Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 16 novembre 2010, n° 10/00788

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Besançon, ch. soc., 16 nov. 2010, n° 10/00788
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 10/00788
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Belfort, 18 mars 2010
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

XXX

COUR D’APPEL DE BESANCON

— XXX

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2010

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 21 septembre 2010

N° de rôle : 10/00788

S/appel d’une décision

du Conseil de Prud’hommes de BELFORT

en date du 19 mars 2010

Code affaire : 80A

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

B C

C/

SA KEYENCE FRANCE

XXX

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur B C, demeurant XXX à XXX

APPELANT

COMPARANT EN PERSONNE, assisté par Me Sylvie TISSERAND-MICHEL, avocat au barreau de BELFORT

ET :

S.A. KEYENCE FRANCE, ayant son siège social Le Doublon – XXX à XXX

INTIMEE

REPRESENTEE par Me Martine SCHMUCK, avocat au barreau de MULHOUSE

XXX, ayant son siège social SERVICE CONTENTIEUX – XXX à XXX

PARTIE INTERVENANTE

REPRESENTEE par Me Bernard VANHOUTTE, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 21 Septembre 2010 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur D E

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et M. Laurent MARCEL, Vice-président placé, délégué dans les fonctions de Conseiller par ordonnance de Monsieur le Premier Président

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur D E

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et M. Laurent MARCEL, Vice-président placé, délégué dans les fonctions de Conseiller par ordonnance de Monsieur le Premier Président

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt serait rendu le 9 novembre 2010 et prorogé au 16 novembre 2010 par mise à disposition au greffe.

**************

Monsieur B C a été embauché à compter du 2 novembre 1998 par la SA Keyence France en qualité d’ingénieur commercial, position cadre coefficient 325 de la convention collective import – export, suivant contrat à durée indéterminée en date du 28 septembre 1998.

Par avenant en date du 1er juillet 2001, il a été promu au poste de responsable régional des ventes secteur Est, coefficient 350.

Sa rémunération se composait aux termes du dernier avenant en date du 24 août 2007 d’un salaire fixe de 4 750 € brut mensuel et d’une prime sur objectifs trimestriels.

Il bénéficiait en outre d’un avantage en nature constitué par la mise à disposition d’un véhicule de fonction pour ses déplacements professionnels.

Après avoir fait l’objet le 30 avril 2008 d’un avertissement pour insuffisance de résultats, suivi le 15 mai 2008 d’une convocation à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pour des mentions inexactes relevées dans son rapport d’activité du 4 avril 2008 et le 23 juin 2008 d’une lettre d’observations écrites le mettant en garde quant à la nécessité de renseigner avec exactitude ses comptes-rendus d’activité, il a été convoqué le 24 juillet 2008 à un entretien préalable au licenciement fixé au 6 août 2008, et licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 août 2008, reçue le 11 août 2008, avec dispense d’exécution de son préavis de trois mois, pour transmission réitérée le 4 juin 2008 d’un rapport d’activité contenant des informations fausses relatives à des visites effectuées par lui en entreprise les 28 avril et 7 mai 2008.

Le 10 décembre 2008, Monsieur B C a saisi le conseil de prud’hommes de Belfort aux fins d’obtenir paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral exceptionnel, demandes complétées en cours d’instance par une demande d’annulation de l’avertissement du 30 avril 2008 et de rappel de salaires.

Par jugement en date du 19 mars 2010, auquel il est référé pour un plus ample exposé des faits et de la procédure ainsi que pour les motifs, le conseil a :

— débouté Monsieur B C de sa demande d’annulation de l’avertissement,

— dit que le licenciement de celui-ci était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamné la SA Keyence France à lui payer une indemnité de 50 000 € à ce titre, en application de l’article L 1235-3 du code du travail,

— ordonné à ladite société le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois, en application de l’article L 1235-4 du code du travail,

— débouté Monsieur B C du surplus de ses demandes,

— condamné la SA Keyence France à verser à celui-ci une somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur B C a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 25 mars 2010.

Il demande à la cour de confirmer celui-ci en ce qu’il a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de l’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau de :

— prononcer l’annulation de l’avertissement du 30 avril 2008 fondé sur des données chiffrées erronées,

— condamner la SA Keyence France à lui payer les sommes suivantes :

* 158 400 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 75 000 € en réparation du préjudice moral exceptionnel qu’il a subi du fait des pressions, humiliations et brimades de l’employeur,

* 42 000 € à titre de rappels de salaires pour la période 2002 à 2007,

* 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient en substance à l’appui de son recours :

— que l’arrivée d’un nouveau directeur général s’est traduite par la fixation d’objectifs de chiffre d’affaires irréalisables en progression de 50% voire 100%, et par différentes pressions exercées à partir de 2007 en vue de le pousser à la démission, telles que la mainlevée de la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat de travail le 23 février 2007, l’envoi de mails agressifs, des critiques répétées et infondées lors de réunion de travail en présence de ses collaborateurs, une tentative de modification de ses attributions par mail du 10 janvier 2008, une demande de communication du nombre de points de son permis de conduire, une modification de sa carte 'Flying’ Air France… ;

— que ces pressions répétées ont entraîné une altération de son état de santé à partir de mai 2008 et un arrêt maladie pour dépression réactionnelle qui l’a amené à consulter le médecin du travail et à déposer une plainte pour harcèlement moral ;

— que l’avertissement qui lui a été adressé le 30 avril 2008 pour insuffisance de résultats s’appuie sur des chiffres falsifiés concernant la croissance de l’agence de l’Est placée sous sa responsabilité ;

— que les griefs énoncés à l’appui de son licenciement ne sont ni réels ni sérieux, que les visites en date des 1er avril, 28 avril et 7 mai 2008 mentionnées dans ses rapports d’activité en date des 4 avril et 4 juin 2008 ont bien eu lieu, ainsi qu’en attestent ses interlocuteurs et que les contradictions relevées entre les heures de rendez-vous indiquées et les justificatifs de frais produits procèdent d’aléas indépendants de sa volonté (retard du client – interruption de réunion), détails qu’on ne peut sérieusement lui reprocher de n’avoir pas mentionnés dans son rapport d’activité après dix ans de bons et loyaux services et d’excellents résultats ;

— que le préjudice moral et financier qu’il a subi est très largement supérieur à l’indemnité minimale de six mois de salaire allouée par les premiers juges ;

— que ses primes et bonus ont été calculés par la société à partir de données de croissance de chiffre d’affaires erronées justifiant l’octroi d’un rappel de salaires au titre de la période 2002 à 2007.

L’institution nationale Pôle emploi demande à la cour de condamner la SA Keyence France, dans le cas où le licenciement serait jugé sans cause réelle et sérieuse, à lui rembourser la somme de 22 299,46 €, correspondant aux indemnités de chômage versées à Monsieur B C du 1er février 2009 au 1er août 2009 et à lui verser une indemnité de 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La SA Keyence France a relevé appel incident par conclusions visées au greffe le 2 août 2010.

Elle demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit le licenciement de Monsieur B C sans cause réelle et sérieuse et l’a condamné à verser à celui-ci des dommages et intérêts à ce titre ainsi qu’une indemnité de procédure, et à rembourser les indemnités de chômage perçues par lui dans la limite de six mois, de débouter celui-ci de l’ensemble de ses demandes de même que Pôle emploi, et de le condamner à lui verser une indemnité de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle maintient que les résultats de l’agence de l’Est de la France dont Monsieur B C avait la responsabilité étaient insuffisants et en deçà des espérances de la société en termes de pourcentage de croissance du chiffre d’affaires, et que l’avertissement qui lui a été adressé le 30 avril 2008 était parfaitement justifié.

Elle conteste point par point les allégations de l’appelant quant aux pressions et au harcèlement moral dont il aurait fait l’objet depuis l’arrivée de Monsieur A en qualité de directeur général, allégations qui reposent selon elle sur des témoignages de complaisance, et fait observer en sens contraire que l’intéressé a bénéficié de 2004 à 2008 d’une progression constante de sa rémunération et d’un véhicule de fonction haut de gamme (Audi A6).

S’agissant du licenciement, elle fait observer que celui-ci n’a pas été prononcé pour faute grave, que Monsieur B C a perçu une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité conventionnelle de licenciement, que les inexactitudes et contradictions réitérées dans ses rapports d’activité, en dépit d’un rappel à l’ordre antérieur, caractérisent un manquement de celui-ci à son obligation de loyauté, que les courriels et attestations qu’il produit à l’appui de ses allégations n’ont pas de caractère probant, de sorte que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse eu égard à ses antécédents disciplinaires.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que le préjudice subi par l’appelant est sans rapport avec les dommages et intérêts qu’il réclame, puisqu’il n’a subi que six mois de chômage et ne justifie pas de recherches d’emploi pendant cette période.

Enfin elle conteste le bien-fondé de la demande de rappels de salaires et de commissions, qui est pour partie prescrite et qui repose, selon elle, sur des données comptables inexactes, en ce que les chiffres d’affaires servant de base au calcul des barèmes s’entendent déduction faite des frais de transports facturés aux clients.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’avertissement du 30 avril 2008

Aux termes de celui-ci, il est fait grief à Monsieur B C d’une insuffisance de résultats caractérisée notamment par une progression du chiffre d’affaires du secteur Est limitée à 28,9% entre les exercices du 1er mars 2002 au 28 février 2003 (1 444 254 €) et du 1er mars 2007 au 29 février 2008 (1 862 137 €) alors que celle du secteur du siège social de Courbevoie a été de 146,4% et celle du secteur Ouest de 90,7%.

Dans un courrier en date des 9 mai 2008, Monsieur B C a formellement contesté cet avertissement et sollicité le retrait de celui-ci, faisant valoir que la progression de son chiffre d’affaires entre les exercices 2002/2003 et 2007/2008 était de 102,4%, à peine inférieure à celle de 103,9% enregistrée par la région Nord/Paris/Centre, et supérieure à celle enregistrée par le secteur de Lyon Sud Est.

Il résulte des pièces produites aux débats par la société Keyence France (attestations de son expert comptable en date du 16 avril 2009 pièce n°66) que la progression du chiffre d’affaires du secteur Est invoquée par celle-ci repose sur des chiffres erronés puisque celui pris pour base de 1 444 254 € correspond à l’exercice 2003-2004, et non pas à l’exercice 2002/2003, lequel était de 919 896 € comme l’indique l’appelant à l’appui de sa contestation.

La progression de son chiffre d’affaires était donc bien de plus de 100% au cours de la période considérée.

L’avertissement décerné était d’autant plus injustifié qu’il résulte des termes de l’attestation susvisée :

— que la progression du chiffre d’affaires de son secteur au cours des deux derniers exercices a été supérieure à 10% ;

— que les objectifs fixés au titre de l’exercice 2007/2008 ont été réalisés à 93,95% après que la direction ait bien voulu admettre que la progression attendue au titre de l’exercice précédent (+54%) était quelque peu exagérée ;

— que la non-atteinte des objectifs fixés ne peut justifier une sanction disciplinaire que dans la mesure où elle est imputable à des carences du salarié dans l’accomplissement de ses missions, celles-ci ne pouvant résulter de la seule comparaison de ses performances avec celles d’autres responsables régionaux, tous les secteurs n’ayant pas le même potentiel de croissance ni les mêmes moyens pour le développer et les explications et pièces fournies à cet égard par la société étant insuffisants à emporter la conviction.

La demande d’annulation de l’avertissement est donc parfaitement justifiée et il convient d’y faire droit.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement notifiée le 9 août 2008 à Monsieur B C qui fixe les limites du litige est fondée exclusivement sur des contradictions relevées entre les mentions d’un rapport d’activité du 4 juin 2008, relatives à deux visites de clients en date des 28 avril et 7 mai 2008 et deux pièces produites par lui à l’appui d’un remboursement de frais, à savoir un ticket de carburant daté du 28 avril 2008 à 16h17, et un ticket de boulangerie daté du 7 mai 2008 à 12h17, correspondant à des achats effectués respectivement à 7,73 km et 6,36km du lieu de rendez-vous chez le client.

S’agissant d’un cadre supérieur, responsable régional, ayant dix ans d’ancienneté, qui venait de faire l’objet quelques semaines auparavant d’un avertissement pour insuffisance de résultats fondé sur des données comptables grossièrement erronées, légitimement contesté par l’intéressé, de tels griefs constituent à l’évidence de fallacieux prétextes destinés à 'habiller’ une rupture envisagée depuis plusieurs mois si l’on se réfère à la chronologie des événements ayant affecté les relations contractuelles, telle qu’elle résulte des écritures et pièces produites aux débats, à commencer par le courrier en date 23 février 2007 de la direction générale, libérant le salarié de la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat du 28 septembre 1998, initiative qui ne peut s’analyser autrement que comme une invitation à rechercher un autre emploi.

Il est établi d’autre part :

— que cette initiative s’accompagnait parallèlement de critiques et mise en cause répétées des compétences de manager de Monsieur B C par la direction au cours de réunions commerciales, de pressions quotidiennes par courriers électroniques exercées sur les membres de l’équipe commerciale (attestations Petegnief – Laluet – Girard-Suard) qui ont amené certains à démissionner ;

— que deux anciens cadres commerciaux de la société, Monsieur H I et Monsieur J K, ayant une ancienneté de plusieurs années dans l’entreprise attestent que les mêmes méthodes de 'management’ leur ont été appliquées (dénigrement, attaques, pressions répétées, contrôle tatillon de leurs notes de frais et rapprochement avec les heures de visites clients…) en vue d’aboutir à leur départ de la société par démission pour l’un, et à défaut, par licenciement pour l’autre ;

— que parmi les pressions exercées figure en particulier l’exigence par Monsieur X, directeur général, de communication du nombre de points de permis de conduire par mail en date du 3 septembre 2007 adressé à plusieurs collaborateurs dont Monsieur B C, suivi d’un rappel le 5 septembre 2007, qualifié de 'haute’ importance.

Il importe d’observer surtout que la direction générale a engagé dès le 15 mai 2008, soit moins d’une semaine après la contestation par le salarié de l’avertissement injustifié qui lui avait été notifié le 30 avril 2008, une nouvelle procédure disciplinaire avec entretien préalable cette fois, pour transmission d’un faux rapport d’activité concernant la matinée du 1er avril 2008, qui n’a abouti en définitive, suite aux justificatifs fournis par Monsieur B C concernant la réalité de la visite effectuée auprès du professeur Nardin de l’université de Franche-Comté ce matin là, à une simple lettre d’observations écrites du 23 juin 2008, lui demandant à l’avenir de renseigner avec exactitude ses compte-rendus d’activité (sous entendu 'à la minute près’ puisqu’il s’agissait en l’espèce d’un rendez-vous fixé à 8 heures, honoré avec dix minutes de retard).

Or la convocation à entretien préalable au licenciement qui lui a été adressée le 24 juillet 2008 pour le 6 août 2008 concernait des anomalies et contradictions relevées dans un rapport d’activité du 4 juin 2008 concernant des visites effectuées par lui en entreprise les 28 avril et 7 mai 2008, dont l’employeur devait envisager, au regard des justifications apportées par le salarié concernant la visite du 1er avril 2008, qu’elles relevaient de modifications d’horaires ou d’aléas divers non mentionnés dans les rapports, et ne pouvait donc de bonne foi les considérer comme une réitération des faits ayant déjà donné lieu à une mise en garde de nature à justifier un éventuel licenciement puisque celle-ci n’était intervenue que postérieurement à ceux-ci le 23 juin 2008.

Il ne fait dès lors aucun doute que la volonté de l’employeur d’aboutir à une rupture du contrat de travail était préexistante aux griefs invoqués à l’appui de celle-ci.

En tout état de cause, il est démontré par les documents et pièces produits par le salarié que ceux-ci ne sont ni réels ni sérieux.

Monsieur B C établit en effet par des mails de confirmation qui lui ont été adressés par Monsieur Y, directeur de la société Ermap vibrations de Franois (pièce n°26) et de Monsieur Z, président de AC automation à Bonnetage (pièce n°21), qu’il a bien effectué les visites mentionnées dans son rapport d’activité du 4 juin 2008 aux dates des 28 avril et 7 mai 2008 et que les tickets de carburant et de boulangerie correspondent à des achats effectués avant le début de la première visite, qui n’a pu commencer qu’avec retard, et pendant une interruption de la seconde, pour la pause de midi.

Le fait par un responsable régional, ou même par un simple ingénieur technico-commercial de ne pas mentionner sur son rapport d’activité les retards, interruptions de séance et aléas divers émaillant son planning journalier préétabli, dès lors que les rendez-vous prévus ont été honorés, ne peut en aucune façon constituer un motif réel et sérieux de licenciement.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré abusif le licenciement de Monsieur B C.

Au vu des justificatifs produits par celui-ci relatifs à son âge, à son ancienneté dans l’entreprise, au montant de sa rémunération (environ 80 000 € brut par an), à sa situation de demandeur d’emploi et à ses difficultés de réinsertion, il convient de lui allouer en réparation du préjudice financier subi par lui du fait de la rupture du contrat de travail une indemnité de 100 000 €.

Il est établi par ailleurs par la production de certificats médicaux du médecin traitant du salarié et du médecin du travail que les pressions exercées par l’employeur et les manoeuvres déloyales de celui-ci ont eu de graves répercussions sur son état de santé (malaise, état anxieux, dépressif) au cours des mois ayant précédé son licenciement.

Sa demande distincte de réparation du préjudice moral subi est donc fondée dans son principe.

Il convient d’y faire droit dans la limite d’une somme de 15 000 €.

La demande de remboursement d’indemnités de chômage de Pôle emploi est également justifiée et il y a lieu d’y faire droit pour son entier montant de 22 299,46 €.

Sur la demande de rappels de salaires

Les explications énoncées par l’appelant à l’appui de celle-ci sont pour le moins sibyllines, et le montant réclamé ne repose sur aucun décompte précis et intelligible, étayé en fait et en droit, susceptible d’emporter la conviction, ou à tout le moins, de constituer un motif légitime de recourir à une mesure d’instruction complémentaire.

Il convient en conséquence de confirmer la décision de rejet des premiers juges.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La SA Keyence France qui succombe sur l’appel supportera les entiers dépens de première instance et d’appel.

Il apparaît en outre inéquitable de laisser à la charge de Monsieur B C l’intégralité des frais irrépétibles qu’il a exposés dans l’instance et il sera fait droit à sa demande à ce titre à concurrence de la somme de 2 000 €.

P A R C E S M O T I F S

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme partiellement le jugement rendu le 19 mars 2010 par le conseil de prud’hommes de Belfort en ses dispositions contraires au présent arrêt ;

Statuant à nouveau sur l’ensemble des demandes des parties,

Prononce l’annulation de l’avertissement notifié le 30 avril 2008 à Monsieur B C ;

Dit que le licenciement de ce dernier en date du 9 août 2008 ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamne en conséquence la SA Keyence France à payer à Monsieur B C les sommes de :

— cent mille euros (100 000 €) en réparation du préjudice financier subi par lui du fait de la rupture abusive de son contrat de travail,

— quinze mille euros (15 000 €) en réparation du préjudice moral subi par lui du fait des pressions et des manoeuvres déloyales de l’employeur antérieures au licenciement ;

Condamne ladite société à rembourser à Pôle emploi la somme de vingt deux mille deux cent quatre vingt dix neuf euros et quarante six centimes (22 299,46 €), montant des indemnités de chômage versées au salarié licencié dans la limite de six mois ;

Déboute Monsieur B C du surplus de ses demandes indemnitaires et de sa demande de rappel de salaires ;

Condamne la SA Keyence France aux dépens de première instance et d’appel et à verser à Monsieur B C une somme de deux mille euros (2 000 €) et à Pôle emploi une somme de trois cents euros (300 €), en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le seize novembre deux mille dix et signé par Monsieur D E, président de chambre et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,

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