffe le 17 août 2018, expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, demande à la cour de :

A titre principal :

— requalifier son licenciement pour inaptitude en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

— condamner en conséquence l’association MFR à lui verser les sommes suivantes :

—  11 518,20 euros à titre d’ indemnité compensatrice de préavis ;

—  1151,82 euros au titre des congés payés afférents ;

—  11 113,50 euros au titre des salaires de mai 2014 à décembre 2016 ;

—  1111,35 euros au titre des congés payés afférents ;

—  54 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

A titre subsidiaire :

— condamner la même à lui verser la somme de 54 000 euros pour non respect de l’article 1226-2 du code du travail ;

Dans les deux cas :

— condamner l’association aux dépens et frais d’huissier éventuels ainsi qu’à lui verser la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles ;

— dire que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande pour les créances salariales et du prononcé du jugement pour les créances indemnitaires.

M. X, au soutien de son appel, fait valoir qu’à partir de septembre 2012, il va continuer les missions qui lui ont été confiées, mais sans la rédaction de nouveaux avenants au contrat de travail et sans percevoir les indemnités supplémentaires qui lui étaient octroyées. Il considère que la direction s’est désintéressée de son travail et qu’il a accompli un travail considérable depuis plusieurs années sur diverses missions sans qu’aucun décideur ne lui apporte l’aide nécessaire et sans aucune contrepartie financière. Il prétend que cette situation a entraîné un épuisement moral et physique qui a conduit à son inaptitude à tout poste dans l’entreprise. À titre subsidiaire, il soutient qu’il n’a jamais été informé par écrit des motifs qui s’opposaient à son reclassement, alors que la MFR dispose d’un réseau très important sur tout le territoire national et qu’il est très étonnant que son profil n’ait pas intéressé un autre établissement.

L’association Maisons Familiales Rurales, dans ses conclusions adressées au greffe le 16 octobre 2018, expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

— rejeter l’intégralité des demandes présentées par M. X ;

— condamner M. X à lui payer une nouvelle indemnité au titre de l’article 700 de 2000 euros, laquelle s’ajoutera à la condamnation prononcée à ce titre par le conseil de prud’hommes.

La MFR, à l’appui de ses prétentions, fait essentiellement valoir que le calcul du rappel de salaire par M. X est faux puisque basé sur une valeur du point supérieure à ce qu’elle est actuellement. Elle ajoute que la dernière mission confiée à M. X a expiré le 31 août 2012, ce qui a mis fin au versement de l’indemnité supplémentaire. Elle considère que M. X a toujours eu à sa disposition les moyens nécessaires à l’exercice de ses fonctions et qu’il ne s’en est d’ailleurs jamais plaint au temps de l’exécution de son contrat de travail. Elle ajoute qu’aucun lien ne peut être fait entre ses conditions de travail et son arrêt de travail jusqu’au 15 septembre 2016, date à laquelle il a été déclaré apte sans aucune réserve. Elle prétend ignorer les raisons pour lesquelles le médecin du travail en date du 21 décembre 2016 a fait référence à l’organisation actuelle du travail pour déclarer M. X inapte à tout poste dans l’entreprise. Elle ajoute avoir respecté son obligation de reclassement en s’adressant à toutes les Maisons Familiales Rurales métropolitaines, les réponses obtenues étant toutes négatives. Elle affirme qu’en tout état de cause, il ne pouvait être proposé à M. X le poste de directeur, dans la mesure où l’obligation de reclassement ne peut pas porter sur un poste d’un coefficient supérieur. En outre, elle remarque que M. X a créé une entreprise dès le mois d’avril 2017 à partir de la transformation en société d’une association dont il était le trésorier bénévole depuis janvier 2015. Elle prétend donc que M. X a organisé son inaptitude pour développer une activité professionnelle sans prendre le risque d’une démission afin, dans le cadre du licenciement et de la création de son entreprise, de pouvoir prétendre vraisemblablement au bénéfice de l’Aide à la Création et à la Reprise d’Entreprise (ACRE). Elle ajoute enfin que l’indemnité

compensatrice de préavis n’est pas due dès lors que l’inaptitude ne résulte pas d’un accident ou d’une maladie professionnelle.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rappel de salaire de mai 2014 à décembre 2016

Au soutien de sa demande de rappel de salaire sur la période de mai 2014 à décembre 2016, M. X prétend qu’à compter de septembre 2012, il a poursuivi, sans en percevoir le supplément de rémunération, les missions prévues dans les avenants antérieurs et dont le dernier a pris fin le 31 août 2012.

Il précise avoir assuré la poursuite de nombreux projets sans qu’il ne lui soit demandé de les arrêter.

M. X produit à l’appui de ses allégations, diverses pièces (des comptes rendus de réunions, des diaporamas et des courriels échangés avec des organismes extérieurs) qui concernent ses activités à compter de septembre 2012.

Si ces documents mettent en exergue la qualité de son travail et son implication dans ses fonctions, au demeurant non contestées par la MFR, ils sont insuffisants à démontrer qu’il a accompli des tâches ne relevant pas de son statut et de son poste.

En effet, le contrat de travail liant M. X à la MFR définit son poste de moniteur par référence à la convention collective des Maisons Familiales Rurales qui indique que : 'Le moniteur exerce un métier spécifique aux Maisons Familiales Rurales, qui permet d’atteindre les principaux objectifs du Mouvement (cf. préambule de la Convention Collective) notamment en ce qui concerne la prise en compte des différents partenaires de la formation, l’accompagnement des personnes, l’unité de la démarche éducative et la mise en 'uvre de la pédagogie de l’alternance.

Il est membre d’une équipe qui a défini en commun, sous la responsabilité du directeur, un projet éducatif conforme au projet de l’association et plus globalement à celui du Mouvement. Par son action quotidienne, il met en 'uvre ce projet.

Il exerce une fonction globale qui ne se réduit pas à des tâches parcellaires ni à une fonction limitée d’enseignant.

Il est titulaire des diplômes ou titres nécessaires à l’enseignement.

Quel que soit le statut ou le niveau des formations, il assure principalement trois missions :

- une mission de formation,

- une mission d’animation,

- une mission d’éducation.

La formation : En équipe le moniteur prévoit, organise, réalise et évalue le plan de formation des différentes activités éducatives et pédagogiques envisagées sur la durée du cycle considéré. Il assure des activités d’enseignement pour certaines disciplines (conduite de cours, exercices, évaluations ') et leurs prolongements et met en 'uvre des activités spécifiques à la pédagogie de l’alternance (relations et rencontres avec les familles et les professionnels, outils de liaison, stages). Il peut être chargé également de suivre une activité complémentaire à la formation spécifique à l’établissement (centre de documentation, laboratoire, nouvelles technologies, ateliers ').

L’animation : En équipe le moniteur est également animateur de groupes de formation et animateur d’un réseau de partenaires. Il est présent auprès du public en formation en dehors des heures d’activités pédagogiques selon des modalités définies par le directeur (présence lors des repas, des soirées, des temps libres '). Il fait le lien entre les différents partenaires qui interviennent dans la formation. La surveillance des élèves la nuit ne fait pas partie de sa fonction habituelle.

L’éducation : Le moniteur est un référent par ses attitudes, son sens des responsabilités et par l’aide personnalisée qu’il peut apporter au public en formation. Il accompagne chacun vers la réussite scolaire, professionnelle et sociale en étant attentif aux difficultés des uns et des autres. Il met en 'uvre des activités complémentaires à la formation (semaines spécialisées, voyages d’études, séjours linguistiques, ouverture culturelle') qui favorisent la prise de responsabilité et l’engagement des personnes en formation.

Selon les besoins de l’association, un moniteur peut être désigné par le directeur pour organiser le plan d’animation de la vie résidentielle, s’assurer de sa mise en 'uvre et faire le lien entre les salariés qui interviennent durant ces temps. Il demeure toutefois chargé majoritairement d’une mission de formation.

Bénéficient du statut de moniteur les personnes assurant au moins un mi-temps de travail, durée minimale pour assurer la fonction telle que définie ci-dessus ; les personnes, même à plus d’un mi-temps, n’assurant pas cette fonction ne peuvent bénéficier du statut de moniteur (cas notamment des personnes n’assurant que des cours et leur préparation et correction).

Formation pédagogique :La qualification pédagogique délivrée par l’Association Nationale pour la Formation et la Recherche pour l’Alternance (ANFRA) est une formation en cours d’emploi exigée des moniteurs bénéficiaires de la présente convention. Elle doit être acquise au plus tard dans les trois ans suivant l’embauche.

Le nouveau moniteur bénéficie d’un tutorat exercé par un moniteur justifiant de la qualification pédagogique. Le tuteur est chargé de l’accueil du nouveau moniteur et de façon générale de lui apporter un appui dans sa prise de fonction, sa formation pédagogique et sa progression dans l’exercice du métier. '

Ainsi, au regard de cette définition conventionnelle, il n’est pas rapportée la preuve par M. X, que l’ensemble des missions qu’il a menées n’entraient pas dans le cadre de ses fonctions.

De plus, les différents avenants antérieurs à septembre 2012, produits devant la cour, font état de missions confiées dans un cadre déterminé et temporaire. Les 6 premiers avenants jusqu’au 31 juillet 2006 concernent une mission intitulée « la revalorisation et la diversification de la filière horticole ». L’avenant numéro 7 concerne la mission intitulée « mise en 'uvre de formation continue à destination des salariés du secteur travaux paysagers (public et privé) » pour la période du 1er octobre 2006 au 31 juillet 2007. Il y a ensuite eu une interruption de 3 années puisque l’avenant numéro 8 concerne la période du 1er septembre 2010 au 31 août 2011 avec une mission intitulée « le développement des actions de formations continues ». L’avenant numéro 9 a eu pour finalité de faire perdurer cette mission jusqu’au 31 août 2012.

À la lecture des pièces versées aux débats, il apparaît que l’avenant numéro 8 a été signé à la suite d’un courrier adressé par M. X au président de l’association le 5 octobre 2010, et un courrier de réponse du 19 octobre 2010 du président. Dans le courrier du 5 octobre 2010, M. X sollicite une revalorisation de sa rémunération actuelle en raison des actions qu’il a développées en matière de formations pour les adultes au sein de l’établissement. La revalorisation de sa rémunération a alors consisté en l’attribution d’une indemnité mensuelle de 30 points dans le cadre de l’avenant numéro 8, puis à celle de 40 points dans le cadre de l’avenant numéro 9. À l’évidence, compte tenu des éléments versés aux débats, M. X a continué en qualité de « formateur’chargé de mission » à mener les

activités de formation continue qu’il avait développées précédemment, mais il apparaît en tout état de cause qu’il ne s’est plus jamais plaint de son niveau de rémunération. Il convient d’en déduire que les parties se sont entendues à compter du mois de septembre 2012 sur une organisation de travail et un niveau de rémunération satisfaisants pour M. X.

En outre, M. X ne conteste pas son positionnement conventionnel qui a constamment évolué au cours de la relation de travail, ni ne fait état de la réalisation d’heures supplémentaires qui pourrait justifier un rappel de salaire.

En conséquence, il sera débouté de sa demande par voie de confirmation du jugement dont appel.

Sur le licenciement

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée.

En l’espèce, M. X soutient que son licenciement a pour origine les problèmes de gestion de la direction de la MFR le 'mettant dans une impasse et sans savoir si tout ce qu’il avait entrepris allait servir à quelque chose'.

Ainsi M. X, dans ses écritures impute son inaptitude à des agissements de son employeur et prétend que celle-ci serait d’origine professionnelle.

M. X a été arrêté du 20 mai au 31 août 2016. Il a été déclaré apte à reprendre le travail le 15 septembre 2016. Sur la fiche remplie par le médecin du travail, il est noté que la visite de reprise intervient dans le cadre d’une maladie ou d’un accident non professionnel.

Néanmoins, cette seule indication n’est pas de nature à écarter tout lien entre l’arrêt de travail et les conditions de travail. Les notions de 'maladie professionnelle’ et 'accident du travail’ qui constituent, avec la 'maternité', les autres rubriques pouvant être cochées par le médecin du travail, impliquent qu’une décision de la caisse primaire d’assurance maladie de prise en charge de la maladie ou de l’accident au titre de la législation professionnelle soit intervenue, ou à tout le moins qu’une procédure soit en cours à cette fin.

M. X a, à nouveau, été placé en arrêt de travail au mois de novembre 2016. Dans son avis en date du 5 décembre 2016, le médecin du travail écrit : 'A l’issue de son arrêt de travail, Monsieur X ne pourra vraissemblablement pas reprendre à son poste de travail. Un reclassement est possible dans un autre environnement. Je le reverrai à sa reprise, à la demande de l’employeur, pour statuer définitivement sur son aptitude à son poste'.

Dans son avis en date du 21 décembre 2016, le médecin du travail a conclu de la manière suivante : 'inapte à tout poste dans l’entreprise dans l’état actuel de l’organisation du travail'.

Il se déduit de ces deux avis que le médecin du travail fait bien un lien direct entre l’inaptitude de M. X et ses conditions de travail.

Contrairement à ce qu’elle prétend, la MFR connaît parfaitement les raisons pour lesquelles M. X a été déclaré inapte en raison de ses conditions de travail.

Dans son attestation datée du 9 août 2018 de 4 pages écrites en petits caractères, M. Y, ancien salarié de l’association et proche collègue de M. X, a décrit avec précisions les conditions de travail de M. X ainsi que les siennes : leur dévouement professionnel, leur investissement dans les différents projets, le changement de direction en 2012, le désintérêt progressif de cette nouvelle direction et de la nouvelle présidente pour leur travail, l’absence de décisions pour faire avancer les

dossiers, l’humiliation et les reproches à propos du développement du projet Certiphyto, l’échec de certains projets en raison des carences de la direction, l’alerte donnée en vain auprès des membres du conseil d’administration…

M. Y évoque un 'enchaînement des désillusions nourries par un sentiment d’abandon à tous les niveaux et tous les échelons (Direction, administration et équipe MFR, CA, Fédérations départementales et régionales), seuls face à tous.'

Il précise : 'J’ai tenu quelques mois de plus que M. X puisque j’ai personnellement jeté l’éponge en fin juillet de cette année 2018. J’ai connu une période 2017/2018 qui a dépassé l’entendement dans l’anonymat le plus complet et dans une souffrance morale indescriptible et totalement injuste. Un Directeur par interim pendant

six mois qui a été suivi d’une Directrice charmante mais totalement dépassée qui a tenu à son tour six mois puis un remplacement qui m’a souri pendant mes six derniers mois d’activité qui m’a convaincu que mon avenir était ailleurs.'

Il explique sa démarche de la manière suivante : 'Je tenais absolument à témoigner pour contribuer au rétablissement de l’honneur et la dignité du plaignant afin qu’il puisse aboutir dans sa démarche de rétablissement de la vérité. Il me parait inconcevable que l’institution MFR de Verneil, après toutes les contributions dont elle lui est redevable, et M. Z est le mieux placé pour le savoir tellement M. X l’a servi et a fait preuve d’intégrité pendant leurs 24 années de collaboration, ne puisse reconnaître son implication et sa responsabilité dans le départ induit par la situation et forcé par les circonstances.'

M. Y a signé le 21 juin 2018 une rupture conventionnelle avec la MFR.

La MFR prétend que le témoignage de M. Y n’est pas conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile. A ce sujet, il convient de rappeler qu’il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement si l’attestation non conforme aux dispositions de l’article 202 présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.

La cour considère que le témoignage de M. Y est parfaitement crédible et ce d’autant que la MFR n’apporte aucun élément sérieux pour le contredire. Elle se contente d’indiquer qu’il existe une contradiction entre le contenu de cette attestation et ce que M. Y a exprimé le 17 janvier 2017 lors de sa participation au conseil d’administration.

Contrairement aux allégations de l’employeur, il n’existe aucun élément dans le compte rendu de la réunion du conseil d’administration du 17 janvier 2017 qui permet d’affirmer que le contenu de l’attestation de M. Y est faux.

Bien au contraire, il est noté dans ce compte rendu l’absence de la directrice, Mme B, en raison d’arrêts maladie successifs et le projet de conclure avec elle une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Il est mentionné de nombreux salariés en arrêt maladie, à tel point que des moniteurs comme M. Y sont obligés d’assurer des missions de veilleur de nuit, ce qui n’est pas conforme à la convention collective. Il est même indiqué à cet égard : « un nouvel arrêt de travail poserait problème, car le personnel de l’équipe ne pourra pas continuer à enchaîner les formations, les veillées et les gardes de nuit. » Il est clairement indiqué que l’association est actuellement en difficulté et qu’elle doit reporter l’audit au premier semestre de l’année suivante et, temporiser sur le projet d’association sans le finaliser pour ne pas augmenter la charge de travail de l’équipe ainsi que celle des administrateurs.

L’examen du registre des entrées et des sorties du personnel permet de confirmer l’existence de nombreuses absences de salariés, au cours des années 2016 et 2017, remplacés par le recours à des

contrats de travail à durée déterminée.

Il n’est pas contesté comme l’indique M. C dans son attestation l’existence d’un projet de licenciement économique de 3,5 postes à temps plein et la succession de directeurs et de présidents à la tête de l’association laissant penser à un grave problème de gouvernance.

La situation catastrophique de l’association en 2018 contraste avec celle décrite par M. X en lien avec les documents versés aux débats, au temps où les projets aboutissaient, assurant à la MFR un rayonnement au niveau départemental et même régional.

Il est ainsi parfaitement établi que l’investissement professionnel de M. X n’a pas trouvé auprès de sa direction et auprès du conseil d’administration de l’association l’écho qu’il aurait certainement dû recevoir. Le sentiment d’abandon dont il fait état est ainsi parfaitement caractérisé.

M. X évoque d’ailleurs toute sa détresse dans le compte rendu qu’il a lui-même établi de l’entretien préalable au licenciement. À l’évidence, il a espéré jusqu’au dernier moment une réaction du président de l’association et son retour au sein de l’association alors que le départ de la directrice était prévu. Il écrit ainsi, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la partie adverse :

« Je lui relis alors les termes explicites de la conclusion du Médecin du travail à savoir « Inapte à tout poste dans l’entreprise dans l’état actuel de l’organisation du travail », et insiste sur les termes dans l’état actuel de l’organisation du travail. Je rappelle que durant les 3 dernières années nous n’avons cessé de clamer, moi et d’autres collègues les déficiences, les carences, les manquements ainsi que les erreurs caractérisées de la Direction nouvellement mise en place. Je rappelle également que je suis personnellement intervenu auprès de la Direction de la Fédération Régionale des Maisons Familiales, ainsi que plusieurs fois auprès de la Fédération Départementale pour signaler ces manquements, ainsi qu’auprès des membres du conseil d’administration. Je mets en cause ouvertement la Direction de la situation dans laquelle je me trouve aujourd’hui ! Sauf qu’aujourd’hui, la direction est absente, en arrêt de travail, et engagée dans une demande de rupture conventionnelle. »

Pour expliquer les raisons pour lesquelles M. X se retrouve en situation d’inaptitude à son poste de travail, l’employeur prétend que ce salarié d’une ancienneté de 24 ans dont les qualités professionnelles ne sont nullement remises en cause et peuvent même être qualifiées de remarquables, aurait monté un stratagème en « organisant son inaptitude » pour développer sa propre activité professionnelle sans prendre le risque d’une démission pour pouvoir prétendre au bénéfice de l’ACRE. Il est même indiqué dans les écritures de la MFR, comme dans le jugement, que devant le conseil de prud’hommes, le conseil de M. X a concédé que ce dernier avait réalisé au 31 décembre 2017 un chiffre d’affaires de 700'000 euros. La MFR invite d’ailleurs la cour à tirer toutes les conséquences du refus de M. X de verser aux débats les pièces justifiant la création de sa nouvelle activité concomitamment à la mise en 'uvre de la rupture du contrat de travail.

En premier lieu, il convient de considérer que la MFR procède par affirmation sans étayer aucunement les hypothèses qu’elle s’est permise d’échafauder sur les intentions de M. X.

En deuxième lieu, ces hypothèses ne reposent sur aucun fondement sérieux. Il est une chose de prétendre qu’un salarié a 'organisé son inaptitude' pour pouvoir bénéficier d’une aide sociale quelconque, c’en est une autre de pouvoir prouver que le même salarié s’est engagé jusqu’en cause d’appel dans une procédure contre son employeur pour faire reconnaître que son licenciement pour inaptitude est dénué de cause réelle et sérieuse. À l’évidence, ce ne sont pas les aspects financiers d’une telle procédure qui ont animé M. X, alors que ce dernier est capable de réaliser pour la première année d’activité de sa société un chiffre d’affaires de 700'000 euros, comme semble le croire la MFR.

En dernier lieu, il ne peut être reproché à M. X d’avoir créé son activité professionnelle, après avoir perdu son emploi au sein de la MFR.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les manquements répétés sur plusieurs années de la direction, de la présidence de l’association et de son conseil d’administration se concrétisant par un manque de soutien de M. X dans le développement et l’aboutissement des projets qu’il portait avec énergie et sérieux ont créé pour ce salarié une situation de souffrance au travail qui a elle-même conduit à deux arrêts de travail et à une situation d’inaptitude au poste de travail.

Par conséquent, l’inaptitude de M. X résulte des manquements de son employeur et le licenciement doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement de première instance est infirmé de ce chef.

S’agissant des conséquences financières du licenciement abusif, M. X qui a été déclaré inapte à tout poste dans l’entreprise en raison des manquements de son employeur, peut obtenir une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents. Il doit donc être fait droit à sa demande de ce chef dont le montant n’est pas contesté par la partie adverse.

M. X est également en droit d’obtenir des dommages et intérêts pour licenciement abusif. Compte tenu de son ancienneté au sein de l’association, des circonstances de son licenciement et des manquements de l’employeur ayant dégradé son état de santé, il convient d’allouer à M. X la somme de 45 000 euros.

Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision s’agissant des créances indemnitaires et à compter de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales.

Sur le remboursement des indemnités chômage

L’article L. 1235-4 du code du travail fait obligation à la juridiction d’ordonner, au besoin d’office, le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du prononcé de la décision, dans la limite de six mois d’indemnités, lorsque le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse avait une ancienneté d’au moins deux ans dans une entreprise employant au moins onze salariés.

La MFR est condamnée à rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. X à hauteur de trois mois.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement est infirmé sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

La MFR est condamnée au paiement des dépens de première instance et d’appel.

Elle est également condamnée à verser à M. X la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les demandes présentées par l’association à ce titre doivent être rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes du Mans le 20 avril 2018 sauf en ce qu’il a débouté M. D X de sa demande présentée au titre du rappel de salaire et des congés payés afférents ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement de M. D X est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE l’association Maison Familiale Rurale à payer à M. D X la somme de 11 518,20 euros brut d’indemnité compensatrice de préavis et 1 151,82 euros brut au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNE l’association Maison Familiale Rurale à payer à M. D X la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt s’agissant des créances indemnitaires et à compter de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales ;

ORDONNE à l’association Maison Familiale Rurale de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage effectivement versées à M. D X par suite de son licenciement, dans la limite de trois mois d’indemnités ;

CONDAMNE l’association Maison Familiale Rurale à payer à M. D X la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE l’association Maison Familiale Rurale de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l’association Maison Familiale Rurale aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

E F G H

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Cour d'appel d'Angers, Troisième chambre, 29 avril 2021, n° 18/00315