Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 3 octobre 2018, n° 17/00179

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bastia, ch. soc., 3 oct. 2018, n° 17/00179
Juridiction : Cour d'appel de Bastia
Numéro(s) : 17/00179
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Ajaccio, 2 juillet 2017, N° F16/00238
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°


03 Octobre 2018


R N° RG 17/00179


A Z

C/

SAS SOCIETE DE RESTAURATION RAPIDE INSULAIRE


Décision déférée à la Cour du :

03 juillet 2017

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AJACCIO

F16/00238


COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : TROIS OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT

APPELANTE :

Madame A Z

[…]

[…]

Représentée par Me BONNEROT avocat au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE, et Me Christelle MENAGE, avocat au barreau d’AJACCIO,

INTIMEE :

SAS SOCIETE DE RESTAURATION RAPIDE INSULAIRE poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

N° SIRET : 448 777 631

Bvd P Campi Ld strette la Rocade

[…]

[…]

Représentée par Me BENOIT avocat au barreau de PARIS et Me Joseph SAVELLI, avocat au barreau d’AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 juillet 2018 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. EMMANUELIDIS, conseiller, faisant fonction de président, chargée d’instruire l’affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,

M. EMMANUELIDIS, Conseiller

Mme GOILLOT, Vice-présidente placée près M. le premier président

GREFFIER :

Mme X, lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2018 puis prorogé au 03 octobre 2018

ARRET

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.

Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE.

A Z a été embauchée par la SAS société de restauration rapide insulaire (Y), à compter du 28 mars 2005, en qualité de manager, employée de niveau 3 échelon, par un premier contrat à durée indéterminée ; un second contrat à durée indéterminée été signé par les parties, le 1er décembre 2010, Y employant désormais A Z en qualité d’agent de maîtrise au poste de responsable de site, niveau 4 échelon 1, pour une rémunération de 2700 euros mensuels, outre indemnités et primes. Elle devait être placée en arrêt travail à compter du 26 avril 2016, arrêt de travail prolongé ensuite à deux reprises, jusqu’au 31 août 2016. Le 18 août 2016, A Z prenait acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, et saisissait le conseil de prud’hommes d’Ajaccio de diverses demandes le 20 août suivant.

Elle relevait appel le 12 juillet 2017 de la décision rendue par le conseil de prud’hommes d’Ajaccio le 3 juillet 2017, qui a :

— dit et jugé non fondées les demandes A Z au titre du harcèlement moral, de la discrimination sexuelle, des contreparties obligatoires en repos antérieur au mois d’août 2013 ;

— dit et jugé que la société Y n’avait commis aucun manquement au contrat de travail conclu avec A Z justifiant que la prise d’acte de la rupture dudit contrat soit imputable à l’employeur ;

— débouté A Z de sa demande au titre de complément de salaire sur la période comprise entre le 26 avril et le 10 août 2016, de sa demande au titre de retard sur les versements d’indemnités de prévoyance, de sa demande au titre de complément de salaire sur la période couverte par le régime de prévoyance du mois d’août 2016 et à compter du 1er septembre 2016, de sa demande d’indemnités de contrepartie obligatoire en repos et d’indemnité de congés payés y afférents ;

— débouté A Z de toutes ses autres demandes ;

— condamné la société Y à payer à A Z la prime « plan boni » à hauteur de 1160 euros,

— condamné la société Y à payer à A Z la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la société SA2I de toutes ses autres demandes,

— partagé les dépens par moitié entre les parties.

Par conclusions du 5 février 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelante, A Z sollicite de la cour :

— qu’elle dise et juge recevable et bien-fondé son appel,

— qu’elle infirme le jugement entrepris en ce qu’il a jugé qu’elle n’apportait pas la preuve du harcèlement moral,

— qu’elle déboute la société Y de son moyen tiré de la prescription,

— qu’elle dise et juge qu’elle a justifié de la présomption de harcèlement moral qui lui incombe, et que l’employeur n’a pas justifié le comportement reproché,

— qu’elle dise et juge que les faits subis ont eu un impact sur sa santé,

— qu’elle infirme le jugement entrepris en ce qu’il a jugé qu’elle n’avait pas souhaité donner suite à une proposition de promotion,

— qu’elle dise et juge qu’elle a été victime de discrimination sexuelle du fait de son employeur,

— qu’elle confirme le jugement entrepris en ce qu’il a appliqué la moyenne des douze mois précédant l’arrêt maladie au titre du calcul du complément de salaire dû par l’employeur,

— qu’elle infirme le jugement entrepris en ce qu’il a jugé qu’elle avait été remplie de ses droits,

— qu’elle condamne la société Y à indemniser le retard de paiement des indemnités de complément maladie,

— qu’elle confirme le jugement entrepris en ce qu’il a jugé la société Y redevable de la prime 'boni',

— qu’elle infirme le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de solde du plan 'boni',

— qu’elle la dise et juge bien-fondée à solliciter la condamnation de la société Y au titre du solde de la prime boni à hauteur de 580 €,

— qu’elle infirme le jugement entrepris en ce qu’il a jugé sa demande portant sur la contrepartie obligatoire en repos partiellement prescrite,

— qu’elle la dise et juge recevable et bien fondée à solliciter la condamnation de la société Y au titre du solde de la contrepartie obligatoire en repos,

— qu’elle infirme le jugement entrepris en ce qu’il a qualifié la rupture du contrat de travail en démission,

— qu’elle dise et juge que la société Y s’est rendue coupable de manquements graves à son égard ne permettant pas la poursuite de la relation contractuelle,

— qu’elle dise et juge que la prise d’acte de rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en conséquence, condamne la société Y à lui verser :

' à titre de retard sur les versements d’indemnité de prévoyance : 248 €,

' à titre de solde d’indemnités de contrepartie obligatoire en repos : 2155,77 € outre 215,58 € au titre des indemnités de congés payés y afférent,

' à titre de solde de prime plan boni : 580 €,

' à titre d’indemnité de licenciement : 11'361,23 €

' à titre d’indemnité compensatrice de préavis : 12'623,55 € outre indemnités de congés payés y afférent pour 1 262,35 €,

' à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 162 002, 23 €

' à titre de préjudice moral découlant des conditions brusques et vexatoires de la rupture : 25'000€,

' à titre d’indemnité de congés payés pendant l’arrêt maladie (10 jours) : 966,70 €,

' à titre de dommages-intérêts résultant de la discrimination sexuelle : 532'000 €,

' à titre de résistance abusive et attitude malveillante : 20'000 €,

' frais d’huissier dans le cadre de la procédure de référé et du fond : 684,71 €,

' dommages-intérêts pour manquement de l’employeur au titre de la formation

professionnelle : 15'000 €,

' dommages-intérêts pour manquement de l’employeur au titre de l’entretien professionnel : 30'000 €,

— qu’elle déboute la société Y de l’ensemble de ses conclusions, fins et moyens,

— qu’elle la condamne à lui verser 7 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Selon conclusions du 4 juin 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’intimée, la SAS Y sollicite :

— confirmation du jugement du 3 juillet 2017, sauf en ce qu’il a :

*condamné Y à payer à A Z la prime de plan boni à hauteur de 1 160 €,

*+condamné Y à payer à A Z 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

*débouté Y de ses demandes reconventionnelles,

— par conséquent :

*débouté de A Z de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

*condamnation de A Z à lui verser 1 000 € à titre de dommages et intérêts,

* condamnation de A Z à lui verser 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

1. Sur l’imputabilité de la rupture du contrat de travail.

A Z reproche à son employeur, pour lui imputer la prise d’acte de la rupture du contrat de travail et considérer qu’elle s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, les griefs suivants :

— un harcèlement moral,

— une discrimination sexuelle,

— le défaut de paiement de salaires : depuis 2013, s’agissant de contreparties obligatoires en repos, depuis 2015, s’agissant d’une prime dite plan «boni», des indemnités complémentaires de maladie en 2016,

— la résistance de l’employeur au règlement du salaire du mois d’août 2016,

— les manquements de ce dernier au titre d’une vidéo-surveillance illégale et abusive sur le lieu de travail.

1.1S’agissant du harcèlement moral et des abus invoqués en termes de vidéo-surveillance, qu’elle qualifie de management abusif, A Z produit des attestations d’anciens

salariés de Y, lesquelles décrivent, d’une façon générale, un comportement hautain et intrusif de M-N O, président de Y, et de son épouse, secrétaire, notamment au moyen de la surveillance exercée sur les salariés par le visionnage de caméras de vidéo surveillance, et plus précisément, s’agissant de A Z, la remise en question de ses instructions au personnel, des appels téléphoniques en dehors de son temps de travail. En outre, elle fait état de propos déplacés de la part de M-N O, à son égard, et même de gestes déplacés, soit : la simulation à plusieurs reprises avec la main de sa mise en joue, ces derniers éléments n’étant eux, pas objets des attestations, mais seulement affirmés par l’appelante.

Toutefois, l’ensemble de ces éléments, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer de l’existence d’un harcèlement, au sens de l’article L 1154-1 du code du travail. En effet :

— les attestations produites par A Z, peu précises quant aux faits et épisodes relatés, mal situés dans le temps, témoignent pour l’essentiel d’un comportement imputé à l’employeur d’ordre général, et non, particulièrement à l’égard de la salariée, d’agissements répétés ayant pour objet ou effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre

son avenir professionnel : il en est ainsi des propos des témoins de A Z, relatifs à l’arrogance prétendue de M-N O, au fait que son épouse, en même temps sa secrétaire, interviendrait au cours du service, et à des moments de forte affluence, pour obtenir des repas ou demander inopportunément l’exécution de tâches, qu’ils exerceraient, au moyen d’un système de vidéo surveillance dont les autorisations administratives n’avaient pas été renouvelées (ce qui est indifférent au litige, puisque ce n’est pas la validité du système mais son utilisation qui est ici critiquée) une surveillance déplacée des salariés, ces faits ne concernant à l’évidence pas la seule A Z, mais l’ensemble du personnel ;

— elles sont par ailleurs contredites, tout comme plus généralement les allégations de l’appelante, par les attestations versées aux débats par l’intimée, lesquelles ne sauraient être suspectées d’insincérité, au motif invoqué par A Z, qu’elles émanent de salariés, anciens salariés, et partenaires professionnels de l’employeur, ces qualités n’impliquant pas nécessairement la soumission, ou la malhonnêteté, attestations témoignant au contraire du souci de M-N O de veiller au bien-être des salariés, d’être à leur écoute, de leur octroyer des conditions financières avantageuses, en ce compris des prêts, et réfutant les comportements déplacés ou malveillants imputés à celui-ci ou à son épouse ;

— surtout, les allégations de A Z se trouvent contredites par l’absence de tout signalement à ou par la médecine du travail ou les délégués du personnel (fonction occupée non seulement par l’un des témoins de A Z, C D, mais par A Z elle-même), ainsi qu’il résulte des extraits du registre des délégués du personnel et du courrier du médecin du travail, du 6 janvier 2016, cette dernière indiquant s’agissant de son «analyse sur les risques psychosociaux de (l') établissement», qu’ayant eu en charge le suivi des salariés de janvier 2009 à août 2016, elle n’avait «pas eu d’alerte concernant le collectif faite dans votre établissement concernant ces risques psychosociaux ni d’alerte individuelle (avec l’accord du salarié)». Si, ainsi que le rappelle à juste titre l’appelante, un signalement nominatif de harcèlement moral ne peut être réalisé qu’avec l’accord de celui qui s’en dit victime, accord, qui, par crainte de compromettre son emploi pourrait ne pas être donné, il n’en demeure pas moins qu’une alerte ou un signalement préservant l’anonymat peut et doit être réalisé par le médecin du travail ou le délégué du

personnel, dès lors qu’il y serait confronté, ce qui n’a jamais été réalisé en l’espèce ;

— ces allégations sont encore et également contredites par :

* le courrier qu’adressait elle-même A Z à M-N O, le 17 avril 2013, écrivant : « j’ai le plaisir de travailler dans votre entreprise depuis plus de huit ans et ai eu, au cours de ces années de multiples opportunités de m’enrichir professionnellement. Cet enrichissement professionnel m’a permis de

m’affirmer dans le poste que j’occupe’ je vous remercie de la confiance que vous me témoignez à travers les différentes tâches que vous me confiez» courrier établi dans le cadre d’une demande de congé individuel de formation, s’inscrivant elle-même «comme un élément fondamental dans les perspectives d’évolution de carrière telle que vous me les avez décrites lors d’un récent entretien»;

* le prêt sollicité et obtenu en février 2015 par A Z auprès de Y, 1 500 € remboursables à hauteur de 125 € mensuels,

tous éléments témoignant d’un satisfecit donné par la salariée à la qualité des relations de travail entretenues avec son employeur, de la confiance de celui-ci envers sa salariée, nécessairement incompatibles avec les critiques désormais imputés par celle-ci à celui-là ;

— elles le sont enfin par la volonté de l’employeur, qui dans une situation particulièrement difficile pour l’entreprise, perdant brusquement la franchise Quick, et afin de retrouver dans l’urgence, pour sauvegarder plusieurs dizaines d’emplois et la pérennité de l’entreprise, une nouvelle franchise (KFC), et qui devait le 29 février 2016, en quelques heures, après la défection soudaine de celui qui était désigné pour ce poste, trouver et proposer à son nouveau partenaire un ' opérateur principal’ (statut correspondant à celui de chef d’entreprise du commerce franchisé, dans le réseau KFC, fonction éminente pour le franchiseur, exigeant au préalable une formation et une certification dispensées par KFC sur quatre à six mois), décidait de solliciter A Z ; ce choix témoignait nécessairement de la confiance et de l’estime de l’employeur pour cette salariée, par définition exclusif du comportement du harcèlement moral que celle-ci allègue à son encontre. Ce choix est attesté par les personnes alors réunies en 'cellule de crise'(sic), et qui ont cherché à joindre A Z pour recueillir son accord (outre M-N O, E F, le directeur opérationnel du groupe auquel appartenait Y, supérieur hiérarchique de l’appelante, K L, le consultant externe en ressources humaines, l’avocat de l’entreprise), et G H, salarié de l’entreprise, occupant des fonctions identiques à celles de A Z, de responsable de site, à Furiani, qui devait être contacté pour, finalement, se voir proposer et accepter la fonction d’opérateur principal, après que l’appelante, multiplement contactée téléphoniquement, devait, selon l’attestation F, décliner la proposition, pourtant constitutive d’une promotion.

1.2 S’agissant de la discrimination sexuelle, A Z fait valoir que celle-ci s’évince de la comparaison de sa carrière avec celle de E F, qui a bénéficié 'du poste vacant au sein de l’entreprise', de même qu’il a, selon elle, occupé un poste défini comme celui de directeur et bénéficié du statut de cadre, ce dont elle n’a pas bénéficié. De même, que I J, occupant un même poste que le sien, mais à Furiani, de responsable de site, est classée

niveau 4 échelon 4 et bénéficie du statut de cadre, ou encore G H, occupant des fonctions de manager niveau 4 échelon 1, lorsque elle-même, embauchée aux mêmes fonctions, était au niveau 3 échelon 3, discrimination perdurant en 2016, puisque pour un même indice (niveau 4 échelon 1), lui était désigné en qualité de cadre, et elle d’agent de

maîtrise. Elle reproche enfin à l’employeur d’avoir délibérément écarté tout salarié de la promotion aux fonctions d’opérateur principal, dans le cadre de l’opération d’adhésion à la franchise KFC, et « en particulier Madame Z, caractérisant la discrimination liée au sexe de l’employée victime».

Or, en invoquant pêle-mêle : les situations d’embauches en 2005, en qualité de manager, d’elle-même et de G H, nécessairement prescrites en application L1134-5 du code du travail ; la proposition, agréée par le franchiseur, de désigner au poste d’opérateur principal le même G H, le 29 février 2016, et en indiquant à cet égard que le reproche est ici d’avoir « délibérément écarté tout salarié … de cette promotion», discrimination qui, par définition, et de son propre aveu, ne la concernerait pas individuellement et à raison de son sexe ; la qualification de sa collègue, I J, dont là encore par définition, la féminité exclut qu’une discrimination entre elles soit de nature sexuelle ; la carrière de E F, lequel n’a jamais été directeur ou responsable de site, mais était le supérieur hiérarchique de A Z, en qualité de directeur régional, celle-ci, et indépendamment de la discussion que fait utilement l’intimée des affirmations de l’appelante, ne soumet pas au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement, au sens de l’article L 1134'1du code du travail.

Il n’y a ainsi pas lieu, et sans qu’il soit nécessaire ni utile d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, de considérer que A Z a été victime d’une discrimination sexuelle, au cours de sa carrière au sein de Y, rappels étant ici faits, afin d’être complet :

* que la promotion aux fonctions d’opérateur principal lui était, le 29 février 2016, destinée, et qu’elle n’a échu à G H que par son refus de l’accepter, ainsi qu’il résulte des attestations de E F, G H et K L, et des réponses faites par M-P Q, à une sommation interpellative du 23 janvier 2017, avocat, à l’époque du 29 février 2016 de Y, dont il n’est pas établi par l’appelante, autrement que par des protestations, qu’elles aient été mensongères et concertées dans le dessein de lui nuire, d’une part,

* et d’autre part, qu’aucun signalement à un délégué du personnel (A Z ayant elle-même occupé ces fonctions) ou à l’inspection du travail n’a jamais été réalisé, pas davantage qu’au

cours des réunions des délégués du personnel, ainsi qu’il en est justifié en procédure, des difficultés de cet ordre n’ont été évoquées.

Partant, l’appelante sera déboutée de sa demande en indemnisation du préjudice né de la discrimination sexuelle invoquée, à hauteur de 532 000 €.

1.3 S’agissant des manquements de l’employeur en terme de rémunération :

1.3.1 Concernant les contreparties obligatoires en repos :

' s’agissant de leur paiement à l’issue de la relation contractuelle, il ne saurait être imputé à faute à l’employeur, puisque le droit à indemnisation de la contrepartie obligatoire en repos ne naît, et n’a d’ailleurs été invoqué par la salariée, qu’à la fin du contrat de travail, et en compensation du repos qui n’a pu être pris auparavant.

' Quant à leur montant, Y invoque à bon droit antérieurement au mois d’août 2013, la prescription triennale prévue par l’article L 3245'1 du code du travail, sans que A

Z puisse opposer le défaut de respect par l’employeur de l’information prévue à l’article D 3171'11 du code du travail, relatives à l’ouverture du droit au repos et aux modalités de leur bénéfice, dès lors que s’il est exact que dans ce cas, le délai de prescription ne peut courir qu’à compter du jour où le salarié a eu connaissance de ses droits, A Z, contractuellement chargé de l’établissement des bulletins de paie, et présidant désormais, une SASU dénommée 'Essentiel RH et Conseils', constituée selon acte sous-seing privé du 3 mai 2018, dont l’objet social est le conseil aux entreprises et particuliers (pièces numéro 109 dossier intimée) avait nécessairement connaissance de ses droits à la contrepartie obligatoire en repos.

Dès lors, les parties n’étant pas contraires sur les modalités de calcul de l’indemnité, A Z a été remplie ses droits, puisque sur les 494,60 heures qu’elle réclamait à juste titre, pour la période 2013-2016, soit 9456,97 €, il lui a été réglé 9458,76 €, outre 945,88 € au titre des congés payés, en sorte qu’elle sera déboutée de sa demande en paiement à cet égard.

1.3.2 Concernant la prime dite 'plan boni', A Z considère, et impute à grief à l’employeur de ne l’avoir pas servie, qu’elle était due, nonobstant les difficultés financières de l’entreprise en 2015, puisque contractuellement prévue, et que le défaut de paiement constitue une modification unilatérale reprochable de ses conditions de rémunération. Elle sollicite pour le surplus, tenant la condamnation obtenue en première instance au paiement à cet égard à son profit de 1 160 €, la somme supplémentaire de 580 €.

Il résulte cependant des éléments versés aux débats que la prime dite’ plan boni', effectivement prévue pour certains salariés, dont A Z, constitue un «engagement unilatéral de l’employeur» (cf. Contrat de travail du 1er décembre 2010), dont les

conditions d’attribution ont été définies par une note de service, prévoyant que le seuil de déclenchement de son bénéfice est «le résultat’ au moins positif » de la société sur un exercice comptable allant du 1er juin de l’année au 31 mai de l’année suivante au cours duquel elle est versée, et que, « à défaut, la prime plan boni ne peut être versée», ce qui fut le cas pour l’exercice 2015, avec la perte de l’enseigne Quick, l’exercice clos au 31 mai 2016 s’étant soldé par une perte de 1'193'943,84 €, en sorte qu’aucun des salariés jusqu’ici bénéficiaires de cette prime depuis 2010, A Z comprise, ne l’a perçue.

C’est ainsi à tort que le conseil des prud’hommes d’Ajaccio a estimé que le droit à perception de la prime avait été «contractualisé», l’engagement unilatéral prévu au contrat pouvant être valablement défini dans un autre document, en l’espèce la note de service. Infirmation interviendra à cet égard, et A Z sera, par voie de conséquence, déboutée de sa demande en paiement du complément auquel elle prétend.

1.3.3 Concernant les indemnités complémentaires de maladie, A Z soutient dans ses écritures n’avoir reçu, au titre de la période du 21 au 31 août 2016 une somme de 479,95 € servie par Y, seulement le 24 septembre 2016, alors même que celle-ci disposait de ses indemnités dès le 6 septembre précédent ; que la deuxième partie des sommes dues, au titre des indemnités de prévoyance, n’a été versée qu’en octobre 2016 ; elle sollicite par conséquent 248 € 'à titre de retard sur les versements d’indemnité de prévoyance'.

Il convient cependant de relever :

— qu’au titre du complément maladie, le premier juge l’a déboutée de sa demande en paiement de 3 558,01 €, en considérant avec Y que celle-ci avait versé au-delà de la créance de la salariée, à concurrence de 201,89 € (240,76 € selon Y ). A Z ne contestant

pas à cet égard le jugement du 3 juillet 2017, et se trouvant plus que remplie de ses droits, elle est dès lors infondée à imputer à grief à son adversaire un retard de dix-huit jours entre la perception par l’employeur de sommes et leur envoi au salarié, retard en toute hypothèse postérieur à la prise d’acte de la rupture du 18 août 2016, et n’ayant donc pas pu la motiver.

— que les indemnités de prévoyance, à raison desquelles Y rappelle, sans être contredite par l’appelante, que cette dernière a trop-perçu 41,29 €, et que la période d’indemnisation a couru du 11 août 2016, à la rupture du contrat, le 20 suivant, sont dues par l’assureur, en l’espèce AG2R La Mondiale, et que Y justifiant avoir transmis à cette dernière sans retard ni faute, compte tenu de la date d’établissement par la sécurité sociale, au 25 août 2016, de l’attestation de paiement des indemnités journalières, les éléments nécessaires à

la prise en charge de la salariée, cette dernière est également infondée à imputer à l’employeur un retard fautif, inexistant, et en toute hypothèse, à nouveau, postérieur à la rupture du contrat.

S’agissant de la réclamation indemnitaire de 248 €, elle sera nécessairement rejetée, comme manquant de fondement, au regard des développements ci-dessus, et par ailleurs non explicitée dans son chiffrage par l’appelante.

Ainsi, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail ne peut être imputée à l’employeur, aucun des griefs articulés par A Z ne se trouvant établi, et s’analyse par conséquent en une démission, dès lors exclusive des revendications indemnitaires suivantes :

— l’indemnité de licenciement de 11 361,23 € ;

— l’indemnité compensatrice de préavis, et congés payés afférents, de respectivement, 12 623,55 € et 1 262,35 € ;

— dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour 162 002,23.

La demande de dommages-intérêts pour le préjudice moral découlant des conditions brusques et vexatoires de la rupture, pour 25000 €, sera également rejetée, dès lors que cette dernière s’analyse en une démission, exclusive d’une faute de l’employeur, et, partant, d’une obligation à indemniser un préjudice auquel il n’a pas contribué, à le supposer établi.

2. Sur les autres demandes.

2.1 Indemnité de congés payés durant l’arrêt maladie.

Il est sollicité à cet égard 966,70 €, sur la période d’arrêt maladie ayant débuté le 26 avril 2016. C’est cependant à juste titre, A Z au demeurant n’y répliquant pas, que l’employeur rappelle que la Convention collective applicable aux contrats de travail n’assimile pas les périodes d’arrêt maladie à du temps de travail effectif, au cours desquels des congés payés seraient susceptibles d’être acquis. L’appelante sera en conséquence déboutée de cette demande.

2.2 Dommages-intérêts au titre de la résistance abusive et malveillante de Y.

A Z explique à cet égard qu’à l’issue de la relation contractuelle, selon courrier du 6 septembre 2016, l’employeur lui a certes adressé les documents de rupture, mais, s’agissant de la rémunération, soit 14'886,69 €, seulement la photocopie du chèque, dont Y indiquait le remettre 'en compte CARPA dans l’attente de la

décision du conseil des prud’hommes', et que ce n’est qu’en suite d’une ordonnance de référé rendue le 16 novembre 2016 par la formation de référé du conseil de prud’hommes d’Ajaccio, condamnant Y au paiement de 14'886,69 €, outre 2 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, qu’elle a pu obtenir règlement de cette somme, en sorte qu’elle sollicite :

' 100 € par jour de retard portant sur le versement du salaire du mois d’août 2016, soit trois mois, correspondant à 9000 € ;

' 11'000 € à titre de préjudice distinct découlant des allégations et man’uvres malveillantes portant atteinte à son honneur et à sa respectabilité, Y ayant, notamment, contesté la réalité de son arrêt maladie.

Y considère pour sa part qu’ayant été destinataire de la requête de A Z, le 30 août 2016, devant le conseil des prud’hommes d’Ajaccio (sur le fond), elle en a reçu un «véritable choc compte-tenu des accusations graves et calomnieuses qu’elle comportait», expliquant par là l’absence de remise immédiate des sommes dues à l’issue de la relation contractuelle et indique par ailleurs qu’il n’est pas justifié d’un préjudice à hauteur de 20'000 € par son adversaire.

Y, quand bien même fût-elle «choquée» de la procédure engagée à son encontre, demeurait tenue de ses obligations légales de paiement de la rémunération du salarié, et ne pouvait retarder à son gré ce paiement, en sorte qu’elle a à cet égard commis une faute. Pour le reste, la discussion par Y de la réalité de l’arrêt maladie de l’appelante, ou du bien-fondé de ses prétentions est un droit qui, sauf abus ici non démontré, ne sauraient dans son exercice être imputé à faute.

Les éléments d’appréciation fournis à la cour lui permettent de fixer à 500 € l’indemnisation du préjudice né de la résistance abusive de Y.

2.3 Sur la demande de remboursement de frais d’huissier.

Il est réclamé à cet égard 684,71 euros, 'dans le cadre de la procédure de référé et du fond'. La demande est cependant sans objet, et doit être rejetée, dès lors que les frais d’huissier sont englobés dans les dépens, dont le sort a été réglé, s’agissant de la procédure de référé, par l’ordonnance du 16 novembre 2016, qui les a mis à la charge de l’employeur, et le seront ci-après dans le cadre de la procédure au fond par la présente décision.

2.4 sur la demande de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur au titre de la formation professionnelle.

A Z réclame de ce chef 15'000 €, expliquant n’avoir jamais bénéficié de formation spécifique, notamment en matière de gestion du personnel, et avoir dès lors subi en un préjudice, se trouvant en difficulté pour occuper un poste en rapport avec l’évolution de son activité.

Cette demande sera nécessairement rejetée dès lors que :

' Il est inexact que A Z n’a pas bénéficié de formation professionnelle, puisqu’elle a elle-même renoncé à suivre celles organisées à sa demande en 2013 (formation gestion du personnel), de même qu’elle n’a pas suivi celle à laquelle elle était inscrite de «formation direction KFC» en mai et juin 2016, puisque étant alors en arrêt maladie.

' Elle ne justifie pas de la réalité et du quantum du préjudice invoqué, aucun élément

d’appréciation n’étant fourni à la cour sur ce point, et alors même, qu’ainsi qu’indiqué ci-dessus, elle a créé depuis le 3 mai 2018 une société de conseil aux entreprises et aux particuliers.

2.5 sur la demande dommages-intérêts pour manquement de l’employeur au titre de l’entretien professionnel.

Il est réclamé à cet égard 30'000 €, A Z expliquant qu’elle n’avait jamais bénéficié d’entretiens professionnels, qui lui auraient permis de développer la qualification nécessaire à ses fonctions et d’assurer l’évolution de son poste.

La demande ne peut qu’être rejetée, la cour relevant davantage :

' que l’appelante écrivait elle-même 17 avril 2013 à M-N O venir l’informer d’un projet professionnel lui tenant à c’ur, s’inscrivant comme un élément fondamental dans les perspectives d’évolution de sa carrière «telle que vous me les avez décrites lors d’un récent entretien», supposant par définition la tenue d’au moins un entretien antérieurement à ce courrier ;

' que le préjudice découlant d’une obligation, impérative depuis 2014 seulement, d’organiser des entretiens professionnels, n’est pas justifié, non seulement en son principe mais pas davantage en son quantum, étant rappelé que A Z a connu une évolution satisfaisante dans l’entreprise, passant des fonctions de manager à celles de responsable de site, qu’elle avait la confiance de son employeur, qui lui proposait, en février 2016, une promotion conséquente, qu’elle a refusée.

2.6 sur la demande en réparation de préjudice moral.

Y réclame cet égard 1 000 €, en raison des «accusations portées par A Z contre son employeur’ très graves et (qui) ont porté atteint à sa réputation et son honneur».

La procédure initiée par A Z, quand bien même y a-t-elle succombé en première instance pour l’essentiel, ainsi qu’en appel aux termes de la présente décision, ne peut être considérée comme abusive, ni dans son principe, ni dans l’articulation de ses moyens et allégations. Par ailleurs, il n’est pas justifié par l’intimée de la réalité du préjudice invoqué ni de son ampleur.

La demande sera donc rejetée.

3. Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

A Z succombant pour l’essentiel, elle devra être tenue aux dépens, d’instance et d’appel.

L’équité, ainsi que l’économie du litige, justifie par ailleurs l’infirmation du jugement du 3 juillet 2017, en ce qu’il lui a alloué 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et sa condamnation au paiement de 1 500 € en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes d’Ajaccio du 3 juillet 2017, sauf en ses dispositions relatives au paiement de la prime 'plan boni', au rejet d’indemnisation du préjudice pour résistance abusive, et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE la SAS société de restauration rapide insulaire (Y) à payer à A Z 500 € au titre de sa résistance abusive à payer les sommes dues en fin de contrat,

REJETTE la demande de A Z relative au bénéfice de la prime 'plan boni',

REJETTE la demande en dommages-intérêts de la SAS société de restauration rapide insulaire (Y),

CONDAMNE A Z à payer 1 500 € à la SAS société de restauration rapide insulaire (Y) en l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE A Z aux dépens d’instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 3 octobre 2018, n° 17/00179