Cour d'appel de Basse-Terre, 18 décembre 2020, 19/002251

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Basse-Terre, 01, 18 déc. 2020, n° 19/00225
Juridiction : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro(s) : 19/002251
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Basse-Terre, 6 février 2019, N° 17/00082
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042855608
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRET No 642 DU 18 DECEMBRE 2020

No RG 19/00225

No Portalis DBV7-V-B7D-DB5Y

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine de la Commission d’indemnisation des victimes de dommages résultant d’une infraction de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 07 février 2019, enregistrée sous le no 17/00082

APPELANTS :

Madame C… D…

[…]

[…]

Monsieur I… S… X…

[…] co/Mme D…

[…]

Monsieur K… G… T… P…

[…]

[…]

Monsieur O… Y… P…

[…] co/Mme D…

[…]

Représentés tous les quatre par Me Evita CHEVRY de la SCP CHEVRY-VALERIUS, (TOQUE 97) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE

TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS

[…]

[…]

Représenté par Me Olivier PAYEN de la SCP PAYEN – PRADINES, (TOQUE 74) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉS :

Monsieur O… Y… P…

[…]

[…]

Monsieur K… G… T… P…

[…]

[…]

Monsieur I… S… X…

[…]

[…]

Madame C… D…

[…]

[…]

Représentés tous les quatre par Me Evita CHEVRY de la SCP CHEVRY-VALERIUS, (TOQUE 97) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TER RORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS

[…]

[…]

Représenté par Me Olivier PAYEN de la SCP PAYEN – PRADINES, (TOQUE 74) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 799-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 23 novembre 2020.

Par avis du 23 novembre 2020, le président a informé les parties que l’affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :

Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,

Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,

Madame Christine DEFOY, conseillère,

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 18 décembre 2020.

GREFFIER

Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par requête du 26 mai 2017, Mme C… D…, M. I… S… X…, M. G… T… P… et M. O… Y… P… ont saisi la commission d’indemnisation des victimes d’infractions pénales de Basse-Terre d’une demande d’indemnisation.

Ils exposaient être membres de la famille de M… X…, victime de meurtre commis le 25 juillet 2015 à Gourbeyre par O… A… B…, lequel a été déclaré coupable de ces faits par décision de la cour d’assises de Guadeloupe en date du 7 février 2017.

Suivant jugement du 7 février 2019, la commission d’indemnisation des victimes d’infractions pénales a :

— déclaré irrecevables les demandes de C… D…, I… S… X…, G… P… et O… P… ;

— dit que M… X… a commis une faute de nature à limiter l’indemnisation de ses proches ;

— dit que cette indemnisation sera réduite de 20% ;

— alloue à C… D… la somme de 24 000 euros (vingt-quatre mille euros) en réparation de son préjudice d’affection du fait du décès de son fils, M… X… ;

— alloue à C… D… la somme de 2 952 euros (deux mille neuf cent cinquante-deux euros) en réparation au titre des frais de funérailles ;

— alloué à I… S… X…, G… P… et O… P… la somme de 9 600 euros chacun (neuf mille six cents euros) en réparation de leur préjudice d’affection du fait du décès de leur frère, M… X… ;

— dit que le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infrations devra verser ces sommes dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision ;

— rejeté le surplus des demandes ;

— rappelé que l’article 706-12 du code de procédure pénale fait obligation à la victime ou à ses ayants droit d’indiquer, à l’occasion de toute procédure engagée contre les responsables du dommage, qu’ils ont saisi la commission d’indemnisation des victimes d’infractions pénales du tribunal de grande instance de Basse-Terre et qu’elle leur a accordé un indemnité ;

— dit que la décision sera notifiée sans délai aux requérants et au Fonds de garantie par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, conformément aux dispositions de l’article R 50-22 du code de procédure pénale ;

— ordonné l’exécution provisoire de la décision ;

— met les dépens à la charge du Trésor Public.

Le 18 février 2019, C… D…, I… S… X…, G… T… P… et O… Y… P… ont interjeté appel de cette décision.

Le 4 mars 2019, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (le FGTI) a interjeté appel de la même décision.

Le 20 mars 2019, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (le FGTI) a constitué avocat dans l’instance inscrite sous le no19/225.

Par ordonnance du 26 mars 2019, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction de l’instance inscrite sous le no19/278 à celle inscrite sous le no19/225.

Par conclusions en date du 30 septembre 2019, le ministère public requiert la confirmation du jugement du 7 février 2019.

Cette affaire dont la clôture est intervenue le 3 février 2020 a été fixée à l’audience de dépôt du 23 novembre 2020.

Les parties ayant déposé leurs dossiers, en application des dispositions de l’article 799 alinéa 3 du code de procédure civile, l’affaire a été retenue puis mise en délibéré au 18 décembre 2020, date de son prononcé par mise à disposition au greffe.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 16 mai 2019 aux termes desquelles C… D…, I… S… X…, G… T… P… et O… Y… P…, appelants, demandent à la cour de :

— infirmer le jugement rendu par la commission d’indemnisation qui a retenur une faute de M. X… ;

— rejeter purement et simplement la thèse du fonds de garantie quant à la prétendue faute ;

— débouter le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages de toutes ses demandes ;

— condamner le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) à payer à Mme C… D… la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral et d’affection et la somme de 3 690 euros àau titre du remboursement des frais de funérailles ;

— condamner le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) à payer à M. I… S… X… la somme de 12 000 euros au titre du préjudice moral et d’affection ;

— condamner le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) à payer à M. K… G… T… P… la somme de 12 000 euros au titre du préjudice moral et d’affection ;

— condamner le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) à payer à M. O… Y… P… la somme de 12 000 euros au titre du préjudice moral et d’affection ;

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 11 juin 2019 par lesquelles le FGTI, intimé, sollicite de voir infirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par la CIVI de Basse-Terre en date du 7 février 2019 et, statuant à nouveau, de :

— dire et juger que M… X… a commis une faute de nature à exclure tout droit à indemnisation ;

— dire et juger que la faute commise par M… X… est opposable à Mme C… D…, ainsi qu’à MM. I… S… X…, G… T… P… et O… Y… P… ;

— débouter Mme C… D…, ainsi que MM. I… S… X…, G… T… P… et O… Y… P… de leurs demandes en réparation de leur préjudice moral et frais funéraires.

— dire et juger que les dépens seront laissés à la charge de l’Etat, conformément aux dispositions de l’article R.91 et R.93-II-11o du code de procédure pénale.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’indemnisation du préjudice fondée sur l’article 706-3 du code de procédure pénale

Attendu qu’aux termes de l’article 706-3 du code de procédure pénale, "toute personne, y compris tout agent public ou tout militaire, ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes :

1o Ces atteintes n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (no 2000-1257 du 23 décembre 2000) ni de l’article L. 126-1 du code des assurances ni du chapitre Ier de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation et n’ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts ;

2o Ces faits :

— soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ;

— soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30, 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-5, 225-5 à 225-10, 225-14-1 et 225-14-2 et 227-25 à 227-27 du code pénal ;

3o La personne lésée est de nationalité française ou les faits ont été commis sur le territoire national ;

La réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime" ;

Qu’en l’espèce, il ressort des arrêts de la cour d’assises de la Guadeloupe du 7 février 2017 que M. O… A… B… a été déclaré coupable du meurtre de M… X… commis à Gourbeyre le 25 juillet 2015 et condamné à une peine de quinze ans de réclusion criminelle ;

Que la commission d’indemnisation des victimes d’infractions n’est pas liée par la décision pénale sur intérêts civils rendue antérieurement et son rôle consiste à apprécier dans quelle mesure le droit à réparation de la victime directe, ou de ses ayants droit, justifie l’allocation d’une indemnisation par le fonds de garantie des victimes d’infractions au titre de la solidarité nationale ;

Que ce dispositif d’indemnisation envisage la délinquance comme un risque social ; qu’il en résulte que l’indemnité peut être refusée ou son montant réduit si la victime a commis une faute à l’origine de l’atteinte à son intégrité physique conformément au dernier alinéa de l’article 706-3 du code de procédure pénale ;

Qu’il résulte des éléments recueillis durant l’enquête et l’instruction, éléments repris dans l’ordonnance de mise en accusation, qu’après quelques injures, O… B… bousculait la victime qui lui répondait par des coups au visage ;

Que par suite M. O… A… B… saisissait alors un couteau qu’il portait sur lui et frappait M… X… ;

Que l’expertise toxicologique mettait en évidence que M. O… A… B… était sous l’emprise d’alcool (1,9g/l) au moment des faits, et sous l’influence du cannabis (0,87ng) avec une dernière consommation remontant à 8/12h avant le prélèvement et que M… X… était sous l’emprise de l’alcool (2,32g/l) et sous l’influence du cannabis (2 à 3h avant son décès) ainsi qu’une consommation de cocaïne pouvant remonter à 24h avant le décès ;

Que lors d’une précédente incarcération, M. O… A… B… et M… X… avaient cohabité dans la même cellule et entretenaient des relations difficiles ;

Que M. J… N…, ami de M… X…, attestait par témoignage lui avoir prêté son téléphone le soir des faits et l’avoir entendu appeler un homme qui refuser de l’héberger et une femme à qui il avait dit « ce soir, soit je vais en prison, soit je meurs » ; M. U… Q… confirmait avoir reçu un appel de M… X… le 24 juillet 2015 à 19h49 lui demandant de l’herberger ; Mme V… W… confirmait elle aussi avoir entendu M… X… lui dire « ce soir, soit je vais en prison, soit je meurs » à 20h18 ; qu’elle exprimait avoir senti qu’il était en état d’ébriété et/ou sous stupéfiants ;

Que ces circonstances démontrent que M… X…, qui s’était installé dans un mode de vie impliquant immersion dans le milieu des stupéfiants avec tous les risques inhérents à cette fréquentation, avait conscience du danger auquel il allait s’exposer le soir des faits ; que M… X…, qui avait partagé avec M. O… A… B… une cellule lors d’une précédente incarcération, avait déjà rencontré des différends avec ce dernier de sorte qu’il ne pouvait ignorer la dangerosité de cet individu ; que plusieurs heures avant son décès, M… X… prévenait son amie par téléphone en ces termes : « ce soir, soit je vais en prison, soit je meurs » ; qu’il s’ensuit que M… X… avait pleine conscience du danger auquel il s’exposait en assénant des coups au visage de M. O… B… en réponse à quelques injures et une bousculade ;

Qu’il en ressort que M… X…, fût-il influencé par son état d’ébriété et d’emprise toxicologique, a eu un comportement fautif à l’origine directe de l’agression mortelle dont il a fait l’objet ;

Qu’au vu de la faute de la victime, opposable à ses ayants droits, il n’appartient pas à la solidarité nationale d’assumer les conséquences, même tragiques, des risques pleinement assumés par cette dernière ;

Qu’en conséquence, il conviendra de débouter Mme C… D…, M. I… S… X…, M. G… T… P… et M. O… Y… P… de leurs demandes en réparation de leur préjudice moral et frais funéraires et d’infirmer en ce sens le jugement déféré.

Sur les dépens

Attendu que les dépens seront laissés à la charge de l’Etat, conformément aux dispositions des articles R 91 et R 93-II-11o du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe ;

Infirme jugement rendu le 7 février 2019 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Déboute Mme C… D…, M. I… S… X…, M. G… T… P… et M. O… Y… P…, du fait de la faute de M… X…, excluant tout droit à prise en charge par le Fonds de garantie de leur indemnisation ;

Laisse les dépens à la charge de l’Etat, conformément aux dispositions des articles R 91 et R 93-II-11o du code de procédure pénale.

Et ont signé le présent arrêt.

la greffière, la présidente,

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