Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 1er mars 2022, n° 20/01595

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. a - civ., 1er mars 2022, n° 20/01595
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 20/01595
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE


SR/IM


ARRET N°


AFFAIRE N° RG 20/01595 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EXIS


Ordonnance du 04 Septembre 2020


Président du TJ du MANS

n° d’inscription au RG de première instance : 19/00440

ARRÊT DU 01 MARS 2022

APPELANT :

OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX – ONIAM

[…]

[…]


Représenté par Me Inès RUBINEL substituant Me Benoit GEORGE de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et Me Solenn GRALL substituant Me Olivier SAUMON, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMES :

Madame G Y en sa qualité de tutrice de M. I Y


Né le […] à […]

[…]

[…]


Représentée par Me Alain DUPUY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 20170693

Monsieur J X

[…]

[…]


Représenté par Me Audrey PAPIN substituant Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71200372, et Me Gwendal BIHAN, avocat plaidant au barreau de RENNES […]

[…]

[…]


Assignée, n’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :


L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 14 Décembre 2021 à 14 H, Madame ROUSTEAU, Présidente de chambre, ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Madame ROUSTEAU, Présidente de chambre

Madame MULLER, Conseiller

Mme REUFLET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Madame LEVEUF

ARRET : réputé contradictoire


Prononcé publiquement le 01 mars 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;


Signé par Sylvie ROUSTEAU, Présidente de chambre, et par Christine LEVEUF, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[…]

Exposé du litige


Le 30 juin 2015, M. I Y, né le […], atteint d’une rhino-sinusite chronique depuis plusieurs mois et une pansinusite aspergillaire, a subi une intervention chirurgicale consistant en une méatotomie moyenne bilatérale, par le Dr J X, médecin ORL exerçant au sein de la Clinique du Pré au Mans (72).


Dans les suites de l’opération, M. I Y a souffert de céphalées.


Un scanner des sinus a révélé le 12 février 2016 une sinusite maxillaire droite très importante, confirmée par examen rhinoscopique. Le Dr X a prescrit à son patient un traitement par antibiotique associé à une corticothérapie.


Le 22 avril 2016, un nouveau scanner a mis en évidence une opacité complète du sinus maxillaire droit, la persistance d’une opacité en cadre du sinus maxillaire gauche, et une hypertrophie des muqueuses naso-esthmoïdales. Le Dr X a préconisé un nettoyage sous anesthésie du sinus maxillaire droit et une ethmoïdectomie antérieure gauche. M. I Y a été opéré le 30 mai 2016, en ambulatoire.
L’état de M. I Y s’étant aggravé, le 3 juin 2016, le Dr X a prescrit des corticoïdes et des antibiotiques.


Le 9 juin 2016, M. I Y a été admis aux urgences de la Clinique du Pré. Un scanner et un IRM cérébraux ont révélé un remaniement infectieux à type d’abcès pré-suppuratif fonto-basal juxta-ethmoïdal paramédian gauche associé à une lame d’empyème sous-dural frontale antérieure gauche. Le Dr Plassart a considéré qu’une prise en charge neuro-chirurgicale était souhaitable.


Le 10 juin 2016, M. Y a été transféré au CHU de Tours.


Le 12 juin 2016, son état neurologique s’est dégradé, M. Y présente alors une hémiplégie gauche. Le traitement clinique restant sans effet, M. Y a été opéré le même jour par le Dr Z qui a évacué chirurgicalement les abcès intracrâniens et a exploré la dure-mère à la base du crâne pour réaliser la fermeture d’une éventuelle brèche. Le patient a été placé en réanimation.


Le 18 juin 2016, il a été constaté la persistance d’une aphasie d’allure mixte avec une hémiparésie droite. Des prélèvements ont mis en évidence un Streptococcus intermedus.

M. Y a été transféré le 28 juin 2016 à l’hôpital de La Ferté D, puis le 18 juillet 2016 au Centre de l’Arche à Saint-Saturnin. Son état a peu évolué.


Par jugement du 3 novembre 2016, le juge des tutelles du Mans a désigné Mme G Y, fille de M. I Y, tutrice de son père.


Le 13 décembre 2016, M. I Y a rejoint son domicile et a continué des séances de rééducation au Centre de l’Arche trois jours par semaine jusque fin juillet 2017.


Le 3 février 2017, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées a estimé que le taux d’incapacité de M. Y était égal ou supérieur à 80%.


Du 25 juillet au 1er août 2017, M. Y a été hospitalisé suite à des convulsions.


Par ordonnance du 6 décembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance du Mans a ordonné une expertise au contradictoire des consorts Y, de la Clinique du Pré, de la SA AXA Assurances, de M. X, de la MSA, du CHRU de Tours et de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), confiée au Dr D C, médecin neurologue.


Par ordonnance du 30 mai 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance du Mans a étendu les opérations d’expertise aux Drs F et Betton, et au centre hospitalier de La Ferté-D.


Le Dr C, qui s’est adjoint un sapiteur neurochirurgien, en la personne du Dr A et un sapiteur ORL, en la personne du Dr B, a déposé son rapport d’expertise définitif le 28 décembre 2019. Il a exclu toute anomalie dans la prise en charge de M. Y au CHRU de Tours et fixé la date de consolidation au 19 avril 2019 et a notamment retenu un déficit fonctionnel permanent de 85% prenant en compte l’ensemble des séquelles retenues, à savoir, l’hémiplégie, les troubles du langage, les troubles cognitifs, l’épilepsie séquellaire.


Par actes d’huissier des 29 novembre et 2 décembre 2020, Mme G Y ès qualités de tutrice de M. I Y ; a fait assigner l’ONIAM, M. J X et la MSA Mayenne-Orne-Sarthe devant le juge des référés du tribunal judiciaire du Mans, aux fins de voir, en vertu de ses dernières conclusions :


- déclarer M. X responsable pour 50% des préjudices subis par M. Y,
- déclarer l’ONIAM responsable des préjudices subis par M. Y à hauteur de 40%,


- condamner l’ONIAM à lui verser, ès qualités, la somme de 1.000.000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation définitive de ses préjudices,


- condamner M. X à lui verser, ès qualités, la somme de 1.250.000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation définitive de ses préjudices,


- les condamner aux dépens et à lui verser une provision ad litem de 10.000 euros, outre la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- déclarer la décision à intervenir commune et opposable à la MSA.


L’ONIAM, sans contester l’obligation d’indemniser le préjudice subi par M. Y, a demandé au tribunal de fixer la part non sérieusement contestable de l’indemnisation mise à sa charge à 40%, et de réduire la provision totale à 230.506,48 euros au vu de l’existence de contestations sérieuses pour certains postes de préjudice notamment pour les besoins en tierce personne, offrant de verser pour sa part une somme de 91.038,59 euros. Il a entendu voir la demanderesse déboutée de sa demande de condamnation solidaire de lui-même et de M. X.

M. X a conclu au rejet de la demande de provision et a contesté l’étendue de sa responsabilité. Subsidiairement, il a sollicité le rejet des demandes indemnitaires au titre de préjudices définitifs demeurant selon lui incertains. Il a estimé qu’il ne devait pas s’acquitter d’une somme supérieure à 40% des éventuelles sommes allouées à titre de provision. Il a considéré que la provision devait être réduite à de plus justes proportions.


Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 4 septembre 2020, le président du tribunal judiciaire du Mans a :


- condamné l’ONIAM à payer à Mme Y, en qualité de tutrice de M. Y, une provision de 1.000.000 euros à valoir sur l’indemnisation définitive de son préjudice,


- condamné M. X à payer à Mme Y, en qualité de tutrice de M. Y, une provision de 500.000 euros à valoir sur l’indemnisation définitive de son préjudice,


- condamné in solidum M. X et l’ONIAM à payer à Mme Y, en qualité de tutrice de M. Y, la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamné in solidum M. X et l’ONIAM à payer à Mme Y, en qualité de tutrice de M. Y, une provision ad litem de 10.000 euros,


- débouté les parties de leurs autres demandes,


- condamné in solidum l’ONIAM et M. X aux dépens.


Pour juger les obligations d’indemnisation respectives de l’ONIAM et du Dr X non sérieusement contestables, le premier juge, rappelant qu’il n’avait pas le pouvoir de se prononcer sur les responsabilités en cause, a constaté que l’ONIAM ne contestait pas devoir indemniser à hauteur de 40% le préjudice de M. Y, et que M. X ne contestait pas être responsable à hauteur de 40% de la perte de chance de M. Y de ne pas conserver des séquelles. Il a souligné que les défendeurs ne pouvaient pas être condamnés solidairement à indemniser au vu de la différence de nature de leurs obligations d’indemnisation. Pour fixer les condamnations provisionnelles de l’ONIAM et du Dr X, il s’est appuyé sur les conclusions du Dr C, au regard de l’état de M. Y, ne pouvant évoluer favorablement, des préjudices subis et des dépenses prévisibles. Il a considéré que la demande de provision ad litem était justifiée dès lors que les obligations de défendeurs d’indemniser la demanderesse de ses frais de justices futurs n’étaient pas sérieusement contestables.


Par déclaration du 17 novembre 2020, l’ONIAM a interjeté appel de cette ordonnance, en ce que le juge des référés a condamné l’ONIAM à payer à Mme Y, en qualité de tutrice de M. Y, une provision de 1.000.000 euros à valoir sur l’indemnisation définitive de son préjudice, condamné in solidum M. X et l’ONIAM à payer à Mme Y, en qualité de tutrice de M. Y, la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamné in solidum M. X et l’ONIAM à payer à Mme Y, en qualité de tutrice de M. Y, une provision ad litem de 10.000 euros, condamné in solidum l’ONIAM et M. X aux dépens.


Le Dr J X a régularisé un appel incident.


Par ordonnance du 24 février 2021, le premier président de la cour d’appel d’Angers a débouté l’ONIAM de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé dont appel, a débouté l’ONIAM de toutes ses autres demandes, a condamné l’ONIAM à payer à Mme G Y, en qualité de détentrice d’une habilitation familiale générale pour la gestion des intérêts personnels et financiers de M. I Y, la somme de 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.


L’ONIAM, Mme G Y en sa qualité de tutrice de M. I Y et M. J X ont conclu.


Bien que s’étant vue régulièrement signifier la déclaration d’appel et les conclusions de l’appelant, la MSA Mayenne-Orne-Sarthe n’a pas constitué avocat.

Moyens et prétentions des parties


Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement :


- du 15 juillet 2021 pour l’ONIAM,


- du 2 novembre 2021 pour Mme G Y, détentrice d’une habilitation familiale générale pour la gestion des intérêts personnels et financiers de M. I Y,


- du 14 octobre 2021 pour le Dr J X.

L’ONIAM demande à la cour, au vu des articles L. 1142-1 II et suivants, D. 11421 et suivants du code de la santé publique, et 835 alinéa 2 du code de procédure civile, de :


- recevoir l’ONIAM en son appel et en ses contestations et demandes, l’y déclarer fondé et y faisant droit,


- infirmer l’ordonnance du 4 septembre 2020 du tribunal judiciaire du Mans en ce qu’elle a :

* condamné l’ONIAM à payer à Mme Y, en qualité de tutrice de M. Y, une provision de 1.000.000 euros à valoir sur l’indemnisation définitive de son préjudice,

* condamné in solidum M. X et l’ONIAM à payer à Mme Y, en qualité de tutrice de M. Y, la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, * condamné in solidum M. X et l’ONIAM à payer à Mme Y, en qualité de tutrice de M. Y, une provision ad litem de 10.000 euros,

* débouté les parties de leurs autres demandes,

* condamné in solidum l’ONIAM et M. X aux dépens,

statuant à nouveau,


- fixer la provision globale à un montant non contestable a maxima de 236.506,48 euros,


- limiter l’allocation provisionnelle mise à la charge de l’ONIAM à 40% du montant de la provision, soit au maximum 94.602,60 euros,


- déclarer Mme Y ès qualités irrecevable et en tout cas non fondée en toute prétention plus ample,


- déclarer M. X irrecevable et en cas non fondé en toute prétention plus ample,


- réserver les dépens.


L’ONIAM rappelle dans un premier temps sa mission au titre de la solidarité nationale, strictement définie par les articles L1142-1 et suivants et L 1142-222 et suivants du code de la santé publique, et plus particulièrement les seuils de gravité du dommage subi par la victime d’un accident médical devant être atteints pour qu’il l’indemnise. Il rappelle qu’il n’intervient pas en qualité de responsable fautif, qu’il ne peut indemniser que s’il existe un accident médical non fautif et non un aléa thérapeutique qui n’est pas nécessairement un accident médical non fautif. Il affirme qu’il n’intervient qu’à titre subsidiaire de toute faute, dès lors qu’un responsable fautif est identifié ; qu’il ne peut être condamné à indemniser l’intégralité du préjudice subi en présence de fautes ; que n’ayant pas qualité d’auteur responsable, il ne peut se retourner contre un responsable.


Il estime qu’il appartenait au premier juge d’examiner le caractère non sérieusement contestable de la part de responsabilité imputable à chaque partie ; que le premier juge devait d’abord déterminer la part du préjudice dont il sollicitait indemnisation imputable aux manquements puis la part imputable à l’accident médical non fautif.


Il demande à la cour d’infirmer l’ordonnance de référé entreprise considérant que le montant de la provision au paiement de laquelle il a été condamné est sérieusement contestable.


Il affirme qu’il ne peut être tenu de réparer l’entier préjudice de M. Y, que contrairement à ce que soutient Mme Y ès qualités, les conclusions expertales ne permettent pas d’aboutir à une telle conclusion. Il constate que l’expert judiciaire a clairement indiqué que 40% a minima de l’entier préjudice subi par la victime était imputable aux manquements et non que les manquements avaient entraîné une perte de chance de 40% d’éviter les préjudices liés à l’accident médical non fautif. Il observe que ces 40% n’ont pas été déduits de la part imputable à l’accident médical non fautif. Il relève que selon les conclusions expertales, les manquements de M. X et du CHU ont majoré de 50% le risque de survenue de la complication neurologique et donc 50% du préjudice subi. Il fait valoir qu’une perte de chance certaine et directe de 40% engage la responsabilité du Dr X à hauteur de 40% dans la réalisation du dommage subi.


Faisant reproche au premier juge de ne pas avoir tenu compte de ce que 20% des préjudices n’étaient imputables ni à un accident médical ni à des manquements, il en déduit que le partage de responsabilité entre faute et indemnisation par la solidarité nationale n’est pas certain. Il observe que s’il a été condamné comme M. X à raison d’une part de responsabilité de 40%, pour autant, l’indemnité provisionnelle au paiement de laquelle le premier juge l’a condamné est supérieure à celle devant être versée par M. X, sans que cette différence n’ait été explicitée.


Il affirme que l’obligation à la dette des différents intervenants au stade du référé est d’autant plus sérieusement contestable que la responsabilité du centre hospitalier de Tours pouvait être recherchée, comme le soutient aussi le Dr X.


Dénonçant cette décision l’estimant dépourvue de motivation voire entachée d’arbitraire, il fait grief au premier juge de ne pas avoir effectué d’évaluation chiffrée des préjudices poste par poste, alors qu’il affirme que le juge était tenu de statuer sur l’évaluation sérieusement contestable ou non dont il est sollicité indemnisation. Il prétend que plusieurs postes de préjudice sont pourtant sérieusement contestables.


Ensuite, l’ONIAM estime que le premier juge ne pouvait prononcer une condamnation in solidum de lui-même et du Dr X, responsable fautif, au paiement d’une créance, ni même une condamnation solidaire, que ce soit au titre du préjudice subi, au titre d’une provision ad litem, au titre des frais irrépétibles ou au titre des dépens. Il soutient que selon l’article 1313 du code civil, le principe de la solidarité ne s’applique pas en fonction de l’objet de l’indemnité à laquelle les parties sont condamnées mais en fonction de la qualité de l’auteur condamné. Il réaffirme que lorsque les dommages sont imputables à une faute, il n’a pas vocation à intervenir en vertu des articles L. 1142-1 I et II du code de la santé publique et de la jurisprudence. Il note que le premier juge s’est contredit, puisqu’il avait indiqué que les défendeurs ne pouvaient être condamnés solidairement à indemniser M. Y au regard de la différence de nature de leurs obligations d’indemnisation respectives. Il estime que seul le responsable fautif doit supporter les frais avancés de la procédure et les frais irrépétibles. Il prétend qu’au stade du référé, seuls les frais irrépétibles engagés au titre de l’instance sont certains. Il reproche au premier juge une erreur de droit manifeste pour avoir accordé une provision ad litem sans connaître les parts de responsabilité imputables aux parties.


Puis, l’ONIAM estime que l’indemnisation mise à sa charge doit être nécessairement limitée au montant non sérieusement contestable, correspondant à la part strictement imputable à l’accident médical non fautif en l’absence de toute faute. Il considère ressortir du rapport d’expertise judiciaire que ces manquements sont à l’origine d’une perte de chance de 60%. Il estime que la conclusion du Dr C, selon laquelle 'la perte de chance de M. Y de ne pas présenter une complication neurologique telle que celle qu’il a présenté à la suite de l’extension de l’infection en intracrânien, est de 50% dont 40% pour le Dr X qui n’ a pas mis en place les examens suffisants et les traitements adaptés dès le 3 juin 2016 et pour un taux de 10% pour le Centre hospitalier de la Ferté-D, lorsque M. Y se présente aux urgences le 9 juin 2016', doit être écartée car contredisant le raisonnement de l’expert.


Il demande que l’évaluation du préjudice subi par M. Y soit faite en se référant à son référentiel indicatif d’indemnisation. Il ajoute que l’indemnisation mise à sa charge doit, conformément à l’article L. 1142-17 du code de la santé publique, se faire poste par poste et déduction faite des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice, et ainsi déduction faite de la créance des organismes sociaux qui ne peuvent lui en demander le remboursement. Il constate qu’il n’est pas établi que M. Y ne remplirait pas les conditions d’attribution de la PCH qui a vocation à prendre en charge tout ou partie de certains besoins liés au handicap. Il estime que l’allocation personnalisée d’autonomie doit être déduite de la provision qu’il doit supporter.


En tout état de cause, il prétend qu’au stade du référé, aucune indemnisation au titre d’une assistance par tierce personne, et plus généralement, au titre de tout autre poste de préjudice soumis à recours, ne pouvait intervenir, dès lors que ces postes pouvaient faire l’objet d’une contestation sérieuse.


Dans le cadre du détail de l’indemnisation des différents postes de préjudice invoqués qu’il estime ne devoir dépasser la somme de 236.506,48 euros (soit 94.602,60 euros pouvant être mis à sa charge), il observe que les frais d’expertise ne sont pas inclus dans l’indemnisation des dépenses de santé actuelles, qu’il n’est pas établi que des honoraires seraient restés à la charge de la victime. Il estime aussi que l’indemnisation de l’expertise unilatérale du Dr E n’est pas justifiée, en l’absence de preuve de son utilité. Il propose une indemnisation du déficit fonctionnel temporaire sur la base d’un forfait journalier de 15 euros. Il considère que la réparation des souffrances endurées ne peut excéder 24.000 euros (soit 9.600 euros pour sa part), que celles du préjudice esthétique temporaire doit se faire à hauteur de 10.000 euros (soit 4.000 euros à sa charge). Il affirme que les fixations de provisions à valoir sur les indemnisations définitives de l’assistance par tierce personne temporaire et par tierce personne permanente, nécessitant un examen au fond, échappent aux pouvoirs du juge des référés. Il considère qu’au stade du référé, la demande indemnitaire du chef de frais de logement adapté, doit être rejeté, un examen au fond s’imposant aussi. Par référence à son référentiel, il estime que l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent pourrait se faire selon une valeur de 2.000 euros le point ; que la réparation du préjudice esthétique permanent serait juste à hauteur de 13.000 euros (soit 5.200 euros à sa charge). Il a indiqué ne pas avoir d’observation à faire valoir s’agissant de la réparation du préjudice d’agrément.

Mme G Y, détentrice d’une habilitation familiale générale pour la gestion des intérêts personnels et financiers de M. I Y, au vu des articles L. 1142-1 II du code de la santé publique, 835 alinéa 2 du code de procédure civile, au vu du pré-rapport d’expertise du Dr C du 7 août 2019, du rapport d’expertise définitif du Dr C du 28 décembre 2019, et des pièces versées aux débats, demande à la cour de :


- déclarer irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes l’ONIAM et le Dr X,


- confirmer en tout point l’ordonnance de référé du 4 septembre 2020 du président du tribunal judiciaire du Mans.


Rappelant les dispositions des articles L. 1142-1 II du code de la santé publique et la définition de l’aléa thérapeutique par la Cour de cassation, elle affirme que l’ONIAM doit indemniser la totalité du préjudice de son père puisque le fait générateur du dommage est un accident médical non fautif.


Elle observe que l’appelant n’intervient pas en tant que responsable fautif dans la procédure ; qu’en sus, ce dernier n’a jamais contesté devoir intervenir au titre de la solidarité nationale. Elle précise que son père ne présentait aucun antécédent avant l’acte chirurgical.


Elle soutient que l’incident survenu pendant l’intervention du 30 mai 2016 est, comme l’a retenu le Dr C, constitutif d’un aléa thérapeutique, responsable de l’ensemble des complications survenues et séquelles en découlant. Elle observe que selon le rapport du sapiteur M. B, la brèche méningée présentée par son père est une complication de cette intervention, mais ne pouvant être maîtrisée, puisque susceptible d’échapper au contrôle et même à la connaissance du chirurgien auquel ainsi il ne peut être reproché de façon certaine de maladresse, d’imprudence ou de négligence, puisque aussi la création d’une telle brèche avec fuite de liquide céphalorachidien ayant entraîné les céphalées de son père à l’origine des séquelles ne survient que dans moins de 1% des cas. Elle en déduit que les fautes du Dr X et du centre hospitalier de La Ferté-D n’ont été commises que par la suite, dans la prise en charge des suites de l’aléa thérapeutique. Elle souligne que les séquelles de son père sont particulièrement graves puisqu’il bénéficie d’une carte d’invalidité avec taux égal ou supérieur à 80% et présente un déficit fonctionnel permanent de 85%.


Elle souligne que le premier juge a retenu que l’aléa thérapeutique était responsable de 50% des préjudices de son père, que la part non contestée par l’ONIAM étant fixée à 40% ; que pour les 50% restant, le Dr C a admis la faute du Dr X ayant entraîné une perte de chance de 40% d’éviter les complications neurologiques, et la faute du centre hospitalier de La Ferté-D avec une perte de chance d’éviter ces complications évaluée seulement à 10% ; qu’il reste ainsi un taux de 50% relatif à la part aléatoire des conséquences inévitables de l’accident médical non fautif devant être indemnisée dans la procédure au fond par l’ONIAM. Elle constate que les experts ont écarté la responsabilité du CHRU de Tours. Elle en déduit que l’ONIAM doit être tenu pour 75%, le Dr X pour 20% et le centre hospitalier de La Ferté-D pour 5%.


Elle s’estime ainsi fondée ès qualités à obtenir la condamnation de l’ONIAM à verser une provision, alors que l’existence de l’obligation incombant à l’appelant n’est pas remise en cause. Elle fait valoir, au vu de l’absence de contestation de l’ONIAM de sa responsabilité dans une limite inférieure à 40 % du préjudice, et au vu de l’absence de contestation par M. X de sa responsabilité dans une limite inférieure à 40% de la perte de chance d’éviter les séquelles, en déduisant que le partage de responsabilités entre faute et indemnisation est certain, que bien que le juge des référés ne pouvait se prononcer sur les responsabilités en cause, il pouvait déterminer la limite non-contestable de l’obligation à mettre à la charge de l’ONIAM et du Dr X. Elle note que selon le rapport du Dr C, les fautes du Dr X et de l’hôpital de La Ferté-D ont, dans la prise en charge des conséquences de l’accident médical non fautif, respectivement entraîné une perte de chance de 40% et de 10% d’éviter de présenter des complications neurologiques. Elle relève qu’il n’appartenait pas au juge des référés de se prononcer sur le montant non sérieusement contestable de l’obligation de cet hôpital, établissement de santé public, la question relevant de juge administratif.


Elle estime que le raisonnement de l’ONIAM n’est pas opérant, que l’appelant ne peut prétendre n’intervenir qu’à titre subsidiaire. Elle se considère en droit de demander d’une part la condamnation de l’ONIAM au titre d’un aléa thérapeutique, d’autre part une indemnisation des préjudices de son père au titre de la faute du Dr X. Elle constate que le premier juge a déterminé l’indemnité due par l’appelant après réduction du montant de l’indemnisation mise à la charge du responsable de la perte de chance, limitée elle à la fraction du dommage correspondant à la chance perdue. Elle note qu’une telle déduction n’est d’ailleurs pas systématiquement opérée par la jurisprudence et affirme qu’ainsi l’ONIAM pourrait être tenu d’indemniser l’entier préjudice de M. Y, dès lors que la part imputable à l’accident médical non fautif est en réalité la totalité du préjudice, – notant que le Dr C ne fixe pas la part de responsabilité de l’aléa thérapeutique dans son rapport. Elle réaffirme que les fautes du Dr X et du centre hospitalier de La Ferté-D ont conduit seulement à la perte de chance de son père d’éviter les complications la brèche méningée. Elle estime que la part de la faute médicale du Dr X ne peut être déterminée avant d’établir la part imputable à l’accident médical non fautif au vu du fait que l’acte fautif est apparu dans la prise en charge de cet accident et n’a entraîné qu’une perte de chance d’en éviter les conséquences. Elle prétend que la répartition des responsabilités explique l’écart de condamnation entre l’ONIAM et le Dr X.


Estimant les responsabilités bien établies, Mme Y ès qualités considère que le Dr X ne peut pas contester que sa part de responsabilité, en suite de sa faute, correspond à une perte de chance de 40% d’éviter les conséquences de l’accident médical non fautif et conclut au rejet des prétentions incidentes du Dr X.


Elle affirme que la condamnation solidaire de l’ONIAM et du Dr X ne peut conduire à une infirmation de la décision dont appel dès lors qu’il est possible de diviser par deux les sommes dues par ces parties, soulignant que le Dr X a d’ailleurs exécuté ladite décision à hauteur de la moitié des sommes dues. Elle fait remarquer que la condamnation in solidum ne concerne que la provision, les frais de procédure et les dépens. En l’absence de condamnation in solidum possible entre l’ONIAM et le Dr X, elle acte que l’ONIAM devra alors verser la moitié de la provision ad litem, la moitié des frais de procédure et la moitié des dépens.


De plus, l’intimée fait valoir que l’imbrication des responsabilités implique un calcul d’une indemnisation totale dans un premier temps, puis dans un second temps la répartition de la part imputable tant à l’aléa qu’aux fautes des médecins. Elle observe que la provision sollicitée en référé n’est qu’une avance sur l’indemnisation définitive alors que tous les postes de préjudice n’ont pas encore été entièrement évalués. Elle prétend que l’évaluation poste par poste, conformément à la nomenclature Dintilhac, n’est pas imposée aux juges, pas plus que le référentiel de l’ONIAM qui ne permettrait pas une réparation intégrale du préjudice de M. Y selon les principes de la responsabilité civile et de la jurisprudence, et complexifierait la répartition des sommes selon les pourcentages établis.


Plus globalement, elle fait valoir que la demande de provision sur les postes temporaires ne se heurte à aucune difficulté puisque la consolidation est acquise, l’état de santé de son père étant insusceptible d’amélioration, et que les préjudices ont été précisément et définitivement déterminés par l’expert.

Mme Y ès qualités détaille ensuite les montants a minima qu’elle estime pouvoir être réclamés pour chaque poste de préjudice de son père, dès le stade du référé, et approuve le premier juge en son évaluation du quantum provisionnel global à allouer à M. Y, estimé en fonction des sommes minimales à accorder pour chaque poste. Elle fait remarquer que M. Y n’a perçu aucune provision depuis mai 2016.


Elle fait constater qu’aucune demande n’est formée au titre des dépenses de santé actuelles.


Elle considère que l’indemnisation de l’assistance par tierce personne n’est pas contestable. Elle affirme que son père ne perçoit pas la prestation compensatoire de handicap faute de remplir les conditions d’attribution, en particulier celles liées à l’âge, et en déduit qu’une telle prestation n’a pas à être déduite de la provision mise à la charge de l’ONIAM, sans qu’elle n’ait à produire de justificatif d’un refus d’octroi d’une telle prestation, non sollicitée. Elle ajoute que l’allocation personnalisée d’autonomie, dépourvue de tout caractère indemnitaire, et ne donnant pas lieu à un recours subrogatoire, n’a pas non plus à être déduite.


Elle considère que les frais divers indemnisables doivent comprendre des factures pour l’adaptation du domicile au handicap de son père, l’achat d’un fauteuil-roulant, de ses accessoires, et d’une chaise de douche dont elle affirme qu’ils n’ont pas été engagés, en novembre et décembre 2016, pour la simple convenance de M. Y ; outre la facture de taxi pour se rendre à l’expertise médicale, les honoraires du Dr E pour l’expertise du 27 juin 2016 dont elle affirme la mise en oeuvre parfaitement justifiée au vu de l’état de santé de son père et des déficits existant depuis les faits ; et outre l’indemnisation des besoins en tierce personne temporaire, au vu de l’absence de versement de prestation compensatoire de handicap et de l’absence de caractère indemnitaire de l’allocation personnalisée d’autonomie, et au vu du fait que l’aide déterminée par le Dr C correspond à un besoin réel et passé de la victime. Elle estime qu’il est possible de se référer à des coûts honoraires minimaux de 20 euros pour l’aide active et de 15 euros pour la simple présence, fustigeant l’inadéquation des taux proposés par le Dr X aux tarifs pratiqués sur le marché, au vu aussi du principe de réparation intégrale du préjudice. Elle considère justifier du recours aux services d’une entreprise spécialisée au titre de ces besoins en tierce personne.


Elle estime qu’un taux journalier de 20 euros doit être retenu pour la réparation du déficit fonctionnel temporaire, étant conforme et même inférieur aux pratiques des juges du fond qui pourrait conduire à le porter à 30 euros par jour.


Considérant que l’ONIAM minore les quantum indemnitaires à allouer des chefs des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire, elle sollicite que soient octroyés à son père des sommes non inférieures respectivement à 35.000 et 30.000 euros de ces chefs.


S’agissant de l’indemnisation d’une assistance par tierce personne définitive, elle estime qu’elle est indemnisable aussi au regard de l’absence de versement de prestation compensatoire de handicap et de l’absence de caractère indemnitaire de l’allocation personnalisée d’autonomie, et au vu de la reconnaissance de besoins biens particuliers par l’expert judiciaire. Estimant que les taux proposés par le Dr X L là encore, elle considère falloir prendre en compte un coût horaire minimum de 20 euros pour l’aide active, et de 15 euros pour l’aide passive. Elle ajoute que même si l’indemnisation de la tierce personne permanente prenait la forme d’un capital versé lors de la liquidation des préjudices de M. Y, les intérêts de la victime seraient préservés, affirmant que le versement d’une rente ne se justifie pas ici. Elle calcule le montant des besoins en tierce personne définitive qu’elle considère indemnisable après calcul des arrérages depuis la date de consolidation et capitalisation de la demande annuelle selon le barème de la gazette du Palais 2018.


Elle soutient que la valeur de point à appliquer pour indemniser le déficit fonctionnel permanent doit être de 2.700 euros minimum.


Elle prétend que le préjudice esthétique permanent de son père ne doit pas être réparé au-dessous de 20.000 euros.


Elle constate que l’ONIAM ne s’oppose pas au versement d’une provision de 3.000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice d’agrément.

M. J X demande à la cour, au vu des articles 1142-1 I et II du code de la santé publique, et 835 alinéa 2 du code de procédure civile, au vu de l’existence de contestations sérieuses, et au vu de l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire du Mans du 4 septembre 2020, de :

à titre principal,


- dire et juger qu’il existe des contestations sérieuses quant à l’étendue de la responsabilité de chacun des intervenants, venant se heurter aux demandes provisionnelles formulées par Mme Y ès qualités de tutrice de M. Y,

en conséquence,


- infirmer l’ordonnance de référé du 4 septembre 2020 faisant l’objet de l’appel et des demandes incidentes,

et statuant à nouveau,


- rejeter les demandes provisionnelles formulées par Mme Y ès qualités,

à titre subsidiaire,


- dire et juger qu’il existe des contestations sérieuses relatives aux montants des demandes provisionnelles formulées par Mme Y ès qualités,

en conséquence,


- rejeter les demandes formulées par Mme Y ès qualités eu égard aux préjudices définitifs qui demeurent incertains,


- ramener les condamnations allouées par provision à Mme Y ès qualités à de plus justes proportions, comme suggéré dans les présentes conclusions, poste par poste,

à titre plus subsidiaire,


- confirmer l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire du Mans quant aux montants de condamnations respectivement portées à l’encontre de l’ONIAM et du Dr X au bénéfice de Mme Y ès qualités et au débit,

en toute hypothèse,
- condamner l’ONIAM à payer au Dr X une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.


A titre liminaire, M. X observe qu’en regard des articles L1142-1 Iet II du code de la santé publique, l’ONIAM, en l’absence de faute, a vocation à prendre en charge les accidents médicaux lorsqu’ils sont imputables à un acte médical, sont responsables de conséquences anormales sur l’état de santé du patient ou l’évolution prévisible de celui-ci, et sont d’une gravité particulière.


Se prévalant de son compte-rendu opératoire ne faisant état d’aucune difficulté, ainsi que du rapport du sapiteur, le Dr B, écartant toute maladresse, imprudence ou négligence certaine de sa part, ce rapport soulignant encore que les brèches méningées avec fuite de liquide céphalorachidien sont des complications qui surviennent dans moins de 1% des cas, et que le praticien ne peut ne pas s’apercevoir de la lésion qui peut-être irradiée, c’est-à-dire causée indirectement au travers d’une paroi par le geste du chirurgien, M. X invoque son absence de responsabilité au stade de l’intervention du 30 mai 2016 et prétend que les préjudices subis par la victime sont directement et totalement en lien avec un accident non fautif, et doivent être réparés uniquement par l’ONIAM. Il souligne que l’expert judiciaire a conclu que la fracture osseuse constituait un aléa de l’acte chirurgical, sans qu’elle ne puisse être attribuée à un manquement de sa part, et que toutes les complications survenues et séquelles en découlant sont directement en relation avec cet aléa.


Il estime qu’il ne peut être considéré qu’il est responsable intégralement de la perte de chance subie par M. Y d’éviter des séquelles neurologiques. Il affirme que lorsque M. Y s’est présenté seul à sa consultation du 3 juin 2016, le patient ne présentait aucun signe déficitaire, aucun signe méningé et aucune désorientation, de sorte que l’état général de celui-ci ne suggérait pas d’existence de complication infectieuse d’ordre méningo-céphalique, comme l’a aussi constaté le Dr F cinq jours plus tard. Il observe qu’aucune imagerie n’a été réalisée au centre hospitalier de La Ferté-D après que M. Y s’y soit présenté le 9 juin 2016, et que selon le sapiteur neurochirurgien, cette carence a réduit de 10% la probabilité d’amoindrir les séquelles neurologiques. De plus, il prétend qu’il existe une discussion sur l’éventuelle responsabilité du CHRU de Tours, où a été prise en charge la victime le 10 juin 2016, dans la perte de chance d’éviter le dommage, compte tenu d’un retard dans la réalisation de l’opération d’évacuation de l’abcès.


A titre principal, M. X excipe de l’existence de contestations sérieuses quant au partage des responsabilités faisant obstacle au principe de l’octroi d’une provision et aux demandes à son égard de l’ONIAM. D’abord, il affirme, comme l’ONIAM,qu’ils ne sauraient être condamnés solidairement, alors que le fondement des demandes formulées à son encontre et à l’endroit de l’appelant ne sont pas assimilables puisque lui intervient uniquement dans la prise en charge de la perte de chance sus-évoquée.


Puis, il se prévaut d’un débat sur le quantum de responsabilités des intervenants. Faisant remarquer que le Dr C a fixé la perte de chance en lien avec ses interventions et celle du centre hospitalier de La Ferté-D à 50% au total, que donc l’ONIAM doit indemniser les 50% restants, il affirme ne pouvoir être redevable au-delà d’un maximum de 40% du montant de la provision au vu du rapport d’expertise judiciaire. Il prétend que les 10% de la perte de chance en lien avec l’intervention du centre hospitalier de La Ferté-D ne s’ajoutent pas à la perte de chance de 50% puisqu’ils en constituent une composante. Il en déduit que sa responsabilité ne peut pas porter sur plus de 20% du dommage total. Il estime aussi que la possible responsabilité du CHRU de Tours constitue encore une contestation sérieuse.


A titre subsidiaire, il invoque aussi l’existence de contestations sérieuses quant au montant de la provision sollicitée. Il observe que le juge des référés, non juge de la liquidation des préjudices, ne peut octroyer une provision que pour la réparation des préjudices qui ne sont affectés d’aucun aléa, qui sont certains. Or, il soutient que l’évaluation du préjudice étant susceptible d’évoluer, aucune provision ne doit être allouée sur les préjudices définitifs qui demeurent incertains tant qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une liquidation.


Il fait valoir qu’il ne peut pas être condamné à une somme excédant celle de 500.000 euros, correspondant au montant demandé par Mme Y ès qualités.


Il observe, s’agissant des différents postes de préjudice dont celle-ci poursuit l’indemnisation, que, s’agissant des frais divers, Mme Y ès qualités a omis de déduire la prise en charge par la CPAM des frais liés à l’acquisition du fauteuil-roulant et à la chaise de douche. Il estime que pour l’indemnisation de l’assistance par tierce personne temporaire, les calculs doivent être effectués sur la base de 16 euros de l’heure pour l’assistance active et de 11 euros pour l’assistance passive, observant que les aides prévues dans le rapport d’expertise judiciaire sont des aides non médicalisées et non spécialisées, émanant en particulier de la fille de la victime, de voisins ou amis.


Il considère adéquat d’appliquer un taux journalier de 25 euros pour réparer le déficit fonctionnel temporaire de M. Y.


Il prétend que l’indemnisation des souffrances endurées ne saurait excéder 30.000 euros, et celle du préjudice esthétique temporaire 6.000 euros.


Il réaffirme que Mme Y ès qualités ne peut solliciter une liquidation définitive de préjudices devant le juge des référés.


A titre infiniment subsidiaire, s’agissant de l’indemnisation des besoins en tierce personne permanente, il entend proposer une substitution au versement du capital celui d’une rente qu’il estime être préconisée par la Cour de cassation et les juges du fond sans porter atteinte au principe de réparation intégrale de la victime. Il considère que la provision allouée sur le fondement de préjudices restants à courir pourrait être utilement évaluée sur la base qu’il suggère, avant application de l’imputabilité à l’ONIAM et à lui-même, au jour de l’arrêt à intervenir, et le cas échéant, être réévaluée le temps passant dans l’attente d’un jugement exécutoire au fond.


Infiniment subsidiairement s’agissant des postes de préjudice définitifs, il estime que le quantum indemnitaire à accorder au titre de l’assistance par tierce personne ne peut excéder 1.825.614,85 euros, à retenir comme Mme Y ès qualités le fait, une date de jugement au fond au 19 avril 2022 en guise de date de liquidation des préjudices. Par ailleurs, il prétend que l’indemnisation du préjudice esthétique permanent peut se faire pour 15.000 euros. Il s’accorde avec Mme Y ès qualités s’agissant de la valeur de point à retenir pour réparer le déficit fonctionnel permanent du père de celle-ci, comme pour le quantum indemnitaire réclamé par cette dernière pour le préjudice d’agrément.


Il considère que le montant de la provision ad litem doit être plus justement ramené à 10.000 euros.

Motifs de la décision


Il convient tout d’abord d’observer que contrairement à ce que soutient l’appelant principal, l’ordonnance de référé est motivée au regard des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, dès lors qu’elle reprend effectivement les conclusions expertales et en tire les conclusions et la reconnaissance de ONIAM et Dr X du principe de l’indemnisation, précisant ne pouvoir se prononcer sur les responsabilités en cause.


L’article 835 du code de procédure civile en son alinéa 2 prévoit la possibilité d’accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire dès lors que l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Sur l’existence d’une obligation non sérieusement contestable
Aux termes de l’article L.1142-1 II du code de la santé publique, dans sa version applicable :'Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’incapacité permanente ou de la durée de l’incapacité temporaire de travail.'


Il est de principes constants qu’en application de ce texte seul le patient victime de l’accident médical, ou ses ayants droit en cas de décès, peut obtenir réparation de ses préjudices et que les dommages subis par le patient doivent être directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins qui ont eu pour lui des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci.


S’agissant de la condition d’anormalité du dommage, elle doit toujours être regardée comme remplie lorsque l’acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l’absence de traitement. Si tel n’est pas le cas, cette condition ne peut être considérée comme remplie, sauf si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.


Lorsqu’il ne peut être tenu pour certain qu’en l’absence de faute dans l’accomplissement d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins, le dommage ne se serait pas produit, le préjudice subi s’analyse en une perte de chance d’échapper à ce dommage, correspondant à une fraction des différents postes de préjudice évalués.


En l’espèce, l’expert, dans son rapport (le Dr C, qui s’est adjoint un sapiteur neurochirurgien, en la personne du Dr A et un sapiteur ORL, en la personne du Dr B) déposé le 28 décembre 2019, estime que 'La fracture osseuse survenue en cours d’intervention ressort d’un aléa de l’acte chirurgical sans qu’il puisse être retenu de faute dans la réalisation de cet acte. L’ensemble des complications survenues et les séquelles qui en découlent sont directement en relation avec cet aléa.'


Dans ses écritures, l’ONIAM reconnaît devoir indemniser 40% du préjudice de M. Y.


L’expert dans son rapport estime que 'M. Y aurait dû bénéficier d’un bilan en imagerie à la date du 3 juin 2016. Ceci n’a pas été fait alors que les céphalées qui persistaient depuis un certain temps étaient anormales’ ; 'Si une imagerie avait été réalisée, elle aurait probablement montré des lésions anormales qui auraient fait poser le diagnostic d’extension infectieuse intracérébrale et conduit à une antibiothérapie adaptée 7 jours plus tôt qu’elle ne l’a été. Ce délai aurait pu être suffisant pour stopper l’extension de l’infection et la survenue de la complication neurologique grave dont est atteint M. Y ; 'Il existait incontestablement une perte de chance. Cette perte de chance est évaluée à 50%.' et 'La perte de chance de M. Y de ne pas présenter une complication neurologique telle que celle qu’il a présenté à la suite de l’extension de l’infection en intracrânien est de 50% dont 40% pour le Dr X qui n’a pas mis en place les examens suffisants et les traitements adaptés dès le 3 juin 2016 et pour un taux de 10% pour le Centre hospitalier de la Ferté-D, lorsque M. Y se présente aux urgences le 9 juin 2016 '.


Dans ses écritures, le Dr X ne reconnaît pas réellement devoir indemniser à hauteur de 40% de la perte de chance de M. Y de ne pas conserver de séquelles si ce n’est dans son subsidiaire.


Toutefois au regard du rapport d’expertise, il importe de relever que cette perte de chance apparaît clairement et qu’elle n’est donc pas sérieusement contestable alors même que les conclusions de l’expert ne sont pas réellement contestées dans leur principe.


Il y a lieu dès lors de constater que l’obligation n’est pas sérieusement contestable.


Il importe toutefois de préciser que la solidarité nationale n’intervient qu’à titre subsidiaire pour la part de préjudice non réparée par le responsable du dommage. Ainsi dans le cas d’un accident médical non fautif suivi d’une faute dans la prise en charge de cet accident, la faute ne porte dans ce cas en elle qu’une part du dommage et, dès lors, la solidarité nationale doit prendre en charge la part du dommage excédant la réparation mise à la charge du responsable notamment lorsque ce dernier ne sera condamné que dans le cadre d’une perte de chance subie par le patient de se soustraire aux conséquences de l’accident médical non fautif.


Au regard du rapport d’expertise, il n’est pas relevé de faute du Dr X quant à l’acte chirurgical lui-même mais qu’il est par contre estimé un manquement quant au suivi post opératoire.


Or ce sont bien les suites de l’intervention chirurgicale qui ont donné lieu à une infection, laquelle s’est propagée et a conduit M. Y dans son état actuel. Ainsi le patient a subi une perte de chance d’éviter les séquelles neurologiques.


Aussi ces éléments doivent-ils être pris en compte quant à la répartition de la somme allouée à titre de provision.

Sur le montant de la provision accordée


Le Dr C a fixé la date de consolidation au 19 avril 2019. Il a par ailleurs retenu :


- un déficit fonctionnel total du 9 juin 2016 jusqu’au 13/12/2016, et du 25 juillet 2017 au 01 août 2017,


- un déficit fonctionnel temporaire partiel du 13 décembre 2016 jusqu’à la date de consolidation pour un taux de 90%,


- un déficit fonctionnel permanent de 85% prenant en compte l’ensemble des séquelles retenues, à savoir, l’hémiplégie, les troubles du langage, les troubles cognitifs, l’épilepsie séquellaire,


- des souffrances endurées à 6/7,


- un préjudice esthétique temporaire à 6/7 et 5,5 et permanent à 5,


- un préjudice d’agrément, M. Le comte ne pouvant s’adonner aux activités de loisirs qui étaient les siennes avant les faits,


- des dépenses de santé actuelles, certaines dépenses étant restées à charge


- des frais divers des appareillages comme la prise en charge du fauteuil roulant électrique,


- des soins futurs liés aux traitements et suivis,


- des frais d’adaptation du logement nécessaires au niveau sanitaire et accessibilité,


- des frais de matériel et d’aménagement du véhicule car si M. Y ne peut plus conduire, il doit disposer d’un véhicule adapté à son fauteuil roulant,


- une aide humaine, estimée à 5 heures par jour de tierce personne active non médicalisée mais aussi d’aides d’incitation, d’occupation et d’accompagnement de 3 heures par jour. Il est précisé que M. Y n’est plus apte à gérer ses affaires ni à se déplacer seul et à pouvoir réagir en cas de danger et nécessite, en dehors de la tierce personne active, la présence d’une tierce personne de proximité pour 16 heures par jour dont 8 heures de présence nocturne.


Il n’y a pas lieu à ce stade de la procédure de procéder à l’évaluation complète du préjudice poste par poste comme le soutient l’appelante alors que l’affaire est pendante au fond.


Il importe toutefois avant de fixer la provision globale d’observer que si certaines indemnisations seront soumises à recours, cela n’implique pas qu’elles ne doivent pas être prises en compte alors même que si la prestation de compensation du handicap sera soumise à recours concernant l’ONIAM, tel ne sera pas le cas concernant le Dr X. Or au regard du taux d’invalidité de M. Y, la prise en charge au titre de la tierce personne est très important.


Il ressort au regard de l’ensemble du préjudice subi, de l’incidence sur sa vie actuelle dont l’évolution favorable est compromise, du taux d’invalidité retenu pour M. Y à titre temporaire et définitif tout en prenant en compte les prestations payées par les tiers payeurs que la provision globale doit être fixée à la somme de 800 000 €.

M. J X reconnaît subsidiairement devoir indemniser la victime sur la base d’une perte de chance estimée à 40%. Compte tenu de ce taux ainsi que de ce qui précède sur la répartition des indemnisations, il convient de le condamner à verser une provision de 500 000 €.


L’ONIAM reconnaissant une indemnisation à hauteur de 40%, sera condamnée à verser à Mme Y ès qualités la somme de 300 000 € à titre de provision.

Sur les demandes accessoires

Mme Y ès qualités demande la confirmation de l’ordonnance de référé en toutes ses dispositions et notamment celle lui ayant octroyé la somme de 10 000 € de provision ad litem.


Le montant de cette provision ad litem n’est pas contesté par le Dr X. Toutefois l’ONIAM conteste le principe de sa condamnation à ce titre outre le fait qu’il ne peut y avoir de condamnation solidaire.


Si la contestation de la solidarité dans la prise en charge de la provision ad litem est justifiée, la provision ad litem n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute alors qu’en l’espèce, Mme Y devra au fond engager des frais et alors que le principe de la responsabilité dans son principe n’est pas contesté.


Il convient dès lors de condamner l’ONIAM à verser la somme de 5 000 € à ce titre ainsi que le Dr X.


Parties succombantes, l’ONIAM et le Dr X seront condamnés à verser chacun la somme de 750 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens par moitié.

PAR CES MOTIFS


La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,


- Infirme l’ordonnance rendue le 4 septembre 2020 par le Président du tribunal de grande instance du Mans statuant en référé, sauf en ce qu’elle a condamné sur le principe à l’octroi d’une provision.

Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Condamne M. J X à payer à Mme G Y dans le cadre de son habilitation familiale pour son père M. I Y la somme de 500 000 € à titre de provision,


- Condamne l’ONIAM à payer à Mme G Y dans le cadre de son habilitation familiale pour son père M. I Y la somme de 300 000 € à titre de provision,


- Condamne M. J X à payer à Mme G Y dans le cadre de son habilitation familiale pour son père M. I Y la somme de 5 000 € à titre de provision ad litem,


- Condamne l’ONIAM à payer à Mme G Y dans le cadre de son habilitation familiale pour son père M. I Y la somme de 5 000 € à titre de provision ad litem,


- Condamne M. J X à payer à Mme G Y dans le cadre de son habilitation familiale pour son père M. I Y la somme de 750 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,


- Condamne l’ONIAM à payer à Mme G Y dans le cadre de son habilitation familiale pour son père M. I Y la somme de 750 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,


- Condamne l’ONIAM et M. J X à la moitié chacun des entiers dépens exposés,


- Rejette les demandes pour le surplus.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

C. LEVEUF S. ROUSTEAU
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Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 1er mars 2022, n° 20/01595